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Résolution 2170 (2017)

Promouvoir l’intégrité dans la gouvernance pour lutter contre la corruption politique

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2017 (22e séance) (voir Doc. 14344, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Michele Nicoletti; et Doc. 14352, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Vusal Huseynov). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2017 (22e séance).Voir également la Recommandation 2105 (2017).

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme que la lutte contre la corruption reste non seulement un fondement de l’État de droit, mais est aussi une composante essentielle d’une véritable démocratie et un élément primordial pour assurer la protection des droits de l’homme.
2. La répétition des scandales de corruption, tant dans les institutions nationales qu’européennes, a permis aux dirigeants populistes d’exploiter le désenchantement du public à l’égard des «élites corrompues». En outre, la perception de la corruption ou des malversations a un impact négatif sur la participation aux élections et conditionne l’avis que les citoyens se font des dirigeants en exercice et des institutions politiques. Aussi l’Assemblée estime-t-elle qu’il est prioritaire d’intensifier la lutte contre la corruption et de restaurer la confiance dans l’efficacité et l’action des institutions démocratiques dans l’ensemble des démocraties européennes, y compris les institutions européennes.
3. L’Assemblée rappelle notamment ses résolutions et recommandations sur «La corruption: une menace à la prééminence du droit» (Résolution 1943 (2013) et Recommandation 2019 (2013)), «Le lobbying dans une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière de lobbying)» (Recommandation 1908 (2010)), «Améliorer la protection des donneurs d’alerte» (Recommandation 2073 (2015) et Résolution 2060 (2015)), «La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée» (Résolution 2098 (2016) et Recommandation 2087 (2016)) et «Transparence et ouverture dans les institutions européennes» (Résolution 2125 (2016) et Recommandation 2094 (2016)), et souligne l’importance de continuer à promouvoir l’intégrité de la gouvernance publique.
4. Tout en se félicitant des mesures qui existent contre la corruption, pour la transparence et pour que les responsables rendent des comptes aux niveaux national, européen et international, l’Assemblée souligne la nécessité de promouvoir un environnement politique et culturel qui favorise une société résiliente face à la corruption. Elle considère que toute initiative contre la corruption et pour la transparence au niveau national ou européen devrait comprendre les éléments suivants:
4.1. prendre en compte la diversité et la richesse des traditions politiques, sociales, économiques et culturelles des États membres du Conseil de l’Europe;
4.2. recevoir un soutien fort de la base de la part d’une large coalition de groupes de la société qui sont opposés aux pratiques de corruption existantes;
4.3. être suffisamment flexible pour s’adapter et répondre aux nouvelles formes de corruption au fur et à mesure qu’elles apparaissent.
5. L’Assemblée prend note de la variété des fonctions, pouvoirs et mandats des institutions nationales de lutte contre la corruption, notamment les institutions anti-corruption polyvalentes, les organes de maintien de l’ordre, de coordination des politiques et de prévention, ainsi que les mécanismes de contrôle interne mis en place par d’autres institutions publiques. L’Assemblée réitère l’invitation qu’elle avait adressée à l’ensemble des États membres pour qu’ils revoient et renforcent leur législation relative à la lutte contre la corruption, en veillant à ce que tous les actes de corruption soient incriminés conformément aux normes élaborées par les instruments internationaux et les organes de suivi pertinents. Elle enjoint les États membres du Conseil de l’Europe qui ont créé des organes spécialisés dans la lutte contre la corruption à leur conférer des compétences spécifiques, un mandat clair et des pouvoirs suffisants, soumis à des mécanismes de contrôle appropriés, conformément à la Résolution 97 (24) du Comité des Ministres portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, aux recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux lignes directrices de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Elle appelle aussi ces organes à développer leurs mécanismes de suivi et d’évaluation pour analyser leur propre performance, et à renforcer l’appui de l’opinion publique en continuant de lui rendre des comptes, avec le soutien éventuel du Conseil de l'Europe.
6. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire à intensifier la lutte contre la corruption:
6.1. en promouvant l’intégrité et la transparence dans la vie publique à tous les niveaux, en particulier:
6.1.1. en adoptant des règles rigoureuses relatives à la déclaration de patrimoine, de revenus et d’intérêts financiers ou autres par les membres du gouvernement et du parlement, les dirigeants de partis et de mouvements politiques, et les fonctionnaires, juges et procureurs;
6.1.2. en rendant ces déclarations facilement accessibles au public;
6.1.3. en établissant des organes de supervision indépendants et en réglementant les activités de lobbying, conformément à la Recommandation CM/Rec(2017)2 du Comité des Ministres relative à la réglementation juridique des activités de lobbying dans le contexte de la prise de décision publique;
6.2. en signant ou en ratifiant sans tarder, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention pénale sur la corruption (STE no 173), son protocole additionnel (STE no 191) et la Convention civile sur la corruption (STE no 174);
6.3. en garantissant une coopération pleine et entière avec le GRECO et le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), et en mettant en œuvre leurs recommandations sans plus tarder, surtout les recommandations qui émanent du quatrième cycle d’évaluation du GRECO, qui porte sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs;
6.4. en garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire par des procédures de recrutement et de promotion transparentes et, si nécessaire, en recourant à des mesures disciplinaires appropriées, appliquées par des instances qui échappent à toute ingérence politique et autres influences indues;
6.5. en reconnaissant le rôle des médias dans la dénonciation de la corruption et en veillant à ce que la réglementation sur les médias respecte la liberté et la responsabilité de la presse;
6.6. en continuant à améliorer la protection des donneurs d’alerte dans la loi et dans la pratique;
6.7. en mettant en œuvre la Recommandation sur l’intégrité publique adoptée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui constitue un plan pour défendre et privilégier l’intérêt général sur les intérêts privés dans le secteur public;
6.8. en envisageant de créer des unités spécialisées chargées de l’intégrité dans les institutions publiques pour promouvoir l’éthique, la responsabilité et la transparence;
6.9. en étant attentifs aux niveaux local et régional de l’administration, et en envisageant de créer des services de conseil confidentiel pour prodiguer aux élus locaux des informations et des conseils sur les questions éthiques, liées à l’intégrité, et sur les éventuels conflits d’intérêts, ainsi que des formations spécifiques;
6.10. en organisant des campagnes de sensibilisation du public à la lutte contre la corruption, qui ciblent différents groupes de citoyens, les médias, les organisations non gouvernementales, les entreprises et le grand public;
6.11. en incorporant des éléments sur l’intégrité dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire, centrés sur la responsabilité individuelle et sociale, avec le soutien du Conseil de l’Europe.
7. Outre les approches traditionnelles fondées sur la législation, les institutions spécialisées et une conformité et une application plus strictes, les gouvernements devraient porter une attention particulière, par la poursuite de recherches universitaires et en matière de politiques, à la façon dont la corruption était et est intégrée dans les valeurs sociales et culturelles, puisque celles-ci fournissent l’environnement essentiel dans lequel les réformes institutionnelles et les initiatives contre la corruption peuvent réussir.
8. Par ailleurs, l’Assemblée appelle l’ensemble des parlements des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, à continuer à promouvoir des mesures en faveur de la transparence et de la responsabilité, en particulier:
8.1. en développant un code de conduite comprenant des règles relatives à la prévention des conflits d’intérêts, aux cadeaux reçus et autres avantages, aux activités accessoires et intérêts financiers, aux obligations de déclaration, et en facilitant l’accès au public, conformément à la Recommandation no R (2000) 10 du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics;
8.2. en envisageant de créer une institution de conseil confidentiel pour fournir aux élus des informations et des conseils sur les questions liées à l’éthique, à l’intégrité et aux conflits d’intérêts éventuels, ainsi que des formations spécifiques;
8.3. en s’assurant que l’immunité parlementaire n’empêche pas les parlementaires d’être poursuivis pénalement pour des faits de corruption;
8.4. en établissant des procédures spécifiques de surveillance parlementaire, en mettant particulièrement l’accent sur la mise en œuvre des recommandations émanant du cinquième cycle d’évaluation du GRECO qui portent sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs;
8.5. en s’assurant que la coopération avec les médias d’investigation est fondée sur des preuves raisonnablement solides et en mettant en œuvre la Résolution 2171 (2017) «Le contrôle parlementaire de la corruption: la coopération des parlements avec les médias d'investigation».
9. Conformément au Code de bonne conduite en matière de partis politiques de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), l’Assemblée invite tous les partis politiques à exclure de leurs listes de candidats ainsi que de leurs rangs toute personne reconnue coupable de corruption.
10. Pour sa part, l’Assemblée décide:
10.1. d’accorder une attention particulière à la révision et à la mise en œuvre effective de son propre code de conduite;
10.2. de soutenir pleinement le groupe d’enquête externe indépendant chargé d’examiner les allégations de corruption au sein de l’Assemblée;
10.3. de renforcer sa propre plateforme contre la corruption, afin de promouvoir au sein des parlements nationaux des campagnes en faveur de l’intégrité;
10.4. de fournir une réglementation solide pour les activités de lobbying, notamment en mettant en place un registre de transparence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en suivant l’exemple du Parlement européen.
11. L’Assemblée se félicite de l’inscription par l’Union européenne de la lutte contre la corruption au nombre des priorités de sa coopération avec le Conseil de l’Europe en 2016-2017, et notamment de son intention d’adhérer à long terme au GRECO. L’Assemblée se félicite également de la publication par le Médiateur européen de recommandations pratiques pour l’interaction des agents publics avec les représentants d’intérêts (représentants de groupes d’intérêts), ainsi que de la Résolution du Parlement européen du 16 mai 2017 sur le rapport annuel 2015 sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude (2016/2097(INI)), qui encourage l’Union européenne à présenter le plus rapidement possible sa demande d’adhésion au GRECO. Enfin, l’Assemblée réitère son appel à l’Union européenne pour qu’elle progresse vers une adhésion pleine et entière au GRECO le plus tôt possible, et qu’elle respecte le principe d’égalité de traitement entre les membres du GRECO, ce qui implique l’évaluation des institutions de l’Union européenne par les mécanismes du GRECO, en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique.