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Résolution 2231 (2018)

Les ressortissants ukrainiens détenus par la Fédération de Russie en tant que prisonniers politiques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2018 (25e séance) (voir Doc. 14591, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Emanuelis Zingeris). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2018 (25e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle les résolutions précédentes relatives à la situation en Ukraine, en particulier la Résolution 1990 (2014) relative au réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, la Résolution 2034 (2015) relative à la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie, la Résolution 2063 (2015) relative à l’examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015)), la Résolution 2112 (2016) relative aux préoccupations humanitaires concernant les personnes capturées pendant la guerre en Ukraine, la Résolution 2132 (2016) relative aux conséquences politiques de l’agression russe en Ukraine, la Résolution 2133 (2016) relative aux recours juridiques contre les violations des droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant hors du contrôle des autorités ukrainiennes et la Résolution 2198 (2018) relative aux conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine.
2. L’Assemblée rappelle en particulier la position qu’elle a adoptée dans les résolutions susmentionnées sur les questions qui présentent un intérêt dans le contexte actuel:
2.1. la Crimée a été annexée illégalement à la suite d’une occupation militaire de la Fédération de Russie, qui, en conséquence, a l’obligation de garantir les droits de l’homme de tous en Crimée en vertu de sa compétence extraterritoriale fondée sur le contrôle effectif de la région;
2.2. la situation des droits de l’homme en Crimée s’est détériorée: décès et disparitions de militants politiques ayant critiqué l’occupation et l’annexion russes, menaces et actions contre des organisations non gouvernementales (ONG) et des médias critiques, et harcèlement et répression de la communauté tatare indigène de Crimée;
2.3. les habitants de la Crimée ont subi d’énormes pressions pour qu’ils acceptent un passeport russe et renoncent à leur nationalité ukrainienne, la nationalité russe leur ayant été imposée par les autorités de fait;
2.4. de nombreux citoyens ukrainiens ont été placés en détention en Crimée ou en Fédération de Russie pour des raisons politiques ou sur la base de fausses accusations.
3. L’Assemblée est en conséquence profondément préoccupée par les informations selon lesquelles pas moins de 70 ressortissants ukrainiens, voire davantage – généralement considérés comme des prisonniers politiques, y compris par le Parlement européen dans sa Résolution, du 14 juin 2018, sur la Russie, notamment le cas du prisonnier politique ukrainien Oleg Sentsov – sont toujours détenus en Crimée ou en Fédération de Russie pour des motifs de nature politique ou sur la base de fausses accusations. À titre d’exemple, elle considère que les cas de MM. Oleg Sentsov, Volodymyr Balukh et Pavlo Hryb en particulier correspondent à la définition qu’elle donne des prisonniers politiques dans sa Résolution 1900 (2012) relative à la définition de prisonnier politique.
4. En ce qui concerne MM. Sentsov, Balukh et Hryb, l’Assemblée est alarmée par les informations relatives à leurs conditions de détention. Certaines allégations font état de torture et de traitements inhumains dans les cas de MM. Sentsov et Balukh, et de privation de soins médicaux essentiels au vu des affections potentiellement graves dont souffrent M. Balukh, qui fait une grève de la faim depuis mars 2018, et M. Hryb. M. Sentsov, qui fait aussi une grève de la faim depuis mai 2018, aurait désormais des problèmes de cœur et de rein; il aurait été alimenté de force par les autorités russes, en violation possible de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
5. L’Assemblée est également gravement préoccupée par des témoignages détaillés faisant état de mauvais traitements et de privation de soins médicaux dans d’autres cas de prisonniers politiques présumés.
6. L’Assemblée déplore que les mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en particulier le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), n’aient pas eu la possibilité de se rendre en Crimée pour apprécier la situation des droits de l’homme des personnes qui y sont détenues et appelle la Fédération de Russie à faciliter cet accès. Elle regrette également que la commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien, Liudmyla Denysova, se soit vu interdire récemment de rendre visite à M. Sentsov dans la colonie pénitentiaire où il est détenu.
7. L’Assemblée s’engage à continuer d’observer la situation des droits de l’homme en Crimée occupée et de suivre la situation des citoyens ukrainiens détenus en tant que prisonniers politiques par la Fédération de Russie. L’Assemblée s’engage en outre à suivre l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la violation des droits de l’homme des personnes détenues en Crimée et détenues par la Fédération de Russie.
8. L’Assemblée appelle en conséquence la Fédération de Russie:
8.1. à libérer sans plus tarder tous les Ukrainiens détenus en Fédération de Russie et en Crimée pour des raisons politiques ou sur la base de fausses accusations, et à s’efforcer d’accélérer la libération des citoyens ukrainiens détenus dans les territoires du Donbass sous le contrôle effectif de la Fédération de Russie;
8.2. à garantir, jusqu’à leur libération, le plein respect de leurs droits, y compris en respectant l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et en garantissant le droit d’accès à l’assistance médicale nécessaire de manière à préserver comme il convient leur santé et leur bien-être;
8.3. à s’abstenir d’alimenter de force M. Sentsov ou tout autre détenu, à moins que cela soit nécessaire d’un point de vue médical pour lui sauver la vie;
8.4. à autoriser des observateurs internationaux indépendants à contrôler l’état de santé et les conditions de détention de ces détenus, y compris le CPT et le Comité international de la Croix-Rouge, et à autoriser les responsables ukrainiens, notamment la commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien, à leur rendre visite;
8.5. à abandonner la politique d’imposition de la nationalité russe aux citoyens ukrainiens qui vivent en Crimée et ne souhaitent pas l’obtenir, et à s’abstenir de transférer de force ces personnes de Crimée en Fédération de Russie, y compris les personnes qui font l’objet de mesures de droit pénal;
8.6. à lever l’interdiction pesant sur le Majlis, qui est contraire aux normes internationales relatives à la liberté d’association, et à permettre à ses dirigeants Moustafa Djemilev et Refat Choubarov d’entrer en Crimée;
8.7. à mettre un terme aux persécutions et aux pressions à l’encontre des Tatars de Crimée et de leurs représentants, y compris les avocats et les défenseurs des droits de l’homme.