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Résolution 2053 (2015)
La réforme de la gouvernance du football
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît
la valeur éducative et sociale du sport. Elle estime que la bonne gouvernance
des organisations sportives est essentielle afin de promouvoir les
valeurs de nos sociétés démocratiques et attache la plus grande
importance à la responsabilité que les organisations sportives ont
– et doivent assumer pleinement – de promouvoir et de protéger les
droits de l’homme et l’Etat de droit. Toutes les organisations sportives
doivent dûment considérer la nécessité d’assurer une protection
effective des droits fondamentaux inscrits dans les instruments
internationaux contraignants et, en Europe, dans la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5).
2. L’Assemblée se réjouit que le sport soit une activité économique
importante et que les grandes organisations sportives puissent soutenir
le développement du sport partout dans le monde. Elle s’inquiète néanmoins
du fait que l’opacité dans les processus décisionnels de certaines
organisations sportives et les failles dans leurs dispositifs de
prévention et de sanctions des violations de l’éthique sportive
puissent favoriser la corruption et les malversations financières.
Les scandales qui ternissent l’image du sport confirment que ce risque
est bien réel.
3. L’Assemblée réaffirme que la nécessité de préserver l’autonomie
du mouvement sportif s’accompagne de l’exigence d’assurer que cette
autonomie ne devient pas un écran pour justifier l’inaction face
aux dérives qui battent en brèche l’éthique sportive et aux agissements
qui relèvent, ou devraient relever, du droit pénal lorsqu’il s’agit
de sociétés commerciales.
4. Il est nécessaire de lutter contre la corruption, non seulement
dans le domaine du sport, mais aussi au sein des organisations sportives.
Celles-ci doivent avoir à cœur le développement d’une culture de
la transparence et la mise en place de procédures internes d’autorégulation
qui assurent une gestion irréprochable de leurs ressources financières,
de contrôles rigoureux pour prévenir toute prise illégale d’intérêt et
de mécanismes efficaces de détection et d’enquête permettant de
sanctionner tout manquement à l’éthique sportive.
5. Le football occupe une place particulière dans le monde du
sport: par sa diffusion universelle; par son impact sur tant de
millions de supporters; par les enjeux financiers et politiques
des grands événements tels que la Coupe du monde de la Fédération
internationale de football association (FIFA) ou le Championnat d’Europe
de football de l’Union des associations européennes de football
(UEFA EURO). Pour cette raison, l’Assemblée estime que, avec le
Comité international olympique (CIO), la FIFA et l’UEFA ont la principale responsabilité
et le devoir d’être exemplaires dans leur action externe et dans
leurs systèmes de gouvernance interne.
6. Le CIO a montré qu’il est possible de faire des réformes et
de changer en profondeur. L’UEFA dispose d’un cadre juridique à
l’avant-garde dans le domaine de la prévention des conflits d’intérêts
et de la lutte contre la corruption. Elle est exemplaire dans la
promotion du fair-play financier et dans son engagement contre le trucage
des matches. L’Assemblée salue en particulier le soutien que l’UEFA
apporte au processus de ratification et de mise en œuvre de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives
(STCE no 215).
7. De même, l’Assemblée se félicite des initiatives concrètes
de la FIFA dans la lutte contre la manipulation de matches et de
son action en faveur du développement du football dans toutes les
régions du monde. L’Assemblée note également que les réformes déjà
réalisées par la FIFA ont considérablement amélioré son cadre statutaire
et réglementaire.
8. Néanmoins, la FIFA ne semble pas encore en mesure de mettre
un terme aux affaires de corruption. Les résultats de l’enquête
menée par la chambre d’instruction de la Commission d’éthique de
la FIFA à propos de l’attribution de la Coupe du monde à la Russie
pour 2018 et au Qatar pour 2022, même s’ils n’ont été divulgués
que partiellement, montrent la diffusion étendue de pratiques extrêmement
douteuses, comme si elles faisaient partie intégrante du système.
9. L’Assemblée note que la FIFA, à la suite de cette enquête,
a décidé de porter plainte devant les juridictions suisses. L’Assemblée
regrette néanmoins que les dispositions internes de la FIFA empêchent
la publication du rapport de la chambre d’instruction et s’étonne
de la facilité avec laquelle la chambre de jugement de la Commission
d’éthique de la FIFA a confirmé la décision d’assigner au Qatar
la Coupe du monde 2022.
10. Pour l’Assemblée, cette décision a été radicalement viciée.
Les documents dévoilés au Sunday Times –
dont l’authenticité semble incontestable – portent à conclure, au-delà
de tout doute raisonnable, que M. bin Hammam a versé à plus de 30
hauts représentants de la communauté du football africain (presque
tous présidents d’associations nationales de football) et/ou à leurs
associations nationales des sommes d’argent considérables pour assurer
au Qatar les votes des représentants de la Confédération africaine
de football (CAF) au sein du Comité exécutif de la FIFA lors du
vote du 2 décembre 2010.
11. Les voix de ces membres du Comité exécutif de la FIFA avaient
une importance stratégique afin que le Qatar puisse devancer les
autres pays candidats membres de la Confédération asiatique de football
(Asian Football Confederation-AFC), à savoir l’Australie, le Japon
et la Corée du Sud. Après leur élimination, M. bin Hammam, qui était
à l’époque le président de l’AFC, savait qu’il pouvait compter sur
les votes pour le Qatar des représentants de l’AFC au sein du Comité
exécutif de la FIFA.
12. Dans ces circonstances, la FIFA ne saurait se dérober à son
obligation de procéder à un nouveau vote selon ses nouvelles règles
concernant l’attribution d’événements majeurs, y compris de la Coupe
du monde. L’affirmation concernant l’absence d’une responsabilité
directe du Qatar pour les agissements de M. bin Hammam ne saurait
rendre valide une procédure si profondément entachée d’illégalité.
13. En conséquence, l’Assemblée recommande à la FIFA:
13.1. d’ouvrir, dans les plus brefs
délais, une nouvelle procédure pour l’attribution de la Coupe du monde
2022, et d’assurer – y compris par l’adoption immédiate de nouvelles
dispositions – la mise en place de dispositifs adéquats d’information
et de contrôle pour que cette procédure garantisse réellement l’égalité
entre les pays candidats et une décision finale fondée exclusivement
sur le mérite de leurs projets;
13.2. de demander instamment aux autorités du Qatar:
13.2.1. de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour
garantir le respect des droits fondamentaux de tous les travailleurs
migrants étrangers employés dans ce pays;
13.2.2. de coopérer avec l’Organisation internationale du travail
(OIT) pour contrôler le respect effectif de ces droits par les entreprises
publiques ou privées qui opèrent au Qatar;
13.2.3. d’intervenir avec la plus grande fermeté pour sanctionner
tous les abus commis par des individus ou des sociétés et pour assurer
à toutes les victimes une juste réparation du préjudice subi;
13.3. de poursuivre les réformes qu’elle a engagées et de suivre
les recommandations spécifiques adoptées le 27 janvier 2015 par
la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des
médias (voir annexe 1 au rapport sur «La réforme de la gouvernance
du football», Doc. 13738).
14. L’Assemblée recommande à l’UEFA:
14.1. d’appuyer – directement et par l’entremise de ses représentants
au sein du Comité exécutif de la FIFA – les réformes de gouvernance
au sein de la FIFA, et en particulier l’ensemble des recommandations
qui sont adressées à la FIFA dans la présente résolution;
14.2. de suivre les recommandations spécifiques adoptées le
27 janvier 2015 par la commission de la culture, de la science,
de l’éducation et des médias (voir annexe 2 au rapport sur «La réforme
de la gouvernance du football», Doc. 13738).
15. L’Assemblée exhorte l’ensemble des organisations sportives
internationales et, en particulier, le CIO, la FIFA et l’UEFA:
15.1. à assurer que tout pays candidat
à l’organisation d’événements sportifs majeurs s’engage à respecter,
dans toutes les activités liées à l’organisation de l’événement
et à son déroulement, les standards internationaux en matière de
droits fondamentaux, y compris les normes de l’OIT;
15.2. à renforcer la coopération avec les organisations intergouvernementales
pertinentes afin de promouvoir les droits de l’homme à travers le
sport et d’encourager leur protection effective, en particulier
à travers leurs programmes de développement.
16. Se référant également à sa Résolution 1875 (2012) «La bonne
gouvernance et l’éthique du sport» et aux lignes directrices y contenues,
l’Assemblée invite toutes les organisations sportives à avoir un
souci permanent d’amélioration de leur gouvernance. A cet égard,
l’Assemblée insiste sur la nécessité d’assurer:
16.1. la transparence du processus
décisionnel;
16.2. le respect strict des normes interdisant toute incitation
irrégulière à obtenir un avantage dans l’attribution d’un événement
majeur ou lors de décisions sur les déboursements financiers;
16.3. la transparence financière, y compris sur les traitements
et indemnités perçus par les dirigeants élus et les cadres supérieurs;
16.4. la mise en place de procédures de contrôle de l’intégrité
et de mécanismes efficaces de prévention, de détection et de sanction
de tous les actes de corruption et de malversations financières;
16.5. un renouvellement périodique dans l’exercice des fonctions
de président de l’organisation et de membre d’un organe de direction
ou d’un organe juridictionnel de l’organisation;
16.6. la participation adéquate des parties prenantes pertinentes
dans le processus décisionnel;
16.7. une représentation équitable des femmes dans les organes
de direction.
17. Enfin, l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de
l’Europe d’établir un cadre légal qui incite les organisations sportives
relevant de leur juridiction à lutter contre la corruption et la
prise illégale d’intérêts, comprenant l’adoption de dispositions
législatives visant à assurer:
17.1. que
les organisations sportives appelées à gérer des sommes d’argent
significatives sont soumises aux règles comptables et budgétaires
de transparence applicables aux sociétés commerciales, même si les
organisations sportives se constituent comme des sociétés à but
non lucratif;
17.2. que les actes de corruption privée commis dans l’exercice
de fonctions au sein d’organisations sportives sont érigés en infractions
de droit pénal et, à ce titre, qu’ils font l’objet de poursuites
d’office.