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Rapport d’observation d’élection | Doc. 13822 | 22 juin 2015

Observation des élections législatives en Turquie (7 juin 2015)

Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau

Rapporteur : M. Tiny KOX, Pays-Bas, GUE

1. Introduction

1. Le Bureau de l’Assemblée parlementaire, lors de sa réunion du 5 mars 2015, a décidé d’observer les élections législatives de Turquie du 7 juin 2015 (sous réserve de la réception d’une invitation) et constitué à cette fin une commission ad hoc composée de 30 membres (SOC: 11; PPE/DC: 10; ADLE: 4; CE: 3; GUE: 2) et de la rapporteure sur le dialogue postsuivi avec la Turquie de la commission de suivi, Mme Josette Durrieu (France, SOC). Le Bureau a également autorisé une mission préélectorale. Le 19 mars 2015, M. Reha Denemeç, en sa qualité de président de la délégation turque, a invité l’Assemblée parlementaire à observer les élections législatives. Le Bureau de l’Assemblée, lors de sa réunion du 20 avril 2015, a approuvé la composition de la commission ad hoc (voir annexe 1) et nommé M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE) à sa présidence.
2. En vertu de l’article 15 de l’accord de coopération signé le 4 octobre 2004 par l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), un expert de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseiller. M. Srđan Darmanović a pris part aux travaux de la commission ad hoc pour le compte de la Commission de Venise.
3. La délégation préélectorale s’est rendue à Ankara les 5 et 6 mai 2015 afin d’évaluer l’état des préparatifs et le climat politique durant la période qui a précédé les élections législatives du 7 juin 2015. La délégation multipartite était composée de sept membres (voir annexe 1).
4. Lors de la visite à Ankara, la délégation a rencontré des dirigeants et des représentants des principaux partis politiques candidats à l’élection, des membres du corps diplomatique à Ankara, le Chef de la mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), des membres de la délégation turque auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le président de la commission électorale suprême (CES), des représentants du ministère de l’Intérieur, le président et des membres du Conseil supérieur de la radio et de la télévision (CSRT) et des représentants de la société civile et des médias (annexe 2). A l’issue de sa visite, la délégation préélectorale a publié une déclaration (annexe 3).
5. Pour la mission principale d’observation électorale, la commission ad hoc est intervenue dans le cadre d’une mission internationale d’observation électorale (MIOE), qui comprenait également la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et la Mission restreinte d’observation électorale (MROE) de l’OSCE/BIDDH. Mme Vilija Aleknaitė-Abramikienė était la coordinatrice spéciale de la mission d’observation à court terme de l’OSCE; M. José Ignacio Sánchez Amor a dirigé la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE; l’ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens a conduit la Mission restreinte d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH.
6. La commission ad hoc s’est réunie à Ankara du 5 au 8 juin 2015. Elle a notamment rencontré des représentants des principaux partis politiques candidats à l’élection, des membres du Conseil supérieur de la radio et de la télévision et des représentants de la société civile et des médias. Le programme des réunions de la commission ad hoc est détaillé dans l’annexe 4.
7. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est divisée en 17 équipes qui ont observé les élections à Ankara et dans sa banlieue, ainsi que dans les régions et communes suivantes: Istanbul, Izmir, Adana, Diyarbakir, Samsun et Konya.
8. La commission ad hoc a conclu que les élections s’étaient caractérisées par une participation active des citoyens pendant la campagne et par un haut niveau de participation le jour du scrutin. Les électeurs avaient le choix entre un large éventail de partis, mais le seuil de 10 % des voix requis pour entrer au parlement limite le pluralisme politique. Les libertés fondamentales ont été généralement respectées. Malheureusement, la campagne a été entachée par un grand nombre d’attaques contre les bureaux de partis, ainsi que par des incidents graves et des attaques physiques, dont certaines avec des conséquences fatales. La liberté des médias est un domaine de vive inquiétude: les médias et les journalistes critiques à l’égard du parti au pouvoir ont été la cible de pressions et d’intimidations pendant la campagne. Le communiqué de presse publié par la MIOE après les élections figure en annexe 5.

2. Cadre juridique

9. Le 5 janvier 2015, la commission électorale suprême (CES) a annoncé que les élections législatives se tiendraient le 7 juin.
10. Les précédentes élections législatives ont eu lieu en 2011 et ont été remportées, pour la troisième fois consécutive, par le Parti de la justice et du développement (AKP), qui détient la majorité des sièges à la Grande Assemblée nationale de Turquie (parlement) depuis 2002. En août 2014, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, a remporté la première élection présidentielle directe.
11. Le parlement sortant (comptant 550 membres) était composé de l’AKP, avec 311 sièges, du Parti républicain du peuple (CHP), avec 125 sièges, du Parti d’action nationaliste (MHP), avec 52 sièges, et du Parti démocratique des peuples (HDP), avec 29 sièges. Le parti Anatolia, le Parti régional démocratique, le Parti de la démocratie électronique, le Parti du centre et le Parti Nation et Justice avaient tous un siège chacun. Le parlement comptait aussi 13 membres indépendants et 15 sièges n’étaient pas pourvus.
12. Les élections législatives du 7 juin 2015 ont largement été perçues comme un événement politique important, voir crucial, susceptible de faire basculer le système politique d’un régime parlementaire vers un régime présidentiel. Le HDP a pour la première fois participé à l’élection en tant que parti, ses représentants dans le parlement sortant y ayant été élus en tant que candidats indépendants. Vingt partis politiques ont pris part à ces élections.
13. Comme l’indiquait déjà le rapport de l’Assemblée parlementaire sur l’élection présidentielle du 10 août 2014 
			(1) 
			Doc. 13611, «Observation de l’élection présidentielle en Turquie
(10 août 2014)» (rapporteure: Mme Meritxell
Mateu Pi, Andorre, ADLE)., le cadre législatif turc est globalement favorable à la tenue d’élections démocratiques, bien que des améliorations soient nécessaires dans certains domaines essentiels. La Constitution de 1982, adoptée sous un régime militaire, condamne et interdit plus qu’elle ne protège les droits de l’homme et les libertés fondamentales, en ce qu’elle consacre des restrictions injustifiées du droit à la liberté d’association, de réunion et d’expression, ainsi que des droits électoraux. En particulier, le fait qu’insulter le Président soit une infraction pénale (article 299 du Code pénal) restreint la liberté d’expression et la liberté de faire campagne.
14. De récentes modifications apportées au cadre juridique répondent à des recommandations antérieures de l’Assemblée. En 2014, une modification de la loi sur les partis politiques a abaissé le seuil permettant aux partis politiques de recevoir un financement public, et une révision de la loi sur les dispositions fondamentales en 2014 a permis de faire campagne dans n’importe quelle langue.
15. Les membres du parlement sont élus pour un mandat de quatre ans, selon un système proportionnel, dans 85 circonscriptions plurinominales, sur des listes de parti bloquées ou en tant que candidats indépendants. La CES a entrepris une redistribution des sièges début 2015, sur la base de statistiques actuelles sur la répartition démographique. Le système d’attribution des sièges établi dans la loi entraîne une disparité importante du nombre d’électeurs inscrits par siège selon les circonscriptions, ce qui est contraire au principe de l’égalité du vote énoncé à la Section I.2.2.2 du Code de bonne conduite en matière électorale («Code de bonne conduite») de la Commission de Venise.
16. Les partis politiques doivent répondre à des conditions rigoureuses pour participer aux élections: ils doivent notamment soumettre une liste de candidats complète et leurs structures organisationnelles dans au moins la moitié des provinces du pays; les listes de candidats conjointes ne sont pas autorisées; les partis politiques n’ont pas le droit de promouvoir un certain nombre d’idéologies – parmi lesquelles la non-laïcité ou le séparatisme – ni l’existence des minorités. Ces restrictions entravent la liberté d’association et d’expression et limitent le pluralisme politique.
17. Pour obtenir des sièges, les partis politiques doivent dépasser le seuil électoral national de 10 % des suffrages valides exprimés. Ce seuil fait l’objet d’un débat public. En décembre 2014, le CHP a soumis un projet de loi abaissant ce seuil à 3 %, mais le projet n’a pas été adopté. En 2014, trois partis non représentés au parlement ont déposé des recours distincts auprès de la Cour constitutionnelle, contestant le seuil. Le 5 mars 2015, la Cour a refusé d’examiner les affaires, au motif qu’un texte législatif ne peut être contesté au moyen d’un recours individuel. L’Assemblée parlementaire et la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que l’OSCE/BIDDH, ont recommandé précédemment que le seuil soit abaissé afin d’accroître le pluralisme politique au parlement.
18. La législation ne crée pas de cadre juridique pour l’observation nationale et internationale des élections. L’Assemblée 
			(2) 
			Doc. 12701, «Observation des élections législatives en Turquie
(12 juin 2011)» (rapporteure: Mme Kerstin
Lundgren, Suède, ADLE); et Doc.
13611. et la Commission de Venise, dans son Code de bonne conduite 
			(3) 
			CDL-AD(2002)23rev.,
«Code de bonne conduite en matière électorale – lignes directrices
et rapport explicatif», adopté par la Commission de Venise lors
de sa 52e session (Venise, 18-19 octobre
2002): «La possibilité de participer à l’observation doit être la
plus large possible, en ce qui concerne aussi bien les observateurs
nationaux que les observateurs internationaux.», ont déjà formulé des recommandations à ce sujet. Des observateurs internationaux ont cependant été invités et autorisés à observer les élections. Toutefois, comme cela avait aussi été le cas lors de l’élection présidentielle du 7 août 2014, ils ont rencontré des difficultés pour accéder à certains bureaux de vote, où les commissions de bureau de vote n’avaient visiblement aucune connaissance des droits des observateurs. La loi sur les dispositions fondamentales ne prévoit un suivi du processus électoral que de la part de représentants des partis politiques et des candidats indépendants. Pour ce qui est des observateurs citoyens, ils n’ont encore pu intervenir qu’en collaboration avec les partis politiques.

3. Administration électorale et inscription des électeurs et des candidats

19. Les élections ont dans l’ensemble été organisées de manière professionnelle. L’administration électorale comprend quatre niveaux: la CES, 81 commissions électorales provinciales (CEP), 1 067 commissions électorales de district (CED) et 174 220 commissions de bureau de vote (CBV). La CES est un organe permanent, composé de 11 juges élus pour six ans, ayant une autorité et une responsabilité générales pour la conduite des élections. Les partis politiques éligibles pouvaient désigner des membres de la CES sans droit de vote. Ceux-ci étaient des représentants de l’AKP, du CHP, du MHP, du HDP et du Parti de la félicité (SP).
20. Chaque province compte une CEP, composée de ses trois juges ayant la plus grande ancienneté, qui sont nommés pour un mandat de deux ans. Les quatre partis politiques ayant reçu le plus grand nombre de voix dans la province aux dernières élections législatives pouvaient nommer chacun un membre au sein de la CEP, sans droit de vote. Les CED comptent sept membres et sont présidées par le juge du district ayant la plus grande ancienneté; quatre de leurs membres sont nommés par des partis politiques et deux sont des fonctionnaires. Les CBV doivent se composer de sept membres, dont cinq sont désignés par des partis politiques et deux sont des fonctionnaires. La loi sur les dispositions fondamentales prévoit que le choix de leur président se fait par tirage au sort. Toutefois, ces procédures n’ont pas été suivies par certaines CED, qui ont nommé leur président directement.
21. La CES a imprimé un total de 73 988 955 bulletins de vote. Des carnets de 405, 390 et 200 bulletins ont été imprimés et distribués, respectivement, aux CBV des villages, des quartiers et bureaux de vote à l’étranger. La CES, pour déterminer le nombre de bulletins à imprimer et distribuer, s’est basée sur la législation et sur la pratique des élections antérieures. Comme la CES l’a mentionné, la loi sur les élections locales dispose que la quantité de bulletins imprimés ne doit pas dépasser de plus de 15 % le nombre des électeurs inscrits, tandis que la loi sur les dispositions fondamentales et la loi sur les élections législatives prévoient que chaque bureau de vote doit être doté d’un carnet de 400 bulletins. La décision d’imprimer et de distribuer des carnets de 405 et 390 bulletins à toutes les CBV du territoire national, y compris celles des bureaux n’ayant que peu d’électeurs, a entraîné un surplus de 17 380 177 de bulletins par rapport au nombre total des électeurs, surplus pour lequel le CES n’a fourni aucune explication.
22. Avant le jour du scrutin, de nombreux interlocuteurs de la MIOE ont exprimé leur préoccupation concernant un manque de confiance vis-à-vis de l’administration électorale, quel que soit le niveau, en raison notamment de l’absence de transparence. Les réunions des commissions électorales ne sont pas publiques et toutes les décisions de la CES ne sont pas affichées sur son site internet. La CES a publié un calendrier électoral où les activités de l’administration électorale ne sont indiquées que jusqu’au jour du scrutin. Par conséquent, les délais pour le dépôt de plaintes, l’annonce des résultats et d’autres événements majeurs n’ont pas été publiés.
23. Le vote à l’étranger a été organisé dans 54 pays du 8 au 31 mai. En outre, les électeurs inscrits à l’étranger ont pu voter dans les postes de douane jusqu’au 7 juin. Les bulletins du vote à l’étranger ont été transportés dans un centre de dépouillement à Ankara, et les bulletins des postes de douane ont été dépouillés au sein des CED les plus proches.
24. D’après la CES, 606 082 électeurs handicapés étaient inscrits et une assistance leur a permis d’être réaffectés dans des bureaux accessibles.
25. La CES a réalisé des spots d’information en turc à l’usage des électeurs. Ces spots n’étaient cependant pas proposés dans d’autres langues. Une organisation de la société civile a soumis à la CES deux requêtes pour que les spots de formation au vote soient proposés en kurde. Ces requêtes ont été rejetées par le président de la CES et une nouvelle fois ensuite par la CES.
26. En Turquie, l’inscription des électeurs est passive. La CES tient un registre central permanent des électeurs, lié au registre de l’état civil et des adresses géré par le ministère de l’Intérieur. Dans l’ensemble, le système d’inscription des électeurs est bien développé. Le nombre total des personnes habilitées à voter était de 53 741 838 dans le pays et 2 866 940 à l’étranger.
27. Les citoyens âgés de 18 ans et plus ont le droit de vote, sauf les appelés du contingent, les élèves d’écoles militaires et les détenus condamnés pour une infraction intentionnelle, quelle que soit sa gravité. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé à deux reprises que la privation des droits électoraux pour les détenus condamnés était trop étendue et qu’elle devait être proportionnée aux infractions commises. Cette restriction va également à l’encontre du Code de bonne conduite de la Commission de Venise. Les décisions n’ont pas encore été suivies d’effet. Toutefois, le 23 février 2015, la CES a rendu une décision qui met partiellement en œuvre les arrêts de la Cour, en appliquant le droit international qui permet à tous les condamnés non incarcérés de voter, même s’ils n’ont pas encore totalement purgé leur peine.
28. La CES a établi les listes d’électeurs définitives le 8 avril 2015. La législation prévoit que le vote est obligatoire pour les élections législatives. Toutefois, aucune disposition ne prévoit le vote sur les lieux de séjour temporaire pour les personnes qui se trouvent dans un établissement de santé ou un centre d’hébergement pour femmes ni pour les travailleurs saisonniers.
29. Les citoyens âgés de plus de 25 ans, sous réserve de capacité juridique et d’avoir reçu un enseignement primaire, peuvent se porter candidats aux élections. Ne peuvent se présenter à une élection les citoyens qui n’ont pas achevé le service militaire obligatoire, ont été interdits d’exercice d’une fonction publique ou ont été condamnés pour un large éventail d’infractions, y compris mineures (et même en cas d’amnistie). Ces conditions et les critères requis pour avoir de nouveau le droit d’être candidat sont incompatibles avec le droit fondamental de se présenter aux élections.
30. Dans l’ensemble, l’inscription des candidats a été ouverte. A la suite de la période de désignation et de la période d’affichage public et de contestation, la CES a annoncé le 24 avril que 20 partis politiques, présentant au total 9 861 candidats, et 165 candidats indépendants étaient inscrits. Certains partis ont appliqué des quotas d’hommes et de femmes. Au total, environ 28 % des candidats inscrits sur les listes de partis étaient des femmes.

4. Campagne électorale et environnement médiatique

31. La loi a établi deux périodes lors desquelles des règles différentes s’appliquent à la campagne. Pendant la période de la campagne officielle, qui a débuté le 28 mai et a pris fin le 6 juin à 18 heures, des règles plus strictes et les principes généraux d’une campagne équitable ont été appliqués. Du fait que seuls les dix derniers jours de la campagne étaient strictement réglementés, la plus grande partie de la campagne a été insuffisamment réglementée et n’a pas permis de garantir pleinement l’égalité des chances.
32. Les candidats ont dans l’ensemble pu faire campagne librement, possibilité dont ils ont largement fait usage. Il y a eu toutefois des cas isolés d’annulations ou de restrictions de rassemblements des partis d’opposition en faveur d’événements organisés pour le Président ou le Premier ministre. Certains partis se sont plaints de l’espace qui leur était alloué pour la campagne et ont signalé que leurs matériels de campagne avaient été détériorés ou retirés, y compris par les collectivités locales. Mi-mai, les tribunaux pénaux de Kirikkale et Ankara ont jugé que certaines affiches du MHP étaient insultantes pour le Président et incitaient à la haine, ce qui est interdit par le Code pénal. Les tribunaux ont ordonné à tous les gouverneurs de province et à la Direction générale de la police de retirer toutes les affiches en question. En outre, le 2 juin, le Président a engagé une action civile contre le président du CHP pour diffamation, à la suite de propos à son encontre dans un discours de campagne.
33. La campagne a été animée. Les candidats ont mené différentes activités en plein air, et ont aussi largement utilisé les médias sociaux. L’environnement de la campagne s’est caractérisé par un engagement actif sur des questions de fond de la part des candidats et par la participation de nombreux électeurs aux événements organisés. Une polarisation entre le parti au pouvoir et les autres candidats a pu être observée, de même que – souvent – des discours de campagne agressifs. La question essentielle, pendant la campagne, a été la proposition de passer d’un régime gouvernemental à un régime présidentiel, défendue par le Président et l’AKP et contestée par d’autres candidats. Les questions socio-économiques, le processus de paix entre les Kurdes et la Turquie et la situation actuelle au Proche-Orient ont aussi fait l’objet de nombreux débats. Outre le turc, dans certains cas le kurde, l’arabe, le syriaque et le zazaki ont été utilisés pendant la campagne.
34. La campagne a été entachée par un grand nombre d’attaques contre des candidats ou les bureaux de partis. Le 18 mai, deux bombes ont explosé dans les bureaux locaux du HDP à Adana et Mersin. Un candidat d’AKP et un candidat du CHP ont été blessés dans deux attaques armées distinctes, respectivement les 23 et 26 mai. Le 4 juin, à Erzurum, 38 personnes ont été blessées lors d’une perturbation ciblée contre un rassemblement d’HDP. Le 5 juin, deux bombes ont explosé lors d’un rassemblement d’HDP à Diyarbakir; trois personnes ont été tuées et plus d’une centaine ont été blessées. La police a ouvert des enquêtes sur toutes ces affaires.
35. Aux termes de la Constitution, le Président doit être au-dessus des partis et remplir ses fonctions de manière impartiale. Cependant, le Président, en tant que chef de l’Etat, a assisté à un nombre exceptionnel d’événements publics en compagnie de responsables locaux. Ces événements ont été utilisés pour faire campagne en faveur du parti au pouvoir et pour critiquer des personnalités d’opposition. Les activités de campagne du Président se sont poursuivies pendant les dix jours de la campagne officielle. Cette pratique est contraire aux règles relatives à la campagne prévues par la loi.
36. Le 30 mai, une grande manifestation publique a commémoré le 562e anniversaire de la conquête d’Istanbul. Dans leurs discours, le Président et le Premier ministre (présenté en tant que président de l’AKP) ont vanté l’action de l’actuel gouvernement AKP. Avant cet événement, la CES a décidé, bien que cela soit contraire à la législation, de ne pas l’interdire. Le 19 mai, le MHP a déposé une requête auprès de la CES pour que le Président ne puisse pas participer à cet événement ni à aucun autre rassemblement public en plein air pendant les dix derniers jours de la campagne. La CES a rejeté cette requête.
37. La législation ne contient pas de dispositions détaillées sur le financement des campagnes. Elle prévoit uniquement certaines restrictions sur le montant et la nature des dons. Les partis politiques ne sont tenus de déclarer leur budget alloué à la campagne qu’au moyen de leurs rapports financiers annuels soumis à la Cour constitutionnelle. Les dons et les dépenses des partis et des candidats lors de la campagne n’ont pas été rendus publics. L’absence d’une telle déclaration, faite publiquement et en temps utile, limite la transparence et la responsabilisation générales du cadre de financement des campagnes.
38. L’environnement médiatique est dynamique, marqué par une grande diversité de médias audiovisuels et écrits et une importance toujours plus grande des médias en ligne et sociaux. Cependant, la propriété des médias grand public est concentrée dans les mains de quelques sociétés. Certaines de ces sociétés ont des investissements importants hors du secteur des médias et dépendent en partie de contrats publics. Certains interlocuteurs de la MIOE estiment que cette situation limite leurs critiques à l’égard du parti au pouvoir.
39. Le cadre juridique comprend des restrictions injustifiées de la liberté d’expression, détaillées dans la Constitution, le Code pénal, la loi contre le terrorisme et la loi sur internet. Plusieurs interlocuteurs de la MIOE ont fait part de leur préoccupation concernant l’ingérence directe de responsables publics et d’entités politiques vis-à-vis des médias jugés critiques à l’égard du pouvoir actuel. Au cours de la période électorale, certains médias ont fait l’objet de pressions et d’intimidations, notamment de restrictions à l’accès pour couvrir des événements institutionnels, ainsi que de menaces d’interdiction de médias. Selon les interlocuteurs de la MIOE, 22 journalistes se trouvent en prison.
40. La conduite des médias de radiotélédiffusion pendant la période électorale est régie par la loi sur l’établissement des entreprises de radio et de télévision et leurs services de médias (loi sur la radiotélédiffusion), la loi sur les dispositions fondamentales et les décisions de la CES. La réglementation applicable aux médias requiert de tous les radiodiffuseurs qu’ils veillent à l’impartialité, la véracité et l’exactitude dans leurs émissions. Toutefois, il n’existe pas de lignes directrices ni de définitions générales sur la mise en œuvre de ces principes en période électorale.
41. Le Conseil supérieur de la radio et de la télévision (CSRT) est composé de neuf membres élus par le parlement; cinq sont nommés par l’AKP, deux par le CHP et un membre respectivement par le MHP et l’HDP. Le CSRT a été chargé de surveiller le respect des réglementations en vigueur de la part des médias et de soumettre à la CES des rapports hebdomadaires sur les violations détectées. Toutefois, le mode de fonctionnement du CSRT, marqué semble-t-il par la partialité, nuit à son indépendance. Les membres du CSRT nommés par des partis d’opposition ont exprimé publiquement leur mécontentement concernant le manque de transparence du Conseil et son inaction face à la vaste couverture de la campagne favorable à l’AKP et au Président de la part de certains radiodiffuseurs nationaux. La CES avait autorité pour examiner les plaintes de médias et sanctionner des radiodiffuseurs nationaux. Au 5 juin, la CES avait examiné 126 rapports du CSRT, qui ont donné lieu à des avertissements pour 40 chaînes de télévision et à des suspensions de programme pour 16 chaînes. Néanmoins, toutes les décisions n’ont pas été rendues publiques et les radiodiffuseurs n’ont pas été informés en temps utile, ce qui pose la question de l’efficacité des sanctions.
42. La couverture des élections a souvent été polarisée suivant des lignes éditoriales partisanes. Les médias de radiotélédiffusion ont largement couvert la période électorale, au moyen de retransmissions en direct des meetings de campagne. Aucun débat n’a été organisé entre les dirigeants de partis politiques, ce qui a considérablement restreint la possibilité d’un débat ouvert entre les candidats. Conformément à la loi, le radiodiffuseur public, TRT, a accordé un temps d’antenne gratuit à tous les partis politiques afin qu’ils délivrent leurs messages, les partis disposant d’un groupe parlementaire ayant bénéficié d’un temps supplémentaire. Tous les partis ont fait usage de cette possibilité.
43. La chaîne TRT1, dans ses bulletins d’information, a largement favorisé le parti au pouvoir, qui a bénéficié de 46 % du temps d’antenne. Les chaînes NTV et ATV, dans leurs émissions et les retransmissions en direct d’événements de campagne, ont accordé un temps d’antenne important à l’AKP (respectivement 32 % et 34 %). CNN Turk a offert une meilleure couverture au CHP et à l’HDP (30 % et 27 % respectivement), tandis que le MHP et l’AKP ont bénéficié de 18 % et 12 % du temps d’antenne. Samanyolu TV a accordé un temps d’antenne limité mais relativement équitable aux candidats; toutefois, le ton vis-à-vis du parti au pouvoir était souvent négatif.
44. L’AKP a investi massivement dans des annonces payantes, en achetant 51 % du total de la publicité politique payante sur l’ensemble des chaînes étudiées. L’AKP a été le seul parti à acheter des annonces payantes sur ATV et il a acheté 91 % de ces annonces sur TRT1. Le CHP, dans une moindre mesure, a aussi investi dans des annonces payantes, en achetant 19 % du total de la publicité politique payante.
45. Dans ses discours publics, le Président a souvent mentionné d’autres candidats aux élections. Il a bénéficié d’une vaste couverture de la part de TRT1, ATV et NTV: respectivement 40 %, 46 % et 30 % des sujets sur des acteurs politiques et institutionnels. Plusieurs partis politiques et des parlementaires ont déposé des recours auprès de la CES et de la Cour constitutionnelle, portant notamment sur la couverture médiatique dont a bénéficié le Président. Tous ces recours ont été rejetés ou étaient encore en instance au jour du scrutin.

5. Jour du scrutin

46. Le jour de l’élection, le scrutin a été organisé de manière professionnelle et efficace et les procédures électorales ont en grande partie été respectées. Cela étant, la commission ad hoc souligne (comme elle l’a fait après l’élection présidentielle de 2014) qu’un processus électoral ne se limite pas, tant s’en faut, au jour du scrutin.
47. Dans les bureaux de vote visités, le scrutin a été, en général, bien organisé. Des observateurs issus de partis et des observateurs citoyens (en particulier des membres de l’organisation «Oy ve Ötesi» («Vote et au-delà»)) étaient présents dans de nombreux bureaux de vote. Pour mener à bien leur mission essentielle, les groupes d’observateurs citoyens devaient s’enregistrer auprès d’un parti. Comme on l’a dit, dans certains cas, les observateurs internationaux n’ont pas été autorisés à observer les opérations de vote (très probablement en raison d’un manque d’information des CBV). Certains observateurs citoyens ont informé les membres de la commission ad hoc qu’ils avaient rencontré des problèmes analogues.
48. Des observateurs du CHP étaient aussi présents dans de nombreux bureaux de vote, le parti ayant annoncé qu’il effectuerait un décompte parallèle pour comparaison avec les résultats officiels.
49. Quelques actes de violence isolés ont été signalés au cours de la journée. Dans l’ensemble, le jour du scrutin était calme. L’achat de boissons alcoolisées – dans les boutiques, bars, restaurants et hôtels – n’était pas autorisé pendant toute la journée.
50. Les membres de la commission ad hoc ont appelé l’attention sur un certain nombre de problèmes survenus dans les bureaux de vote visités: on l’a dit, certains ont rencontré des difficultés à accéder aux bureaux de vote; dans certains cas, les CBV n’ont pas respecté les procédures; les arrangements pratiques mis en place pour répondre aux besoins des électeurs handicapés ainsi que les personnes âgées étaient souvent insuffisants; une équipe a observé que dans un bureau de vote, le dépouillement des bulletins était ouvert à toute personne désireuse d’observer (ce qui a été considéré comme un point positif, étant donné qu’il n’y a eu aucune ingérence dans le décompte des voix).
51. Le jour de l’élection, le président de la commission ad hoc s’est entretenu avec le président de l’Association des barreaux de Turquie, qui l’a informé que l’association observait aussi le vote par l’intermédiaire de quelque 45 000 juristes bénévoles, formés en droit électoral, répartis dans le pays. Celui-ci a indiqué qu’on lui avait signalé des cas d’ingérence par la police pendant les opérations de vote.
52. En ce qui concerne le vote à l’étranger, le président de la commission ad hoc a adressé le 11 mai 2015 une lettre au président de la CES afin d’obtenir des accréditations pour les membres de la commission ad hoc pour observer le processus électoral à l’étranger. Le 29 mai, il a reçu une réponse positive de la CES accompagnée de la liste des bureaux de vote situés à l’étranger. La date limite du vote à l’étranger ayant été fixée au 31 mai, aucun membre n’a malheureusement été en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour observer le déroulement de ce scrutin. Selon des informations fournies par les médias, le responsable d’une CBV de Francfort a été révoqué par la CES après avoir tenté de voter sous un autre nom que le sien.
53. Le dépouillement des bulletins et le décompte des voix ont été rapides et, le soir de l’élection, plusieurs médias, y compris le radiodiffuseur public, ont publié des résultats préliminaires avant 21 heures.
54. Le 18 juin, la CES a annoncé les résultats officiels des élections:
  • AKP: 40,87 %;
  • CHP: 24,95 %;
  • MHP: 16,29 %;
  • HDP: 13,12 %;
  • Le parti de la Félicité: 2,06 %;
  • Indépendants: 1,06 %;
  • Autres: 1,65 %;
Le taux de participation a été de 83,92 %.

6. Conclusions

55. La commission ad hoc a noté que les élections s’étaient caractérisées par une participation active des citoyens pendant la campagne et par un fort taux de participation le jour du scrutin. Les électeurs avaient le choix entre un large éventail de partis, mais le seuil de 10% des voix requis pour entrer au parlement limite le pluralisme politique. Dans l’avenir ce seuil devrait donc être abaissé sensiblement.
56. La liberté des médias est un sujet de vive préoccupation: les organes d’information et les journalistes critiques à l’égard du parti au pouvoir ont été la cible de pressions et d’actes d’intimidation pendant la campagne. Le fonctionnement apparemment tendancieux du Conseil supérieur de la radio et de la télévision devrait faire l’objet d’une évaluation afin de s’assurer de son impartialité pour les élections à venir.
57. De façon générale, les libertés fondamentales ont été respectées. Malheureusement, la campagne a été entachée par un grand nombre d’attaques contre les bureaux de partis ainsi que d’actes de violence physique graves, dont certains se sont soldés par des morts. Des enquêtes ont été lancées par les autorités dans tous ces cas. Les résultats devraient être rendus publics dès que possible et les coupables doivent être traduits en justice.
58. De façon générale, ces élections ont été conduites de manière professionnelle. Cela étant, une plus grande transparence dans l’administration électorale permettrait de renforcer la confiance dans le processus électoral. Les réunions des commissions électorales n’étaient pas publiques. La CSE n’a pas publié toutes ses décisions sur son site internet. Etant donné qu’elle a publié un calendrier où les activités de l’administration électorale ne sont indiquées que jusqu’au jour du scrutin, il a été impossible de préciser les dates limites concernant les événements post-électoraux.
59. La CES a pris plusieurs décisions contraires à la législation, notamment en ce qui concerne les activités de campagne et l’administration électorale; l’absence de contrôle judiciaire de ces décisions menace la séparation des pouvoirs et empêche l’accès aux recours judiciaires en matière électorale. La CES a rejeté un ensemble de réclamations et de recours concernant la participation du Président à la campagne et sa large couverture médiatique. Les 16 pétitions concernant l’élection déposées auprès de la Cour constitutionnelle n’avaient pas été tranchées le jour du scrutin; leurs auteurs n’ont donc pas eu la possibilité d’intenter un recours en temps utile.
60. Des observateurs internationaux ont été accrédités pour cette élection. Toutefois, malgré les recommandations de l’Assemblée parlementaire et en violation du paragraphe II.3.2 du Code de bonne conduite de la Commission de Venise, la législation n’instaure pas de base juridique pour l’observation citoyenne et internationale. La Commission électorale suprême a autorisé la commission ad hoc a observer les élections à l’étranger. Malheureusement, cette autorisation n’a été délivrée que deux jours avant la fermeture du vote à l’étranger. A l’avenir, cette permission devrait être délivrée à temps, afin de pouvoir également couvrir cette partie importante du processus électoral.
61. Les observateurs partisans et citoyens, en particulier ceux appartenant à l’organisation «Oy ve Ötesi» (Vote et au-delà), étaient présents dans de nombreux bureaux de vote. Afin de remplir leur rôle clé, les groupes d’observateurs citoyens ont dû s’enregistrer au nom de partis. A l’avenir, les observateurs citoyens devraient pouvoir bénéficier d’un statut officiel afin qu’ils puissent contribuer à améliorer la confiance globale dans le processus électoral.
62. Vingt partis et 165 candidats indépendants ont pris part à l’élection. Ils pouvaient, dans l’ensemble, faire campagne librement et l’ont fait de manière intensive, malgré quelques cas isolés d’annulations ou de restrictions de rassemblements des partis d’opposition dans le but de privilégier des manifestations organisées pour le Président ou le Premier ministre.
63. Le paysage médiatique est dynamique et compte des radiodiffuseurs et des organes de presse multiples et variés. Il subsiste néanmoins des restrictions injustifiées et les médias critiques à l’égard du parti au pouvoir ont été la cible de pressions croissantes et d’actes d’intimidation de la part de personnages publics et de responsables politiques pendant la période électorale. La couverture médiatique s’est polarisée sur des positions partisanes, y compris sur la chaîne de télévision publique, le parti au pouvoir ayant été nettement favorisé. Le Président a ainsi bénéficié d’une couverture télévisuelle très importante, ce qui a profité à son parti.
64. En général, le fonctionnement des bureaux de vote visités par les membres de la commission ad hoc a été très efficace et transparent. La journée de l’élection a été bien organisée. A noter toutefois quelques problèmes de sécurité localisés. Dans l’ensemble, le dépouillement des bulletins et le décompte des voix se sont fait dans la transparence et ont été effectués rapidement, malgré quelques erreurs de procédure observées. Dans certains cas, des observateurs internationaux se sont vu refuser l’accès aux locaux de dépouillement et de décompte.
65. De manière générale, le cadre légal, s’il est pleinement et efficacement mis en œuvre, est favorable à la tenue d’élections démocratiques. Cela étant, les libertés d’association, de réunion et d’expression ainsi que la capacité électorale active et passive sont, dans une certaine mesure, anormalement limitées par la Constitution et par le droit général. En particulier, le fait qu’insulter le Président est une infraction pénale (article 299 du Code pénal) restreint la liberté d’expression et la liberté de faire campagne.
66. La commission ad hoc a noté que, pour l’essentiel, il n’a pas été donné suite aux précédentes recommandations de l’Assemblée en faveur de réformes juridiques visant à combler les lacunes et à lever les ambiguïtés. La liberté de faire campagne dans n’importe quelle langue a été reconnue en mars 2014, ce qui constitue une évolution positive. Les règles d’attribution des sièges des 550 députés définies dans la législation sont contraires au principe de l’égalité de vote en raison de différences significatives dans la pondération des voix.
67. La campagne a été marquée par un engagement actif des candidats pour des questions de fond, ce qui a mobilisé un grand nombre d’électeurs pendant les événements organisés. La polarisation entre le parti au pouvoir et les autres candidats a pu être observée, de même que – souvent – des discours agressifs. Le passage du système politique actuel à un régime présidentiel a été le sujet prédominant de la campagne; le Président et le parti au pouvoir y étaient favorables tandis que les autres grands candidats y étaient hostiles.
68. Le Président a joué un rôle actif pendant la campagne électorale, bien que la Constitution l’oblige à rester au-dessus des partis et à remplir ses fonctions de manière impartiale. Il a assisté à un nombre extraordinaire d’événements publics, en tant que chef de l’Etat, aux côtés de responsables locaux. Mais ces événements ont été utilisés pour faire campagne en faveur du parti au pouvoir et pour critiquer des personnalités de l’opposition. De nombreuses réclamations ont été déposées pour demander l’arrêt des activités de campagne du Président et de l’utilisation abusive des ressources de l’Etat, notamment la couverture massive par la télévision publique. Les activités de campagne du Président n’ont pas respecté les règles en la matière et sont en contradiction avec le paragraphe I.2.3.a du Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise.
69. La législation ne contient pas de dispositions détaillées sur le financement des campagnes. Elle prévoit uniquement certaines restrictions sur le montant et la nature des dons. Les partis politiques ne sont tenus de déclarer leur budget alloué à la campagne qu’au moyen de leurs rapports financiers annuels, lesquels sont soumis à la Cour constitutionnelle. Les informations concernant les dons et les dépenses des partis et des candidats pendant la campagne n’ont pas été rendues publiques. Le fait de ne pas dévoiler les rapports publiquement et en temps utile limite globalement la transparence du cadre de financement des campagnes ainsi que les responsabilités en la matière.
70. Le nombre de femmes parlementaires a augmenté de 79 à 98. Quoique sous-représentées dans la vie politique, les femmes ont joué un rôle actif dans la campagne. La Constitution garantit l’égalité entre les femmes et les hommes, mais les partis politiques ne sont pas légalement tenus de désigner des candidates. Certains partis ont mis en place des quotas par sexe, ce qui est un point positif. Au total, 28 % environ des candidats inscrits sur les listes de partis étaient des femmes. Toutefois, moins de 1 % des membres des commissions électorales de district étaient des femmes et il y avait seulement une femme dans la CES.
71. Les efforts pour améliorer les moyens d’accueil des électeurs handicapés, ainsi que des personnes âgées, furent souvent insuffisants. Pour les élections futures, ceci devrait être une priorité.
72. Ces élections ont montré la force démocratique de la Turquie, comprenant un taux de participation élevé, des partis politiques solides et des observateurs citoyens actifs. Néanmoins, les conclusions mentionnées ci-dessus montrent également qu’il y a une marge de progression considérable pour effectuer les améliorations nécessaires pour que les élections en Turquie se déroulent dans des conditions véritablement équitables. L’Assemblée parlementaire est toujours prête à apporter son savoir-faire et à soutenir le pays dans ses efforts de mise en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

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Sur la base de propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

  • Tiny KOX (Pays Bas, GUE), Président de la commission ad hoc
  • Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)
    • Corneliu Mugurel COZMANCIUC, Roumanie
    • Nicole DURANTON, France
    • Anže LOGAR, Slovénie
    • Jan RZYMEŁKA, Pologne
    • Attila TILKI, Hongrie
    • Emanuelis ZINGERIS, Lituanie
    • Yves POZZO DI BORGO, France
    • Cezar Florin PREDA, Roumanie
  • Groupe socialiste (SOC)
    • Maryvonne BLONDIN, France
    • Paolo CORSINI, Italie
    • Andreas GROSS, Suisse
    • Jonas GUNNARSSON, Suède
    • Tadeusz IWIŃSKI, Pologne
    • Marit MAIJ, Pays Bas
    • Yanaki STOILOV, Bulgarie
    • John TOMLINSON, Royaume-Uni
    • Birutė VĖSAITĖ, Lituanie
    • Philippe BLANCHART, Belgique
  • Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
    • Rik DAEMME, Belgique
    • Kerstin LUNDGREN, Suède
    • Andrea RIGONI, Italie
    • Alfred HEER*, Suisse
  • Groupe des conservateurs européens (CE)
    • Richard BALFE, Royaume-Uni
    • Ingebjørg GODSKESEN*, Norvège
    • Morton WOLD, Norvège
  • Groupe de la gauche unitaire européenne (GUE)
    • Tiny KOX*, Pays-Bas
    • Athanasia ANAGNOSTOPOULOU, Grèce
  • Rapporteure de la commission de suivi (ex officio)
    • Josette DURRIEU*, France
  • Commission de Venise
    • Srđan DARMANOVIĆ
  • Secrétariat
    • Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire, Secrétariat de l’Assemblée parlementaire
    • Amaya UBEDA DE TORRES, Administratrice, Commission de Venise
    • Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
    • Nathalie BARGELLINI, Attachée de presse
    • Anne GODFREY, Assistante, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
    • Francesca ARBOGAST, Secrétaire du groupe socialiste auprès de l’Assemblée parlementaire
* membres de la délégation pré-électorale

Annexe 2 – Programme de la délégation préélectorale (5-6 mai 2015)

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Mardi 5 mai 2015

10:00-11:00 Réunion de la délégation:

  • Ouverture de la réunion par M. Tiny Kox, Président de la commission ad hoc
  • Information par Mme Josette Durrieu, rapporteur de l’Assemblée parlementaire pour le dialogue post-suivi avec la Turquie

11:00-12:00 Réunion avec les représentants des média:

  • Today’s Zaman: Abdullah Bozkurt
  • Association des journalistes contemporains: Ahmet Abakay
  • Ulusal Kanal: Osman Erbil
  • Bugün: Ömer Önder
  • Gözlem (Izmir): Ali Abali
  • Aydinlik: Ismet Özcelik

12:00-13:15 Réunion avec le corps diplomatique à Ankara:

  • M. Jeroen Vergeylen, Chef de Mission adjoint, Ambassade de Belgique
  • M. Daan Huisinga, Chef de Mission adjoint, Ambassade des Pays-Bas
  • Mme Lovorka Ostrunic, Ambassade de Croatie
  • M. Stanislav Proshko, Ambassade d’Ukraine
  • M. Didier Chassot, Chef de Mission adjoint, Ambassade de Suisse
  • M. Christophe Parisot, Premier Conseiller, Ambassade de France
  • M. Bela Szombati, Chef de Mission a.i, Délégation de l’Union européenne en Turquie

14:30-15:30 Réunion avec des représentants de la société civile:

  • Vote et au-delà (Oy ve ötesi): Mehmet Pancaroglu, Basak Yavcan
  • AMER: Cigdem Sever
  • Pouvoirs et contre-pouvoirs: Oya Özden, Süleyman Basa, Seda Kirdar, Zerrin Ates
  • Association des droits de l’homme: Öztürk Türkdogan
  • Transparency International: Damla Cihangir

15:45-16:30 Réunion avec le Professeur Dr. Davut Dursun, Président du Conseil Supérieur de la Radio et de la Télévision (RTSC), et les membres du RTSC

17:00-18:00 Réunion avec M. Sırrı Süreyya Önder et M. Nazmi Gür, représentants du Parti démocratique des peuples (HDP)

18:00-19:00 Réunion avec M. Tuğrul Türkeş, Vice-Président du Parti du Mouvement Nationaliste (MHP)

Mercredi 6 mai 2015

09:30-10:45 Réunion avec M. Sadi Güven, Président du Conseil suprême des élections (SBE)

11:00-12:00 Réunion avec Mme Gülsün Bilgehan, Vice-Présidente, et des représentants du Parti populaire républicains (CHP)

14:00-15:00 Réunion avec M. Mükerrem Ünlüer, Sous-Secrétaire, et des représentants du Ministère de l’Intérieur

16:00-17:00 Réunion avec M. Yalçın Akdoğan, Vice-Premier ministre, représentant le Parti de la Justice et du Développement (AKP)

17:30-18:30 Réunion avec l’Ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, Chef de la Mission d’Observation Limitée de l’OSCE/BIDDH, et son équipe

18:30-20:30 Préparation et distribution de la déclaration de la délégation préélectorale

Annexe 3 – Déclaration de la délégation préélectorale

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Strasbourg, le 6 mai 2015 – A l’invitation de la délégation turque auprès de l’APCE, une délégation (*) composée de six membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), représentant tous les groupes politiques, s’est rendue à Ankara les 5 et 6 mai 2015 pour une visite pré-électorale préalable aux élections parlementaires du 7 Juin 2015.

La délégation a rencontré des dirigeants et des représentants des principaux partis politiques en lice pour les élections, des membres du corps diplomatique à Ankara, le chef de la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH, des membres de la délégation turque auprès de l’APCE, le Président du Conseil suprême des élections (SBE), des représentants du ministère de l’Intérieur, le président et les membres du Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTSC), des représentants de la société civile et des médias.

La délégation estime que les élections législatives du 7 Juin représenteront un moment crucial de la vie politique en Turquie. Les citoyens auront un véritable choix d’options politiques incluant la proposition du parti au pouvoir de modifier la Constitution et de basculer vers un système présidentiel. L’une des questions clé de ce scrutin sera de savoir si le Parti Démocratique des Peuples (HDP) sera en mesure de dépasser le seuil électoral des 10% au cours de ces élections, qui s’annoncent hautement compétitives.

Les interlocuteurs du parti au pouvoir ont signalé des améliorations apportées dans le processus électoral ces dernières années, par exemple l’assouplissement des conditions de participation des partis politiques aux élections, et l’utilisation de langues autres que le turc dans les campagnes électorales.

La délégation note avec satisfaction que les conditions permettant aux Turcs vivant à l’étranger de voter dans 47 pays ont été améliorées, et devraient permettre un accès plus facile aux bureaux de vote. La surveillance des bulletins de vote durant 24 jours et la sécurité de leur transport vers la Turquie pour le comptage soulèvent cependant encore des inquiétudes. La délégation appelle les autorités à assurer une composition similaire des commissions électorales en Turquie et à l’étranger. Elle a par ailleurs exprimé au Président du SBE sa disponibilité à observer les élections à l’étranger.

La délégation regrette que le seuil électoral élevé de 10% n’ait pas encore été réduit, malgré les recommandations répétées de l’APCE et de la Commission de Venise. Ceci constitue toujours un obstacle majeur pour l’accès des partis politiques au parlement, ce qui pourrait impacter la représentativité du nouveau Parlement, étant donné qu’une faible différence de voix pourrait conduire à un décalage important entre la volonté de l’électorat et la composition de la Grande Assemblée nationale.

Les interlocuteurs rencontrés ont exprimé de graves préoccupations sur l’implication du Président de la République de Turquie dans la campagne pré-électorale, en dépit d’une disposition constitutionnelle claire de neutralité au cours de son mandat. En outre, les possibles utilisations abusives des ressources administratives cette année, telles que mentionnées par certains interlocuteurs – et critiquées à plusieurs reprises par l’Assemblée dans le passé – semblent être, une fois de plus, un problème pour ces élections, ainsi que le manque de transparence s’agissant du financement des partis politiques et des campagnes électorales, selon certains interlocuteurs. La délégation rappelle que, selon le cadre juridique turc et selon les standards du Conseil de l’Europe, des conditions égales doivent être garanties à tous les participants aux élections.

La délégation rappelle que tous les radiodiffuseurs, y compris la Radio et la Télévision Turque (TRT), doivent assurer une couverture médiatique impartiale et égale de la campagne (publicité politique et répartition du temps de parole). Les électeurs ont le droit d’être dûment informés, et toute atteinte à la liberté de la presse (autocensure, pressions économiques et juridiques sur les journalistes) ne peut que restreindre l’accès à une information libre et complète. Les interlocuteurs nous ont rapporté qu’il existe des liens très étroits entre les propriétaires de médias et les partis politiques.

A cet égard, la délégation a appris de ses interlocuteurs que l’efficacité et l’impartialité du SBE et du RTSC, qui sont en charge de la bonne conduite des élections, sont sujettes à caution. Elle regrette que les problèmes identifiés par l’APCE lors des élections présidentielles de 2014 n’aient pas été réglés, en particulier s’agissant de l’inégalité du temps de parole alloué aux partis politiques, ainsi que le fait que les décisions du SEB sont finales et ne peuvent être contestées. Elle attend de la part du SBE de réglementer efficacement et diligemment les carences et les violations relatives à l’accès aux médias et à l’égalité du temps de parole.

Un grand nombre de représentants des partis politiques de l’opposition et de la société civile ont exprimé un manque de confiance dans le processus électoral. Cela concerne notamment le transport des urnes et la sécurité et la fiabilité de la saisie électronique des résultats qui ne sont pas ouverts aux observateurs. La délégation espère que ces craintes de fraudes se révéleront injustifiées et que toutes les mesures nécessaires seront prises en amont. Dans ce contexte, les observateurs des partis politiques dans les bureaux de vote auront un rôle essentiel à jouer.

La délégation note que de graves incidents, ciblant un parti politique en particulier, se sont déjà produits. Les ONG ont fait état de cas de discours de haine prononcés pendant la campagne électorale. Elle appelle de ce fait les autorités à assurer, aux partis politiques, la possibilité de faire campagne librement et en toute sécurité.

La délégation se félicite des démarches entreprises par certains partis politiques pour augmenter la participation des candidates femmes dans ces élections, ainsi que des représentants de communautés ethniques. Cette approche inclusive permet d’assurer la présence de différentes sensibilités culturelles, linguistiques et historiques.

La délégation réitère son appel à autoriser l’accréditation des représentants de la société civile pour observer les élections, ce qui contribuerait à renforcer la transparence et la confiance dans le processus électoral. Elle espère également que tant les observateurs nationaux qu’internationaux seront en mesure d’observer librement toutes les étapes du processus électoral (scrutin, dépouillement, rédaction et tabulation des procès-verbaux).

Une délégation à part entière, d’environ 30 observateurs de l’APCE, sera de retour dans le pays pour observer les élections du 7 Juin 2015.

(*) Les membres de la délégation: Tiny Kox (Pays-Bas, GUE), Chef de la délégation; Melita Mulic (Croatie, SOC); Volodymyr Ariev (Ukraine, PPE/DC); Ingebjørg Godskesen (Norvège, CE); Alfred Heer (Suisse, ADLE); Josette Durrieu (France, SOC), rapporteure de l’APCE pour le dialogue post-suivi avec la Turquie

Annexe 4 – Programme de la Mission d’observation des élections (5-8 juin 2015)

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Vendredi 5 juin 2015

09:00-10:00 Réunion interne de la commission ad hoc de l’APCE

10:15-10:30 Ouverture par les chefs des délégations parlementaires:

  • Mme Vilija Aleknaite Abramikiene, Co-ordinatrice spéciale des observateurs court-terme de l’OSCE
  • M. Tiny Kox, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
  • M. Ignacio Sánchez-Amor, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE

10:30-12:00 Briefing par la Mission limitée d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH:

Introduction et présentation des observations à ce jour

  • Ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, Chef de la Mission d’Observation Limitée de l’OSCE/BIDDH
  • M. Thomas Boserup, chef de mission adjoint

Contexte politique et campagne

  • M. Vadim Zhdanovich, analyste politique

Cadre juridique et recours

  • Mme Maria Morry, analyste juridique

Media

  • M. Pietro Tesfamariam, analyste média

Procédures de vote

  • Mme Vania Anguelova, analyste électorale

Sécurité

  • M. Davor Ćorluka, expert sécurité

14:30-17:45 Réunions avec les représentants des partis politiques

14:30-15:15 Professeur Mustafa Şentop, Vice-Président, AKP

15:15-16:00 M. Erdal Aksünger, Conseiller en chef, député, CHP

17:00-17:45 M. Sırrı Süreyya, Önder, député, HDP

Samedi 6 juin 2015

09:30-10:30 Entretien avec des représentants des media:

  • M. Bünyamin Şahin, Coordinateur d’information, TRT
  • M. Abdullah Bozkurt, Réprésentant à Ankara de Today’s Zaman Daily
  • M. Deniz Zeyrek, Réprésentant à Ankara de Hürriyet Daily
  • M. Ahmet Abakay, Président de l’Association progressiste des journalistes
  • Professor Kerem Altıparmak, université d’Ankara

10:30-11:30 Entretien avec des représentants de la société civile:

  • Professeur Muhittin Acar, Représentant à Ankara, Transparency International
  • Professeur assistant Bașak Yavçan, Représentant à Ankara, Vote et au-delà
  • Mme Dilek Ertükel, Directrice nationale, NDI
  • Mme Çiğdem Sever, Membre du Conseil, Association pour la surveillance de l’égalité des droits
  • Mme Hatice Kapusuz, Présidente à Ankara, KADER
  • M. Öztürk Türkdoğan, Président, Association des droits de l’Homme
  • Mme Arzu Arda Kosar, Coordinatrice générale et Mme Asli Koksal, porte-parole, GO–Votes des Turcs expatriés

11:30-12:00 Réunion avec des représentants du Conseil suprême pour la radio et la télévision (RTSC):

  • M. Hasan Tahsin Fendoǧlu, Président adjoint
  • M. Emir Ulucak, Directeur du département de surveillance et d’évaluation
  • M. Hüseyin Demirbilek, expert en questions internationales
  • Mme Özlem Sevgi Keleș, conseiller juridique

12:00-12:30 Réunion avec les observateurs de long terme de la MLOE de l’OSCE/BIDDH déployés à Ankara

12:30-13:00 Réunion avec les assistants linguistiques et les chauffeurs pour les équipes de l’APCE et de l’OSCE PA déployées à Ankara et sa région

16:00-20:00 Briefings régionaux avec les observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH pour les équipes déployées dans les régions d’Istanbul, Izmir, Adana, Diyarbakir Samsun et Konya – suivi des réunions avec les assistants linguistiques et les chauffeurs

Dimanche 7 juin 2015

Toute la journée: Observation de l’ouverture des bureaux de vote, du scrutin, fermeture, dépouillement et saisie des résultats

08:00 Ouverture des bureaux de vote

17:00 Fermeture des bureaux de vote

Après la fermeture des bureaux de vote: dépouillement et saisie des résultats

Lundi 8 juin 2015

08:00-09:00 Réunion de la commission ad hoc de l’APCE

13:30 Conférence de presse conjointe

Annexe 5 – Déclaration de la Mission Internationale d’Observation des Elections (MIOE)

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Ankara, 08.06.2015 – Les élections législatives tenues le 7 juin en Turquie ont été marquées par une participation active et nombreuse des citoyens, tant pendant la campagne que le jour du scrutin. Les électeurs pouvaient choisir entre un large éventail de partis politiques, mais le seuil de 10 % des voix requis pour entrer au Parlement limite le pluralisme politique, ont indiqué les observateurs internationaux dans une déclaration publiée aujourd’hui. La liberté des médias est un domaine de vive inquiétude: des médias et des journalistes critiques à l’égard du parti au pouvoir ont été la cible de pressions et d’intimidation pendant la campagne, ont déclaré les observateurs.

«Les élections ont engagé la société dans une campagne vivante et âprement disputée. Elles ont montré qu’un choix était réellement possible entre d’importantes forces politiques en Turquie», a déclaré Vilija Aleknaitė Abramikienė, coordinatrice spéciale et chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. «J’ai été impressionnée, hier, de voir autant de gens se rendre aux urnes, en particulier après les violences et les tragiques pertes de vies humaines que le pays a connues récemment. Leur engagement est intact, ce qui témoigne de leur attachement aux élections démocratiques. Certains défis subsistent – concernant notamment la liberté des médias et le seuil élevé requis pour entrer au Parlement – et devraient recevoir une solution afin de mieux refléter les choix des électeurs.»

Les libertés fondamentales ont dans l’ensemble été respectées. Hélas, la campagne a été entachée par un grand nombre d’attaques contre les bureaux des partis et par de graves incidents d’agressions physiques, parfois mortelles.

Les élections ont d’une manière générale été organisées avec professionnalisme, mais une plus grande transparence de l’administration des élections accroîtrait la confiance vis-à-vis du processus électoral, indique la déclaration. La Commission électorale suprême a pris plusieurs décisions contraires à la législation, y compris concernant l’administration de la campagne et des élections, et l’absence de contrôle juridictionnel de ces décisions pose problème du point de vue de la séparation des pouvoirs et prive d’un accès à un recours juridictionnel en matière électorale.

«Nous saluons la participation active des citoyens, le haut niveau de participation au scrutin et les vastes activités d’observation des partis, ainsi que de groupes de citoyens, lesquels devraient à l’avenir bénéficier d’un statut juridique», a déclaré Tiny Kox, chef de la délégation de l’APCE. «Le seuil de 10 % limite le pluralisme politique, et nous continuons d’appeler à ce qu’il soit fortement abaissé.»

Des observateurs internationaux ont été accrédités pour cette élection. La loi, cependant, ne contient aucune base juridique pour l’observation internationale ou par des citoyens, et la Commission électorale suprême a refusé l’accréditation à deux groupes d’observateurs citoyens.

Le Président a joué un rôle actif dans la campagne électorale, bien que la Constitution l’oblige à la neutralité. Il a participé à un nombre extraordinaire d’événements publics, dont il a profité pour faire campagne en faveur du parti au pouvoir et critiquer les personnalités d’opposition, ont noté les observateurs.

Vingt partis et 165 candidats indépendants ont participé aux élections. Ils ont en règle générale pu faire campagne librement, possibilité dont ils ont largement fait usage. Il y a eu toutefois des cas isolés d’annulations ou de restrictions de rassemblements des partis d’opposition en faveur d’événements organisés pour le Président ou le Premier ministre, indique la déclaration.

«Bien qu’il existe en Turquie, de longue date, un système pluraliste globalement efficace, les problèmes liés à la liberté d’expression et le rôle dominant du Président dans la campagne ont en partie compromis l’équité de cette élection», a déclaré Ignacio Sánchez Amor, chef de la délégation de l’AP de l’OSCE. «La Turquie joue clairement un rôle stabilisateur dans un voisinage difficile, mais ces dangers pour la sécurité ne sauraient justifier un recul concernant les engagements démocratiques. Le fort engagement du peuple dans tout le pays, lors de la campagne et hier, est de bon augure pour l’avenir de la Turquie.»

L’environnement des médias est dynamique, avec une grande diversité de médias audiovisuels et écrits. Des restrictions injustifiées subsistent cependant, et les médias critiques vis-à-vis du parti au pouvoir ont été exposés à davantage de pressions et d’intimidations de la part de personnalités publiques et d’acteurs politiques pendant la période électorale. Les résultats de l’observation des médias ont indiqué une polarisation suivant les lignes partisanes, trois des cinq chaînes de télévision observées, y compris la radiodiffusion de service public, montrant un déséquilibre important en faveur du parti au pouvoir.

«Les résultats de notre observation font apparaître un tableau mitigé. Les autorités compétentes, j’en suis convaincu, seront attentives aux messages contenus dans les observations critiques et aux recommandations qui figureront dans le rapport final du BIDDH, plutôt qu’à défendre des pratiques laissant parfois à désirer», a déclaré l’ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, chef de la Mission restreinte d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH. «En la matière, il est préférable de rectifier plutôt que de justifier ou de nier. Dans l’ensemble, ces élections ont été un remarquable exercice démocratique.»

Dans un nombre limité de bureaux de vote visités par les observateurs internationaux, le scrutin était bien organisé, avec toutefois quelques incidents localisés en matière de sécurité. Les processus de dépouillement et de compilation des résultats ont généralement été qualifiés de transparents, bien que quelques graves erreurs de procédure aient été notées et que, dans certains cas, les observateurs internationaux n’aient pas eu accès aux outils de compilation.