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Résolution 2040 (2015) Version finale
Menaces contre la prééminence du droit dans les Etats membres du Conseil de l’Europe: affirmer l’autorité de l’Assemblée parlementaire
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
ses textes précédents qui affirment la prééminence du droit dans les
Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment les Résolutions 1738 (2010), 1685 (2009), 1645 (2009), 1606 (2008), 1551 (2007) et les Recommandations 1955 (2010), 1856 (2009), 1832 (2008) et 1792 (2007). Elle
souligne qu’il ne s’agit en aucun cas d’une liste exhaustive et
que de graves problèmes liés à la prééminence du droit existent
dans d’autres Etats membres et observateurs.
2. L’Assemblée considère que l’évaluation de la mise en œuvre
réelle de ces textes, qui offrent des exemples de problèmes de nature
et de gravité diverses rencontrés dans des Etats représentant des
ordres juridiques et des cultures différents, contribuera à affirmer
son autorité dans tous les Etats membres, observateurs et candidats.
3. L’Assemblée déplore qu’un certain nombre de recommandations
adressées aux Etats membres dans ces textes, en vue de préserver
et de renforcer la prééminence du droit, n’aient toujours pas été
mises en œuvre par les Etats concernés:
3.1. en Fédération de Russie, les recommandations de l’Assemblée
– notamment celles qui concernent les affaires des anciens dirigeants
de la société Ioukos, l’affaire Magnitski (y compris le premier
appel, lancé par la Résolution
1685 (2009), à la libération de Sergueï Magnitski lorsqu’il
était encore en vie) et les affaires «d’espionnite» dans lesquelles
des universitaires de premier plan et des lanceurs d’alerte défenseurs
de l’environnement ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement
pour de prétendues violations du secret d’Etat (Résolution 1551 et Recommandation 1792 (2007)) –
n’ont toujours pas, pour l’essentiel, été mises en œuvre, malgré
la libération de Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev peu de temps
avant la fin de leur peine. La prééminence du droit demeure menacée
en Fédération de Russie par un climat d’intimidation des avocats,
des journalistes et des militants des droits de l’homme;
3.2. en Ukraine, l’appel lancé par l’Assemblée pour que les
auteurs, les instigateurs et organisateurs du meurtre du journaliste
Georgiy Gongadze répondent de leurs actes (Résolution 1645 et Recommandation 1856 (2009)) a
été mis en œuvre en partie seulement. Trois agents du ministère
de l’Intérieur et leur supérieur, le général Pukach, ont été reconnus
coupables de ce meurtre. Mais leur ancien ministre s’est suicidé
dans des circonstances suspectes et les accusations lancées par
le général Pukach à l’encontre de l’ancien Président et de l’ancien
chef de l’administration présidentielle n’ont pas été suivies d’effet;
3.3. en Allemagne, les recommandations de l’Assemblée en faveur
de la mise en place d’éléments d’administration autonome de la justice,
afin de limiter le droit reconnu aux ministres de donner des instructions
aux procureurs dans des affaires précises et d’augmenter les salaires
des juges et des procureurs conformément à la dignité et à l’importance
de la fonction judiciaire (Résolution
1685 (2009)) n’ont pas été mises en œuvre. L’Allemagne
ne dispose toujours pas d’une administration autonome de la justice
et demeure l’un des Etats membres du Conseil de l’Europe dans lequel
les salaires des juges et des procureurs sont les plus bas par rapport
au salaire moyen national;
3.4. pour ce qui est de la France, l’Assemblée se félicite
du fait que, conformément à la Résolution 1685 (2009), l’institution
du juge d’instruction n’ait pas été supprimée, que le droit d’accès
des avocats de la défense aux suspects placés en garde à vue dans
les services de police ait été considérablement renforcé et que
la capacité des ministres à donner des instructions aux procureurs
ait été encore restreinte par la législation. Malheureusement, l’appel
lancé par l’Assemblée en faveur du renforcement du rôle des représentants
élus des juges et des procureurs par rapport aux membres nommés
pour des raisons politiques au sein du Conseil supérieur de la magistrature
n’a pas été entendu. La France reste également l’un des pays dont
les ressources allouées à la justice sont les plus faibles par habitant
et dont les salaires des juges et des procureurs sont les plus bas
par rapport au salaire moyen national. Enfin, des juges et des procureurs
se plaignent des fréquentes tentatives d’ingérence des responsables politiques
dans leur indépendance;
3.5. au Bélarus, les appels lancés par l’Assemblée pour mettre
un terme au recours abusif au système de justice répressive à des
fins de persécution des opposants politiques, pour amener les hauts représentants
de l’Etat qualifiés par l’Assemblée de suspects dans une série de
disparitions de personnalités de haut rang à répondre de leurs actes
et pour abolir la peine de mort n’ont pas été entendus. Malgré la
libération du lauréat du Prix des droits de l’homme Václav Havel,
Ales Bialiatski, plusieurs opposants politiques restent injustement
emprisonnés, les enquêtes ouvertes au sujet de la disparition de
personnalités de haut rang sont toujours en cours et n’ont donné
aucun résultat, et les exécutions se poursuivent.
4. L’Assemblée estime que des enseignements peuvent être tirés
des exemples précités pour renforcer la prééminence du droit dans
l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle invite
notamment les autorités compétentes de tous les Etats membres, observateurs
et candidats à veiller à ce que la justice:
4.1. soit pleinement indépendante, en droit comme en fait,
pour pouvoir résister aux poursuites engagées pour des motifs politiques
à l’égard des opposants politiques, des journalistes et des militants de
la société civile, et à l’étouffement des crimes commis ou fomentés
et organisés par des responsables politiques;
4.2. dispose d’un financement suffisant sur les plans des ressources
allouées à la justice par habitant et du statut social des titulaires
d’une fonction judiciaire, afin d’offrir à chaque citoyen un accès
effectif à une justice de qualité.
5. L’Assemblée appelle tous les Etats membres, observateurs et
candidats à prendre dûment en considération ses textes, qui traduisent
les points de vue d’une majorité de représentants démocratiquement élus
des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.