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Résolution 2040 (2015) Version finale

Menaces contre la prééminence du droit dans les Etats membres du Conseil de l’Europe: affirmer l’autorité de l’Assemblée parlementaire

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 6 mars 2015 (voir Doc. 13713, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure: Mme Marieluise Beck).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses textes précédents qui affirment la prééminence du droit dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment les Résolutions 1738 (2010), 1685 (2009), 1645 (2009), 1606 (2008), 1551 (2007) et les Recommandations 1955 (2010), 1856 (2009), 1832 (2008) et 1792 (2007). Elle souligne qu’il ne s’agit en aucun cas d’une liste exhaustive et que de graves problèmes liés à la prééminence du droit existent dans d’autres Etats membres et observateurs.
2. L’Assemblée considère que l’évaluation de la mise en œuvre réelle de ces textes, qui offrent des exemples de problèmes de nature et de gravité diverses rencontrés dans des Etats représentant des ordres juridiques et des cultures différents, contribuera à affirmer son autorité dans tous les Etats membres, observateurs et candidats.
3. L’Assemblée déplore qu’un certain nombre de recommandations adressées aux Etats membres dans ces textes, en vue de préserver et de renforcer la prééminence du droit, n’aient toujours pas été mises en œuvre par les Etats concernés:
3.1. en Fédération de Russie, les recommandations de l’Assemblée – notamment celles qui concernent les affaires des anciens dirigeants de la société Ioukos, l’affaire Magnitski (y compris le premier appel, lancé par la Résolution 1685 (2009), à la libération de Sergueï Magnitski lorsqu’il était encore en vie) et les affaires «d’espionnite» dans lesquelles des universitaires de premier plan et des lanceurs d’alerte défenseurs de l’environnement ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pour de prétendues violations du secret d’Etat (Résolution 1551 et Recommandation 1792 (2007)) – n’ont toujours pas, pour l’essentiel, été mises en œuvre, malgré la libération de Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev peu de temps avant la fin de leur peine. La prééminence du droit demeure menacée en Fédération de Russie par un climat d’intimidation des avocats, des journalistes et des militants des droits de l’homme;
3.2. en Ukraine, l’appel lancé par l’Assemblée pour que les auteurs, les instigateurs et organisateurs du meurtre du journaliste Georgiy Gongadze répondent de leurs actes (Résolution 1645 et Recommandation 1856 (2009)) a été mis en œuvre en partie seulement. Trois agents du ministère de l’Intérieur et leur supérieur, le général Pukach, ont été reconnus coupables de ce meurtre. Mais leur ancien ministre s’est suicidé dans des circonstances suspectes et les accusations lancées par le général Pukach à l’encontre de l’ancien Président et de l’ancien chef de l’administration présidentielle n’ont pas été suivies d’effet;
3.3. en Allemagne, les recommandations de l’Assemblée en faveur de la mise en place d’éléments d’administration autonome de la justice, afin de limiter le droit reconnu aux ministres de donner des instructions aux procureurs dans des affaires précises et d’augmenter les salaires des juges et des procureurs conformément à la dignité et à l’importance de la fonction judiciaire (Résolution 1685 (2009)) n’ont pas été mises en œuvre. L’Allemagne ne dispose toujours pas d’une administration autonome de la justice et demeure l’un des Etats membres du Conseil de l’Europe dans lequel les salaires des juges et des procureurs sont les plus bas par rapport au salaire moyen national;
3.4. pour ce qui est de la France, l’Assemblée se félicite du fait que, conformément à la Résolution 1685 (2009), l’institution du juge d’instruction n’ait pas été supprimée, que le droit d’accès des avocats de la défense aux suspects placés en garde à vue dans les services de police ait été considérablement renforcé et que la capacité des ministres à donner des instructions aux procureurs ait été encore restreinte par la législation. Malheureusement, l’appel lancé par l’Assemblée en faveur du renforcement du rôle des représentants élus des juges et des procureurs par rapport aux membres nommés pour des raisons politiques au sein du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été entendu. La France reste également l’un des pays dont les ressources allouées à la justice sont les plus faibles par habitant et dont les salaires des juges et des procureurs sont les plus bas par rapport au salaire moyen national. Enfin, des juges et des procureurs se plaignent des fréquentes tentatives d’ingérence des responsables politiques dans leur indépendance;
3.5. au Bélarus, les appels lancés par l’Assemblée pour mettre un terme au recours abusif au système de justice répressive à des fins de persécution des opposants politiques, pour amener les hauts représentants de l’Etat qualifiés par l’Assemblée de suspects dans une série de disparitions de personnalités de haut rang à répondre de leurs actes et pour abolir la peine de mort n’ont pas été entendus. Malgré la libération du lauréat du Prix des droits de l’homme Václav Havel, Ales Bialiatski, plusieurs opposants politiques restent injustement emprisonnés, les enquêtes ouvertes au sujet de la disparition de personnalités de haut rang sont toujours en cours et n’ont donné aucun résultat, et les exécutions se poursuivent.
4. L’Assemblée estime que des enseignements peuvent être tirés des exemples précités pour renforcer la prééminence du droit dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle invite notamment les autorités compétentes de tous les Etats membres, observateurs et candidats à veiller à ce que la justice:
4.1. soit pleinement indépendante, en droit comme en fait, pour pouvoir résister aux poursuites engagées pour des motifs politiques à l’égard des opposants politiques, des journalistes et des militants de la société civile, et à l’étouffement des crimes commis ou fomentés et organisés par des responsables politiques;
4.2. dispose d’un financement suffisant sur les plans des ressources allouées à la justice par habitant et du statut social des titulaires d’une fonction judiciaire, afin d’offrir à chaque citoyen un accès effectif à une justice de qualité.
5. L’Assemblée appelle tous les Etats membres, observateurs et candidats à prendre dûment en considération ses textes, qui traduisent les points de vue d’une majorité de représentants démocratiquement élus des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.