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Résolution 2189 (2017)

La nouvelle loi ukrainienne sur l'éducation: une entrave majeure à l'enseignement des langues maternelles des minorités nationales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 12 octobre 2017 (34e séance) (voir Doc. 14415, rapport de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, rapporteur: M. Andres Herkel). Texte adopté par l’Assemblée le 12 octobre 2017 (34e séance).

1. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par les articles relatifs à l’enseignement dans des langues minoritaires de la nouvelle loi sur l’éducation adoptée le 5 septembre 2017 par la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien) et signée le 27 septembre 2017 par le Président ukrainien, Petro Porochenko.
2. Différents pays voisins ont affirmé que cette loi portait atteinte aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales et posait des problèmes juridiques délicats dans l’ordre juridique ukrainien également. L'Assemblée déplore le fait qu'il n'y ait pas eu de véritables consultations avec les représentants des minorités nationales en Ukraine sur la nouvelle version de l'article 7 de la loi adoptée par la Verkhovna Rada. L’Assemblée constate que les autorités ukrainiennes ont soumis le texte de la loi sur l’éducation à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour avis, lequel devrait être rendu d’ici à la fin de l’année 2017; néanmoins, l’Assemblée se dit insatisfaite que cette démarche n’ait pas été entreprise avant l’adoption de la loi sur l’éducation. En outre, l’Assemblée est consciente que le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a adopté en mars 2017 son avis relatif à l’Ukraine (4e cycle), qui devrait être rendu public début 2018, et qu’un rapport sur l’Ukraine soumis par le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est à l’examen au Comité des Ministres.
3. L'Assemblée prend note de sérieuses préoccupations exprimées sur un certain nombre de questions juridiques. Elle estime qu’il est important de respecter les engagements fondés sur la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157, «convention-cadre») et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148), et d’aider à rétablir un dialogue constructif entre les différentes parties concernées. À cet égard, selon elle, trois principes interconnectés doivent guider les parties prenantes vers des accords plus consensuels.
4. Le premier principe est que la connaissance de la (des) langue(s) officielle(s) d’un État est un facteur de cohésion sociale et d’intégration, et qu’il est légitime pour les États de faire la promotion de l’apprentissage de la (des) langue(s) officielle(s) et de demander que leur(s) langue(s) officielle(s) soi(en)t la ou les langues de l’enseignement pour tous.
5. Le deuxième principe est que, comme l’a déclaré le Comité consultatif de la convention-cadre, «La langue est une composante essentielle de l’identité individuelle et collective. Pour bon nombre de personnes appartenant à des minorités nationales, la langue est l’un des principaux facteurs de leur identité et identification minoritaire.» (Commentaire thématique no 3, ACFC/44DOC(2012)001). Par conséquent, lorsque les États prennent des mesures pour promouvoir la (les) langue(s) officielle(s), celles-ci doivent aller de pair avec des mesures visant à protéger et à promouvoir les langues des minorités nationales. Si cela n’est pas fait, le résultat sera l’assimilation, et non l’intégration.
6. Le troisième principe est le principe de non-discrimination. Ce principe ne s’applique pas seulement à la reconnaissance et à la protection effective des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, telles que les consacre la convention-cadre, et des droits spécifiques énoncés dans la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mais aussi «à la jouissance de tout droit prévu par la loi», conformément à l’article 1 du Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177).
7. Pour l’Assemblée, ces trois principes sont des éléments essentiels d’un concept plus large, auquel elle accorde la plus haute importance, et qui sous-tend en réalité la convention-cadre tout entière: le concept du «vivre ensemble».
8. Au regard des principes susmentionnés et du concept du «vivre ensemble» qui les englobe, la nouvelle législation ne semble pas trouver un équilibre approprié entre la langue officielle et les langues des minorités nationales.
9. En particulier, la nouvelle loi entraîne une réduction forte des droits jusque-là reconnus aux «minorités nationales» pour ce qui est de l’instruction dans leur propre langue. Ces minorités nationales, qui avaient auparavant le droit de disposer d’établissements scolaires monolingues et de programmes complets dispensés dans leur propre langue, se retrouvent maintenant dans une situation où l’instruction dans leur langue ne peut être assurée (conjointement à l’instruction en ukrainien) que jusqu’à la fin du cycle primaire. Selon l’Assemblée, cela n’est pas propice au «vivre ensemble».
10. En planifiant la mise en œuvre de la réforme, il faudra faire preuve de souplesse pour éviter que des changements précipités ne portent atteinte à la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves et aux étudiants issus de minorités nationales.
11. À cet égard, une période transitoire de trois ans pourrait s’avérer trop courte. Par conséquent, l’Assemblée exhorte les autorités ukrainiennes à introduire aussi une certaine souplesse concernant la durée de ce processus et à permettre des arrangements adaptés aux circonstances réelles des communautés concernées et à la situation dans les différentes régions.
12. L’Assemblée est consciente du fait que les minorités de langue ukrainienne dans les pays voisins n’ont pas le droit à une instruction monolingue dans leur propre langue et qu’elles ne bénéficient pas d’arrangements visant à promouvoir une éducation bilingue. Par conséquent, l’Assemblée recommande que les autorités des pays voisins, qui appellent de manière légitime à la protection de leurs minorités, se montrent prêtes à proposer aux communautés ukrainiennes résidant dans leurs pays respectifs des arrangements similaires à ceux qu’elles réclament pour leurs propres minorités.
13. L'Assemblée recommande à l'Ukraine d'examiner les bonnes pratiques au sein des États membres du Conseil de l'Europe dans le domaine de l'enseignement des langues officielles, comprenant des méthodes d'apprentissage spécialement conçues pour les établissements scolaires utilisant des langues régionales ou minoritaires comme langue d'enseignement.
14. L’Assemblée décide de suivre les développements en Ukraine des questions concernant la protection et la promotion des langues régionales et minoritaires.
15. L’Assemblée demande aux autorités ukrainiennes de mettre pleinement en œuvre les prochaines recommandations et conclusions de la Commission de Venise, et de modifier la nouvelle loi sur l’éducation en conséquence.