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Rapport | Doc. 13712 | 12 février 2015

Garantir un traitement intégral aux enfants présentant des problèmes d’attention

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Sílvia Eloïsa BONET PEROT, Andorre, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13055, Renvoi 3927 du 21 janvier 2013. 2015 - Commission permanente de mars

Résumé

Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est l’un des troubles de l’enfance le plus souvent diagnostiqués au niveau mondial. Garantir un diagnostic exact et un traitement approprié du TDAH est essentiel pour les enfants présentant un TDAH et leur famille, mais demeure un défi.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient s’attaquer aux facteurs de risque favorisant un diagnostic erroné du TDAH, notamment en assurant une formation appropriée des professionnels de santé et le plein respect des procédures de diagnostic. Ils devraient avoir une approche intégrale pour le traitement du TDAH, donner la priorité aux interventions comportementales et au soutien scolaire pour les enfants atteints du TDAH, et veiller à ce que les psychostimulants soient utilisés en dernier recours et toujours en association avec d’autres traitements.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable recommande aussi la réalisation et le financement de recherches sur les facteurs environnementaux intervenant dans le TDAH, ainsi que sur les résultats à court et à long terme des différentes possibilités de traitement, l’introduction de programmes d’identification précoces et une meilleure prise de conscience du TDAH.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 2 décembre
2014.

(open)
1. En 2000, préoccupée par le nombre croissant d’enfants chez qui un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) était diagnostiqué et qui étaient traités par des médicaments psychostimulants, l’Assemblée parlementaire a adopté la Recommandation 1562 (2002) «Contrôler le diagnostic et le traitement des enfants hyperactifs en Europe». Aujourd’hui, le TDAH est l’un des troubles de l’enfance le plus souvent diagnostiqués au niveau mondial, touchant 3,3 millions d’enfants et d’adolescents rien que dans l’Union européenne.
2. Les dix dernières années ont été marquées par une nette augmentation aussi bien de l’incidence du TDAH que de l’utilisation de psychostimulants pour le traiter. Si différents scénarios sont envisagés pour expliquer cette hausse, notamment un éventuel surdiagnostic, l’évolution des facteurs environnementaux, une meilleure prise de conscience du TDAH et un recours excessif au traitement médicamenteux, on attire également l’attention sur la possibilité d’un sous-diagnostic et d’une prise en charge insuffisante, du fait d’une formation inappropriée des soignants, des inégalités dans l’accès aux soins ainsi que de la stigmatisation du TDAH et des idées fausses qui l’entourent.
3. Le TDAH est un trouble complexe, dès lors difficile à évaluer, ce qui augmente d’autant plus le risque d’erreur diagnostique. En outre, son diagnostic continue de s’effectuer sur la base de deux séries différentes de critères, l’une adoptée par l’Association américaine de psychiatrie, l’autre, plus stricte, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’écart entre les deux continuant encore de se creuser.
4. La recherche sur le traitement du TDAH s’est essentiellement polarisée sur les interventions pharmacologiques, sans tenir suffisamment compte des autres possibilités de traitement, notamment les interventions psychosociales/comportementales destinées à enseigner des facultés permettant d’améliorer le comportement des enfants atteints de TDAH. Par ailleurs, la recherche sur les résultats à long terme associés aux différentes possibilités de traitement, y compris les effets indésirables liés à l’utilisation prolongée de stimulants sur les enfants, est quasiment inexistante. De la même manière, la recherche sur les aspects environnementaux est moins étoffée que les données qui corroborent le rôle de facteurs génétiques et biologiques dans l’étiologie du TDAH.
5. Aujourd’hui, il est de plus en plus admis que le TDAH requiert une approche thérapeutique multimodale intégrale, conjuguant les interventions médicale, comportementale et éducative, comprenant une sensibilisation des parents et des enseignants au diagnostic et au traitement, le recours à des techniques de gestion comportementale pour l’enfant, la famille et les enseignants, la mise en place d’un traitement médicamenteux, et d’un programme et d’un soutien scolaires. Les interventions multimodales se concentrent non seulement sur les symptômes du TDAH mais aussi sur les éléments connexes, tels que les difficultés scolaires, les problèmes familiaux, la faible estime de soi ainsi que la comorbidité.
6. En conséquence, l'Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:
6.1. à s’attaquer aux facteurs de risque favorisant un diagnostic erroné du TDAH, en veillant notamment à assurer:
6.1.1. une formation appropriée des professionnels de santé sur le diagnostic et la gestion adéquate du TDAH;
6.1.2. le plein respect des procédures de diagnostic figurant dans les lignes directrices nationales et internationales;
6.2. à suivre une approche intégrale pour le traitement du TDAH et à veiller à ce que les psychostimulants soient utilisés en dernier recours – et toujours en association avec d’autres traitements – en donnant la priorité aux interventions comportementales et au soutien scolaire;
6.3. à entreprendre et/ou financer la recherche sur les facteurs environnementaux intervenant dans le TDAH et promouvoir l’introduction de programmes d’identification et d’intervention précoces, de même que des études indépendantes et bien conçues sur le traitement du TDAH, en s’attachant aux domaines prioritaires suivants:
6.3.1. les résultats à court et à long terme des traitements psychosociaux et des autres traitements non pharmacologiques;
6.3.2. les résultats à long terme associés aux psychostimulants, notamment les effets indésirables à long terme des médicaments sur les enfants;
6.4. à identifier les causes sous-jacentes des disparités observées en termes de prévalence et de traitement du TDAH, et le cas échéant, à prendre des mesures à l’égard d’éventuels surdiagnostic, sous-diagnostic et prise en charge insuffisante dans ce contexte;
6.5. à favoriser une prise de conscience informée et une reconnaissance du TDAH, notamment en sensibilisant les parents et les enseignants à son diagnostic et à son traitement.
7. L’Assemblée invite également l’OMS à diffuser largement la nouvelle édition à venir de la Classification internationale des maladies et à se saisir de cette occasion pour renforcer l’adhésion aux critères plus stricts qui ont été proposés pour le diagnostic du TDAH, sur la base des dernières connaissances scientifiques en la matière.

B. Exposé des motifs, par Mme Bonet Perot, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Tous les enfants ont parfois des difficultés à se concentrer, oublient les consignes, interrompent les autres ou sont agités. Combien de parents s’entendent dire à leurs enfants: «Fais attention!», «Arrête de t’agiter!», «Ne m’interromps pas!»? Mais quand la difficulté «ordinaire» à rester concentré, à prêter attention ou à se contrôler devient préjudiciable et a une incidence sur la vie de leurs enfants, entraînant l’apparition de problèmes et de situations de détresse à l’école et à la maison, y compris dans leurs relations avec leurs camarades, il arrive alors que les parents se posent cette inquiétante question: mon enfant est-il atteint du «trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité» (TDAH) et si oui, dois-je lui faire suivre un traitement médicamenteux?
2. En 2000, préoccupée par le nombre croissant d’enfants chez qui un TDAH était diagnostiqué et qui étaient traités par des médicaments psychostimulants, l’Assemblée parlementaire a élaboré un rapport qui a conduit à l’adoption de sa Recommandation 1562 (2002) «Contrôler le diagnostic et le traitement des enfants hyperactifs en Europe». Constatant notamment que deux séries différentes de critères étaient appliquées pour diagnostiquer le TDAH et que les effets à long terme des médicaments psychostimulants employés pour le soigner étaient incertains, l’Assemblée a invité les Etats membres à coordonner et à accélérer les recherches sur la prévalence, les causes, le diagnostic et le traitement du TDAH, et surtout sur les effets à long terme des psychostimulants, ainsi que sur les facteurs sociaux, éducatifs et culturels éventuellement en cause.
3. Aujourd’hui, plus de dix ans après l’adoption de la Recommandation 1562 (2002), le TDAH est l’un des troubles de l’enfance le plus souvent diagnostiqués, touchant 5,29 % des enfants et des adolescents dans le monde 
			(2) 
			Polanczyk et coll., «The worldwide prevalence
of ADHD: a systematic review and metaregression analysis», American Journal of Psychiatry,
2007, 164: 942-8., soit 3,3 millions d’entre eux rien que dans l’Union européenne 
			(3) 
			Wittchen et coll., «The size and burden of
mental disorders and other disorders of the brain in Europe 2010», European Neuropsychopharmacology,
2011, 21:655-679.. La nette augmentation de l’incidence du TDAH ces dix dernières années s’est accompagnée d’une augmentation de l’utilisation de psychostimulants pour traiter ce trouble 
			(4) 
			Entre 2000 et 2012,
l’utilisation de stimulants a été multipliée par quatre au Royaume-Uni
et aux Pays-Bas. Des tendances similaires ont été observées dans
d’autres pays d’Europe mais dans une moindre mesure.. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a fait part de sa préoccupation face au nombre croissant d’enfants chez qui un TDAH ou une pathologie analogue sont diagnostiqués, entraînant une augmentation de la prescription de psychostimulants. Le Comité a recommandé d’affiner le diagnostic chez les enfants présentant ces problèmes et de prendre des initiatives tendant à assurer aux enfants diagnostiqués comme atteints de TDAH, ainsi qu’à leurs parents et à leurs enseignants, l’accès à un large éventail de traitements et de mesures d’ordre psychologique, éducatif et social 
			(5) 
			Observations finales
concernant la Norvège (2010), le Danemark et la Finlande (2011),
l’Islande (2012) et l’Australie (2012)..
4. Alors que, d’après certains experts, l’augmentation du nombre d’enfants chez qui un TDAH est diagnostiqué est due au fait que les professionnels de santé connaissent mieux la maladie et que les familles et les enseignants y sont davantage sensibilisés, d’autres y voient une inflation du diagnostic, conséquence d’une définition très large du TDAH (sur la base de critères de diagnostic assez vagues ou généraux) selon laquelle quasiment toute personne ayant un comportement indésirable persistant peut être considérée comme présentant un TDAH 
			(6) 
			Daniel
P. Hallahan, James M. Kauffman et Paige C. Pullen, «Exceptional
Learners: An Introduction to Special Education», Boston, MA: Pearson/Allyn
& Bacon, 2009.. Il est en outre suggéré que l’évolution des facteurs environnementaux, y compris l’attention excessive que requiert le système éducatif, la pression socio-familiale toujours plus grande vis-à-vis des résultats scolaires voire l’exposition aux médias électroniques 
			(7) 
			«[On
observe] un contraste de plus en plus saisissant entre le milieu
scolaire réglementé et exigeant et le monde numérique extrêmement
stimulant, dans lequel les jeunes passent leur temps une fois sortis
de l’école. La vie numérique, avec ses jeux aux multiples animations
et ses médias sociaux captivants, est un univers où le plaisir est
immédiat, où pratiquement tous les désirs et les rêves peuvent se
réaliser en un clin d’œil. En comparaison, l’école peut sembler encore
plus rébarbative pour un jeune en quête de nouveauté de ce début
du 21e siècle par rapport aux décennies précédentes,
et l’ennui que suscite le milieu scolaire peut accentuer l’inattention
des élèves.» «A natural fix for ADHD», Richard A. Friedman, New York Times, Sunday Review, 31
octobre 2014., joueraient un rôle dans l’augmentation du nombre d’enfants présentant un TDAH.
5. Paradoxalement, si le surdiagnostic du TDAH suscite de plus en plus d’inquiétudes, certains experts et groupes de défense sont quant à eux vivement préoccupés par le sous-diagnostic, observant qu’aujourd’hui encore beaucoup de personnes présentant un TDAH ne bénéficient pas d’un diagnostic ni d’un soutien appropriés, et ce pour des raisons diverses, tenant notamment à une formation insuffisante des soignants, aux inégalités dans l’accès aux soins ainsi qu’à la stigmatisation du TDAH et des idées fausses qui l’entourent.
6. S’agissant de l’augmentation de l’utilisation de psychostimulants, trois scénarios peuvent être envisagés: un diagnostic erroné du TDAH (y compris le surdiagnostic), une augmentation réelle du nombre d’enfants atteints de TDAH et un recours insuffisant aux autres traitements existants. Concernant ce dernier point, il pourrait en effet y avoir une tendance dominante à s’en remettre au traitement médicamenteux comme à une «solution miracle», au détriment de méthodes non-pharmacologiques comme la thérapie comportementale. Aussi, outre les préoccupations liées à un éventuel traitement excessif ou insuffisant découlant d’un sur ou d’un sous-diagnostic, l’utilisation éventuellement excessive de psychostimulants sur les enfants inquiète elle aussi.

2. La définition changeante (critères de diagnostic) du TDAH

7. Dans sa Recommandation 1562 (2002), préoccupée par le fait que deux séries différentes de critères étaient appliquées pour diagnostiquer le TDAH – l’une adoptée par l’American Psychiatric Association (Association américaine de psychiatrie), l’autre, plus stricte, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – l’Assemblée avait invité les deux organisations à revoir la base de leurs critères de diagnostic en vue de la clarifier et l’harmoniser.

2.1. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM)

8. D’après la quatrième édition du DSM (DSM-IV) de l’Association américaine de psychiatrie, le TDAH se caractérise par des symptômes persistants et perturbants d’inattention et/ou d’hyperactivité et d’impulsivité considérés comme inadaptés et en inadéquation avec l’âge de l’enfant. Pour poser un diagnostic positif, il faut constater la présence d’au moins six symptômes relevant de la catégorie «inattention» ou «hyperactivité-impulsivité». Les symptômes doivent causer une altération fonctionnelle significative, survenir dans plus d’un environnement (en milieu scolaire, dans la vie courante, à la maison, lors d’événements sociaux, etc.) et doivent se manifester depuis six mois au minimum. De plus, le diagnostic n’est établi que si une partie au moins des symptômes comportementaux étaient présents avant l’âge de sept ans.
9. La définition du TDAH a été actualisée dans la cinquième édition du DSM (DSM-5), publiée en mai 2013. Si les critères de diagnostic n’ont pas changé par rapport au DSM-IV, des exemples ont été ajoutés dans cette édition pour illustrer les formes de comportement que pourraient présenter les enfants, les adolescents plus âgés et les adultes atteints d’un TDAH (par exemple, ne semble pas écouter, peine à respecter les consignes, a des difficultés à s’organiser, agite ses mains ou ses pieds, se tortille sur sa chaise, parle à tort et à travers, etc.). Par ailleurs, le critère pour le début de la maladie a été assoupli, passant de «présence de symptômes entraînant une altération fonctionnelle avant l’âge de sept ans» à «présence de plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité avant l’âge de douze ans». D’après certains experts, l’incidence du DSM-5 sur le diagnostic du TDAH ne devrait pas être importante car la conceptualisation du trouble n’a pas changé fondamentalement. En revanche, d’autres s’inquiètent de ce que les modifications apportées au DSM risquent d’augmenter le diagnostic de TDAH chez des individus qui présentent les symptômes du trouble mais ne manifestent qu’une altération fonctionnelle mineure.

2.2. Classification internationale des maladies (CIM)

10. Dans sa CIM-10, l’OMS classe le TDAH sous une terminologie différente, à savoir les troubles dits «hyperkinétiques», pour lesquels elle énumère des critères de nature similaire mais plus stricts. Selon la CIM-10, les troubles hyperkinétiques se caractérisent par un début précoce (habituellement au cours des cinq premières années de la vie), un manque de persévérance dans les activités qui exigent une participation cognitive et une tendance à passer d’une activité à une autre sans en finir aucune, associés à une activité globale désorganisée, incoordonnée et excessive. Les enfants hyperkinétiques sont souvent imprudents et impulsifs, sujets aux accidents, et ont souvent des problèmes de discipline à cause d'un manque de respect des règles, résultat d'une absence de réflexion plus que d'une opposition délibérée. Leurs relations avec les adultes sont souvent marquées par une absence d'inhibition sociale, de réserve et de retenue «normales». Ils sont mal acceptés par les autres enfants et peuvent devenir socialement isolés. Ces troubles s'accompagnent souvent d'une altération des fonctions cognitives et d'un retard spécifique du développement de la motricité et du langage. Ils peuvent également entraîner un comportement dyssocial ou une perte de l'estime de soi.
11. L’OMS travaille actuellement à la 11e révision de la CIM. Le processus se poursuivra jusqu’en 2017 mais il y a déjà lieu de noter que, pour ce qui concerne le TDAH, le projet actuel de CIM-11 propose un changement aussi bien de terminologie que de contenu. Il est en effet proposé de remplacer la désignation «troubles hyperkinétiques» par «troubles du déficit de l’attention»; le TDAH et le trouble du déficit de l’attention sans hyperactivité sont dès lors considérés comme deux pathologies distinctes. Selon le projet de définition proposé, les troubles du déficit de l’attention se caractérisent par une difficulté importante et persistante à rester concentré lors de tâches qui n’offrent pas un niveau élevé de stimulation ni de gratification fréquente, débutant pendant l’enfance ou l’adolescence et en inadéquation avec le niveau de développement de l’individu. Les symptômes doivent perturber de façon significative la vie personnelle, familiale, sociale, éducative, professionnelle ou d’autres grands domaines fonctionnels et se manifester de façon évidente dans plus d’une situation (à la maison, à l’école, en consultation médicale, au travail, etc). Cette nouvelle définition propose de toute évidence des critères plus stricts par rapport aux troubles dits «hyperkinétiques».
12. Dans le projet actuel de CIM-11, le TDAH est considéré comme un type de trouble du déficit de l’attention caractérisé par un dosage variable d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité persistantes à un niveau nettement plus élevé que celui attendu par rapport au niveau de développement général de l’individu. Dans le cas d’un trouble du déficit de l’attention sans hyperactivité, la difficulté persistante et marquée à fixer son attention ne s’accompagne pas d’une impulsivité ou d’une hyperactivité significative. Parmi les symptômes, citons des difficultés à se concentrer, l’étourderie, des problèmes d’organisation, une tendance fréquente à la perte d’objets et une incapacité à se concentrer sur les détails des tâches réalisées.

2.3. Un écart qui se creuse entre le DSM et la CIM

13. Au vu des explications ci-dessus concernant le DSM-5 (qui conserve quasiment la même définition du TDAH) et la future CIM-11 (dans laquelle la définition proposée est encore plus stricte que dans la CIM-10, sachant que cette dernière se fondait déjà sur des critères plus stricts que ceux du DSM-IV), il semble que l’écart entre les critères de diagnostic du DSM et ceux de la CIM sera encore plus important dans les années à venir. Alors que cette occasion manquée d’harmoniser les définitions 
			(8) 
			Il convient de noter
que le projet de CIM-11 propose de remplacer l’expression «troubles
hyperkinétiques» par «troubles du déficit de l’attention» ce qui,
si cette modification est adoptée, harmoniserait la terminologie
utilisée. – harmonisation souhaitée par l’Assemblée en 2002 (voir paragraphe 7 ci-dessus) – est à déplorer, l’OMS ne devrait pas être tenue, au nom de l’harmonisation, d’aligner sa nouvelle définition du TDAH sur celle de l’Association américaine de psychiatrie. Quoiqu’il en soit, l’Assemblée devrait se féliciter des travaux approfondis accomplis par l’OMS pour revoir la conception du TDAH en vue de clarifier les critères déterminant le diagnostic et inviter l’OMS à se servir de la future nouvelle édition de la CIM pour renforcer l’adhésion aux critères plus stricts qui ont été proposés pour le diagnostic du TDAH, sur la base des dernières connaissances scientifiques en la matière.

3. Diagnostic du TDAH

14. D’après l’OMS, les troubles hyperkinétiques sont des troubles complexes dont le diagnostic peut être trop souvent insuffisamment étayé. La symptomatologie des troubles hyperkinétiques, dont le TDAH, peut aussi caractériser d’autres troubles et parfois faire partie des étapes normales de développement ou se manifester en réaction à un stress dû à l’environnement auquel il est possible de remédier avec des interventions psychosociales, ou parfois chez des individus surdoués. Le fait de se concentrer uniquement sur les symptômes associés à ces troubles sans évaluation diagnostique appropriée peut aboutir à un diagnostic erroné et à un traitement inadéquat.

3.1. Evaluation clinique

15. Le diagnostic du TDAH se fonde sur une évaluation clinique qui ne devrait pas se concentrer uniquement sur les symptômes associés au TDAH mais tenir compte également de la nature, des causes et conséquences de ces symptômes, notamment des facteurs de risque et de protection dans l’environnement, tels que l’influence de la famille, de l’école et de l’environnement social. Dans ce contexte, le processus d’évaluation devrait comprendre: un examen physique; un entretien clinique avec au minimum les parents, le(s) enseignant(s) et l’enfant concerné; l’utilisation d’une échelle d’évaluation du comportement de l’enfant; un examen du dossier scolaire et médical complet de l’enfant; des tests psychologiques; et des observations comportementales de l’enfant, ainsi que des interactions parents-enfants 
			(9) 
			Shanel M. Bryant (2005),
«Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) and Ethnicity:
A Literature Review», McNair Scholars
Journal, vol. 9: Iss. 1, article 5..
16. Un examen physique est nécessaire pour écarter d’autres problèmes médicaux susceptibles de provoquer des symptômes similaires à ceux du TDAH ou d’être liés à ces symptômes, comme les allergies, une carence en fer, une anémie ou une altération auditive ou visuelle. Les tests psychologiques aident à détecter tout autre trouble psychologique pouvant mieux expliquer les problèmes constatés, sachant que jusqu’à 75 % des enfants atteints de TDAH remplissent les critères diagnostiques d’autres troubles comportementaux, présentant un chevauchement des symptômes (anxiété, troubles de l’apprentissage ou troubles bipolaires, dépression, autisme et comportements d’opposition 
			(10) 
			Le fait d’être doué
(intelligence supérieure à la moyenne) peut également entraîner
des symptômes tels qu’un comportement perturbateur (lié à l’ennui)
qui peuvent être confondus avec le TDAH, notamment chez les garçons. ). Un entretien clinique avec au minimum les parents, le(s) enseignant(s) et l’enfant est un volet essentiel de l’évaluation car il donne des informations sur les caractéristiques physiques et psychologiques de l’enfant, sur sa vie familiale et sur la façon dont il interagit avec ses pairs.
17. Il convient de veiller tout particulièrement à ce que l’enfant soit associé au processus de diagnostic, compte tenu des effets que celui-ci peut exercer sur sa vie. Dans ce contexte, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, il convient de garantir à l’enfant le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant. En cas de diagnostic positif, l’enfant doit également être associé au processus décisionnel concernant les soins et le traitement dont il fera l’objet, en vue notamment de veiller à ce qu’il y adhère pleinement 
			(11) 
			La
non adhésion au traitement médicamenteux semble courante chez les
enfants et les adolescents atteints de TDAH, L.D. Adler et A.A.
Nierenberg, Review of medication adherence in children and adults
with ADHD, Postgraduate Medicine,
2010;122(1):184–91..
18. Ces dernières années, plusieurs associations et organisations médicales nationales et internationales, qui représentent et ciblent divers groupes de professionnels de santé, ont publié des orientations sur le diagnostic et/ou le traitement du TDAH. Une étude récente portant sur 13 lignes directrices pour le diagnostic et/ou la gestion du TDAH, établies par dix associations médicales, a mis en lumière un consensus et des divergences entre les pratiques recommandées tout au long de la vie et dans différentes zones géographiques. L’étude a révélé que toutes les lignes directrices s’accordent sur le fait que le diagnostic du TDAH repose sur un entretien clinique complet, consistant en un examen de l’état mental, des évaluations des altérations, du développement, de la comorbidité et des antécédents familiaux ainsi qu’un examen physique. Toutes les lignes directrices concernant les enfants recommandent un entretien avec la famille et établissent que l’entretien clinique reste le critère de référence de l’évaluation du TDAH 
			(12) 
			M. Seixas,
M. Weiss et U. Muller, «Systemic review of national and international
guidelines on attention-deficit hyperactivity disorder», Journal of Psychopharmacology, juin
2012; 26(6), p. 753-65..

3.2. Facteurs de risque favorisant un diagnostic erroné de TDAH

19. En dépit de ce large consensus sur la façon dont il convient de poser le diagnostic du TDAH, les avis divergent considérablement sur l’exactitude du diagnostic final. En effet, il n’est pas rare d’entendre parler d’erreur de diagnostic du TDAH, qu’il s’agisse d’un enfant diagnostiqué à tort comme atteint de TDAH (on parle alors de «faux positif») ou d’un enfant diagnostiqué comme n’étant pas atteint de TDAH alors qu’il l’est (on parle alors de «faux négatif»). A ce titre, certains avancent que l’augmentation du taux de prévalence de TDAH correspond à de nombreux «faux positifs» (surdiagnostic) tandis que d’autres affirment que beaucoup d’enfants atteints de TDAH n’ont pas été diagnostiqués correctement (sous-diagnostic). Il est difficile d’établir si le phénomène de sur- et/ou sous-diagnostic est avéré ou non, en revanche, les facteurs de risque susceptibles de conduire à un diagnostic erroné de TDAH (lequel peut à son tour donner lieu à un sur- et/ou sous-diagnostic) sont relativement faciles à identifier.
20. Tout d’abord, comme évoqué ci-dessus, il arrive que d’autres troubles psychologiques présentent des symptômes qui s’apparentent ou se confondent avec ceux du TDAH ou – et c’est le souvent cas – se manifestent simultanément (comorbidité). Il convient par conséquent d’établir si les symptômes et les troubles fonctionnels peuvent être attribués au seul TDAH ou si le TDAH se manifeste simultanément avec un ou plusieurs diagnostics posés. C’est pourquoi il est préférable de laisser aux spécialistes le soin d’évaluer le TDAH, dans la mesure où ils sont bien au fait de tous les troubles qui présentent les mêmes caractéristiques que le TDAH et dans tous les cas, ils devraient être inclus dans le processus de diagnostic différentiel. Il importe toutefois de garder à l’esprit que l’évaluation initiale de beaucoup d’enfants atteints de TDAH s’opère dans un contexte de soins primaires. A ce titre, il ressort d’une étude récente que dans beaucoup de pays européens, la formation professionnelle des professionnels de santé ne comporte pas de formation spécifique sur le TDAH ou ne l’aborde que dans le cadre d’une présentation générale des dysfonctionnements neuropsychiatriques 
			(13) 
			S. Young et M. Fitzgerald,
«ADHD: making the invisible visible, An Expert White Paper on attention-deficit hyperactivity
disorder (ADHD): policy solutions to address the societal impact,
costs and long-term outcomes, in support of affected individuals»,
Postma MJ, avril 2013..
21. Selon certaines études, les procédures de diagnostic, bien qu’étayées dans les lignes directrices nationales et internationales et dans d’autres documents, ne sont pas toujours respectées dans la pratique 
			(14) 
			C.
Travell et J. Visser, «ADHD does bad stuff to you: young people’s
and parents’ experiences and perceptions of Attention Deficit Hyperactivity
Disorder (ADHD)», Emotional and Behavioural
Difficulties, vol. 11, n° 3, septembre 2006, p. 205-216.. Or ce phénomène doit être évité car les procédures de diagnostic sont un outil essentiel pour établir un diagnostic fiable du TDAH.
22. Il est par ailleurs possible que les personnes n’ayant pas une compréhension globale du trouble, notamment les parents et le personnel scolaire, exercent une pression pour que le diagnostic soit établi. En effet, dans la mesure où le TDAH a tendance à se manifester par des troubles fonctionnels plus marqués à l’école, il arrive que les enseignants soient les premiers à reconnaître les symptômes d’hyperactivité et d’inattention chez un enfant et les signalent aux parents ou orientent l’enfant vers le psychologue scolaire. Par exemple, sachant que le développement des enfants a tendance à être très rapide dans l’intervalle d’une année, les plus jeunes enfants d’une classe (qui sont parfois un an plus jeunes que leurs camarades) peuvent être identifiés à tort comme atteints de TDAH. Aussi, s’il est essentiel qu’un enseignant soit associé à l’évaluation du TDAH, il arrive que les médecins et les psychologues soient influencés par la subjectivité d’un enseignant et par l’idée préconçue au sujet de l’enfant, ce qui peut donner lieu à l’identification de faux positifs.
23. Au sein d’un même pays, d’importantes disparités dans la prévalence du TDAH entre différents groupes (selon le sexe, la race, le milieu socio-économique, etc.) peuvent révéler un sur- ou un sous-diagnostic, si elles ne sont pas dues à de réelles différences au sein des groupes mais sont au contraire fondées sur des données subjectives. Il ressort d’une étude récente que le rapport filles/garçons atteints de TDAH varie entre 1 pour 3 et 1 pour 16 dans différents pays d’Europe. Ce décalage pourrait indiquer que, dans certains pays, davantage de garçons que de filles atteints de TDAH sont orientés vers une évaluation clinique, signifiant par là-même que des filles peuvent passer inaperçues. Toutefois, il importe également de noter que par rapport aux garçons, plus que des comportements perturbateurs ou à problèmes à l’école, les filles présentent bien souvent des symptômes d’inattention et d’intériorisation. Dès lors, l’identification du trouble est rendue plus difficile et peut conduire à des décisions d’orientation influencées par le sexe (et à un sous-diagnostic des filles atteintes de TDAH) 
			(15) 
			Voir note de bas de
page 14..
24. Les importantes différences observées au sein des pays en matière de taux de diagnostic et de traitement du TDAH peuvent également s’expliquer par les inégalités régionales en termes de services, ceux-ci étant bien souvent concentrés dans la capitale et les capitales provinciales, et peu présents, voire inexistants, en province, ce qui peut donner lieu à des phénomènes de sous-diagnostic dans les zones rurales.

4. Possibilités de traitement du TDAH

25. Actuellement, la prise en charge du TDAH comporte deux grandes composantes: les traitements pharmacologiques et les traitements non pharmacologiques.

4.1. Traitements pharmacologiques

26. La classe spécifique de médicaments les plus couramment prescrits pour le TDAH est celle des psychostimulants. Il s’agit notamment de méthylphénidate et certaines amphétamines. Les psychostimulants aident l’enfant à fixer son attention, tout en atténuant son hyperactivité et son impulsivité (ils sont souvent plus efficaces pour ceci que pour cela). Les médicaments non-stimulants, comme l’atomoxetine sont aussi utilisés dans le traitement du TDAH.
27. Les études à court terme ont démontré l’efficacité des psychostimulants dans l’atténuation des symptômes de base du TDAH, bien qu’ils soient sans effet sur 10 % à 30 % des enfants. Parmi les bienfaits signalés, citons un comportement plus acceptable à l’école et à la maison, une meilleure vie de famille et une plus grande assiduité aux tâches scolaires. Le traitement par stimulants a toutefois ses limites et ce, à plusieurs égards. Tout d‘abord, les effets thérapeutiques des stimulants sont symptomatiques et disparaissent lorsque le médicament n’est plus administré, d’où la nécessité de prescrire le médicament aux enfants concernés pendant des longues périodes ou des périodes indéterminées 
			(16) 
			A.
Miranda, S. Jarque et S. Rosel, «Treatment of children with ADHD:
Psycho-pedagogical program at school versus psycho-stimulant medication»,
Psicothema 2006, vol. 18, nº 3, p. 335-341. . Ensuite, il y a peu de raisons de penser que les effets observés à relativement court terme persistent tout au long de périodes prolongées de manifestation des troubles. De la même manière, les effets à long terme du traitement par stimulants sont mal connus. Si nous savons que les enfants atteints de TDAH peuvent rencontrer des difficultés dans leur vie (échec professionnel, accident fatal de la route, délinquance, grossesse non désirée), nous ne savons en revanche pas si les psychostimulants atténuent ces risques 
			(17) 
			Une étude réalisée
en 2009 en Australie a révélé une absence d’amélioration notable
du fonctionnement social, affectif et scolaire à long terme associé
à l’utilisation de stimulants. Même si l’étude ne permet pas d’établir
une forte relation de cause à effet, ce résultat montre que des
recherches approfondies dans ce domaine sont essentielles. Raine ADHD
Study on long-terms outcomes associated with stimulant medication
in the treatment of ADHD in children, 2009..
28. Dernier point et non des moindres, comme tous les traitements médicamenteux, les psychostimulants sont associés à une série d’effets indésirables tels que des maux de tête, vertiges, insomnies, crises d’épilepsie et convulsions, effets psychiques (sautes d’humeur, anxiété, symptômes psychotiques, etc.) et des troubles gastroentérologiques, notamment une perte d’appétit éventuellement liée à un retard de croissance. Le risque de toxicomanie dû à l’utilisation de stimulants est aussi source d’inquiétude, de même que le risque d’usage détourné des médicaments (cas dans lequel le médicament est transmis à d’autres personnes en dehors de son cadre de prescription).
29. Une étude sur les effets indésirables des médicaments prescrits pour le TDAH, réalisée en 2010 et fondée sur une étude de recherche approfondie, a conclu que certains effets des médicaments examinés étaient minimes ou difficiles à distinguer entre les sujets suivant ou non un traitement. Cependant, plusieurs aspects nécessitent un examen plus poussé pour permettre de comprendre plus précisément le risque associé au traitement médicamenteux 
			(18) 
			J. Graham, T. Banaschewski,
J. Buitelaar et coll., European
Guidelines Group, «European guidelines on managing adverse effects
of medication for ADHD», Eur Child Adolesc
Psychiatry, 2011; 20: 17-37.. Concernant l’abus de substances, alors que certaines études ont montré que les enfants qui suivent des traitements médicamenteux pour le TDAH ont moins de chances de développer des troubles liés à la consommation de substances à l’adolescence et à l’âge adulte par rapport à ceux qui ne prennent pas de traitement médicamenteux, d’autres affirment que l’exposition aux stimulants n’empêche ni n’augmente le risque ultérieur de toxicomanie.

4.2. Traitements non pharmacologiques

30. Il existe toute une variété de traitements non pharmacologiques pour prendre en charge le TDAH. Il s’agit notamment d’interventions psychosociales (que l’on appelle aussi thérapies comportementales ou modification du comportement) ainsi que d’autres stratégies comme la thérapie cognitive, le retour neuronal (neurofeedback), le changement de régime alimentaire et les médicaments homéopathiques.

4.2.1. Traitements psychosociaux

31. L’OMS souligne qu’il existe toutes sortes de traitements pour le TDAH et que les médicaments, tout en étant efficaces lorsque le diagnostic est bien posé, ne remplacent pas d’autres interventions potentiellement importantes pour atténuer les problèmes connexes que connaît l’enfant ou l’adolescent au sein de la famille, de la société et de l’école. En effet, les enfants atteints de TDAH se heurtent à des problèmes dans la vie quotidienne qui vont bien au-delà de leurs symptômes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité, notamment de mauvais résultats scolaires et des problèmes de comportement à l’école, des difficultés relationnelles avec leurs camarades et leur fratrie, une incapacité à obéir aux consignes des adultes et des rapports difficiles avec leurs parents. Il est par conséquent essentiel que ces enfants acquièrent les facultés capables de les aider à surmonter ces difficultés de comportement, sachant également que le TDAH est une pathologie qui peut durer toute la vie et que ces facultés seront utiles aux enfants tout au long de leur vie. Les traitements psychosociaux pour les enfants atteints de TDAH ont été précisément conçus de manière à leur transmettre ces facultés (les enfants apprennent par exemple à adapter leur comportement verbal et non verbal dans leurs relations sociales pour respecter les règles d’un jeu, se concentrer et contrôler leur impulsivité).
32. La thérapie comportementale est également destinée aux parents et aux enseignants et entend leur enseigner des techniques et des facultés qu’ils pourront utiliser dans leur relation quotidienne avec les enfants atteints de TDAH, et parvenir à une amélioration du comportement des enfants (par exemple, programme de formation des parents).
33. Les effets positifs de tous ces traitements psychosociaux ne sont pas aussi clairement démontrés que ceux des traitements médicamenteux, d’autant plus que les principes méthodologiques de la recherche sur les traitements psychosociaux sont moins bien établis. Deux études menées récemment par le réseau Cochrane 
			(19) 
			Cochrane est un réseau
mondial indépendant de professionnels de la santé, de chercheurs,
de défenseurs des droits des patients et d’autres personnes intéressées. – l’une sur la formation destinée aux parents, l’autre sur la formation aux aptitudes sociales – ont montré que la formation destinée aux parents pouvait avoir une incidence positive sur le comportement des enfants présentant un TDAH (en particulier pour les enfants d’âge préscolaire) et pouvait aussi contribuer à atténuer le stress des parents et renforcer leur confiance en eux; toutefois, les éléments issus de cette étude ont été considérés comme insuffisamment probants pour servir de base à des directives pour la pratique clinique. S’agissant de la formation permettant aux enfants d’acquérir des aptitudes sociales, peu d’éléments permettent de se positionner en faveur ou contre celle-ci et les données objectives font défaut 
			(20) 
			<a href='http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=Rothenberger%20A%5BAuthor%5D&cauthor=true&cauthor_uid=22968494'>A.
Rothenberger </a>et L.G. <a href='http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=Rothenberger%20LG%5BAuthor%5D&cauthor=true&cauthor_uid=22968494'>Rothenberger</a>, «Updates on treatment of attention-deficit/hyperactivity
disorder: facts, comments, and ethical considérations», <a href='http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22968494'>Current
Treatment Options in Neurology, </a>décembre 2012; 14(6):594-607. . Ces études attirent l’attention sur la nécessité de poursuivre les essais et d’améliorer la méthodologie pour évaluer précisément l’incidence de ces interventions sur l’atténuation des symptômes du TDAH.

4.2.2. Autres stratégies

34. Les interventions fondées sur la neuroscience sont prometteuses également pour le TDAH. En effet, des éléments de plus en plus nombreux indiquent que les jeux sur ordinateur faisant travailler la mémoire et d’autres capacités cognitives peuvent réduire les symptômes d’inattention chez les jeunes enfants présentant un TDAH et améliorer l’intelligence fluide (réflexion abstraite, résolution de problèmes) chez les enfants d’âge préscolaire se développant normalement. Le retour neuronal (neurofeedback) et la thérapie cognitive 
			(21) 
			Dans
la thérapie cognitive, les schémas négatifs de pensée sur soi et
le monde environnant sont bousculés de manière à modifier les comportements
indésirables. sont une autre piste à explorer, sachant que des données supplémentaires sont nécessaires pour guider leur utilisation. Il est possible que ce type d’intervention se développe en traitement d’appoint, voire en remplacement des options médicamenteuses 
			(22) 
			J.F.
Leckman, «What’s next for developmental psychiatry?», World Psychiatry, juin 2013, vol.
12 (2): 125-126..
35. De la même manière, une étude portant sur l’analyse de l’efficacité des traitements à caractère diététique (régimes d’élimination, suppression des colorants alimentaires artificiels et apport complémentaire en acides gras libres) a montré une diminution certes minime mais révélatrice des symptômes de TDAH; des études complémentaires sont toutefois nécessaires pour confirmer ces effets positifs et décider s’ils peuvent être recommandés dans le cadre du traitement du TDAH.

4.3. La nécessité d’une approche globale du traitement du TDAH

36. Le traitement des enfants présentant un TDAH devrait être réalisé individuellement, en tenant compte de l’âge de l’enfant 
			(23) 
			Pour les enfants d’âge
préscolaire, par exemple, les lignes directrices nationales et régionales
existantes recommandent une thérapie comportementale comme thérapie
de première intention. et de la gravité des symptômes de base, de l’existence d’autres troubles et des préférences de l’enfant et de ses parents. En effet, ce sont principalement les parents qui décident des soins de santé à apporter à leurs enfants. Dans ce contexte, certains parents sont préoccupés par la tolérabilité et l’innocuité des médicaments utilisés pour soigner le TDAH et émettent de sérieuses réserves quant à leur utilisation, alors que d’autres privilégient le recours à cette «solution miracle» qui améliore très rapidement le comportement et les résultats scolaires de leur enfant, au détriment d’autres méthodes, et ce pour éviter que l’enfant ne se retrouve davantage isolé et en souffrance.
37. Sous la pression des parents, les professionnels de la médecine sont parfois enclins à privilégier les traitements médicamenteux, en ayant que trop peu recours aux autres traitements possibles, en dépit des lignes directrices officielles qui préconisent le contraire. Les réductions budgétaires affectant les dépenses de santé peuvent être un autre élément faisant pression sur les professionnels, qui auront tendance à privilégier la solution la moins onéreuse, à savoir le traitement médicamenteux 
			(24) 
			En
2013, la British Psychological Society a lancé une enquête sur l’utilisation
de la Ritaline craignant que les réductions affectant le financement
des traitements recommandés pour le TDAH, comme l’accompagnement psychologique,
n’aient conduit à un recours excessif aux médicaments.. Tous ces éléments peuvent conduire à un recours excessif (et dans la plupart des cas, à un recours exclusif) au traitement médicamenteux, ce qu’il convient d’éviter compte tenu des limites détaillées plus haut que celui-ci présente. Dans ce contexte, il importe également de noter que le traitement médicamenteux est symptomatique, qu’il ne traite pas les causes profondes du TDAH, pas plus qu’il ne donne la possibilité à l’enfant de travailler sur ses difficultés de comportement. L’expérience montre que les enfants réagissent de manière très positive lorsqu’on leur explique qu’ils peuvent apprendre à contrôler et à corriger leur comportement et qu’on leur donne la possibilité de prendre les choses en main. Aussi, le traitement médicamenteux ne devrait être utilisé qu’en dernier recours et la priorité devrait être donnée aux interventions comportementales et au soutien scolaire, et lorsque le traitement médicamenteux est utilisé, il devrait toujours l’être en association avec d’autres traitements.
38. En effet, aujourd’hui l’on reconnaît de plus en plus la pertinence d’une approche globale pour traiter le TDAH dans laquelle le traitement associe intervention médicale, comportementale et éducative. Cette approche globale du traitement est qualifiée de «multimodale» et comporte une formation des parents et des enseignants concernant le diagnostic et le traitement, des techniques de gestion du comportement pour l’enfant, la famille et les enseignants, un traitement médicamenteux ainsi qu’un programme et un soutien scolaires (par exemple, la mise à disposition d’un professionnel qualifié qui aiderait l’enfant pour ses devoirs et/ou examens) 
			(25) 
			Les
mesures pédagogiques à l’égard du TDAH varient d’un pays à l’autre
en Europe, mais peuvent comprendre la mise en place d’un éducateur
spécialisé intervenant à plein temps ou à temps partiel ou de dispositions
spéciales lors des examens.. Les interventions multimodales se concentrent non seulement sur les symptômes du TDAH mais aussi sur les éléments connexes, tels que les difficultés scolaires, les problèmes familiaux, la faible estime de soi et la comorbidité.

4.4. Une prise en charge insuffisante des enfants atteints de TDAH?

39. Alors que sous-diagnostic (voir point 3.2 ci-dessus) et prise en charge insuffisante sont étroitement liés, il arrive que cette dernière se produise même lorsqu’un diagnostic fiable a été posé. En effet, ADHD-Europe indique que dans certains pays, les enfants d’immigrants font l’objet d’une moindre prise en charge en dépit de taux de prévalence de symptômes associés au TDAH similaires ou supérieurs ou sont moins susceptibles de bénéficier d’un traitement, pharmacologique ou autre, pour soigner le TDAH. De la même manière, le milieu socio-économique peut aussi être un facteur de risque d’une prise en charge insuffisante, sachant que dans certains pays, les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés semblent plus susceptibles de bénéficier uniquement d’un traitement médicamenteux (moins onéreux qu’une intervention psychosociale).

5. Facteurs environnementaux du TDAH et prévention

40. Le TDAH est à ce jour considéré comme un trouble aux multiples causes, parmi lesquelles une composante génétique, un fondement neurobiologique et des facteurs environnementaux. La recherche sur les aspects environnementaux, y compris les aspects sociaux et interpersonnels est moins étoffée à l’heure actuelle que les données qui corroborent le rôle de facteurs génétiques et biologiques dans l’étiologie du TDAH. Toutefois, la prise en compte des facteurs de risque et de protection dans l’environnement, tels que l’influence de la famille (par exemple: conflits familiaux, absence de limites, psychopathologie des parents, attentes élevées des parents concernant les résultats scolaires) de l’école (système éducatif rigide) et d’autres aspects de l’environnement social (les médias et l’exposition aux médias électroniques) ainsi que leurs interactions avec les caractéristiques de l’enfant, est extrêmement importante pour le diagnostic et le traitement et à des fins de prévention.
41. Les facteurs environnementaux comprennent aussi les complications prénatales et périnatales telles que l’exposition intra-utérine au tabac, la prématurité et le faible poids à la naissance; des études ont déjà établi un certain lien entre ces facteurs et la prédisposition au TDAH. Le régime alimentaire est un autre aspect qu’il convient de prendre en compte. Une étude américaine menée récemment a conclu que la probabilité de diagnostiquer un TDAH était plus importante chez les enfants exposés à des niveaux élevés de pesticides organophosphorés (par la consommation de fruits et de légumes insuffisamment lavés), ce qui corrobore l’hypothèse que l’exposition aux composés organophosphorés pourrait contribuer à la prévalence du TDAH 
			(26) 
			M.F.
Bouchard et coll., «ADHD and
Urinary Metabolites of Organophosphate Pesticides», Pediatrics, 2010; 125: e1270-e1277.. Cela étant, des études prospectives sont nécessaires pour déterminer un éventuel lien de causalité dans cette association.

6. Conclusion

42. Il ressort d’une étude récente que le TDAH est l’une des psychopathologies les plus négligées et les plus méconnues en Europe 
			(27) 
			Voir note
de bas de page 14.. Beaucoup d’enfants présentant un TDAH (ainsi que leurs parents) sont stigmatisés et rencontrent de graves difficultés dues aux symptômes et aux altérations associées à ce trouble. Dans la mesure où le TDAH persiste bien souvent à l’âge adulte, les individus concernés ont tendance à connaître des problèmes psychiques et sociaux tout au long de leur vie, à avoir du mal à trouver et à conserver un emploi et risquent de se compromettre dans des comportements délinquants et dangereux. Les effets profonds du TDAH sur la qualité de vie de ceux qui en souffrent et de leur famille ainsi que sur la société sont donc indéniables. Par ailleurs, il apparaît clairement que les coûts associés au TDAH sont considérables et incombent au patient comme aux membres de sa famille (par exemple, services de santé, coûts liés à l’éducation, à la perte de productivité et aux services sociaux, au système de justice pénale ou aux accidents de la route). Toutefois, toute la mesure du problème reste encore à appréhender, la recherche dans ce domaine étant limitée.
43. Les Etats membres devraient considérer le TDAH comme une pathologie prioritaire, au même titre que la dyslexie et l’autisme, afin que les patients puissent bénéficier d’un soutien approprié. En vue de garantir un diagnostic fiable (et éviter le sous- et sur-diagnostic), les praticiens devraient recevoir une formation appropriée et le respect des procédures de diagnostic devrait être assuré. S’agissant du traitement du TDAH, il convient de suivre une approche globale. Les médicaments psychostimulants devraient être utilisés en dernier recours et la priorité devrait être donnée aux méthodes psychosociales et au soutien scolaire. L’idée fausse selon laquelle le TDAH ne peut être traité que par voie médicamenteuse doit être combattue en sensibilisant les familles et les enseignants ainsi que les praticiens. Des recherches complémentaires doivent être menées concernant les différentes possibilités de traitement. Les gouvernements devraient également s’attacher à la prévention (en réduisant les facteurs de risque et en augmentant les facteurs de protection au moyen de programmes d’intervention précoce 
			(28) 
			A
ce titre, un bon exemple est celui du guide de l’Association suédoise
des collectivités locales et des régions qui entend apporter un
soutien aux collectivités localités désireuses d’investir dans l’intervention
précoce pour la santé mentale des enfants et des adolescents.) et au diagnostique précoce du TDAH, afin de satisfaire au mieux les enfants concernés ainsi que leurs familles et les professionnels.