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Résolution 2170 (2017)
Promouvoir l’intégrité dans la gouvernance pour lutter contre la corruption politique
1. L’Assemblée
parlementaire réaffirme que la lutte contre la corruption reste
non seulement un fondement de l’État de droit, mais est aussi une
composante essentielle d’une véritable démocratie et un élément primordial
pour assurer la protection des droits de l’homme.
2. La répétition des scandales de corruption, tant dans les institutions
nationales qu’européennes, a permis aux dirigeants populistes d’exploiter
le désenchantement du public à l’égard des «élites corrompues».
En outre, la perception de la corruption ou des malversations a
un impact négatif sur la participation aux élections et conditionne
l’avis que les citoyens se font des dirigeants en exercice et des
institutions politiques. Aussi l’Assemblée estime-t-elle qu’il est
prioritaire d’intensifier la lutte contre la corruption et de restaurer
la confiance dans l’efficacité et l’action des institutions démocratiques
dans l’ensemble des démocraties européennes, y compris les institutions
européennes.
3. L’Assemblée rappelle notamment ses résolutions et recommandations
sur «La corruption: une menace à la prééminence du droit» (Résolution 1943 (2013) et Recommandation
2019 (2013)), «Le lobbying dans une société démocratique (code européen
de bonne conduite en matière de lobbying)» (Recommandation 1908 (2010)), «Améliorer la protection des donneurs d’alerte» (Recommandation 2073 (2015) et Résolution 2060
(2015)), «La corruption judiciaire: nécessité de mettre en
œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée» (Résolution 2098 (2016) et Recommandation
2087 (2016)) et «Transparence et ouverture dans les institutions
européennes» (Résolution
2125 (2016) et Recommandation
2094 (2016)), et souligne l’importance de continuer à promouvoir
l’intégrité de la gouvernance publique.
4. Tout en se félicitant des mesures qui existent contre la corruption,
pour la transparence et pour que les responsables rendent des comptes
aux niveaux national, européen et international, l’Assemblée souligne
la nécessité de promouvoir un environnement politique et culturel
qui favorise une société résiliente face à la corruption. Elle considère
que toute initiative contre la corruption et pour la transparence
au niveau national ou européen devrait comprendre les éléments suivants:
4.1. prendre en compte la diversité
et la richesse des traditions politiques, sociales, économiques
et culturelles des États membres du Conseil de l’Europe;
4.2. recevoir un soutien fort de la base de la part d’une large
coalition de groupes de la société qui sont opposés aux pratiques
de corruption existantes;
4.3. être suffisamment flexible pour s’adapter et répondre
aux nouvelles formes de corruption au fur et à mesure qu’elles apparaissent.
5. L’Assemblée prend note de la variété des fonctions, pouvoirs
et mandats des institutions nationales de lutte contre la corruption,
notamment les institutions anti-corruption polyvalentes, les organes
de maintien de l’ordre, de coordination des politiques et de prévention,
ainsi que les mécanismes de contrôle interne mis en place par d’autres
institutions publiques. L’Assemblée réitère l’invitation qu’elle
avait adressée à l’ensemble des États membres pour qu’ils revoient
et renforcent leur législation relative à la lutte contre la corruption,
en veillant à ce que tous les actes de corruption soient incriminés
conformément aux normes élaborées par les instruments internationaux
et les organes de suivi pertinents. Elle enjoint les États membres
du Conseil de l’Europe qui ont créé des organes spécialisés dans
la lutte contre la corruption à leur conférer des compétences spécifiques,
un mandat clair et des pouvoirs suffisants, soumis à des mécanismes
de contrôle appropriés, conformément à la Résolution
97 (24) du Comité des Ministres portant les vingt principes directeurs
pour la lutte contre la corruption, aux recommandations du Groupe
d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, ainsi
qu’aux lignes directrices de la Convention des Nations Unies contre
la corruption. Elle appelle aussi ces organes à développer leurs
mécanismes de suivi et d’évaluation pour analyser leur propre performance,
et à renforcer l’appui de l’opinion publique en continuant de lui
rendre des comptes, avec le soutien éventuel du Conseil de l'Europe.
6. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite tous les
États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États
dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire à intensifier
la lutte contre la corruption:
6.1. en
promouvant l’intégrité et la transparence dans la vie publique à
tous les niveaux, en particulier:
6.1.1. en
adoptant des règles rigoureuses relatives à la déclaration de patrimoine,
de revenus et d’intérêts financiers ou autres par les membres du
gouvernement et du parlement, les dirigeants de partis et de mouvements
politiques, et les fonctionnaires, juges et procureurs;
6.1.2. en rendant ces déclarations facilement accessibles au
public;
6.1.3. en établissant des organes de supervision indépendants
et en réglementant les activités de lobbying, conformément à la
Recommandation CM/Rec(2017)2 du
Comité des Ministres relative à la réglementation juridique des
activités de lobbying dans le contexte de la prise de décision publique;
6.2. en signant ou en ratifiant sans tarder, s’ils ne l’ont
pas encore fait, la Convention pénale sur la corruption (STE no 173),
son protocole additionnel (STE no 191)
et la Convention civile sur la corruption (STE no 174);
6.3. en garantissant une coopération pleine et entière avec
le GRECO et le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de
lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL),
et en mettant en œuvre leurs recommandations sans plus tarder, surtout
les recommandations qui émanent du quatrième cycle d’évaluation
du GRECO, qui porte sur la prévention de la corruption des parlementaires,
des juges et des procureurs;
6.4. en garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire par
des procédures de recrutement et de promotion transparentes et,
si nécessaire, en recourant à des mesures disciplinaires appropriées, appliquées
par des instances qui échappent à toute ingérence politique et autres
influences indues;
6.5. en reconnaissant le rôle des médias dans la dénonciation
de la corruption et en veillant à ce que la réglementation sur les
médias respecte la liberté et la responsabilité de la presse;
6.6. en continuant à améliorer la protection des donneurs d’alerte
dans la loi et dans la pratique;
6.7. en mettant en œuvre la Recommandation sur l’intégrité
publique adoptée par l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), qui constitue un plan pour défendre et privilégier
l’intérêt général sur les intérêts privés dans le secteur public;
6.8. en envisageant de créer des unités spécialisées chargées
de l’intégrité dans les institutions publiques pour promouvoir l’éthique,
la responsabilité et la transparence;
6.9. en étant attentifs aux niveaux local et régional de l’administration,
et en envisageant de créer des services de conseil confidentiel
pour prodiguer aux élus locaux des informations et des conseils
sur les questions éthiques, liées à l’intégrité, et sur les éventuels
conflits d’intérêts, ainsi que des formations spécifiques;
6.10. en organisant des campagnes de sensibilisation du public
à la lutte contre la corruption, qui ciblent différents groupes
de citoyens, les médias, les organisations non gouvernementales,
les entreprises et le grand public;
6.11. en incorporant des éléments sur l’intégrité dans les programmes
scolaires du primaire et du secondaire, centrés sur la responsabilité
individuelle et sociale, avec le soutien du Conseil de l’Europe.
7. Outre les approches traditionnelles fondées sur la législation,
les institutions spécialisées et une conformité et une application
plus strictes, les gouvernements devraient porter une attention
particulière, par la poursuite de recherches universitaires et en
matière de politiques, à la façon dont la corruption était et est intégrée
dans les valeurs sociales et culturelles, puisque celles-ci fournissent
l’environnement essentiel dans lequel les réformes institutionnelles
et les initiatives contre la corruption peuvent réussir.
8. Par ailleurs, l’Assemblée appelle l’ensemble des parlements
des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi
que les parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de
partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire,
à continuer à promouvoir des mesures en faveur de la transparence
et de la responsabilité, en particulier:
8.1. en développant un code de conduite comprenant des règles
relatives à la prévention des conflits d’intérêts, aux cadeaux reçus
et autres avantages, aux activités accessoires et intérêts financiers,
aux obligations de déclaration, et en facilitant l’accès au public,
conformément à la Recommandation no R (2000) 10
du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents
publics;
8.2. en envisageant de créer une institution de conseil confidentiel
pour fournir aux élus des informations et des conseils sur les questions
liées à l’éthique, à l’intégrité et aux conflits d’intérêts éventuels,
ainsi que des formations spécifiques;
8.3. en s’assurant que l’immunité parlementaire n’empêche pas
les parlementaires d’être poursuivis pénalement pour des faits de
corruption;
8.4. en établissant des procédures spécifiques de surveillance
parlementaire, en mettant particulièrement l’accent sur la mise
en œuvre des recommandations émanant du cinquième cycle d’évaluation
du GRECO qui portent sur la prévention de la corruption et la promotion
de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions
de l’exécutif) et des services répressifs;
8.5. en s’assurant que la coopération avec les médias d’investigation
est fondée sur des preuves raisonnablement solides et en mettant
en œuvre la Résolution
2171 (2017) «Le contrôle parlementaire de la corruption: la coopération
des parlements avec les médias d'investigation».
9. Conformément au Code de bonne conduite en matière de partis
politiques de la Commission européenne pour la démocratie par le
droit (Commission de Venise), l’Assemblée invite tous les partis politiques
à exclure de leurs listes de candidats ainsi que de leurs rangs
toute personne reconnue coupable de corruption.
10. Pour sa part, l’Assemblée décide:
10.1. d’accorder une attention particulière à la révision et
à la mise en œuvre effective de son propre code de conduite;
10.2. de soutenir pleinement le groupe d’enquête externe indépendant
chargé d’examiner les allégations de corruption au sein de l’Assemblée;
10.3. de renforcer sa propre plateforme contre la corruption,
afin de promouvoir au sein des parlements nationaux des campagnes
en faveur de l’intégrité;
10.4. de fournir une réglementation solide pour les activités
de lobbying, notamment en mettant en place un registre de transparence
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en suivant l’exemple
du Parlement européen.
11. L’Assemblée se félicite de l’inscription par l’Union européenne
de la lutte contre la corruption au nombre des priorités de sa coopération
avec le Conseil de l’Europe en 2016-2017, et notamment de son intention d’adhérer
à long terme au GRECO. L’Assemblée se félicite également de la publication
par le Médiateur européen de recommandations pratiques pour l’interaction
des agents publics avec les représentants d’intérêts (représentants
de groupes d’intérêts), ainsi que de la Résolution du Parlement
européen du 16 mai 2017 sur le rapport annuel 2015 sur la protection
des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la
fraude (2016/2097(INI)), qui encourage l’Union européenne à présenter
le plus rapidement possible sa demande d’adhésion au GRECO. Enfin,
l’Assemblée réitère son appel à l’Union européenne pour qu’elle progresse
vers une adhésion pleine et entière au GRECO le plus tôt possible,
et qu’elle respecte le principe d’égalité de traitement entre les
membres du GRECO, ce qui implique l’évaluation des institutions
de l’Union européenne par les mécanismes du GRECO, en tenant compte
de sa spécificité en tant qu’entité non étatique.