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Résolution 2230 (2018)
Persécution des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)
1. Le 1er avril
2017, le journal russe Novaïa Gazeta a
publié son premier rapport sur une campagne de persécution contre
les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes
(LGBTI) en République tchétchène, menée depuis la fin du mois de
février de cette année-là. Novaïa Gazeta a
rapporté des cas d’enlèvements, de détentions arbitraires et de
torture d’hommes présumés homosexuels, actes dans lesquels des agents
des services répressifs tchétchènes ont été directement impliqués,
agissant conformément aux ordres venant de hauts responsables tchétchènes.
Cette campagne de persécution s’est déroulée dans le contexte d’actes
graves de discrimination et de harcèlement perpétrés à grande échelle
et de manière systématique contre les personnes LGBTI en République
tchétchène.
2. L’Assemblée condamne de la façon la plus ferme toutes les
formes de persécution, de discours de haine, de discrimination et
de harcèlement, quel qu’en soit le motif, notamment l’orientation
sexuelle et l’identité de genre. Elle rappelle que le traitement
des groupes vulnérables est un indicateur de la solidité des systèmes démocratiques
et traduit le niveau de respect que ces derniers accordent aux droits
humains. À cet égard, elle se déclare consternée par les déclarations
de hauts responsables tchétchènes et russes niant l’existence de personnes
LGBTI en République tchétchène.
3. Même si la campagne de persécution de grande ampleur a pris
fin, ses effets perdurent. Les personnes LGBTI qui sont restées
en République tchétchène demeurent invisibles; elles savent qu’il
ne servirait à rien de signaler des mauvais traitements aux autorités
tchétchènes; bien au contraire, leur famille et elles-mêmes seraient
alors exposées au risque de représailles.
4. À ce jour, plus de 114 personnes LGBTI et membres de leur
famille ont fui la République tchétchène vers d’autres régions de
la Fédération de Russie, d’autres États membres du Conseil de l’Europe
et au-delà. L’Assemblée salue les mesures prises par les pays qui
ont accepté leurs demandes d’asile et encourage d’autres pays à
suivre leur exemple en accordant à ces personnes une protection
internationale au sens de la Convention des Nations Unies de 1951
relative au statut des réfugiés.
5. Dans sa Résolution
2157 (2017) «Les droits de l’homme dans le Caucase du
Nord: quelles suites donner à la Résolution 1738 (2010)?», étant donné les rapports alarmants
qui font état de l’enlèvement, en République tchétchène, de centaines
d’hommes au motif de leur présumée orientation sexuelle, l’Assemblée a
déjà prié instamment la Fédération de Russie de «lancer immédiatement
une enquête transparente sur ces allégations afin de traduire en
justice les responsables et d’assurer la sécurité de la communauté
des LGBTI dans le Caucase du Nord, ainsi que celle des défenseurs
des droits de l’homme et des journalistes qui dénoncent de telles
violations».
6. Il incombe à la Fédération de Russie, en sa qualité d’État
membre du Conseil de l’Europe, de faire respecter les dispositions
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
sur l’ensemble de son territoire.
7. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée exhorte la
Fédération de Russie:
7.1. à mener
une enquête impartiale et efficace sur la persécution des personnes
LGBTI en République tchétchène et à s’assurer que les responsables
ne restent pas impunis;
7.2. à autoriser une organisation internationale de défense
des droits humains à effectuer une enquête internationale indépendante
au cas où une enquête ne serait pas menée au niveau national;
7.3. à garantir la protection juridique et physique des victimes,
des membres de leur famille et des témoins de la persécution des
personnes LGBTI en République tchétchène;
7.4. à exécuter l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits
de l’homme (la Cour) dans l’affaire Bayev
et autres c. Russie et d’autres arrêts pertinents, et
à abroger, comme la Cour l’a recommandé, la loi interdisant la prétendue
promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès de
mineurs, qui a contribué à renforcer un climat général empreint
de discrimination et de préjugés à l’égard des personnes LGBTI;
7.5. à assurer la protection des défenseurs des droits humains
dans l’ensemble du pays, notamment ceux qui s’emploient à promouvoir
et à protéger les droits des personnes LGBTI;
7.6. à autoriser la publication du rapport du Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) faisant suite à la visite qu’il a effectuée
en République tchétchène en décembre 2017 et à appliquer sans tarder
les recommandations qu’il contient;
7.7. à donner pleinement effet aux recommandations formulées
par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) dans le cadre de son 5e cycle
de suivi;
7.8. à donner son plein appui au processus d’examen de la mise
en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres
sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
8. L’Assemblée demande également à tous les États membres du
Conseil de l’Europe:
8.1. d’accueillir
les personnes fuyant la République tchétchène après avoir été victimes
de persécutions motivées par leur orientation sexuelle ou identité
de genre réelle ou supposée, les membres de leur famille, ainsi
que les témoins de ces persécutions, en leur accordant une protection internationale
au sens de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut
des réfugiés;
8.2. de faire respecter les Principes directeurs sur la protection
internationale no 9 du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés, (HCR) qui indiquent des orientations
concernant le traitement des demandes d’asile fondées sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre, et des dossiers de réinstallation
connexes;
8.3. de fournir une protection aux victimes et aux témoins
de persécutions contre des personnes LGBTI en République tchétchène
qui ont fui cette dernière, et d’apporter un soutien médical et psychologique
à ces personnes;
8.4. de soutenir les organisations non gouvernementales et
les défenseurs des droits humains qui aident les victimes et les
témoins de la campagne lancée contre les personnes LGBTI;
8.5. de condamner fermement les actes de violence et de discrimination
fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
8.6. de condamner fermement les déclarations homophobes de
politiciens et de dirigeants politiques et leurs appels à la violence
visant les personnes LGBTI;
8.7. de s’abstenir d’arguer de la protection de valeurs dites
traditionnelles pour limiter les droits, notamment les libertés
d’expression et d’association;
8.8. d’assurer la pleine mise en œuvre de la Recommandation
CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres.
9. L’Assemblée appelle les parlements nationaux à examiner les
mesures à prendre au niveau national pour apporter un soutien aux
victimes et aux témoins de la campagne de persécution contre les
personnes LGBTI.