1. Introduction
1. «Mes responsabilités constitutionnelles
me commandent de garantir la sécurité et la stabilité du pays, de
sauvegarder les intérêts des gens, leurs droits et leurs libertés.
Dans le même temps, nous n’admettrons aucun retour en arrière par
rapport aux acquis démocratiques, ni aucune entrave au fonctionnement
des institutions.» Ainsi s’exprimait le Roi du Maroc dans un discours
du 29 juillet 2017
,
résumant ainsi la politique suivie par le régime chérifien: l’instauration
d’une culture démocratique dans un cadre stable.
2. Le 21 juin 2011, l’Assemblée parlementaire a adopté la
Résolution 1818 (2011) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant
le Parlement du Maroc. Ce dernier est ainsi devenu le premier État à
demander et à se voir attribuer ce statut mis en place par l’Assemblée
en 2009 pour développer la coopération institutionnelle avec les
parlements d’États voisins du Conseil de l’Europe.
3. En adressant sa demande officielle, le Parlement du Maroc
a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs que celles défendues
par le Conseil de l’Europe et pris une série d’engagements politiques
conformément à l’article 64.2 (alors 62.2) du Règlement de l’Assemblée.
Ces engagements figurent au paragraphe 3 de la
Résolution 1818 (2011).
4. En outre, l’Assemblée a estimé, au paragraphe 8 de la résolution
susmentionnée, qu’un certain nombre de mesures spécifiques étaient
essentielles pour consolider la démocratie, l’État de droit et le
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc.
5. L’Assemblée a en outre souligné que «l’avancement des réformes
est le but principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer
le critère d’évaluation de son efficacité».
6. Le présent rapport a pour objet de faire le bilan des progrès
réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques et des
réformes jugées essentielles, sept ans après l’octroi du statut,
alors que le partenariat a déjà fait l’objet de deux précédents
examens, l’un en 2013
et l’autre en 2015
, et que notre collègue, Mme Liliane
Maury Pasquier, actuellement présidente de l’Assemblée parlementaire,
a présenté un rapport en 2014 sur la contribution parlementaire
à la résolution du conflit du Sahara occidental
. Le présent rapport se fonde notamment
sur la visite d’information que j’ai effectuée à Rabat en février
2018
.
7. Comme lors des évaluations passées, le rapporteur considère
que le bilan du partenariat pour la démocratie avec le Parlement
du Maroc est très satisfaisant. Quant à la situation au Maroc, il
note de réelles avancées dans des domaines importants et des sujets
d’interrogation dans d’autres.
2. Contexte politique général
8. De 2011 à 2016, la coalition
gouvernementale dominée par le Parti de la justice et du développement (PJD)
a connu une certaine stabilité marquée par un remaniement limité
en 2013 consécutif au retrait du parti historique Istiqlal et à
son remplacement au sein du gouvernement par le Rassemblement National
des Indépendants (RNI).
9. Trois développements majeurs sont intervenus depuis. Tout
d’abord, les résultats des élections législatives d’octobre 2016,
que l’Assemblée parlementaire a été invitée à observer, se sont
traduits par une tendance à la bipolarisation du paysage politique.
Le PJD a en effet renforcé ses positions et comptait à l’issue du
scrutin 125 sièges à la Chambre des représentants, soit 18 de plus
que sous la précédente législature. Le Parti authenticité et modernité
(PAM) est devenu de loin la première force d’opposition avec 102
sièges (55 de plus qu’en 2011). Toutes les autres formations, qu’elles
aient été membres de la coalition gouvernementale précédente ou
qu’elles aient été dans l’opposition comme l’Istiqlal ont perdu
des sièges, parfois dans des proportions importantes.
10. L’ancien Premier ministre, M. Abdelilah Benkiran, alors chef
du parti islamiste PJD, chargé par le Roi de former un nouveau gouvernement
n’y est pas parvenu, notamment du fait de son refus de laisser entrer
dans la majorité l’Union socialiste des forces populaires (USFP).
En mars 2017, il a été remercié par le Roi et son successeur, M. Saadeddine
El Othmani, qui l’a remplacé à la tête du PJD a accepté une coalition
élargie à six partis, en y incluant l’USFP
.
Cette coalition dispose depuis avril 2017 d’une majorité confortable
à la Chambre des représentants (environ 240 sièges sur 395).
11. Le dernier événement politique important est lié aux événements
sociaux d’Al-Hoceïma, dans la province du Rif, qui a connu des troubles
d’une certaine ampleur en 2017. En réponse à ces derniers, le Roi a
demandé un audit du programme de développement de cette province
qui avait été lancé en 2015. Les retards importants qui ont affecté
sa mise en œuvre, résultats d’une mauvaise conception et d’une forte
inertie bureaucratique selon l’Inspection générale des finances,
l’Inspection générale des collectivités territoriales et la Cour
des Comptes, ont conduit Mohammed VI à exercer son pouvoir de démission
(article 47.3 de la Constitution) à l’encontre de trois ministres
et d’un secrétaire d’État en octobre 2017. Ces démissions n’ont
pas modifié l’équilibre de la coalition gouvernementale et cinq
nouveaux ministres ont été nommés en janvier 2018. Dans son discours
du 29 juillet 2017, le Roi a vigoureusement rappelé l’un des principes
énoncés à l’alinéa 2 de l’article premier de la Constitution: la
corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes.
3. Mise
en œuvre des engagements politiques
12. Les engagements politiques
pris par le Parlement du Maroc découlent de l’article 64.2 du Règlement
de l’Assemblée. Ils ont été repris et pour certains explicités par
les présidents des deux chambres du Parlement du Maroc dans leur
lettre demandant l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie,
dont l’Assemblée a pris note dans sa
Résolution 1818 (2011) .
13. Sur la base de ses entretiens avec les parlementaires marocains,
mais aussi en tenant compte de l’apport d’organisations des droits
de l’homme et d’observateurs indépendants, le rapporteur est en
mesure de formuler les observations suivantes sur la mise en œuvre,
par les autorités marocaines, de ces engagements politiques.
3.1. Peine
de mort: des progrès sans abolition malgré un débat ancien
14. Le Maroc observe un moratoire
de fait depuis 1993, mais les tribunaux continuent de prononcer
des condamnations à mort (14 selon Human Rights Watch, entre le
1er janvier et le 1er octobre
2017
, et 15 selon Amnesty International
pour 2017), alors que l’article 20 de la Constitution dispose que
le droit à la vie est le droit premier de tout être humain et que
la loi le protège. En outre, la position du gouvernement a été clairement affirmée:
le ministre des Droits de l’homme, M. Mustapha Ramid, a rejeté la
recommandation d’abolir la peine capitale faite par le Groupe de
travail du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à l’occasion
de l’Examen périodique universel du Maroc clos le 21 septembre 2017.
En outre, aucun projet de loi visant à transformer le moratoire
de fait en un moratoire de droit n’a été porté à la connaissance
du rapporteur.
15. Pour autant, après avoir fait adopter un nouveau Code de justice
militaire en 2014 qui aurait réduit le nombre de chefs d’accusation
punissables de mort de 13 à 5, le gouvernement envisage de faire
passer le nombre de crimes passibles de la peine capitale de 30
à 11 dans le nouveau Code pénal. Ce dernier fait actuellement l’objet
d’un projet de loi dont le parlement est saisi. Parallèlement, le
projet de nouveau Code de procédure pénale imposerait l’unanimité
au juge pénal statuant collégialement pour prononcer la peine capitale.
En outre, le Parquet général voit dans le fait que 115 personnes
seraient en attente de leur exécution en 2017 contre 214 en 2004,
le signe d’un moindre recours à la peine capitale par les juges
marocains que par le passé. Enfin, d’un point de vue régional, comme
le montrent les rapports d’Amnesty International sur les condamnations
à mort et les exécutions en 2016 et 2017, les tribunaux marocains
condamnent moins à la peine capitale que leurs homologues algériens
ou tunisiens, alors que l’Algérie et la Tunisie appliquent, elles aussi,
un moratoire de fait
.
16. Telles qu’elles transparaissent à travers les communiqués
officiels ou les articles de la presse marocaine, les raisons qui
conduisent l’actuel gouvernement à maintenir sa position anti-abolitionniste
tiennent tantôt au désir ne pas être lié par un accord international,
comme le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui implique l’abolition
de la peine de mort
, tantôt au fait que la question
n’est pas consensuelle, mais clivante, dans la société marocaine.
17. Le débat est pourtant lancé et ancien. Dès 2009, l’Instance
Vérité et Réconciliation, mécanisme de justice transitionnelle chargé
de faire la lumière sur les violations graves des droits de l’homme
depuis l’indépendance marocaine jusqu’à l’année 1999, s’est prononcée,
dans ses recommandations, pour l’adhésion au deuxième protocole
facultatif du PIDCP. En 2014, à l’occasion du Forum mondial sur
les droits de l’homme, le Roi a lancé un appel pour engager un débat
national sur la peine de mort. Le Conseil national des droits de l’homme
(CNDH), autorité administrative indépendante qui jouit d’une excellente
expertise et est présidé par M. Driss El Yazami, plaide régulièrement
pour l’abolition de la peine de mort et l’a encore fait lors de
l’Examen périodique universel du Maroc pour lequel il a été consulté
par les Nations Unies. Enfin, sept organisations non gouvernementales
(ONG) marocaines connues pour leur activisme animent la Coalition
marocaine contre la peine de mort qui relance régulièrement le débat
sur l’abandon de la peine capitale.
18. On le voit, la société marocaine est loin d’être monolithique
sur cette question et l’incitation à en débattre vient tant de la
plus haute autorité du Royaume que d’autorités administratives indépendantes
ou d’acteurs de la société civile.
19. Du côté du pouvoir législatif, il existe un Réseau des parlementaires
contre la peine de mort, qui compte environ 240 membres des deux
chambres et de différents groupes politiques. Il semble avoir été
peu actif ces deux dernières années. Une proposition de loi abolissant
la peine capitale avait été déposée en 2014 par des membres de l’Union
socialiste des forces populaires, mais n’a pas été discutée. En
janvier 2018, une nouvelle proposition de loi aurait été déposée
à la Chambre des représentants par deux députés non-inscrits appartenant
au Parti socialiste unifié
. Cette proposition, qui donnerait
un caractère rétroactif à l’abolition de la peine de mort et interdirait
l’extradition de toute personne vers un pays où elle encourrait
une condamnation à mort, pourrait faire l’objet d’un débat à la
Chambre dans le cadre de la niche parlementaire que le gouvernement
accorde, une séance par mois, à l’examen des propositions de loi.
20. Plusieurs évolutions seront à observer dans les années à venir.
D’un point de vue juridique, le Parquet, désormais complètement
indépendant, va-t-il systématiquement cesser de requérir la peine
capitale? La Cour constitutionnelle, dont la Constitution prévoit
en son article 133 qu’elle peut être saisie d’une exception d’inconstitutionnalité
par
un justiciable à l’occasion d’un procès, sera-t-elle amenée à se
prononcer sur la constitutionnalité des dispositions du nouveau
Code pénal et du nouveau Code de justice militaire? D’un point de
vue politique, les parlementaires marocains qui militent contre
la peine de mort vont-ils intensifier leurs efforts, éventuellement
en lien avec les organisations de la société civile, auprès de leurs
électeurs? Dans le cadre du partenariat pour la démocratie, le rapporteur
ne peut que le souhaiter. Il se félicite par ailleurs de l’attitude
du Procureur général près la Cour de Cassation qui s’est déclaré
prêt à engager une réflexion avec le Conseil de l’Europe sur la
question des alternatives à la peine capitale.
20.1. Élections:
des dispositifs exemplaires et une interrogation sur la participation
21. L’Assemblée a eu l’occasion d’observer les élections législatives
du 7 octobre 2016 et de débattre des conclusions du rapport de la
commission ad hoc du Bureau créée à cet effet. Celles-ci étaient
extrêmement positives. La commission a ainsi estimé que les élections
s’étaient tenues «dans une atmosphère calme et que les électeurs
[avaient] pu faire leur choix librement à partir des listes présentées
par des partis de différentes sensibilités politiques». Elle a en
outre souligné «le professionnalisme des ministères de l’Intérieur
et de la Justice qui ont organisé le scrutin avec intégrité et en
toute transparence».
22. Ce scrutin est également notable par les réformes préalables
du droit électoral qui ont notamment permis un abaissement du seuil,
de 6 % à 3 % des suffrages exprimés, à partir duquel les formations
politiques sont représentées au parlement
,
et la mise en place d’un dispositif d’action affirmative en faveur
des candidates âgées de moins de 40 ans
, le seul bémol étant
que ces réformes ont été adoptées à moins d’un an du scrutin, ce
que la commission ad hoc et le CNDH ont regretté.
23. Le rapporteur a relayé auprès de ses interlocuteurs deux des
trois préconisations de la commission ad hoc: la modification du
système d’inscription volontaire sur les listes électorales et l’amélioration
de la représentation au parlement des Marocains résidant à l’étranger
et de leur participation aux élections
.
24. Sur cette dernière question, les échanges avec le Ministre
délégué auprès du Ministre des Affaires étrangères, chargé des Marocains
résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, montrent
que les autorités marocaines ont parfaitement conscience du problème
et qu’elles sont ouvertes à des modifications. Le CNDH a par exemple
recommandé d’examiner la mise en place du vote électronique ou du
vote par correspondance, qui n’existe pas à l’heure actuelle pour
les 3 millions de Marocains qui résident à l’étranger.
25. La question de l’inscription volontaire sur les listes électorales,
qui a été évoquée par le rapporteur avec le ministre de l’Intérieur,
est beaucoup plus délicate. Le taux de participation des élections
d’octobre 2016 a été de 43 %, en léger recul par rapport au précédent
scrutin de 2011 (45 %) et ce, malgré les intenses efforts du ministère
de l’Intérieur, des médias et des organisations de la société civile
en faveur d’une large information sur le système électoral et d’une
campagne soulignant l’importance d’exercer son droit de vote. Or, ce
taux, qui n’est pas très élevé, est calculé par rapport au nombre
d’électeurs qui se sont volontairement inscrits sur les listes électorales,
soit 15,7 millions de personnes, alors que le nombre de Marocains
en âge de voter est estimé par la commission ad hoc à 25 millions.
26. Les élections communales et régionales du 4 septembre 2015
ont montré que les enjeux locaux mobilisaient plus les électeurs,
le taux de participation s’étant élevé à 53,67 % selon le CNDH et
ce, alors même que le processus de décentralisation des compétences
et des ressources au profit des communes et des régions n’est pas
achevé.
27. Au-delà du débat, controversé au Maroc, sur la nécessité de
passer d’un système d’inscription volontaire sur les listes électorales
à un système d’inscription automatique, qui abaisserait mécaniquement
et de manière conséquente le taux de participation, la question
qui se pose est celle du désintérêt d’une part importante des Marocains
à l’égard des scrutins nationaux et du problème de légitimité démocratique
qu’il peut induire.
28. L’une des réponses consisterait en une réelle appropriation
par le personnel politique des réformes engagées depuis sept ans
à l’initiative du Roi. Le renforcement effectif des pouvoirs du
parlement irait, selon le rapporteur, dans ce sens et serait de
nature à conforter l’idée que les titulaires d’un mandat participent réellement
à l’exercice de la souveraineté.
3.2. Participation
équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique:
des avancées contrastées
29. Au niveau de la représentation
politique, la situation des femmes continue de s’améliorer grâce
aux mécanismes d’action affirmative prévus tant pour les élections
nationales que locales (un tiers des sièges leur sont réservés aux
élections communales et régionales). Ainsi, à l’issue des élections
législatives de 2016, la Chambre des représentants comptait 81 femmes,
soit 21 % du nombre total des parlementaires, contre 17 % en 2011.
Pour sa part, le CNDH plaide pour améliorer le taux des femmes inscrites
sur les listes électorales, qui était de 45 % en 2015, afin qu’il
reflète la réalité démographique du pays. Il préconise également
depuis 2011 la mise en place de listes alternées (femme/homme) lors
des scrutins locaux.
30. Quant à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes
en dehors de la sphère politique, la situation est plus contrastée,
mais marquée par des avancées.
31. La ministre de la Famille, que le rapporteur a rencontrée,
a ainsi souligné la mise en place de l’Autorité pour la parité et
la lutte contre toutes formes de discrimination prévue par la Constitution
et pour laquelle l’aide de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) a été sollicitée. Elle a en
outre salué l’adoption en 2018 de la loi 103-13 relative à la lutte
contre les violences faites aux femmes, qui modifie plusieurs articles
du Code pénal et, par exemple, criminalise le harcèlement. En outre,
la récente décision du Roi appuyant le souhait du ministère de la
Justice d’ouvrir aux femmes la profession des «adoul», c’est-à-dire de notaires
spécialistes de certaines questions civiles, familiales et patrimoniales
en droit islamique, traditionnellement réservée aux hommes, montre
que la situation évolue, y compris dans des domaines éminemment
symboliques. Enfin, l’attention du rapporteur a été appelée par
la délégation parlementaire marocaine sur le fait qu’un programme
gouvernemental centré sur la promotion des droits des femmes a été
adopté, que plusieurs actions ont déjà été entreprises, notamment
le vote en 2016 par le parlement de la loi relative à l’Autorité
pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination
et que, par ailleurs, le projet de Code de procédure pénale prévoit
de renforcer la protection des femmes victimes de violences.
32. Pour autant, les représentants de la société civile ont indiqué
au rapporteur qu’en matière d’égalité de genre, non seulement les
progrès étaient très faibles, mais qu’ils étaient contraints de
défendre certains acquis face au parti majoritaire de la coalition
gouvernementale qui est à la tête du ministère de la Famille. Il
est vrai que la loi 103-13 a été critiquée par plusieurs ONG, a
été perçue comme une occasion ratée de donner au Maroc un texte
complet et ambitieux sur la protection des femmes à l’encontre des
violences multiformes dont elles sont l’objet et n’offrant pas une
protection comparable à celle de la Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210). Selon
ces ONG, ni leurs avis, ni celui du CNDH n’ont été pris en compte,
ce qui expliquerait par exemple l’absence de toute définition du
viol conjugal
33. Conformément au paragraphe 5 de la
Résolution 2061 (2015) de l’Assemblée, le rapporteur a abordé la question de
la discrimination des femmes en matière d’héritage, ainsi que celle
de la polygamie. La réponse de la ministre de la Famille a été très
claire: selon elle, ces deux sujets ne font pas partie de l’agenda
politique du gouvernement et la législation pertinente est actuellement
suffisante, le recours à la polygamie étant par exemple très encadré
par le droit marocain.
34. Dans l’attente des observations plus détaillées de la commission
sur l’égalité et la non-discrimination, le rapporteur ne peut qu’inciter
les parlementaires marocains à favoriser les avancées en matière
d’égalité de genre, y compris dans les domaines de l’économie et
de l’éducation.
3.3. Adhésion
aux accords partiels et conventions du Conseil de l’Europe
35. Lors du dernier examen du partenariat
en 2015, l’Assemblée avait appelé le Maroc à envisager d’adhérer
à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126),
à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) et à
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
.
36. Le rapporteur l’a rappelé à ses différents interlocuteurs
à l’occasion de sa mission, et les a incités à procéder à la ratification
de deux conventions signées par le Maroc en 2012 et 2013, mais non
encore ratifiées
, et
a attiré leur attention sur le fait que certaines des 12 invitations
à adhérer à des conventions faites par le Comité des Ministres risquaient
de devenir caduques
.
Il a particulièrement insisté sur le fait que, parmi ces 12 conventions,
figuraient la Convention européenne sur l’exercice des droits des
enfants (STE no 160), la Convention sur
les relations personnelles concernant les enfants (STE no 192)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
37. L’adhésion aux conventions et accords partiels du Conseil
de l’Europe étant l’un des principaux outils permettant la création
d’un espace juridique commun entre l’Europe et le Maroc, le rapporteur
incite les parlementaires marocains à prolonger la dynamique entamée
en 2011 qui a conduit à ce qu’au 1er septembre 2018,
leur pays soit partie à six conventions et sept accords partiels
et/ou élargis et signataire de deux autres conventions.
4. Quelques
exemples de la situation du Maroc dans les domaines de la démocratie,
de l’État de droit et des droits de l’homme
38. Comme déjà indiqué au paragraphe
5, il appartient au rapporteur de se pencher sur «l’avancement des réformes [qui]
est le but principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer
le critère d’évaluation de son efficacité». Les quelques exemples
choisis ci-dessous montrent la diversité des situations.
4.1. Démocratie
39. Interrogés par le rapporteur
sur leur appréciation du rôle joué par le Parlement marocain dans
les réformes actuelles, les représentants de la société civile ont
tenu un discours positif. L’accessibilité des parlementaires serait
forte et leur volonté de mener un dialogue avec la société civile
réelle. En revanche, ces représentants ont souligné le fait que
les moyens des parlementaires mériteraient d’être renforcés, notamment en
termes de collaborateurs, afin qu’ils puissent exercer pleinement
leur mandat.
40. La Chambre des représentants du Royaume du Maroc a récemment
bénéficié d’un jumelage avec l’Assemblée nationale française et
la Chambre des Communes britannique financé par l’Union européenne pour
une durée de 24 mois (2016-2018). Son objet était notamment de renforcer
les capacités et les compétences en matière de légistique, les capacités
de contrôle de l’action du gouvernement et la promotion de l’approche
de «genre» dans l’action parlementaire. En outre, l’aide au recours
accru aux nouvelles technologies prévue par le jumelage a permis
une nette montée en puissance du e-parlement, rendant les travaux
de la Chambre des représentants plus facilement accessibles aux
internautes grâce à un site de qualité.
41. L’appropriation des réformes par le parlement nécessite que
les moyens adéquats lui soient fournis afin qu’il puisse exercer
réellement les pouvoirs que lui confère la Constitution. Le rapporteur
incite donc les autorités marocaines à poursuivre le mouvement engagé
en ce sens.
42. L’appropriation des réformes devra également se faire dans
le cadre de la décentralisation engagée par le Maroc et pour laquelle
ce dernier a obtenu en juin 2018 le statut de partenaire pour la
démocratie locale au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du
Conseil de l’Europe.
4.2. État
de droit: un enracinement de la réforme
43. Le précédent rapport d’évaluation
du partenariat indiquait un ralentissement du rythme des réformes
par rapport à la période 2011-12. Tel n’est pas le constat du rapporteur
en matière de construction d’un État de droit.
44. Ainsi, des 22 lois organiques prévues par la Constitution
de 2011, 19 ont été adoptées, la dernière, relative à l’exception
d’inconstitutionnalité l’ayant été le 6 février 2018. Les trois
lois organiques encore pendantes sont: la loi organique relative
à la langue Amazigh, celle sur le Conseil National des langues et
de la culture marocaines, et celle relative au droit de grève. Le
ministre de la Culture et de la communication a indiqué au rapporteur
que les deux premières devraient être adoptées prochainement.
45. Les progrès sont ici manifestes: en 2015, seules 10 des 22
lois organiques avaient été votées par le parlement. Les outils
juridiques existent donc désormais pour que la Constitution de 2011
soit pleinement mise en œuvre.
46. L’avancée la plus notable en matière d’État de droit est la
récente réforme judiciaire, qui a induit deux changements principaux.
Tout d’abord, depuis juillet 2017, le Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire, qui succède au Conseil supérieur de la magistrature
(CSM), a été mis en place, conformément à la loi organique adoptée
en 2016 qui le régit. Ce Conseil a bénéficié d’un large transfert
de compétences de la part du ministère de la Justice et a pour mission
de garantir l’indépendance des magistrats, qu’il s’agisse de leur
nomination, de leur promotion, de leur mise à la retraite ou des
éventuelles mesures disciplinaires dont ils font l’objet. Il est complètement
séparé du ministère de la Justice et présidé par le Roi et non par
le ministre de la Justice comme c’était le cas pour le CSM.
47. Le second changement d’importance est radical: il consiste
en une séparation absolue du Parquet, dirigé par le Procureur général
près la Cour de Cassation, du ministère de la Justice. Les procureurs,
autrefois soumis à l’autorité hiérarchique du ministre, sont désormais
indépendants. Les représentants de la société civile attendent beaucoup
de cette réforme et le Procureur général, que le rapporteur a rencontré,
était optimiste quant à l’effet d’une telle réforme sur le procès
équitable en matière pénale.
48. Enfin, les représentants de la société civile ont fait part
au rapporteur des nettes améliorations intervenues dans l’exécution
des décisions rendues par la justice administrative, en particulier
en ce qui concerne la Cour de Rabat.
4.3. Droits
de l’homme: progrès et limites
49. Dès 2013, le Rapporteur spécial
sur la torture du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies constatait
«l’émergence d’une culture des droits de l’homme au Maroc»
.
La conviction du rapporteur est que celle-ci est réelle, comme l’ont
prouvé les résultats de l’Examen périodique universel réalisé en
2017 au sein du Conseil des droits de l’homme, mais variable selon
les domaines.
50. En matière institutionnelle, il est par exemple évident que
certaines des autorités indépendantes qui promeuvent les droits
de l’homme, tel le CNDH ou le Médiateur du Royaume, véritable Ombudsman,
toutes deux adossées à la Constitution, jouissent d’une expertise
reconnue et de moyens conséquents pour mener à bien leurs missions.
Les représentants de la société civile avaient une vision très positive
de l’expertise légale du CNDH, de son influence et de sa capacité
à dialoguer avec les différents acteurs que sont le gouvernement, le
parlement, la société civile et le Roi, même si certains aimeraient
qu’il aille au-delà d’une simple promotion des droits de l’homme
et qu’il les défende de manière plus publique, comme dans le cas
des quatre journalistes qui ont rendu compte des travaux d’une commission
d’enquête parlementaire sur la Caisse marocaine de retraite et ont
été poursuivis pour ne pas avoir respecté la confidentialité et
le principe du huis clos des réunions de celle-ci.
51. Une avancée majeure a été l’adoption, en février 2018, de
la loi no 76-15 modifiant le statut du
CNDH afin d’étendre ses compétences à la mise en œuvre du Mécanisme
national de prévention de la torture (MNPT)
, à la protection
des droits des enfants et à celle des droits des personnes handicapées.
Il sera important d’observer la mise en œuvre du MNPT, alors que
les critiques dont le Maroc fait l’objet en matière de traitement
des détenus ou d’utilisation d’aveux obtenus à la suite de mauvais
traitement devant les tribunaux sont fréquentes. À cet égard, le
MNPT vient compléter l’examen par le Comité des Nations Unies contre
la torture de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants
et la possibilité pour ce Comité d’examiner des plaintes individuelles, sous
certaines conditions.
52. En matière de liberté d’expression et de liberté de la presse,
le rapporteur a noté des tendances contradictoires. D’un côté, le
Conseil national de la presse, qui rassemblera journalistes, chefs
de rédaction, éditeurs, propriétaires de titres de presse ainsi
que des membres du CNDH, et qui est appelé à participer à la régulation
du secteur, devrait être élu prochainement; le nouveau Code de la
presse adopté en 2016 semble relativement protecteur des journalistes.
Par ailleurs, les média privés sont plus nombreux que les média publics
et peuvent bénéficier de financements étrangers. De l’autre, tant
les faits que les témoignages des représentants de la société civile
semblent montrer que de «vieilles habitudes» perdurent: les 4 journalistes accusés
d’avoir violé le secret des débats de la commission d’enquête sur
la Caisse marocaine des retraites encourent une peine de prison
de un à cinq ans, prévue par le Code pénal. En outre, sept blogueurs,
dont la plupart seraient des journalistes et des militants des droits
de l’homme, sont également poursuivis pour avoir couvert le mouvement
social qui a secoué la région du Rif en 2017.
53. Enfin, en ce qui concerne la liberté d’association, les représentants
de la société civile ont attiré l’attention du rapporteur sur le
fait que la pratique consistant pour l’administration à refuser
de délivrer à certaines organisations un récépissé d’enregistrement
perdurait. Selon eux, Human Rights Watch, par exemple, n’est pas
en mesure d’ouvrir un bureau au Maroc.
54. En plus d’avoir renforcé son interaction avec les mécanismes
onusiens des droits de l’homme, la délégation parlementaire marocaine
a donné au rapporteur un certain nombre d’exemples de promotion
des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux.
4.4. Les
évènements du Rif: un test pour certaines réformes en faveur des
droits de l’homme
55. Un mouvement social de grande
ampleur a secoué en 2017 la localité d’Al-Hoceima, dans la région
du Rif souvent présentée comme une région pauvre et marginalisée.
Dans un premier temps, les autorités ont laissé se dérouler des
manifestations, puis ont pris des mesures strictes pour maintenir
l’ordre public. Le résultat en a été environ 400 arrestations, près
de 800 agents des forces de l’ordre blessés et 1,7 million d’euros
de dommages occasionnés (20 millions de dihrams). Sur ces 400 personnes
arrêtées, 300 ont été poursuivies, parmi lesquelles des journalistes.
Des accusations d’abus, de mauvais traitements et de tortures ont
été portées à la connaissance des ONG et contestées par les autorités
marocaines. Le Roi, dans son discours du 29 juillet 2017, a fermement
défendu l’action des forces de l’ordre et blâmé l’incapacité des autorités
locales à répondre aux attentes légitimes de la population de la
région dans les domaines économiques et sociaux.
56. De l’avis du rapporteur, ces événements vont constituer un
test pour plusieurs des réformes engagées en faveur des droits de
l’homme. Il a été indiqué au rapporteur que le CNDH avait enquêté
sur les allégations de torture, mais non de manière publique. Le
Médiateur du Royaume ne s’est pas saisi de la question car elle ne
relevait pas de ses compétences. Enfin, interrogé à ce sujet par
le rapporteur, le ministre des Droits de l’homme a répondu que si
les droits de certains manifestants avaient été violés, il leur
appartenait de saisir les tribunaux, mais qu’il ne fallait pas perdre
de vue que certaines infractions avaient été commises, et pas seulement
contre les forces de l’ordre, des lieux de prière ayant par exemple
été utilisés à des fins politiques pour relayer des messages menaçant
la sécurité publique.
57. Il sera donc particulièrement intéressant de voir dans quelle
mesure la liberté d’expression, en particulier celle de la presse,
va être appréciée par les tribunaux et quelle portée ces derniers
vont donner au droit à un procès équitable. C’est également à cette
occasion que l’on pourra apprécier si la nouvelle indépendance du Parquet
a quelque effet sur la façon dont les procureurs se comportent et
requièrent. Afin de disposer de suffisamment de recul en la matière,
le rapporteur envisage, si besoin est, d’ajouter à son rapport un addendum
consacré aux suites des événements du Rif. La décision du Roi d’accorder,
en août dernier, un pardon à 188 personnes condamnées en lien avec
ces évènements montre que de nouveaux développements peuvent encore
intervenir dans cette affaire.
5. Une
réforme exemplaire: la politique migratoire marocaine
58. «La migration est un phénomène
naturel qui constitue la solution et non pas le problème», indiquait
le Roi lors du 30e Sommet de l’Union
africaine en janvier 2018. À sa demande, le Gouvernement marocain
a élaboré une stratégie nationale pour les migrations en 2013, qui
prenait en compte le fait qu’après avoir été un pays d’émigration,
puis de transit, le Maroc était devenu une terre d’immigration.
59. Les autorités ont alors lancé un processus de régularisation
des migrants illégaux en 2014. Sur 28 000 demandes de régularisation,
23 000 ont été satisfaites. Une seconde vague de régularisation
est intervenue en 2016-17: sur 27 000 demandes, 16 000 ont reçu
une réponse positive. L’ensemble du processus a été organisé et
suivi par le CNDH, qui a établi des lignes directrices pour instruire
les demandes et a fait office de juridiction d’appel. Parallèlement
à ces régularisations, le Maroc a intensifié sa lutte contre les
réseaux de traite d’êtres humains et renforcé ses forces de sécurité
le long de ses côtes face à l’Espagne. Ces mesures se sont traduites
par des résultats: le nombre de migrants illégaux arrivés en Espagne
était d’environ 14 000 en 2016, selon l’Agence européenne pour la
gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des
États membres de l’Union européenne (Frontex), tandis que, sur la
même période, 180 000 arrivées étaient enregistrées en Italie.
60. Les réfugiés et les demandeurs d’asile s’élevait à 7 000 en
2017, selon le Haut-Commissaire pour les réfugiés (HCR), la moitié
d’entre eux étant syriens. Si le nombre de migrants irréguliers
est difficile à évaluer, ceux-ci semblent très majoritairement être
originaires de pays sub-sahariens.
61. La politique d’intégration marocaine à l’égard des réfugiés
ou des migrants résidant légalement sur son sol est globale: les
autorités ou les structures déléguées par elles (associations, syndicats,
HCR) facilitent leur accès à l’éducation, aux aides sociales et
à l’emploi. Les enfants de réfugiés intègrent gratuitement le système scolaire,
ce qui permet d’atteindre un taux de scolarisation pour ceux-ci
de 75 %. Deux autres mesures sont souvent mises en avant par les
autorités marocaines: les efforts déployés pour fournir aux migrants
et aux réfugiés une formation en arabe et en français ainsi que
des cours de culture sur la société marocaine au sens large avec
des éclairages sur les valeurs familiales et le rôle des femmes.
62. La question de la représentation des migrants dans la société
marocaine a été prise en charge par un syndicat, l’Organisation
démocratique du travail et, au niveau des communes, les migrants
ont accès aux mécanismes de participation citoyenne. Les communes
prennent d’ailleurs leur part dans la déclinaison de cette politique
d’intégration principalement par le biais d’actions éducatives (cours
de langue) et de l’accès aux prestations sociales, en particulier
en matière de logement. La ville de Rabat a créé, en décembre 2017,
une commission en charge de l’intégration des migrants qui travaille
en étroite collaboration avec deux structures nationales: l’Agence
nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences et Entraide
nationale, spécialisée dans l’action sociale.
63. La politique de la migration marocaine a été saluée par le
Secrétaire Général des Nations Unies et l’Organisation Internationale
des Migrations, ainsi que par l’Union africaine. Elle a permis au
Maroc de devenir une autorité reconnue sur les questions migratoires
en Afrique et l’Union africaine a demandé au Royaume chérifien d’élaborer
un Agenda pour la Migration. Le Roi du Maroc a proposé en janvier
2018 la création, au sein de l’Union africaine, d’un Observatoire
pour la migration et d’un Envoyé spécial sur cette question. En outre,
le Maroc organisera, en décembre 2018, la conférence intergouvernementale
des Nations Unies qui devrait adopter un pacte mondial sur les migrations
ainsi qu’un Forum mondial de la migration et du développement, au
sein duquel le Roi s’est engagé à ce que la parole de l’Afrique
soit entendue.
64. Deux défis attendent désormais le Maroc. Tout d’abord, de
violents affrontements ont eu lieu en novembre 2017 à Casablanca
entre de jeunes Marocains et des migrants. Dans un pays où la pauvreté
est élevée, la tentation de dénoncer la vie trop facile faite aux
migrants est un risque, bien que l’engagement personnel du Roi sur
cette question limite, à ce jour, une contestation trop ouverte.
En outre, des études universitaires ont souligné la persistance
de stéréotypes et de préjugés à l’encontre des migrants sub-sahariens
dans certains journaux marocains. En d’autres termes, le Maroc va
être confronté au défi de la tolérance que connaissent les pays
d’immigration.
65. Ensuite, la crainte d’un déplacement de la route des migrants
via la Méditerranée centrale, à partir de la Libye, vers le Maroc
est réelle et partagée tant par les autorités de Rabat que par celles
de Madrid. Soulignant le manque de soutien de l’Union européenne
au Maroc, l’ancien ministre de l’Intérieur espagnol avait exprimé son
souhait que l’Union européenne signe avec ce dernier un accord semblable
à celui passé entre l’Union européenne et la Turquie.
66. À cet égard, il est intéressant de noter que le projet d’un
accord de réadmission entre l’Union européenne et le Maroc avait
été négocié pendant 12 ans avant d’être abandonné en 2015, les autorités marocaines
déplorant l’approche exclusivement répressive de l’Union européenne
et plaidant pour une stratégie globale à l’égard des migrations.
6. Sahara
occidental: développements récents
67. Sur la question du Sahara occidental,
«territoire non autonome»
placé de fait sous administration marocaine
selon les Nations Unies ou «provinces du Sud» pour le Royaume chérifien,
la position de l’Assemblée, dans le cadre de l’évaluation du partenariat
pour la démocratie, a été constante: il n’appartient pas au Conseil
de l’Europe de se prononcer sur le règlement politique de ce différend,
les Nations Unies étant saisies de l’affaire et disposant sur place
d’une mission ad hoc, la MINURSO.
68. En revanche, le respect des droits de l’homme dans cette région
relève bien de notre mandat, comme le rappelait d’ailleurs la
Résolution 2004 (2014) de l’Assemblée adoptée sur la base du rapport de Mme Liliane Maury-Pasquier,
ainsi que les paragraphes 6 à 8
de la
Résolution 2061
(2015) sur la dernière évaluation du partenariat avec le Parlement
du Maroc.
69. En la matière, la position marocaine est connue: considérant
le Sahara Occidental comme partie intégrante de son territoire,
le Maroc entend que la question des droits de l’homme y soit gérée
de manière souveraine et demeure extrêmement sensible à l’égard
de tout ce qui lui apparaît comme une ingérence dans ses affaires
intérieures. Les conséquences qui en découlent sont pour le moins
contrastées.
70. Il est ainsi exact que «l’émergence d’une culture des droits
de l’homme au Maroc» dont parlait le Rapporteur spécial des Nations
Unies sur la torture en 2013, est également visible au Sahara occidental.
Elle se manifeste principalement à travers les progrès de l’État
de droit, comme l’illustrent les suites données à l’affaire de Gdeim
Izik
.
71. À l’issue du démantèlement, le 8 novembre 2010, d’un camp
érigé, au départ, pour protester contre les conditions économiques
et sociales des Sahraouis, et qui s’est traduit par le décès de
11 membres des forces de sécurité et de deux civils, 25 militants
Sahraouis ont été arrêtés, pour la plupart détenus, puis déférés devant
un tribunal militaire. Le 27 février 2013, ce dernier a prononcé
25 condamnations à des peines d’emprisonnement de deux ans pour
deux d’entre eux et de vingt ans à la perpétuité pour les 23 autres.
Ce jugement a été annulé par la Cour de Cassation le 27 juillet
2016 pour des motifs de droit, qui, lorsqu’on les regarde de près,
sont extrêmement critiques des raisonnements et de la motivation
du jugement du tribunal militaire, la Cour allant même jusqu’à considérer
pour certains prévenus que la constitution des infractions pénales
reprochées n’a pas été établie par le juge militaire.
72. Les 25 accusés ont alors bénéficié de la loi du 10 décembre
2014 promulguant le nouveau Code de justice militaire, qui transfère
tous les crimes commis à l’encontre des Forces armées royales aux
juridictions ordinaires, et vu leur affaire renvoyée à la Cour d’appel
de Rabat dans son annexe de Salé. Lors des audiences qui se sont
tenues de décembre 2016 à juillet 2017, celle-ci a fait droit à
la demande des prévenus, précédemment ignorée par le juge militaire,
d’ordonner des expertises médicales à même de prouver les actes de
torture qu’ils ont indiqués avoir subi pendant leur arrestation
ou leur détention. Elle a également répondu favorablement à la requête
de la défense d’auditionner les experts ayant réalisé ces analyses
médicales qui avaient conclu à l’absence de lien entre les éventuelles
séquelles physiques des prévenus, constatées sept ans après les
faits allégués, et de possibles actes de torture. Parallèlement,
le CNDH, qui dispose de commissions régionales à Laâyoune, et à
Dakhla, a suivi les procès, à la fois devant le tribunal militaire
et la Cour d’appel et relaté de manière très complète leur déroulement
sans omettre de rapporter les allégations de torture des prévenus
. Il a conclu que le procès devant
la Cour de Rabat s’était déroulé de manière équitable. Dans son
arrêt du 16 juillet 2017, la Cour a confirmé les peines de 17 prévenus,
sans les aggraver, mais elles étaient déjà lourdes, et revu à la
baisse six d’entre elles. L’ensemble des prévenus a formé un pourvoi
en cassation, qu’il sera particulièrement intéressant de suivre.
73. Le cas de Gdeim Izik le montre: le respect formel du procès
équitable a réellement retenu l’attention du système judiciaire
marocain, en particulier en ce qui concerne la Cour de cassation,
et du CNDH. En outre, la justice marocaine a, dès le premier procès,
joué la carte de la transparence en autorisant de manière large
la presse, nationale et internationale, ainsi que des observateurs
internationaux, à assister aux audiences.
74. Parallèlement, le fait que le Maroc considère le Sahara occidental
comme ses provinces du Sud explique son extrême sensibilité à tout
ce qu’il perçoit comme une ingérence extérieure. Telle est par exemple la
raison pour laquelle il ne souhaite pas que la MINURSO voie son
mandat étendu à la question des droits de l’homme ou n’hésite pas,
selon des sources locales et internationales, à «restreindre l’accès
au Sahara occidental des visiteurs étrangers, notamment des journalistes,
des défenseurs des droits de l’homme et des avocats venus du Maroc»,
comme l’indique le Secrétaire Général des Nations Unies au Conseil
de Sécurité en 2018
.
De manière générale, les violations des droits de l’homme au Sahara
occidental sont pour beaucoup la conséquence d’un raidissement à
l’égard de tout ce qui est vu comme portant atteinte à l’intégrité territoriale
du Royaume. Ainsi, le Secrétaire Général des Nations Unies a-t-il
relayé les allégations selon lesquelles les groupes sahraouis de
défense des droits de l’homme éprouveraient des difficultés à exercer
leur droit d’association du fait de refus du gouvernement de les
enregistrer
ou que le droit de réunion et de manifestation
serait systématiquement remis en cause à l’ouest du mur de sable
. Enfin, l’absence persistante
d’enquêtes sur les allégations concernant les violations des droits
de l’homme perpétrées à l’encontre des Sahraouis, notamment les
allégations de torture dans les lieux de privation de liberté, continuent d’être
mentionnées par les Nations Unies
. À cet égard, il sera important
d’observer les effets concrets de la mise en œuvre du Mécanisme
national de prévention de la torture par le CNDH au Sahara occidental.
75. Le Maroc a poursuivi ses efforts de développement au Sahara
occidental, qui se sont matérialisés par plusieurs initiatives en
particulier un plan d’investissement régional s’élevant, selon la
délégation parlementaire marocaine, à huit milliards de dollars.
76. Au-delà de la situation des droits de l’homme, trois développements
intervenus depuis 2015 au Sahara occidental méritent d’être portés
à la connaissance des membres de l’Assemblée.
77. Le premier concerne la crise de Guerguerat, débutée à l’été
2016 et qui a duré jusqu’à la fin février 2017. Cette crise, qui
a vu des éléments armés du Front Polisario et la Gendarmerie royale
marocaine se déployer dans une zone considérée comme tampon, de
part et d’autre de la ligne de cessez-le-feu
, est venue
rappeler qu’en l’absence d’un règlement politique de la question
sahraouie, la montée des tensions est toujours possible avec les
risques de dérapage qu’elle induit. En l’occurrence, il est à noter
que la désescalade est venue du Maroc, qui a retiré unilatéralement
ses gendarmes de la zone tampon à la demande du Secrétaire Général
des Nations Unies, en février 2017. Le Front Polisario a fait de
même en avril avant qu’un petit groupe d’éléments, apparemment non
armés, n’établisse «un poste de surveillance» dans la zone tampon
afin de bloquer l’
Africa Eco Race,
un rallye automobile tout-terrain devant traverser la région, qu’il
a perturbé un temps avant de cesser de le faire. Au 1er mars
2018, cependant, ce groupe du Front Polisario n’avait pas quitté
la zone tampon, selon le Secrétaire Général des Nations Unies
.
78. La deuxième nouvelle d’importance est la volonté du Secrétaire
Général des Nations Unies de relancer les négociations bloquées
depuis 2012 pour parvenir à une solution politique. Il a ainsi nommé
M. Horst Köhler, ancien Président de la République fédérale d’Allemagne,
comme son envoyé personnel pour le Sahara occidental à compter de
septembre 2017. Ce dernier a entamé une série de consultations en
octobre 2017 et proposé une réunion de l’Algérie, du Maroc, de la
Mauritanie et du Front Polisario, en 2018, à Berlin. Il a effectué
une visite de quatre jours au Sahara occidental durant laquelle
il a eu une série de rencontres, en particulier avec les Présidents
des commissions régionales des droits de l’homme du CNDH à Laâyoune
et Dakhla.
79. Dans sa dernière résolution sur le Sahara occidental du 27
avril 2018, le Conseil de sécurité a encouragé les parties «à collaborer
avec la communauté internationale pour élaborer et appliquer des
mesures indépendantes et crédibles qui garantissent le plein respect
des droits de l’homme, en gardant à l’esprit leurs obligations découlant
du droit international»
.
80. Le troisième élément nouveau est lié à deux décisions de la
Cour de justice de l’Union européenne et à leurs suites. Dans un
arrêt du 21 décembre 2016
,
Conseil c. Front
Polisario, la Cour a rappelé que l’accord entre l’Union
européenne et le Maroc relatif à des mesures de libéralisation en
matière d’agriculture et de pêche entré en vigueur en 2012 n’était
applicable qu’au seul territoire du Royaume du Maroc et non au Sahara occidental,
en l’absence de mention explicite en ce sens, privant ainsi les
produits qui en sont originaires des exemptions douanières à leur
entrée sur le marché européen. Puis, en réponse à une question préjudicielle, la
Cour, dans un avis du 27 février 2018
,
a appliqué la même solution à l’accord de partenariat dans le secteur
de la pêche entré en vigueur en 2007 qui permet aux flottes des
États membres de pêcher dans les eaux territoriales et la zone économique
spéciale du Maroc, moyennant une contrepartie financière. Elle a
ainsi jugé que cet accord n’était pas applicable aux zones de pêche
adjacentes au Sahara occidental.
81. Par ces deux décisions, la Cour a réaffirmé la doctrine européenne,
à savoir que le Sahara occidental est «un territoire non autonome»,
et en a tiré les conséquences commerciales. La question de la portée réelle de
ces décisions se pose depuis lors.
82. Par une décision en date du 21 mars 2018, le Conseil de l’Union
européenne a autorisé la Commission européenne à ouvrir des négociations
en vue de la modification de l’accord de partenariat dans le secteur
de la pêche et de la conclusion d’un protocole avec le Royaume du
Maroc
, la Commission devant
y introduire des stipulations lui permettant de s’assurer que les
populations concernées par l’accord bénéficient des avantages socio-économiques
et de l’exploitation des ressources naturelles de leurs territoires.
Par ailleurs, le mandat donné à la Commission indique clairement
que le champ d’application de l’accord de pêche modifié et du nouveau
protocole s’étendra au Sahara occidental.
83. Ainsi énoncé, ce mandat semble plutôt compatible avec la position
du Maroc, qui avait assez mal reçu les deux décisions de la Cour.
En ce qui concerne l’accord relatif à des mesures de libéralisation
en matière d’agriculture et de pêche, le Conseil de l’Union a décidé,
le 16 juillet 2018, d’autoriser la Commission à signer l’accord
modificatif entre l’Union européenne et le Maroc qu’elle a négocié
afin que le texte précise qu’il s’appliquera désormais au Sahara
occidental.
7. Un
dialogue de grande qualité avec le parlement qui peut être approfondi
84. Les rapports précédents avaient
noté le très haut niveau d’engagement de la délégation parlementaire marocaine
dans les activités de notre Assemblée et sa promptitude à organiser
à Rabat des programmes directement liés à nos travaux. Il en a été
de même sur la période 2015-2018. La délégation est restée particulièrement
assidue à nos réunions de commission et aux parties de session.
85. En outre, sur la période 2015-2018, la coopération de l’Assemblée
avec le Parlement marocain a été importante. Des séminaires, conférences
régionales, sessions de formation, forums ont été organisés à l’attention
des membres du Parlement marocain et de son personnel, en collaboration
avec eux ou avec leur participation– Conférence régionale: Une
réponse globale humanitaire et politique aux crises migratoire et
des réfugiés en Europe, Paris, 16 décembre 2016.
. Les
commissions de l’Assemblée, en particulier celle des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées et celle sur l’égalité et
la non-discrimination, s’y sont beaucoup investies avec les parlementaires
marocains.
86. Compte tenu du caractère exemplaire du dialogue politique
depuis 2011, le rapporteur suggère les approfondissements suivants:
- que les commissions compétentes
de l’Assemblée auditionnent des représentants des organes phares de
la démocratisation, qui jouissent d’un réel crédit, tel le CNDH,
dont le président est intervenu devant le Parlement européen il
y a quelques mois, le Médiateur du Royaume, le Conseil économique,
social et environnemental ou le chef du Parquet désormais indépendant;
- que les parlementaires marocains soient associés à une
veille d’actualités les conduisant à présenter, au sein des commissions
de l’Assemblée des sujets marquants débattus à Rabat (par exemple l’évolution
du Code électoral, la réforme du CNDH et la mise en œuvre du mécanisme
de lutte contre la torture, la décentralisation, la réforme du système
éducatif, la régularisation des migrants illégaux, lutte contre
la radicalisation…).
87. Le partenariat pour la démocratie ne doit pas être à sens
unique et le rapporteur est convaincu que certaines des expériences
marocaines mériteraient d’être présentées aux membres de l’Assemblée.
88. Lors de sa mission, une demande d’évolution du partenariat
a été faite au rapporteur, au motif que sept années s’étaient écoulées
depuis son octroi au Maroc, que ce dernier avait beaucoup progressé
et que l’engagement de la délégation marocaine était sans équivalent.
À ce jour, cette demande n’a pas été étayée par des revendications
concrètes, mais le rapporteur est persuadé qu’à terme, l’Assemblée
ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur un statut qui a fait
ses preuves, mais qui aujourd’hui regroupe des États à des stades
de réforme assez différents, dont les délégations parlementaires
sont plus ou moins engagées dans les travaux de l’Assemblée.
8. Coopération
intergouvernementale
89. La coopération intergouvernementale
s’inscrit aujourd’hui dans le cadre du «Partenariat de voisinage avec
le Maroc pour la période 2018-2021» approuvé par le Comité des Ministres
le 21 mars 2018
.
Ce document succède au Partenariat pour la période 2015-2017, lui-même
faisant suite aux priorités 2012-2014 pour le Maroc agréées par
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le ministre des
Affaires étrangères marocain.
90. Comme pour le cycle antérieur, ce Partenariat comporte deux
volets, l’un qui relève d’un dialogue politique renforcé, dans lequel
est inclus le partenariat pour la démocratie avec le Parlement du
Maroc, l’autre qui porte sur la coopération.
91. Selon le Comité des Ministres, le dialogue politique s’est
particulièrement développé de 2015 à 2017 «au niveau technique avec
des représentants du ministère des Affaires étrangères et de ministères spécialisés,
y compris dans le cadre de leur participation au sein de comités
d’experts du Conseil de l’Europe». L’objectif sur la période 2018-21
est que «son intensité [reflète] la qualité de la coopération entre
le Maroc et le Conseil de l’Europe». À cet égard, la visite de la
Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe à Rabat les
11 et 12 avril 2018 et ses entretiens avec plusieurs ministres témoignent
de cette volonté de développer le dialogue dit de «haut-niveau».
92. Concernant la coopération, le bilan dressé par le Comité des
Ministres sur la période 2015-17 est positif. L’objectif pour 2018-21
consiste à développer la coopération dans des domaines dans lesquels
une base de travail solide a été établie avec les partenaires marocains,
soit: la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes; la promotion des
droits des enfants, particulièrement la protection des enfants contre
l’exploitation et les abus sexuels; la prévention de la torture; la
lutte contre la traite des êtres humains; la promotion des droits
et de l’intégration des migrants; la protection des données personnelles;
la lutte contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants; la
lutte contre la contrefaçon de produits médicaux; la promotion de
l’indépendance, de l’efficacité et de la qualité de la justice,
y compris la justice constitutionnelle; la promotion de la liberté
d’expression et du pluralisme des médias; la lutte contre le crime
organisé (corruption, blanchiment d’argent); la lutte contre la
cybercriminalité; la formation des acteurs politiques; de la société
civile à la gouvernance démocratique. Cette coopération sera étendue,
à la demande des autorités marocaines, à de nouveaux secteurs inscrits
dans l’agenda des réformes nationales, soit: la formation en droits
de l’homme pour les professionnels du droit; la gouvernance locale
et régionale; la lutte contre les discriminations; la prévention
de la radicalisation.
93. Le budget global du Partenariat de voisinage est estimé à
12 millions d’euros pour la période 2018-21, soit le double de la
période précédente (6,25 millions d’euros pour le Partenariat 2015-2017),
dont 2,1 devraient être financés par l’Union européenne. Sa ventilation
fait apparaître un choix en faveur des actions liées à l’État de
droit, celles-ci devant être soutenues à hauteur d’environ 7 millions
d’euros, contre près de 3 millions pour les actions en faveur des
droits de l’homme et 2 millions pour celles relatives à la démocratie.
9. Conclusions
94. Un membre de la commission
des questions politiques et de la démocratie a indiqué que le Maroc
de 2011 n’avait rien à voir avec celui de 2018. Le rapporteur, qui
a eu l’occasion d’élaborer deux rapports d’évaluation sur le partenariat
pour la démocratie, partage cet avis. Dans le domaine de l’État
de droit et dans celui des institutions en charge de la promotion
des droits de l’homme, les progrès sont réels. Quant au partenariat
lui-même, il considère que, comme par le passé, celui-ci fonctionne
de manière très satisfaisante.
95. Le processus de réforme engagé depuis 2011 à l’initiative
du Roi s’est opéré sans remettre en cause la stabilité du pays,
ce dont le rapporteur se félicite. Pour autant, la crainte de l’instabilité
ne devrait pas conduire à brider certaines libertés ou à rendre
leur exercice difficile voire impossible. Si le Maroc est capable
de mettre en place une politique migratoire exemplaire, en particulier
au regard de la situation en Europe, il l’est tout autant pour garantir
l’effectivité de l’ensemble des droits et libertés fondamentales
inscrits dans sa Constitution.
96. Il est souvent dit que le Maroc est un pont entre l’Afrique
et l’Europe. Le souhait du rapporteur est que la pile européenne
sur laquelle il repose soit la plus large et solide possible.