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Résolution 2154 (2017)
Garantir l’accès des détenus à un avocat
1. L’Assemblée parlementaire souligne
l’importance du droit à l’assistance d’un défenseur en matière pénale,
tel que consacré par l’article 6.3.c de
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»). Elle rappelle que ce droit implique la possibilité
pour l’accusé de se défendre lui-même, d’avoir l’assistance d’un
défenseur de son choix ou d’être assisté gratuitement par un avocat
commis d’office, s’il n’a pas les moyens suffisants de rémunérer
un défenseur et lorsque les intérêts de la justice l’exigent.
2. L’Assemblée constate que la réalisation du droit à l’assistance
d’un défenseur fait partie intégrante du droit à un procès équitable
garanti par l’article 6.1 de la Convention et par les principes
de l’État de droit. Elle souligne que le respect de ce droit est
fondamental pour les personnes privées de liberté, peu importe la
nature de leur privation de liberté.
3. Dans sa Résolution
2077 (2015) sur l’abus de la détention provisoire dans
les États parties à la Convention européenne des droits de l’homme,
l’Assemblée a appelé les États membres à garantir une meilleure
égalité des armes entre le ministère public et la défense, en octroyant
aux avocats de la défense un libre droit de visite aux détenus,
en leur permettant l’accès au dossier de l’enquête et en consacrant
des fonds suffisants à l’aide juridictionnelle.
4. L’Assemblée note que les limitations de ce droit peuvent porter
atteinte à d’autres droits et libertés garantis par la Convention,
tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la
torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
ou le droit à un recours contre la décision initiale de privation
de liberté. Elle souligne que le fait de garantir aux détenus le
droit d’accès à un avocat peut être un moyen essentiel de prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
au sens de l’article 3 de la Convention.
5. L’Assemblée souligne qu’il est d’une importance primordiale
que l’accès des détenus à un avocat soit effectif dès le début de
la détention – peu importe la nature du délit ou du crime, et peu
importe qu’il s’agisse d’un délit mineur ou majeur – pour garantir
que les droits de la défense sont des droits concrets et effectifs,
et non pas théoriques ou illusoires. En effet, c’est souvent au
tout début de la détention que le risque d’abus commis en vue d’obtenir
des aveux en l’absence d’un avocat et/ou sous la contrainte est
le plus élevé.
6. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres:
6.1. à garantir l’accès effectif
des suspects, des personnes accusées ou mises en examen (privées de
liberté ou non), ainsi que des participants à la procédure pénale,
à l’avocat de leur choix à tous les stades de la procédure pénale,
notamment dès le tout début de la garde à vue ou de toute autre
mesure de privation de liberté – y compris la rétention administrative
des migrants et des demandeurs d’asile – et non pas uniquement au
début des interrogatoires de police, et à garantir cet accès tout
au long de la procédure; à veiller à ce qu’un laps de temps suffisant
et raisonnable soit toujours accordé pour permettre à l’avocat d’arriver
sur les lieux de l’investigation, en particulier les perquisitions;
ainsi qu’à abolir les restrictions injustifiées quant au nombre
d’avocats de la défense;
6.2. à garantir la confidentialité des communications entre
l’avocat et son client en toutes circonstances, et à s’assurer,
dans ce contexte, que tous les lieux de détention disposent des infrastructures
nécessaires pour permettre aux détenus de s’entretenir en privé
avec leurs avocats;
6.3. à garantir la présence d’un avocat pendant les auditions
de détenus, y compris dans le contexte de la rétention des étrangers;
6.4. à créer, le cas échéant, un système d’aide juridictionnelle
gratuite, garantie essentielle de l’effectivité du droit d’accès
à un avocat, et à consacrer des fonds appropriés à cette fin;
6.5. à mettre en place, si ce n’est pas encore le cas, un système
national indépendant de nomination des avocats commis d’office,
comme outil de prévention des abus et pour éviter les contacts directs
en amont entre enquêteur et avocat potentiel;
6.6. à supprimer, le cas échéant, les dispositions procédurales
qui prévoient que les avocats aient besoin de l’autorisation du
procureur ou de l’enquêteur pour rencontrer leurs clients;
6.7. à s’assurer que toute dérogation à la présence d’un avocat
est soumise à des conditions très strictes. Une telle dérogation
doit être limitée dans le temps et soumise à l’autorisation ou au
contrôle d’un juge garant de la liberté individuelle, y compris
dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de la mise
en place de mesures d’exception;
6.8. à mettre en place des recours effectifs en cas d’absence
ou d’entrave à l’accès des détenus à un avocat.
7. L’Assemblée souligne qu’en aucun cas un témoignage auto-incriminant
obtenu en l’absence d’un avocat, ou en cas d’entraves à l’accès
à un avocat, ne devrait être accepté comme élément de preuve valide devant
les tribunaux, ni servir de base pour condamner un accusé.
8. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les États membres à enquêter
rapidement, avec efficacité et en toute indépendance, sur toutes
les allégations de menaces, d’intimidation ou de violence, y compris
de meurtres, à l’encontre d’avocats.
9. Au vu des restrictions au droit d’accès à un avocat imposées
par certains États membres dans le contexte de la lutte contre le
terrorisme et de l’état d’urgence, l’Assemblée rappelle aux États
membres que l’état d’urgence est une procédure d’exception qui ne
saurait perdurer dans le temps et qui devrait être levée le plus
tôt possible pour un retour à l’application de la législation ordinaire.
L’Assemblée insiste pour que l’accès effectif des suspects, des
personnes accusées ou mises en examen (privées de liberté ou non),
ainsi que des participants à la procédure pénale, à l’avocat de
leur choix ne puisse être limité que dans les cas de dérogation
en cas d’état d’urgence, en vertu des dispositions de l’article
15 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle invite
par ailleurs les parlements nationaux à mettre en place un contrôle
parlementaire de l’état d’urgence, le cas échéant. Elle les invite
aussi à améliorer le contrôle juridictionnel a
priori des mesures de restriction aux libertés individuelles.
Elle souhaite enfin que les décisions de mise en œuvre et de renouvellement
d’un tel régime puissent être évaluées et contrôlées en fonction
de leur opportunité, de leur nécessité et de leur proportionnalité
aux finalités qu’elles sont censées poursuivre.
10. L’Assemblée appelle les États membres à continuer de coopérer
avec le Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et à autoriser
la publication des rapports de visite du CPT le plus tôt possible.