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Résolution 2197 (2018)

Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (4e séance) (voir Doc. 14462, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Nunzia Catalfo). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (4e séance).

1. L’Europe moderne a bâti une prospérité impressionnante en poursuivant un développement axé sur les besoins et les droits humains. Avec les changements intervenus dans les structures économiques, la nature du travail et les profils démographiques, son modèle social est aujourd’hui sous tension, alors que la pauvreté et les inégalités croissantes portent toujours plus atteinte à la dignité humaine. Les États européens doivent assumer leurs responsabilités en matière de réforme afin que les générations actuelles et futures puissent continuer de bénéficier de conditions de vie décentes et d’une protection sociale adéquate. C’est dans ce contexte que l’idée d’un revenu de base, ou revenu «de citoyenneté», a fait son apparition dans le débat public.
2. L’Assemblée parlementaire considère qu’un niveau de vie décent pour tous est la pierre angulaire de la justice sociale et de la dignité humaine. Si la plupart des pays européens ont mis en place des mécanismes d’aide au revenu pour garantir aux personnes défavorisées un strict minimum, la quasi-totalité d’entre eux doivent améliorer leurs systèmes, afin de répondre aux critiques du Comité européen des Droits sociaux. Ce dernier a maintes fois constaté des manquements dans l’engagement de fait des États parties à la Charte sociale européenne (STE no 35 et no 163) d’assurer un niveau de vie décent à toutes les catégories de population, notamment aux plus vulnérables (comme les enfants, les jeunes et les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs pauvres, les personnes handicapées et les malades).
3. Le revenu de base, ou revenu de citoyenneté, est une forme de sécurité sociale qui permet de fournir à chaque citoyen une somme d’argent régulière pour vivre: c’est «un revenu versé par une communauté politique à tous ses membres sur une base individuelle, sans condition de ressources ni exigence en termes de travail» [Van Parijs]. Défini comme universel, individuel, inconditionnel et suffisant pour garantir de pouvoir vivre dans la dignité et de participer à la société, le revenu de base remédierait à la pauvreté absolue tout en éliminant les facteurs qui dissuadent les gens de travailler (car il n’est pas supprimé lorsque la personne perçoit d’autres revenus). Par ailleurs, il viendrait s’ajouter aux revenus obtenus par ceux qui sont employés dans des formes de travail non conventionnelles et de travail partagé, par ceux qui sont en sous-emploi ou encore par ceux qui effectuent un travail non rémunéré (comme élever ses enfants ou s’occuper des personnes âgées ou malades de sa famille).
4. L’Assemblée estime que l’instauration d’un revenu de base pourrait garantir l’égalité des chances de tous plus efficacement que l’actuelle mosaïque de prestations, services et programmes sociaux. Toutefois, l’Assemblée est pleinement consciente des difficultés pratiques qu’engendrerait un changement aussi radical dans la politique sociale. Un débat approfondi doit avoir lieu dans chaque pays pour déterminer les modalités d’un tel revenu permanent garanti et les moyens de le financer dans le cadre d’un nouveau contrat social entre les citoyens et l’État.
5. En priorité, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à améliorer l’adéquation de leur régime de revenu minimum existant et à veiller notamment à ce que les paniers de biens et services qui servent de référence nationale couvrent la pleine participation des citoyens à la société. Le cas échéant, les États pourraient aussi envisager d’adopter l’indicateur «de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale» (AROPE) utilisé par les institutions de l’Union européenne.
6. Dans la mesure où la possibilité d’instaurer un revenu de base nécessite des étapes intermédiaires pour permettre sa réalisation à un coût abordable en procédant à une refonte audacieuse des systèmes nationaux de protection sociale et d’imposition, l’Assemblée recommande aux États membres:
6.1. d’examiner les initiatives passées et présentes qui ont été prises pour tester sur le terrain différentes formules de revenu de base aux niveaux local, régional ou national;
6.2. d’étendre le soutien aux catégories de population vulnérables:
6.2.1. en consolidant les dispositifs d’aide au revenu existants et en effectuant une analyse critique des niveaux d’imposition, des allègements fiscaux et des crédits d’impôt de manière à identifier les transferts positifs;
6.2.2. en rationalisant les systèmes sociaux existants afin d’éliminer des inefficacités, des lacunes et des chevauchements;
6.2.3. en intensifiant les efforts pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales pratiquées par des multinationales et des personnes fortunées, et en réaffectant les fonds ainsi récupérés aux priorités de la politique sociale;
6.3. le cas échéant, de réexaminer leurs régimes d’aide au revenu à la lumière des conclusions du Comité européen des Droits sociaux;
6.4. d’associer tous les partenaires sociaux à la création d’une référence nationale de seuil minimum de subsistance permettant à chaque citoyen d’avoir un revenu supérieur au seuil de pauvreté;
6.5. d’évaluer l’impact des dispositifs nationaux prévoyant un revenu minimum et de réfléchir aux étapes ultérieures en vue de les améliorer;
6.6. d’améliorer la couverture des systèmes de revenu minimum existants et le recours à ces derniers:
6.6.1. en veillant à ce que les jeunes de plus de 18 ans, qui cherchent à vivre de manière autonome, aient accès à une aide au revenu minimum;
6.6.2. en réduisant les obstacles administratifs et en supprimant la discrimination et l’arbitraire lors de l’octroi de l’aide au revenu à l’échelle nationale et locale;
6.6.3. en revoyant régulièrement les dispositifs nationaux prévoyant un revenu minimum, en vue de les simplifier, d’en améliorer le rapport coût/efficacité, la transparence et l’efficacité de gestion, et d’assurer une meilleure coordination avec les services de l’emploi et les organismes d’intégration;
6.6.4. en séparant l’action sociale et l’octroi d’une aide au revenu des fonctions de contrôle et de supervision;
6.6.5. en renforçant la flexibilité et en éliminant la conditionnalité punitive dans l’examen des demandes d’aide au revenu;
6.6.6. en améliorant les systèmes d’information sur les droits et en étendant les actions menées sur le terrain pour se rapprocher des bénéficiaires potentiels de l’aide au revenu parmi les catégories les plus fragiles de la population;
6.7. de poursuivre le dialogue social et le travail explicatif avec la population au sujet des risques et opportunités liés à l’adoption du revenu de base;
6.8. de renforcer les dispositifs d’aide au revenu et autres mesures d’intégration sociale active, notamment des politiques en faveur de l’emploi et des services publics de qualité;
6.9. d’encourager un débat public national sur le revenu de citoyenneté de base pour préparer le terrain et lancer des expérimentations nationales sur le revenu de base.