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Résolution 2211 (2018)
Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements retenus
1. L’Assemblée
parlementaire reste préoccupée par la menace que constituent les
organisations terroristes comme Daech pour la paix et la stabilité
au Moyen-Orient, même si le projet de Daech visant à créer un califat
en Syrie et en Irak a échoué, essentiellement grâce aux interventions
militaires de combattants irakiens et syriens, kurdes y compris,
soutenus par la communauté internationale.
2. L'Assemblée prévient que la défaite militaire de Daech en
Irak et en Syrie ne signifie pas pour autant la fin de ce groupe
terroriste, qui réapparaîtra probablement sous une autre forme.
Il est donc important de s'assurer qu'il ne peut plus utiliser ses
sources de financement passées. De plus, si certaines d’entre elles
sont spécifiques à Daech, beaucoup sont potentiellement, voire effectivement,
utilisées par d'autres organisations terroristes.
3. Les activités de Daech ont notamment consisté à lancer des
attaques terroristes dans le monde arabe, mais également au-delà.
Cette organisation a revendiqué la responsabilité d’attentats commis
dans de nombreux pays du monde. Bien que ces tragédies soient parfois
le résultat d’attaques organisées et dirigées par le groupe, elles
sont souvent le fait de «loups solitaires» ou d'individus isolés,
qui ont été radicalisés. Un des problèmes les plus graves pour l'Europe
et les États-Unis est posé par ces personnes, en particulier des combattants
étrangers rentrés d'Irak et de Syrie qui peuvent raviver des réseaux
clandestins dans leur pays. L'Assemblée se réfère sur ce point à
sa Résolution 2091 (2016) sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak.
4. La lutte contre Daech nous a appris qu'un groupe terroriste
inspiré par une idéologie islamiste extrémiste peut causer des destructions
massives, en envahissant un territoire, en réduisant les populations
en esclavage et en gagnant de l'argent par la vente de ressources
nationales et par de l'extorsion. L’argent peut aussi être exporté
dans le monde entier vers d'autres fondamentalistes partageant la
même idéologie, en utilisant ou en contournant le système financier
mondial existant.
5. Le terrorisme islamiste et son financement reposent sur une
idéologie extrémiste qui prône l'adhésion à la cause terroriste.
Il est donc nécessaire de prévoir une initiative à l'échelle mondiale
pour éradiquer l'extrémisme et l’intolérance religieuse.
6. L’Assemblée salue les résolutions prises et appliquées par
les États membres et les instances internationales pour régler le
problème du financement du terrorisme. L’Assemblée espère en particulier
une mise en œuvre rapide et efficace des normes du Groupe d’action
financière (GAFI) dans le monde, et plus spécifiquement de ses recommandations
sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et de la prolifération. Les États membres devraient
les utiliser pour interrompre les flux de fonds ainsi que les avoirs
financiers et économiques des personnes et entités figurant sur
la liste des sanctions contre Al-Qaida et Daech, conformément aux
dispositions de la Résolution 2253 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
7. L’Assemblée se félicite également de la décision du GAFI d’élargir
son rayonnement géographique et la mobilisation mondiale pour lutter
contre le financement du terrorisme. En effet, le terrorisme (comme
l’illustre Daech) est un phénomène mouvant et transnational, qui
affecte chacune des diverses parties du monde. Il convient donc
que les instances et les organisations internationales laissent
leurs portes ouvertes à tout nouveau membre désireux de mettre en
œuvre les outils juridiques et financiers pour enrayer le financement du
terrorisme. Il est toutefois essentiel qu’elles offrent une assistance
et des conseils aux pays en voie de développement, qui manquent
souvent de moyens et présentent des lacunes stratégiques pour lutter efficacement
contre le terrorisme.
8. Des opérations financières efficaces sont indispensables pour
mettre un terme aux activités d’organisations terroristes comme
Daech. Des instances nationales (et internationales) comme les cellules
de renseignement financier peuvent apporter une aide vraiment précieuse
dans l’identification des réseaux terroristes et de leurs appuis
financiers, et il convient donc que les États membres continuent
de les soutenir et de les utiliser. Les structures collectives d'application
de la loi, comme Interpol et Europol, devraient davantage être mises
à profit par les États membres, notamment pour poursuivre et sanctionner
les combattants terroristes étrangers et tous ceux qui apportent
un soutien matériel à Daech.
9. L’Assemblée reconnaît le travail accompli par le Conseil de
l'Europe en la matière, notamment par le Comité d'experts sur l’évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme (MONEYVAL) et par le Comité d'experts sur le terrorisme
(CODEXTER).
10. L’Assemblée rappelle également l’aide importante apportée
par le programme États-Unis/Union européenne de surveillance du
financement du terrorisme (TFTP) pour identifier les réseaux et
filières de financement des organisations terroristes, et appelle
donc les États membres à faire une utilisation plus proactive de
ce programme.
11. La manière dont des organisations terroristes internationales
telles que Daech financent leurs opérations dans le monde entier
peut uniquement être combattue par l’action concertée des pays contre
ce type d'activité et par le recours à une stratégie globale comprenant
un certain nombre de mesures privilégiant la coopération internationale
et des mesures préventives, y compris l’action militaire si besoin
est. Les échanges entre organisations internationales d'informations
financières qui pourront perturber, voire arrêter, les activités
terroristes sont un autre défi à relever.
12. L’Assemblée appelle donc les États membres:
12.1. à empêcher ou à interrompre,
par tous les moyens possibles, toutes les sources, techniques et filières
de financement de Daech et d’autres organisations terroristes, y
compris l’extorsion, la taxation, l’exploitation des ressources
naturelles, la contrebande d’antiquités, le trafic de drogue, le
pillage de banques, le pillage de civils et de biens culturels,
les donations extérieures et l'enlèvement contre rançon;
12.2. à continuer de promouvoir et de soutenir la recherche
sur les sources et les filières de financement du terrorisme afin
de toujours être au courant des nouvelles méthodes alternatives
de financement, comme les monnaies virtuelles;
12.3. à instaurer et à développer les efforts de collaboration
et de coopération transfrontalières, ainsi qu’avec les organismes
et institutions internationaux, pour favoriser des échanges d’informations
et de renseignements plus transparents, plus efficaces et plus rapides;
12.4. à intensifier le renforcement des capacités et l’assistance
technique en faveur des points chauds du financement du terrorisme,
conformément aux dispositions du plan d'action contre le terrorisme élaboré
par les États membres du G20;
12.5. à réaffirmer la nécessité de renforcer les capacités locales
d'enquête et de lutte contre le financement du terrorisme, y compris
la corruption;
12.6. à étudier et à développer les nouvelles technologies permettant
de mieux tracer, surveiller et finalement éliminer les filières
de financement du terrorisme, et à évaluer dans quelle mesure les monnaies
virtuelles et cryptées, et les technologies financières et de chaînes
de blocs contribuent au financement du terrorisme et si elles devraient
être réglementées selon une approche coordonnée;
12.7. à améliorer la mise en œuvre effective des normes internationales
sur la transparence, conformément aux recommandations des Nations
Unies et du GAFI;
12.8. à signer et à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait,
la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au
dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime
et au financement du terrorisme (STCE no 198).
Elle note à cet égard que l’Andorre, l’Irlande, le Liechtenstein,
la Norvège, la Suisse et la République tchèque ne l’ont pas signée,
tandis que l’Autriche, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lituanie,
le Luxembourg et Monaco l’ont signée, mais ne l’ont pas ratifiée;
12.9. à adopter des initiatives telles que celle de la création
du groupe de travail joint britannique sur le renseignement en matière
de blanchiment de capitaux, afin de faciliter le partage de renseignements sur
le financement du terrorisme;
12.10. à développer, sur l’exemple de la France, des lignes directrices
nationales actualisées, fondées sur les normes internationales,
pour apporter des conseils concrets aux entreprises et aux particuliers des
secteurs inscrits parmi les sources de financement de Daech;
12.11. à envisager d'interdire de nouvelles relations commerciales
avec les banques en Syrie. Il est nécessaire de faire preuve de
vigilance en ce qui concerne les transactions et transferts financiers effectués
en Irak, en Syrie et en Libye, ainsi que dans leurs régions frontalières;
12.12. à contraindre les banques à surveiller les cartes de débit
prépayées pour s’assurer que celles-ci ne peuvent être rechargées
que par le biais de transferts bancaires et de comptes dont les
titulaires sont identifiables;
12.13. à créer un deuxième niveau de sécurité pour vérifier les
noms des clans et des tribus dans les aéroports et aux frontières
terrestres, compte tenu du nombre croissant en Europe de réfugiés
et de diasporas originaires de Syrie et d'Afrique du Nord;
12.14. à mieux coordonner les actions menées par les ministères
et les organismes publics contre le financement du terrorisme;
12.15. à accorder une attention particulière à la capacité des
«loups solitaires», imprégnés d'idées extrémistes, de recueillir
des fonds en utilisant, par exemple, des paiements de prestations
sociales ou des cartes prépayées pour commettre des actes terroristes.
13. Enfin, l’Assemblée appelle les États membres de l’Union européenne
à mettre en œuvre les propositions énoncées dans le Plan d'action
de 2016 pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme,
et notamment: à faire en sorte que la directive antiblanchiment
de capitaux s'applique aux plateformes d'échange de monnaies virtuelles;
à réexaminer l’interdiction de tenir des registres centralisés indiquant
tous les comptes bancaires appartenant à une seule personne; à élargir
le mandat des cellules de renseignement financier; et à améliorer
l'efficacité des mesures de gel d'avoirs sur la base des listes
des États-Unis.