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Résolution 2188 (2017)
Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe – Exemples sélectionnés
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
ses précédentes résolutions relatives au maintien de l’État de droit dans
les États membres du Conseil de l’Europe, en particulier les Résolutions 1594 (2007) sur
l'expression «principle of the Rule of Law», 1685 (2009) sur les allégations
d'abus du système de justice pénale, motivées par des considérations
politiques, dans les États membres du Conseil de l'Europe et 2040 (2015) «Menaces contre
la prééminence du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe:
affirmer l’autorité de l’Assemblée parlementaire», la Résolution 1703 (2010) et
la Recommandation 1896
(2010) sur la corruption judiciaire, la Résolution 1943 (2013) et
la Recommandation 2019
(2013) «La corruption: une menace à la prééminence du
droit», ainsi que la Résolution
2098 (2016) et la Recommandation
2087 (2016) «La corruption judiciaire: nécessité de mettre
en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée».
2. L’Assemblée prend note avec inquiétude des graves problèmes
relatifs à l’État de droit dans de nombreux États membres du Conseil
de l’Europe. Dans sa Résolution
2040 (2015), elle regrettait que plusieurs de ses recommandations
relatives à la protection et au renforcement de l’État de droit
n’aient toujours pas été appliquées par certains États membres.
3. L’Assemblée est aussi profondément préoccupée par les cas
observés dans certains États membres, dans lesquels le système judiciaire
national est utilisé pour réduire au silence des opposants politiques
et pour réprimer ceux qui désapprouvent les politiques gouvernementales.
4. Pleinement consciente de la diversité des systèmes et cultures
juridiques des États membres, l’Assemblée souligne que le respect
de l’État de droit est l’une des valeurs centrales de l’Organisation
et qu’il est étroitement lié à la démocratie et au respect des droits
de l’homme. L’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5) expose l’un des éléments
essentiels de cette convention: le principe de l’indépendance et
de l’impartialité de la justice. De plus, le Conseil de l’Europe
est l’organisation internationale qui a élaboré le plus de documents
juridiques et politiques dans ce domaine, dans le cadre des travaux
de ses organes statutaires et de ses instances spécialisées, telles
que la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), le Groupe d’États contre la corruption (GRECO), la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), le Conseil consultatif
des juges européens (CCJE) et le Conseil consultatif des procureurs
européens (CCPE).
5. L’Assemblée appelle une nouvelle fois tous les États membres
du Conseil de l’Europe à mettre pleinement en œuvre le principe
de la prééminence du droit, conformément aux instruments susmentionnés du
Conseil de l’Europe, et à poursuivre leur coopération avec ses organes
et instances compétents en la matière.
6. L’Assemblée a examiné de manière approfondie la situation
dans cinq États membres: la Bulgarie, la République de Moldova,
la Pologne, la Roumanie et la Turquie. Bien que la liste des problèmes
constatés dans ces pays ne recouvre pas tous les problèmes relevés
dans les États membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée est préoccupée
par certains développements récents qui mettent en péril le respect
de l’État de droit et, en particulier, l’indépendance de la justice
et le principe de la séparation des pouvoirs. Ce risque tient essentiellement
aux tendances à limiter l’indépendance de la justice par les tentatives
faites pour politiser les conseils de la magistrature et les tribunaux
(principalement en Bulgarie, en Pologne et en Turquie), aux révocations
massives de juges et de procureurs (Turquie) ou aux tentatives faites
en ce sens (Pologne), et aux tendances à limiter le pouvoir législatif
du parlement (République de Moldova, Roumanie et Turquie). De plus, la
corruption, qui est un problème majeur pour l’État de droit, reste
un phénomène très répandu en Bulgarie, en République de Moldova
et en Roumanie.
7. En conséquence, l’Assemblée appelle les autorités bulgares:
7.1. à poursuivre la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature, de la justice et du ministère public,
conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe;
7.2. à renforcer leurs efforts de lutte contre la corruption
et, en particulier, à établir une agence de lutte contre la corruption.
8. L’Assemblée appelle les autorités de la République de Moldova:
8.1. à poursuivre la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature, de la justice et du ministère public,
conformément aux recommandations des organes du Conseil de l’Europe;
8.2. à renforcer considérablement leurs efforts pour lutter
contre la corruption et, en particulier, à garantir la pleine indépendance
des principales institutions compétentes en la matière;
8.3. à s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient nuire
à la séparation des pouvoirs.
9. L’Assemblée appelle les autorités polonaises:
9.1. à s’abstenir de procéder à toute
réforme qui pourrait constituer un risque pour l’État de droit et, en
particulier, pour l’indépendance de la justice, et, dans ce contexte,
à s'abstenir de modifier la loi sur le Conseil national de la magistrature
d’une manière qui modifierait la procédure de nomination des juges
membres du conseil et établirait un contrôle politique sur le processus
de nomination des juges membres;
9.2. à veiller à ce que la réforme de la justice en cours soit
conforme aux normes du Conseil de l’Europe relatives à l’État de
droit, à la démocratie et aux droits de l’homme, et, dans ce contexte,
à s’abstenir de mettre en œuvre des dispositions juridiques qui
mettraient un terme au mandat de juges membres du Conseil national
de la magistrature de la Pologne ou au mandat du premier président
de la Cour suprême;
9.3. à coopérer pleinement avec la Commission de Venise et
à mettre en œuvre les recommandations de cette dernière, en particulier
celles qui concernent la composition et le fonctionnement de la
Cour constitutionnelle.
10. L’Assemblée demande à la Commission de Venise de rendre un
avis sur la compatibilité entre les normes du Conseil de l'Europe
relatives à l’État de droit et la loi polonaise du 12 juillet 2017
sur l’organisation des juridictions de droit commun, ainsi que sur
deux projets de loi récemment soumis au Sejm par le Président de
la République, qui visent à modifier la loi sur le Conseil national
de la magistrature et sur la Cour suprême.
11. L’Assemblée appelle les autorités roumaines:
11.1. à faciliter un débat public
adéquat sur les critères constitutionnels de la levée de l’immunité parlementaire
et à adopter des critères clairs en la matière, en respectant les
recommandations de la Commission de Venise;
11.2. à revoir dès que possible la législation pénale nationale
en exécutant les décisions rendues par la Cour constitutionnelle,
qui déclarent inconstitutionnels un nombre important d’articles
du Code pénal et du Code de procédure pénale mettant l’accent sur
la lutte contre la corruption et l’abus d’autorité, et en appliquant
les recommandations de la Commission de Venise et du GRECO;
11.3. à veiller à ce que le gouvernement et le pouvoir judiciaire
respectent la séparation des pouvoirs à l’égard des compétences
du parlement, en s’abstenant tout particulièrement de légiférer
abusivement au moyen des ordonnances d’urgence;
11.4. à soutenir, politiquement et financièrement, l’action
remarquable de la Direction nationale de lutte contre la corruption,
en respectant le cadre juridique et la nécessité de lutter efficacement
contre la corruption et l’abus d’autorité;
11.5. à veiller à ce que l’ensemble des partis politiques respectent
le rôle essentiel et l’autorité de la Cour constitutionnelle et
de la Direction nationale de lutte contre la corruption.
12. Rappelant sa Résolution
2156 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie, l’Assemblée rappelle sa plus vive préoccupation face
à l’ampleur des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence
et aux amendements à la Constitution adoptés par la Grande Assemblée
nationale le 21 janvier 2017 et approuvés lors du référendum national
du 16 avril 2017. En conséquence, elle appelle les autorités turques:
12.1. à lever l’état d’urgence dès
que possible;
12.2. à reconsidérer les amendements à la Constitution approuvés
lors du référendum du 16 avril 2017, conformément à l’Avis no 875/2017
de la Commission de Venise, afin que la séparation des pouvoirs
soit à nouveau effective, en particulier concernant le parlement
et la Cour constitutionnelle;
12.3. à s’assurer que tous les décrets-lois d’urgence adoptés
par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sont approuvés
par le parlement et que leur constitutionnalité peut être contrôlée
par la Cour constitutionnelle;
12.4. à mettre fin immédiatement aux révocations collectives
de juges et de procureurs, ainsi que d’autres fonctionnaires, par
décrets-lois, et à s’assurer que le cas de ceux qui ont déjà été
révoqués sera révisé par un «tribunal» remplissant les critères
de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
13. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2178 (2017) relative à la mise en œuvre des arrêts de
la Cour européenne des droits de l’homme et appelle tous les États
membres du Conseil de l’Europe à mettre pleinement en œuvre ces
arrêts et à donner une priorité politique à ceux qui révèlent un
besoin pressant de procéder à de vastes réformes du système judiciaire.
L'Assemblée regrette profondément que certains États membres envisagent
d’introduire ou aient introduit des instruments juridiques pour
empêcher la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme.
14. L’Assemblée appelle tous les États membres à promouvoir une
culture politique et juridique propice à la mise en œuvre de l’État
de droit, conformément aux principes inhérents à l’ensemble des
normes du Conseil de l’Europe.