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Résolution 2196 (2018)

La protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (3e séance) (voir Doc. 14466, commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, rapporteure: Mme Rózsa Hoffmann). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (3e séance).Voir également la Recommandation 2118 (2018).

1. Dans les démocraties européennes, l’usage des langues régionales ou minoritaires est un pilier déterminant de l’identité personnelle et collective de tous les citoyens européens concernés. La diversité linguistique fait partie de l’héritage culturel européen commun; la protection et le soutien du développement de ces langues constituent donc une valeur fondamentale de l’Europe.
2. Encore une fois, l’Assemblée parlementaire confirme que la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de l’Europe, dont certaines risquent de disparaître, contribue à maintenir et à développer les traditions et la richesse culturelles de l’Europe. À cet égard, l’Assemblée rappelle sa Recommandation 1201 (1993), sa Recommandation 1492 (2001), sa Résolution 1770 (2010) ainsi que sa Résolution 1985 (2014), qui concernent toutes les droits des minorités nationales.
3. L’Assemblée constate que la langue constitue une valeur en soi et un de nos biens culturels. Par conséquent, il est fondamentalement important que l’utilisation de la langue assure la représentation culturelle de la communauté, permette aux individus et à la communauté de participer à la vie politique et culturelle, et puisse ainsi s’intégrer dans les processus économiques et sociaux.
4. Ces objectifs font l’objet de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148, «la charte»), qui a joué un rôle unique dans la protection et le soutien des langues régionales ou minoritaires au cours des deux dernières décennies. L’Assemblée apprécie le travail que le comité d’experts de la charte a effectué au cours des deux dernières décennies dans cette visée.
5. C’est avec regret que l’Assemblée constate que, à ce jour, sur les 47 États membres, seuls 25 États ont ratifié la charte et 8 l’ont signée.
6. L’Assemblée exprime son inquiétude relative au fait que plusieurs États tardent à soumettre leur rapport sur l’application de la charte, certains États ayant même renoncé à tout un cycle de suivi, ce qui rend difficile le travail du comité d’experts et du Comité des Ministres lié à la protection et à la promotion des langues régionales ou minoritaires.
7. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée invite les États membres:
7.1. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et à s’abstenir de tout acte qui pourrait aller à l’encontre des principes définis par la charte, quel que soit leur statut au regard de cet instrument;
7.2. à prendre les mesures nécessaires afin que le droit de l’usage des langues régionales ou minoritaires soit reconnu dans tous les aspects de la vie de la communauté et, lorsque cela est réalisable, que ces langues soient élevées au rang de deuxième langue officielle dans les régions où ces langues sont pratiquées traditionnellement, compte tenu des conditions spécifiques et des traditions historiques de chaque région;
7.3. à soumettre sans tarder leur rapport national comme prévu à l’article 15 de la charte et à participer de manière constructive au suivi effectué par le comité d’experts;
7.4. à adapter les engagements relatifs à chaque langue prévus par la charte à la situation sociolinguistique des langues concernées, en respectant l’esprit de la charte;
7.5. à appliquer une approche structurée pour la réalisation de ces engagements, impliquant tous les niveaux institutionnels, y compris les autorités locales et régionales, et à donner une définition claire des responsabilités et compétences d’exécution;
7.6. à étudier et à utiliser les meilleures pratiques des États.
8. L’Assemblée invite les États membres parties à la charte, conformément à leurs engagements dans cette dernière:
8.1. concernant l’enseignement:
8.1.1. à se conformer aux paragraphes 10.4.2 à 10.4.5 de la Résolution 1985 (2014);
8.1.2. à déterminer, si possible avant la scolarisation, la langue maternelle de l’enfant et à assurer l’enseignement aussi bien de la langue minoritaire ou régionale que de la langue officielle par une méthodologie adéquate;
8.1.3. à assurer la possibilité d’étudier dans la langue régionale ou minoritaire pendant toute la formation, de l’éducation préscolaire, l’école primaire et secondaire, jusqu’à la formation professionnelle et aux études supérieures, au moins pour les élèves dont les familles le souhaitent;
8.1.4. à assurer que ceux qui parlent une langue régionale ou minoritaire comme leur langue maternelle peuvent acquérir la langue officielle de façon suffisante, en intégrant les bonnes pratiques de l’enseignement des langues étrangères et de la deuxième langue dans l’approche méthodologique adoptée pour l’enseignement de la langue officielle de l’État;
8.1.5. à assurer aux personnes vivant en habitat dispersé une instruction appropriée dans la langue en question;
8.1.6. à définir des seuils préférentiels dans le cas de l’apprentissage des langues régionales ou minoritaires, et à les appliquer avec la souplesse nécessaire en tenant compte des intérêts de la communauté;
8.1.7. à garantir que les jeunes parlant des langues régionales ou minoritaires passent les examens dans des conditions appropriées en ayant les mêmes chances que ceux de la majorité dans le système d’enseignement public et supérieur;
8.1.8. à organiser des systèmes de formation suffisamment financés pour des enseignants hautement engagés, et à pratiquer des incitations spécifiques pour que les élèves optent pour les langues régionales ou minoritaires en question ou pour les formations tenues dans ces langues;
8.1.9. à s’efforcer d’une manière proactive de rédiger des manuels conformes aux exigences des locuteurs des langues régionales ou minoritaires, et – si cela ne s’avère pas possible – à permettre à ces locuteurs d’utiliser des manuels d’autres pays édités dans ces langues, en coopération avec les instances chargées de la réglementation en matière d’éducation dans les pays où les langues régionales ou minoritaires sont utilisées;
8.1.10. à veiller à ce que les réformes éducatives n’affectent pas l’enseignement dans les langues régionales ou minoritaires ou l’enseignement de ces langues d’une manière démesurément désavantageuse et à ce qu’elles respectent pleinement le niveau des droits acquis;
8.1.11. à permettre aux communautés parlant une langue régionale ou minoritaire d’organiser l’enseignement dans cette langue selon leur propre compétence et dans leur propre système institutionnel, dans le cadre d’un système d’enseignement précis, comme cela existe déjà dans plusieurs pays d’Europe;
8.2. vis-à-vis des autorités administratives et des organismes de service public, à permettre l’utilisation des langues régionales ou minoritaires, indépendamment du seuil linguistique, sur les territoires où les locuteurs sont traditionnellement présents et où il y a un intérêt pour leur utilisation, suivant les bonnes pratiques de beaucoup de pays, et dans ce cadre:
8.2.1. à assurer l’information des citoyens sur les possibilités d’utilisation de cette langue et à promouvoir activement l’exercice réel de cette possibilité par les usagers;
8.2.2. à assurer que les employés des administrations ou des services publics qui communiquent avec les usagers sont capables de fournir les informations et services dans les langues régionales ou minoritaires respectives;
8.2.3. à promouvoir et à encourager l’utilisation aux niveaux local et régional des langues régionales ou minoritaires; dans cet objectif, à encourager activement les municipalités à assurer l’utilisation des langues en pratique, en particulier par une politique de l’emploi adéquate, en dispensant une formation linguistique aux employés et en mettant les informations et services à disposition sur internet dans les langues concernées;
8.2.4. à veiller à ce que les noms de lieu et toutes les dénominations topographiques soient inscrits dans leur forme correcte, y compris les panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération, et tous les autres panneaux de signalisation et d’information routières;
8.2.5. à veiller à ce que les entreprises et organismes proposant des prestations de service public utilisent également la langue régionale ou minoritaire en question; à faire en sorte, même dans le cas de l’engagement le plus faible défini à l’article 10.3 de la charte, qu’un nombre suffisant de salariés parle la langue concernée dans l’institution proposant une telle prestation, et que les informations nécessaires pour pouvoir bénéficier de celle-ci soient également fournies dans cette langue; dans le cas où aucune des solutions susvisées n’est possible, l’assistance d’un interprète devrait être offerte à l’usager;
8.3. concernant les médias:
8.3.1. à promouvoir l’utilisation des langues régionales ou minoritaires par l’adoption de normes légales et réglementaires, ainsi que par des incitations appropriées dans leur politique;
8.3.2. à s’abstenir de prescrire des mesures juridiques et politiques restrictives, comme des obligations de sous-titrage/de traduction, ainsi que des quotas obligatoires d’émissions dans la langue officielle, etc.;
8.3.3. à assurer un financement approprié ou des subventions aux organisations ou aux médias représentant les minorités pour promouvoir la qualité du contenu, afin qu’ils puissent attirer l’attention de la communauté majoritaire sur l’identité, la langue, l’histoire et la culture des minorités;
8.3.4. à permettre et à promouvoir la présence des médias en langue régionale ou minoritaire sur les interfaces en ligne;
8.4. concernant la culture:
8.4.1. à prendre en considération la proportion nationale et régionale des locuteurs de langues régionales ou minoritaires et le nombre de leurs communautés lors de l’élaboration du budget en ce qui concerne la culture, à consulter ces communautés lors de l’affectation des moyens budgétaires, et, en fonction des possibilités, à donner les moyens nécessaires au développement de la vie culturelle de la ou des minorité(s) en question;
8.4.2. à assurer des postes dans une proportion convenable aux représentants des langues régionales ou minoritaires dans les organismes nationaux et régionaux responsables des contenus culturels médiatiques;
8.4.3. à prendre en considération, lors de l’élaboration des normes légales et autres réglementations relatives aux subventions culturelles, l’intégrité des œuvres artistiques écrites dans la langue minoritaire du pays, et à ne pas soumettre leur publication à une obligation de traduction dans la langue de l’État;
8.4.4. à assurer la présence de personnel parlant la langue en question dans les institutions culturelles sur les territoires où les locuteurs des langues régionales ou minoritaires sont traditionnellement présents;
8.4.5. à considérer les langues régionales ou minoritaires comme des vecteurs d’enrichissement de la culture nationale, et, dans cette mesure, à prendre en considération les locuteurs de ces langues et à les intégrer dans l’orientation et les priorités de la politique culturelle étrangère de l’État.
9. L’Assemblée invite les États membres à veiller à la compréhension mutuelle entre tous les groupes linguistiques au sein de chaque pays, afin de promouvoir la coopération et la cohabitation la plus large des communautés des États membres.
10. L’Assemblée invite les parlements nationaux à envisager la création d’un groupe de travail spécifique chargé d’étudier les solutions pratiques permettant d’améliorer la protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires.