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Résolution 2197 (2018)
Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend
1. L’Europe moderne a bâti une prospérité
impressionnante en poursuivant un développement axé sur les besoins
et les droits humains. Avec les changements intervenus dans les
structures économiques, la nature du travail et les profils démographiques,
son modèle social est aujourd’hui sous tension, alors que la pauvreté et
les inégalités croissantes portent toujours plus atteinte à la dignité
humaine. Les États européens doivent assumer leurs responsabilités
en matière de réforme afin que les générations actuelles et futures
puissent continuer de bénéficier de conditions de vie décentes et
d’une protection sociale adéquate. C’est dans ce contexte que l’idée
d’un revenu de base, ou revenu «de citoyenneté», a fait son apparition
dans le débat public.
2. L’Assemblée parlementaire considère qu’un niveau de vie décent
pour tous est la pierre angulaire de la justice sociale et de la
dignité humaine. Si la plupart des pays européens ont mis en place
des mécanismes d’aide au revenu pour garantir aux personnes défavorisées
un strict minimum, la quasi-totalité d’entre eux doivent améliorer
leurs systèmes, afin de répondre aux critiques du Comité européen
des Droits sociaux. Ce dernier a maintes fois constaté des manquements
dans l’engagement de fait des États parties à la Charte sociale
européenne (STE no 35 et no 163)
d’assurer un niveau de vie décent à toutes les catégories de population,
notamment aux plus vulnérables (comme les enfants, les jeunes et
les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs pauvres, les
personnes handicapées et les malades).
3. Le revenu de base, ou revenu de citoyenneté, est une forme
de sécurité sociale qui permet de fournir à chaque citoyen une somme
d’argent régulière pour vivre: c’est «un revenu versé par une communauté politique
à tous ses membres sur une base individuelle, sans condition de
ressources ni exigence en termes de travail» [Van Parijs]. Défini
comme universel, individuel, inconditionnel et suffisant pour garantir
de pouvoir vivre dans la dignité et de participer à la société,
le revenu de base remédierait à la pauvreté absolue tout en éliminant
les facteurs qui dissuadent les gens de travailler (car il n’est
pas supprimé lorsque la personne perçoit d’autres revenus). Par
ailleurs, il viendrait s’ajouter aux revenus obtenus par ceux qui
sont employés dans des formes de travail non conventionnelles et
de travail partagé, par ceux qui sont en sous-emploi ou encore par ceux
qui effectuent un travail non rémunéré (comme élever ses enfants
ou s’occuper des personnes âgées ou malades de sa famille).
4. L’Assemblée estime que l’instauration d’un revenu de base
pourrait garantir l’égalité des chances de tous plus efficacement
que l’actuelle mosaïque de prestations, services et programmes sociaux.
Toutefois, l’Assemblée est pleinement consciente des difficultés
pratiques qu’engendrerait un changement aussi radical dans la politique
sociale. Un débat approfondi doit avoir lieu dans chaque pays pour
déterminer les modalités d’un tel revenu permanent garanti et les
moyens de le financer dans le cadre d’un nouveau contrat social
entre les citoyens et l’État.
5. En priorité, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil
de l’Europe à améliorer l’adéquation de leur régime de revenu minimum
existant et à veiller notamment à ce que les paniers de biens et
services qui servent de référence nationale couvrent la pleine participation
des citoyens à la société. Le cas échéant, les États pourraient
aussi envisager d’adopter l’indicateur «de risque de pauvreté ou
d’exclusion sociale» (AROPE) utilisé par les institutions de l’Union
européenne.
6. Dans la mesure où la possibilité d’instaurer un revenu de
base nécessite des étapes intermédiaires pour permettre sa réalisation
à un coût abordable en procédant à une refonte audacieuse des systèmes
nationaux de protection sociale et d’imposition, l’Assemblée recommande
aux États membres:
6.1. d’examiner
les initiatives passées et présentes qui ont été prises pour tester
sur le terrain différentes formules de revenu de base aux niveaux
local, régional ou national;
6.2. d’étendre le soutien aux catégories de population vulnérables:
6.2.1. en consolidant les dispositifs d’aide au revenu existants
et en effectuant une analyse critique des niveaux d’imposition,
des allègements fiscaux et des crédits d’impôt de manière à identifier
les transferts positifs;
6.2.2. en rationalisant les systèmes sociaux existants afin d’éliminer
des inefficacités, des lacunes et des chevauchements;
6.2.3. en intensifiant les efforts pour lutter contre l’évasion
et l’optimisation fiscales pratiquées par des multinationales et
des personnes fortunées, et en réaffectant les fonds ainsi récupérés aux
priorités de la politique sociale;
6.3. le cas échéant, de réexaminer leurs régimes d’aide au
revenu à la lumière des conclusions du Comité européen des Droits
sociaux;
6.4. d’associer tous les partenaires sociaux à la création
d’une référence nationale de seuil minimum de subsistance permettant
à chaque citoyen d’avoir un revenu supérieur au seuil de pauvreté;
6.5. d’évaluer l’impact des dispositifs nationaux prévoyant
un revenu minimum et de réfléchir aux étapes ultérieures en vue
de les améliorer;
6.6. d’améliorer la couverture des systèmes de revenu minimum
existants et le recours à ces derniers:
6.6.1. en veillant
à ce que les jeunes de plus de 18 ans, qui cherchent à vivre de
manière autonome, aient accès à une aide au revenu minimum;
6.6.2. en réduisant les obstacles administratifs et en supprimant
la discrimination et l’arbitraire lors de l’octroi de l’aide au
revenu à l’échelle nationale et locale;
6.6.3. en revoyant régulièrement les dispositifs nationaux prévoyant
un revenu minimum, en vue de les simplifier, d’en améliorer le rapport
coût/efficacité, la transparence et l’efficacité de gestion, et
d’assurer une meilleure coordination avec les services de l’emploi
et les organismes d’intégration;
6.6.4. en séparant l’action sociale et l’octroi d’une aide au
revenu des fonctions de contrôle et de supervision;
6.6.5. en renforçant la flexibilité et en éliminant la conditionnalité
punitive dans l’examen des demandes d’aide au revenu;
6.6.6. en améliorant les systèmes d’information sur les droits
et en étendant les actions menées sur le terrain pour se rapprocher
des bénéficiaires potentiels de l’aide au revenu parmi les catégories
les plus fragiles de la population;
6.7. de poursuivre le dialogue social et le travail explicatif
avec la population au sujet des risques et opportunités liés à l’adoption
du revenu de base;
6.8. de renforcer les dispositifs d’aide au revenu et autres
mesures d’intégration sociale active, notamment des politiques en
faveur de l’emploi et des services publics de qualité;
6.9. d’encourager un débat public national sur le revenu de
citoyenneté de base pour préparer le terrain et lancer des expérimentations
nationales sur le revenu de base.