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Résolution 2134 (2016)

Coopération avec la Cour pénale internationale: pour un engagement étendu et concret

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 12 octobre 2016 (33e séance) (voir Doc. 14136, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Alain Destexhe). Texte adopté par l’Assemblée le 12 octobre 2016 (33e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses résolutions antérieures qui appelaient à la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI ou «la Cour») et à une pleine coopération avec cette dernière, ainsi qu’à la mise en œuvre effective du Statut de Rome, notamment la Résolution 1300 (2002) sur les risques pour l’intégrité du Statut de la Cour pénale internationale, la Résolution 1336 (2003) sur les menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale et la Résolution 1644 (2009) sur la coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et l’universalité de cette instance.
2. L’Assemblée réitère sa ferme volonté de lutter contre l’impunité et de soutenir la CPI, première institution judiciaire indépendante permanente dont la compétence s’étend aux personnes accusées des «crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale»: génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’Assemblée est absolument convaincue qu’il ne saurait y avoir un véritable respect, et une réelle promotion et protection des droits de l’homme au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans les situations où règne l’impunité des auteurs des plus graves violations du droit international – qui englobent les violations flagrantes des droits de l’homme, équivalant aux crimes contre l’humanité ou au génocide – et des plus graves atteintes au droit international humanitaire équivalant à des crimes de guerre. De même, l’impunité des auteurs de crimes d’agression – qui caractérise tous ceux qui ont perpétré des guerres d’agression après la seconde guerre mondiale – n’est en aucun cas propice à la réalisation de sociétés pacifiques dans lesquelles les droits de l’homme fondamentaux sont respectés.
3. L’Assemblée considère que la ratification universelle du Statut de Rome de la CPI est essentielle pour éviter le renvoi, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de situations à la Cour, car ces décisions risquent souvent de présenter deux poids, deux mesures et un caractère politisé. Elle observe que, depuis son adoption en 1998, le Statut de Rome a été ratifié par 124 Etats dans le monde. Malheureusement, 6 Etats membres du Conseil de l’Europe (Arménie, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie, Turquie et Ukraine), 1 Etat observateur du Conseil de l’Europe (Etats-Unis), 1 Etat doté du statut d’observateur auprès de l’Assemblée (Israël), et 2 Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Kirghizistan et Maroc) ne l’ont pas encore ratifié. L’Assemblée se félicite des modifications apportées à la Constitution ukrainienne, qui ont finalement été adoptées par le Parlement ukrainien et permettent la ratification du Statut de Rome. Cependant, l’Assemblée est préoccupée par le fait que ces modifications n’entreront en vigueur que dans trois ans, et non dès que possible, comme elle l’avait recommandé.
4. L’Assemblée se félicite du fait que, en 2010, les Etats parties au Statut de Rome ont adopté deux amendements à ce dernier («les amendements de Kampala»): le premier incrimine l’emploi de certaines armes en situation de conflit armé non international, en l’inscrivant dans le champ de la définition des «crimes de guerre», et le deuxième intègre la définition du crime d’agression et les conditions de l’exercice de la compétence de la CPI pour connaître de ce crime. L’Assemblée observe qu’à ce jour près de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe ont ratifié ces amendements. Parmi les Etats déjà parties au Statut de Rome, à l’heure actuelle 17 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Danemark, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, République de Moldova, Monténégro, Norvège, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie et Suède), 3 Etats observateurs du Conseil de l’Europe (Canada, Japon et Mexique) et 1 Etat dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie) n’ont pas encore ratifié l’amendement de Kampala sur le crime d’agression. De plus, parmi les Etats déjà parties au Statut de Rome, à ce jour, 17 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Danemark, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, République de Moldova, Monténégro, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie et Suède), trois Etats observateurs (Canada, Japon et Mexique) et 2 Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie et Palestine) n’ont pas encore ratifié l’amendement de Kampala sur les crimes de guerre.
5. L’Assemblée rappelle également l’importance de la ratification de l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, qui facilite le fonctionnement indépendant de la Cour en octroyant à ses agents le statut juridique de fonctionnaires d’une institution judiciaire internationale, indispensable à la conduite efficace des enquêtes, et invite instamment les Etats qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ou à adhérer à ce traité. A l’heure actuelle, parmi les Etats déjà parties au Statut de Rome, 2 Etats membres du Conseil de l’Europe (République de Moldova et Saint-Marin), 1 Etat observateur (Japon) et 1 Etat dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée (Jordanie) n’ont pas adhéré à cet instrument.
6. L’Assemblée rappelle que la CPI repose sur le principe de complémentarité, en exerçant uniquement sa compétence en dernier ressort. C’est la raison pour laquelle les Etats parties au Statut de Rome devraient adopter une législation nationale pour mettre pleinement en œuvre le statut, surtout en incorporant les crimes et les principes généraux du droit qui y figurent dans leur système de droit pénal national. L’Assemblée invite instamment les Etats qui ne l’ont pas encore fait à mettre pleinement en œuvre le Statut de Rome. A ce jour, parmi les Etats déjà parties au Statut de Rome, 4 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Hongrie, Italie et Saint-Marin) et 2 Etats dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Jordanie et Palestine) n’ont pas pleinement intégré ces crimes et principes généraux du droit dans leur système national de droit pénal.
7. L’Assemblée souligne également l’importance de la coopération des Etats avec la CPI pour mener des enquêtes sur des crimes qui relèvent de sa compétence et engager des poursuites, notamment en ce qui concerne l’arrestation et la reddition des suspects ou des accusés, la saisie des actifs du crime, et la collecte et la conservation des éléments de preuve. A cet égard, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à mettre en place dans leur législation nationale un mécanisme de coopération efficace avec la CPI, ainsi qu’à conclure des «accords de coopération volontaire» avec la CPI (exécution des peines prononcées dans les arrêts de la CPI, remise en liberté provisoire et définitive, protection et réinstallation des témoins). A ce jour, parmi les Etats déjà parties au Statut de Rome, 5 Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Andorre, Hongrie, République de Moldova et Saint-Marin), 1 Etat observateur (Mexique) et 2 Etats dont le parlement jouit du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée (Jordanie et Palestine) n’ont pas établi dans leur législation nationale de mécanisme de coopération efficace avec la CPI.
8. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2091 (2016) sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak, et le témoignage de Nadia Murad, lauréate de l’édition 2016 du prix des droits de l’homme Václav Havel. L’Assemblée presse une nouvelle fois les Etats membres de remplir leur obligation positive, en droit international, de prévenir le génocide en cours en Syrie et en Irak, et de garantir la poursuite des auteurs d’actes de génocide et d’autres graves crimes de guerre contre les Yézidis, les chrétiens et les autres minorités religieuses de la région, surtout quand les responsables de ces actes sont des citoyens d’Etats membres et/ou qu’ils arrivent sur le sol de l’Europe. L’Assemblée déplore vivement que pratiquement aucune poursuite n’ait été engagée à l’encontre de ces auteurs de génocide et de crimes contre l’humanité.
9. L’Assemblée se félicite des travaux de l’Action mondiale des parlementaires, un réseau international non partisan et à but non lucratif de législateurs engagés, qui informe et mobilise les parlementaires de toutes les régions du monde pour promouvoir les droits de l’homme et l’Etat de droit. Grâce à sa campagne en faveur de l’universalité et du caractère effectif du Statut de Rome, elle a contribué à 77 ratifications sur 124 et dispensé une assistance technique à la pleine mise en œuvre du Statut de Rome à plusieurs de ses membres. L’Assemblée souligne également le rôle déterminant joué par la société civile, en particulier la Coalition pour la Cour pénale internationale, qui rassemble quelque 2 500 organisations non gouvernementales (ONG) issues de plus de 150 pays, à laquelle un hommage appuyé doit être rendu.
10. L’Assemblée constate avec préoccupation que l’intégrité et l’indépendance de la CPI ont été remises en question ces derniers temps par certains Etats membres de l’Union africaine. Elle considère qu’il convient de mettre un terme à toute tentative visant à porter atteinte à l’autorité de la Cour en sa qualité d’institution judiciaire internationale permanente et indépendante.
11. L’Assemblée invite par conséquent instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe, ses Etats observateurs, les Etats observateurs de l’Assemblée et les Etats dont les parlements jouissent du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée à réaffirmer leur engagement en faveur de la CPI:
11.1. en signant et en ratifiant sans plus tarder le Statut de Rome, les amendements de Kampala et l’Accord sur les privilèges et immunités de la CPI, s’ils ne l’ont pas encore fait;
11.2. en adoptant une législation effective qui tienne compte du Statut de Rome, notamment en intégrant les crimes et les principes généraux du droit qui y sont définis dans leur législation pénale nationale et en établissant des procédures qui permettent une coopération pleine et effective avec la Cour;
11.3. en coopérant pleinement avec la CPI et en lui dispensant une assistance judiciaire conforme aux obligations qui découlent du Statut de Rome, par exemple en désignant un correspondant chargé de la coopération avec la CPI;
11.4. en concluant des accords de coopération avec la Cour pour faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes qui relèvent de sa compétence, ainsi que l’exécution des peines prononcées dans ses arrêts, la protection et la réinstallation des témoins, et la remise en liberté provisoire et définitive des personnes;
11.5. en dispensant une entraide judiciaire dans les matières qui relèvent du champ d’application du Statut de Rome;
11.6. en octroyant à la CPI des ressources budgétaires effectives qui lui permettent d’accomplir sa mission de manière indépendante et efficace, tout en respectant l’autonomie dont jouit le Bureau du procureur pour déterminer les situations qui méritent l’ouverture d’une enquête et l’engagement de poursuites dans le cadre du Statut de Rome, et en évitant toute ingérence dans son mandat par des pressions budgétaires;
11.7. en organisant la formation des juges, des procureurs, des avocats et des membres des forces de police et des forces armées sur les questions relatives à la mise en œuvre du Statut de Rome;
11.8. en organisant des séminaires et des conférences avec les parlementaires, en collaboration avec les réseaux parlementaires comme l’Action mondiale des parlementaires, afin de les sensibiliser et de faire naître une volonté politique, ainsi que pour donner aux parlementaires nationaux et à leur personnel les outils indispensables aux avancées du processus de ratification du Statut de Rome, des amendements de Kampala et de l’Accord sur les privilèges et immunités, et à la pleine mise en œuvre de ces traités internationaux;
11.9. en prenant les mesures de sensibilisation qui s’imposent pour que la CPI soit mieux connue du grand public;
11.10. en accordant un soutien politique et financier aux organisations non gouvernementales qui luttent contre l’impunité, qui promeuvent l’universalité et le caractère effectif du système du Statut de Rome, et le respect par les Etats des obligations nées de ce statut, et qui dispensent une assistance aux victimes des crimes les plus graves à l’échelle internationale;
11.11. en prenant toute autre mesure visant à protéger l’intégrité et l’indépendance de la CPI, surtout à l’égard de la politique menée par les autres organisations régionales, comme l’Union africaine;
11.12. en versant des contributions financières appréciables au Fonds au profit des victimes de la CPI, soulignant ainsi que la CPI exerce une justice qui n’est pas seulement répressive et préventive, mais également réparatrice.
12. L’Assemblée se félicite du renvoi à la CPI, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de situations comme celles du Darfour (Soudan) ou de la Libye. Elle déplore que les situations de la Syrie et de l’Irak n’aient pas encore été renvoyées à la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle appelle le Conseil de sécurité des Nations Unies à exercer pleinement ses responsabilités pour exécuter les décisions et les ordonnances de la Cour, et à lui fournir des ressources financières suffisantes pour que cette dernière accomplisse sa mission.
13. L’Assemblée appelle les Etats membres et les Etats observateurs qui sont membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, c’est-à-dire la Russie, le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis, l’Espagne, l’Ukraine et le Japon, à collaborer et, dans un délai de deux mois, à présenter devant le Conseil de sécurité des Nations Unies une résolution garantissant des poursuites efficaces à l’encontre des responsables d’actes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en Syrie et en Irak.
14. L’Assemblée appelle également la procureure de la CPI à reconsidérer sa décision d’avril 2015 de ne pas procéder à l’examen préliminaire des crimes commis par les combattants étrangers de Daech, à la lumière des preuves nouvelles et accablantes dont elle dispose, et de rapidement reconnaître sa compétence à l’égard des auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en Syrie et en Irak, dans toute la mesure du possible.