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Résolution 2136 (2016)

Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 13 octobre 2016 (35e séance) (voir Doc. 14142, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Manlio Di Stefano; et Doc. 14174, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Valeriu Ghiletchi). Texte adopté par l’Assemblée le 13 octobre 2016 (35e séance).

1. En 2015, près de 90 000 mineurs non accompagnés ont demandé l’asile dans des pays de l’Union européenne, davantage qu’en 2014, et rien n’indique que la tendance va s’inverser en 2016, puisque le nombre total de mineurs ayant déposé une demande d’asile au seul mois de juin 2016 s’élevait à 30 000. La crise des migrants et des réfugiés qui frappe actuellement l’Europe a amplifié la difficulté de traiter et d’assister ces enfants en déplacement, et a engendré de nouveaux problèmes lorsque l’on a pris conscience que de nombreux enfants sont portés disparus à différentes étapes de leur voyage, en particulier directement après leur arrivée dans des centres d’accueil.
2. De nouveaux défis en matière de protection de l’enfance sont également apparus pendant les récentes phases de la crise, surtout avec la fermeture partielle ou totale des routes en Europe, suivie des premiers effets de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016. Le grand public au niveau international a été sensibilisé à un problème majeur lorsque Europol, l’agence de police de l’Union européenne, a annoncé en janvier 2016 que 10 000 mineurs migrants étaient portés disparus en Europe. Tout porte à croire que les chiffres réels étaient bien plus élevés; en mai 2016, l’Allemagne comptait à elle seule environ 9 000 enfants portés disparus, selon la police criminelle fédérale allemande.
3. L’Assemblée parlementaire a exprimé sa préoccupation concernant la situation des mineurs migrants non accompagnés en Europe à plusieurs occasions et a soumis des propositions de solutions, en particulier dans sa Recommandation 1969 (2011) et sa Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe, qui proposent une série de 15 principes communs pour veiller sur les enfants migrants non accompagnés, en insistant sur la nécessité de traiter les enfants non accompagnés avant tout comme des enfants, et non comme des migrants. L'Assemblée regrette que, dans la majorité des Etats membres, il n’y ait pas de définition légale des «enfants disparus» comme catégorie distincte dans la législation nationale. L'Assemblée regrette aussi le fait que l’absence de définition juridiquement contraignante des enfants disparus ait des effets négatifs majeurs sur les enquêtes, les temps d’attente et les niveaux d’alerte. L'Assemblée regrette vivement que l’Union européenne ait interrompu le financement de la ligne téléphonique d’urgence (116 000) pour les enfants disparus, mise en place dans presque tous les Etats membres de l’Union, même si 54% du personnel étaient des bénévoles. Malheureusement, le nombre d’appels a aussi radicalement diminué.
4. Des questions liées, telles que la détermination de l’âge des enfants et la fin du placement en rétention d’enfants migrants, ont été examinées dans la Résolution 1996 (2014) «Enfants migrants: quels droits à 18 ans?» et dans la Recommandation 2056 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants. Ces textes ont servi de base au lancement de la Campagne parlementaire en cours pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants.
5. L’Assemblée rappelle que le principe général de respect des droits des enfants migrants suppose avant tout de leur offrir une protection spéciale en tant qu’enfants, y compris une assistance sociale et des soins de santé garantissant leur intégrité et leur développement physiques et psychologiques, des informations suffisantes et adaptées à leur âge, une éducation et une autonomie. Il ressort clairement de l’examen de la situation dans les Etats membres que ces conditions sont loin d’être systématiquement garanties aux mineurs migrants non accompagnés.
6. L’Assemblée rappelle la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, en particulier l’article 3 sur l’intérêt supérieur de l’enfant, les articles 19 et 20 sur une protection et une aide spéciales de l’Etat pour les enfants non accompagnés et les enfants séparés, l’article 22 sur les droits des enfants cherchant à obtenir le statut de réfugié, et l’Observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 septembre 2016, ainsi que la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160), la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
7. L’Assemblée réitère les recommandations exposées dans les Principes de la Commission européenne sur les systèmes intégrés de protection de l’enfance, le Plan en sept points du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) pour les enfants réfugiés et migrants, les Principes directeurs relatifs à la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), et d’autres lignes directrices élaborées pour servir de modèle pour le traitement des mineurs migrants non accompagnés.
8. L’Assemblée exhorte les Etats membres à travailler aux niveaux national et régional, et par le biais de la coopération internationale, pour améliorer la protection des mineurs migrants non accompagnés et prévenir leur disparition, notamment:
8.1. dans le contexte de la coopération internationale, y compris avec les pays d’origine:
8.1.1. à assurer la coopération des polices nationales afin de constituer des bases de données fiables, complètes et régulièrement mises à jour sur les enfants non accompagnés portés disparus; à associer Europol et Frontex aux enquêtes contre les groupes criminels qui pourraient nuire aux enfants non accompagnés et les exploiter; et à participer pleinement aux efforts pour retrouver les enfants disparus et soutenir le développement du Système d’information Schengen (SIS);
8.1.2. à assurer la protection des enfants contre la traite et les activités criminelles auxquelles ils sont particulièrement vulnérables, et à renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit dans ce domaine;
8.1.3. à harmoniser les réglementations en matière de désignation de tuteurs et de représentants légaux, et à établir une définition commune de leur mission et de leur rôle;
8.1.4. à maintenir le droit au regroupement familial dans le cas de mineurs migrants séparés, conformément au droit de tout enfant de vivre avec ses parents, au titre de l’article 22 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
8.1.5. à rappeler qu’une approche de la protection des enfants fondée sur les droits implique aussi de réagir aux violations;
8.2. dans le contexte des politiques et des actions nationales et régionales:
8.2.1. à faire en sorte que tous les enfants migrants non accompagnés soient dûment enregistrés en arrivant en Europe, et que ces données soient échangées entre les différentes autorités impliquées dans l’accueil et l’accompagnement de ces derniers;
8.2.2. à confier des responsabilités à des institutions spécialement chargées de mettre en œuvre les programmes de protection des mineurs migrants non accompagnés, et de superviser et coordonner leurs procédures d’asile impliquant diverses autorités et services publics ainsi que des organisations de la société civile;
8.2.3. à s’assurer que les mineurs migrants non accompagnés sont traités avant tout comme des enfants dès leur arrivée en Europe et qu’ils bénéficient d’un logement adapté à leurs besoins, d’une protection contre toute forme de violence et d’abus (dont les abus et l’exploitation sexuels ainsi que la traite des êtres humains), qu’ils ne sont en aucun cas placés en rétention, comme le promeut la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, et qu’ils ont accès à des soins de santé et à des conditions sanitaires qui leur permettent de se remettre rapidement des épreuves physiques et psychologiques qu’ils ont endurées;
8.2.4. à fournir aux enfants, dès leur arrivée, des informations qui leur sont adaptées et des services d’interprètes et de soutien psychologique professionnels pour éviter la confusion, de nouveaux traumatismes et les malentendus dès le départ, qui, lorsqu’ils viennent s’ajouter aux conditions d’accueil déplorables, poussent les enfants à fuir les centres d’accueil;
8.2.5. lorsque l’âge de l’enfant ne peut pas être établi par des documents d’identité et seulement en cas de doute quant au statut de mineur de la personne, à procéder à une évaluation de l’âge, précoce et non intrusive, dans le plein respect de la dignité et de l’intégrité des enfants. Il convient que la procédure soit pluridisciplinaire et mise en œuvre par des professionnels indépendants, familiarisés aux caractéristiques ethniques, culturelles et de développement. Des principes similaires devraient s’appliquer en cas de litige portant sur le pays d’origine;
8.2.6. à améliorer ou à introduire des procédures accélérées de demande d’asile pour les mineurs non accompagnés, y compris la désignation en temps utile de tuteurs et de représentants légaux suffisamment formés qui peuvent aider les enfants et qui se voient confier un petit nombre d’enfants migrants;
8.2.7. à s’assurer que les enfants ont accès à l’éducation dès leur enregistrement et pendant toutes les périodes d’attente, puis à faciliter leur entrée dans le système d’enseignement ordinaire une fois que la procédure de demande d’asile ou une autre procédure de régularisation est enclenchée;
8.2.8. à allouer des fonds suffisants aux structures mises en place pour veiller sur les mineurs migrants non accompagnés et les protéger, en particulier les associations et autres organismes de la société civile, mais aussi à garantir que la législation et les réglementations nationales sont adaptées pour mettre en place des procédures administratives spécifiques aux enfants migrants non accompagnés;
8.2.9. afin de prévenir la disparition d'enfants migrants non accompagnés, à s’assurer que les responsabilités sont transférées sans entraves au cours des différentes étapes de la procédure, depuis l’accueil jusqu’à l’intégration des mineurs migrants, afin de limiter le risque de fuite de mineurs non accompagnés des centres d’accueil, qui se «glissent entre les mailles» des réseaux de protection;
8.2.10. à définir et à appliquer des solutions durables pour les enfants non accompagnés, reposant sur une évaluation approfondie de l’intérêt supérieur de l’enfant, sur ses droits à la sécurité, à la protection et au développement, et sur la définition d’un projet de vie avec chaque enfant, ainsi qu’à établir des procédures de contrôle du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les cas de retour des enfants;
8.2.11. dans tous les cas, à assurer que les mineurs migrants non accompagnés ou isolés ne se voient jamais refuser l’entrée dans un pays, en conformité avec les obligations de non-refoulement qui découlent de la législation internationale relative aux droits de l’homme, au droit humanitaire et au droit des réfugiés.
9. L’Assemblée invite également l’Union européenne à continuer de tenir compte du besoin de protection spéciale des mineurs migrants non accompagnés lors de la révision du Règlement Dublin III, notamment en introduisant une disposition sur la possibilité pour les mineurs non accompagnés de déposer une demande d’asile dans le pays où ils se trouvent, afin d’éviter d’ajouter des transferts inutiles à leur voyage déjà traumatisant.