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Résolution 2276 (2019)

Halte aux propos et actes haineux dans le sport

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 avril 2019 (14e et 15e séances) (voir Doc. 14842, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Goran Beus Richembergh). Texte adopté par l’Assemblée le 10 avril 2019 (15e séance).

1. La haine et l’intolérance sont répandues aujourd’hui en Europe, et le monde du sport, qui reflète la société dans son ensemble, n’est pas épargné par cette réalité. Bien au contraire, diverses formes de haine et d’intolérance, comme l’afrophobie, l’antisémitisme, l’homophobie et la transphobie, l’islamophobie, le racisme, le sexisme et la xénophobie, trouvent souvent un terreau fertile dans les milieux sportifs, ce qui conduit à des violences verbales et physiques. Cela interfère avec l'esprit de compétition, qui est un élément naturel du sport, en le salissant et en le dénaturant.
2. Les agressions verbales sont courantes dans le monde du sport sous la forme d’insultes et de slogans scandés qui peuvent constituer un discours de haine et une incitation à la violence. Les abus peuvent aussi revêtir des formes écrites, visuelles ou allusives, avec le recours à des objets symboliques, une iconographie extrémiste ou la dégradation des symboles des équipes adverses. Ces phénomènes surviennent le plus souvent en groupe, parmi les supporters, mais ils ont lieu aussi sur les terrains où les joueurs, les entraîneurs ou les arbitres peuvent en être les auteurs ou les victimes.
3. L’Assemblée parlementaire condamne la haine et l’intolérance sous toutes leurs formes et considère qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact du discours de haine. Ces dernières années, bien que l’on assiste à une prise de conscience de ce problème et de la nécessité de le traiter, beaucoup reste à faire pour le combattre efficacement dans l’environnement du sport. Il faut en outre prévenir et pallier le danger des tentatives de manipulation des supporters sportifs par des populistes et autres idéologues pour promouvoir leurs intérêts électoraux et politiques.
4. Le Conseil de l'Europe s’est attaqué au discours de haine dans le domaine du sport par le biais de diverses activités, notamment la campagne du Mouvement contre le discours de haine du secteur de la jeunesse, en coopération avec l’Accord partiel élargi sur le sport (APES).
5. L’Assemblée se félicite des Protocoles d’accord signés en 2018 entre le Conseil de l’Europe, l’Union des associations européennes de football (UEFA) et la Fédération internationale de football association (FIFA) qui offrent une base solide de coopération pour promouvoir les droits humains, l’intégrité, la bonne gouvernance et la non-discrimination dans le football, qui reste de loin le sport le plus populaire en Europe; et du fait que le premier protocole mentionne explicitement le discours de haine parmi les manifestations de discrimination que les États membres sont tenus de prévenir et combattre.
6. L’Assemblée est consciente du fort potentiel qu’a le sport pour changer les mentalités. Elle est persuadée que le sport devrait être avant tout un instrument de promotion et de transmission de valeurs comme le fair-play, le respect mutuel et la tolérance, en plus d'être une activité bénéfique pour le développement personnel et la santé, et une forme de loisir accessible à tous. Il ne devrait y avoir dans le sport aucune place pour les préjugés et la violence, ni pour la manipulation des sentiments des supporters.
7. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2131 (2016) «Le sport pour tous: un pont vers l'égalité, l'intégration et l'inclusion sociale», en particulier concernant la nécessité de mettre en place des mécanismes pour surveiller de manière régulière et systématique la discrimination dans le domaine du sport.
8. L’Assemblée considère que l’éducation est primordiale dans la prévention de la haine et de l’intolérance, notamment dans le monde du sport, et qu’il faut accorder une attention particulière au rôle des écoles dans la transmission des valeurs de tolérance et de respect de la dignité humaine.
9. L’Assemblée soutient la Convention du Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives (STCE no 218) et invite tous les États membres qui ne l’ont pas fait à la signer et à la ratifier.
10. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
10.1. à promouvoir la recherche et la collecte de données sur le discours de haine et les crimes motivés par la haine dans les milieux sportifs. Il convient que les données soient comparables et ventilées par lieu géographique, sport, victimes et auteurs – avec une distinction entre les sportifs (amateurs et professionnels) et les spectateurs – et les motifs de discrimination;
10.2. à intégrer dans leurs plans ou stratégies nationaux contre le discours de haine et les crimes motivés par la haine des mesures spécifiques de lutte contre ces problèmes dans les milieux sportifs;
10.3. à renforcer la coopération avec les organisations sportives en matière de haine et d’intolérance, y compris sur le signalement et l’enregistrement des incidents, les activités d’information et de sensibilisation ciblant les athlètes, les agents et les cadres des organisations sportives, ainsi que le grand public;
10.4. à veiller à ce que des mécanismes de signalement soient disponibles pour les victimes de propos haineux ou de discrimination dans le monde du sport, à la fois pour protéger les victimes et pour assurer un suivi régulier du phénomène;
10.5. à lutter contre l’impunité en assurant l’application systématique des sanctions administratives et pénales existantes contre le discours de haine dans l’environnement sportif, et en exploitant les technologies disponibles sur les terrains de sport pour identifier les auteurs;
10.6. à mener des campagnes de sensibilisation ciblant le grand public sur les dangers du discours de haine, les mécanismes de signalement disponibles et l’importance de lutter contre l’impunité en signalant les incidents;
10.7. à intégrer l'éthique sportive dans les programmes scolaires, dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté; à offrir aux professeurs d'éducation physique et aux entraîneurs sportifs une formation pour repérer la discrimination et la violence ciblant les athlètes, que ce soit au niveau amateur ou professionnel, et pour y réagir;
10.8. à encourager les médias à diffuser une information pluraliste et impartiale sur les athlètes et leur performance, en particulier ceux qui sont les plus exposés à la haine, et à faire des comptes rendus exacts et non tendancieux sur les incidents de discours de haine et les crimes motivés par la haine.
11. L’Assemblée appelle les fédérations sportives et les autres organisations sportives:
11.1. à intégrer l'égalité et la non-discrimination dans leurs activités, et à promouvoir les valeurs démocratiques; à prévenir et à combattre les discours de haine, et, dans ce but, à renforcer la coopération avec les clubs de supporters, les organisations de la société civile, les médias et les établissements d’enseignement;
11.2. à nommer des athlètes remarquables «ambassadeurs de l'égalité et de la non-discrimination»;
11.3. à exiger que tous les joueurs s’engagent formellement à s’abstenir de propos haineux et de toute manifestation de haine et d’intolérance;
11.4. à dispenser à tous les joueurs et personnels une formation sur la manière d’identifier, de prévenir et de combattre le discours de haine et l’intolérance;
11.5. à promouvoir des programmes éducatifs pour les supporters et les clubs de fans sportifs afin de prévenir le discours de haine dans les stades pendant les matches.
12. L’Assemblée affirme que le sport ne devrait pas se résumer à une compétition, mais qu’il devrait également offrir un environnement dans lequel des personnes de toutes origines et de tous les milieux peuvent trouver un terrain d’entente et se côtoyer harmonieusement dans la diversité.