1. Introduction
1. L’autonomisation des femmes
est un processus complexe englobant de multiples facteurs qui vont
de l’accès à l’éducation et une meilleure représentation politique
à la participation dans l’économie, en passant par une amélioration
de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée et
le droit à une vie exempte de violence fondée sur le genre. Ce processus
suppose d’éliminer tous les obstacles qui empêchent les femmes de
contribuer au développement de la société sur un pied d’égalité
avec les hommes.
2. La protection de la santé et des droits sexuels et reproductifs
des femmes s’inscrit dans ce cadre, en particulier dans le contexte
actuel marqué par un recul général des droits des femmes. Aujourd’hui,
il importe non seulement de consolider les acquis, mais aussi de
favoriser de nouvelles avancées. Cela s’applique également à la
contraception, qui est un domaine crucial pour l’autonomisation
des femmes et où des progrès s’imposent. La contraception renforce
le pouvoir décisionnel et l’autonomie des femmes, aussi bien à titre personnel
qu’au sein du ménage, et leur permet de mieux concilier vie privée
et vie professionnelle.
3. Les objectifs de développement durable des Nations Unies soulignent
la corrélation entre l’égalité de genre et la santé et les droits
sexuels et reproductifs. En particulier, l’objectif 5 («Parvenir
à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles»)
comprend notamment la cible spécifique «Assurer l’accès de tous
aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que
chacun puisse exercer ses droits en matière de procréation»
.
4. Les États membres du Conseil de l’Europe sont loin d’atteindre
l’objectif 5: l’«Atlas de la contraception» en Europe, publié par
le Forum parlementaire européen sur la population et le développement
(EPF) et présentant la situation dans 46 pays européens en matière
d’accès à des moyens de contraception et à des informations et conseils
pertinents, conclut à la nécessité, pour tous les pays analysés,
de redoubler d’efforts afin d’améliorer cet accès.
5. Le Baromètre de l’accès des femmes à des méthodes de contraception
modernes dans 16 pays de l’Union européenne (Barometer
of Women’s Access to Modern Contraceptive Choice in 16 EU Countries), publié
en janvier 2015 par la Fédération internationale pour la planification
familiale – Réseau européen (IPPF EN), souligne le contrôle puissant
que les influences patriarcales, traditionnelles et religieuses
exercent encore sur la vie quotidienne des femmes et des filles
dans de nombreux pays d’Europe et constate que l’accès à la contraception
a stagné, voire même régressé, ces dernières années dans les pays
couverts par le rapport. Ce dernier fait toutefois aussi état des
progrès possibles et met en évidence certains exemples positifs,
comme Chypre et le Danemark pour leur politique d’éducation sexuelle,
ainsi que la Pologne et la Suède pour leurs directives médicales
nationales actualisées sur la prestation de services contraceptifs.
6. Il convient de noter que, la plupart du temps, les pays qui
facilitent l’accès à la contraception présentent également des taux
de fécondité plus élevés. La France, par exemple, figure parmi les
premiers pays européens dans les deux cas
. Les politiques
contraceptives ne réduisent donc pas les taux de natalité. Les chiffres
indiquent également une diminution du nombre d’interruptions volontaires
de grossesse lorsque l’accès aux contraceptifs modernes est facilité.
Bien que l’avortement n’entre pas en soi dans le cadre du présent
rapport, cette corrélation, confirmée par plusieurs sources, ne
saurait être ignorée.
7. L’accès à la contraception ainsi que la protection et la promotion
de l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs devraient
figurer en bonne place dans la liste des priorités politiques, d’égalité
et de santé des gouvernements européens.
8. Par ailleurs, les femmes devraient toutes avoir accès à ces
droits sur un pied d’égalité. Les pouvoirs publics doivent s’attaquer
aux disparités existantes en matière d’accès à la contraception,
qui reflètent les inégalités socio-économiques au sein de la population.
Les femmes disposant de revenus plus élevés et plus instruites,
par exemple, parviennent beaucoup mieux à éviter les grossesses
non désirées parce qu’elles accèdent plus facilement à la contraception
et aux informations y afférentes.
9. Les groupes marginalisés et vulnérables, tels que les migrants,
les jeunes, les personnes handicapées et les minorités, sont plus
particulièrement confrontés à des obstacles dans l’accès aux moyens
de contraception. Les membres de ces groupes n’ont souvent pas les
connaissances nécessaires sur la façon de se procurer et d’utiliser
correctement les moyens contraceptifs, y compris la contraception
d’urgence.
10. Lorsque nous parlons de contraception, nous ne devons pas
négliger la responsabilité des hommes dans la prévention des grossesses
non désirées et la transmission d’infections. Les hommes doivent également
avoir accès à la contraception et à l’éducation sur la manière d’assumer
leurs responsabilités dans le cadre d’une planification familiale
informée et auto-déterminée.
11. Il est primordial d’informer et de sensibiliser non seulement
les groupes spécifiques mentionnés, mais aussi la population dans
son ensemble. L’éducation sexuelle doit figurer dans les programmes
scolaires et les activités de sensibilisation doivent cibler aussi
bien les jeunes que les adultes.
12. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai travaillé
en étroite collaboration avec des organisations de la société civile,
que je considère comme des partenaires essentielles en raison de
leur engagement et de leur connaissance directe de la législation
et des politiques mais aussi de la situation réelle sur le terrain.
Outre l’invitation à une audition adressée à des experts d’organisations
de la société civile, j’ai envoyé un questionnaire et reçu en retour
des informations d’organisations non gouvernementales (ONG) actives
au niveau national et j’ai, à plusieurs reprises, tenu des réunions
et procédé à des échanges informels.
13. Les 16 et 17 octobre 2019, j’ai effectué une visite d’information
en Finlande, un pays doté d’excellents services sociaux et de santé
publics (classé parmi les premiers États membres de l’OCDE dans
ce domaine
), qui
s’est employé activement à tester des politiques de contraception
et offre un répertoire de bonnes pratiques. Entre autres raisons
ayant motivé mon choix de la Finlande, je citerai la prise de conscience
des questions d’égalité de genre (le débat dans ce domaine remonte
aux années 1960), l’éducation sexuelle mise en place depuis longtemps
dans les écoles et la diversité des règlements et politiques sur
la contraception dans le pays, permettant de recenser davantage
d’expériences fructueuses.
14. De plus, le document thématique «Santé et droits sexuels et
reproductifs des femmes en Europe», publié en décembre 2017 par
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, est
un document opportun qui contient une multitude de recommandations
précieuses. Bien que mon rapport ne traite que certaines des questions
qui y sont abordées, j’ai prêté une grande attention aux parties
descriptive et prescriptive du document qui portent spécifiquement
sur la contraception.
2. Accès à la contraception en Europe:
vue d’ensemble
15. En avril 2019, la commission
sur l’égalité et la non-discrimination a tenu une audition avec
la participation de représentants de deux organisations de la société
civile œuvrant dans le domaine de la santé et des droits sexuels
et reproductifs en Europe: M. Neil Datta, Directeur exécutif du
Forum parlementaire européen sur la population et le développement
(EPF), et Mme Camille Butin, conseillère
auprès de la Fédération internationale pour la planification familiale
– Réseau européen (IPPF EN). Cette audition a été une excellente
occasion de prendre davantage connaissance de la situation globale
de l’accès à la contraception en Europe ainsi que des conclusions
de l’Atlas de la contraception de l’EPF et du Baromètre de l’accès
des femmes à des méthodes de contraception modernes dans 16 pays
de l’Union européenne de l’IPPF.
16. Les discussions et les échanges tenus dans le cadre de l’audition
ont mis en lumière les insuffisances dans de nombreux États membres
du Conseil de l’Europe et permis d’identifier les systèmes les plus performants
en vue de les faire connaître en tant que «bonnes pratiques» dont
d’autres pays pourraient s’inspirer pour combler les lacunes existantes
et améliorer l’accès à la contraception.
17. Les deux études présentées à la commission durant l’audition
se complètent. L’Atlas décrit la situation de 46 pays, sur la base
de deux grands critères seulement. Le baromètre couvre une gamme
plus large de domaines d’action mais sa portée géographique est
limitée à 16 pays, tous membres de l’Union européenne.
18. Le baromètre utilise huit critères d’évaluation, correspondant
aux huit domaines d’action pour analyser la situation des pays en
matière d’accès à la contraception moderne et les noter. Les moyens
contraceptifs modernes comprennent les pilules contraceptives, les
préservatifs (masculins et féminins), les dispositifs intra‑utérins
(DIU), la stérilisation (masculine et féminine), les contraceptifs
injectables, les implants hormonaux, les patchs, les diaphragmes,
les agents spermicides (mousse, gelée) et la contraception d’urgence.
Les huit domaines sont les suivants:
- élaboration de politiques et stratégies;
- prise de conscience générale de la santé et des droits
sexuels et reproductifs et choix de méthodes de contraception modernes;
- éducation sexuelle à l’école;
- éducation et formation des professionnels de santé et
des prestataires de services;
- offre de conseils individualisés et de services de qualité;
- existence de systèmes de remboursement;
- prévention de la discrimination;
- autonomisation des femmes par l’accès aux méthodes de
contraception modernes de leur choix.
19. L’étude conclut qu’en raison de l’évolution des priorités
politiques, le suivi et l’évaluation des politiques relatives à
la santé et aux droits sexuels et reproductifs sont insuffisants
et inadaptés. L’influence religieuse continue de nuire à l’accès
à la contraception. La sensibilisation de l’opinion publique aux
moyens de contraception semble limitée dans la plupart des pays
européens. Seuls deux pays ont mis en œuvre des campagnes d’information
sur la contraception. Le plus souvent, toutes les parties prenantes
ne participent pas aux activités d’information. Pourtant, les organisations
de la société civile qui œuvrent au niveau local, les professionnels
de santé et les prestataires de services notamment apporteraient
une réelle valeur ajoutée et renforceraient l’impact des campagnes
d’information. Il ressort également de l’étude que les programmes d’éducation
sexuelle varient considérablement d’un pays à l’autre et reposent
souvent sur les connaissances personnelles et les points de vue
des enseignants, ce qui nuit à la cohérence et peut-être à la justesse
de l’enseignement. Les groupes conservateurs et religieux ont tendance
à désapprouver l’éducation sexuelle et l’éducation aux relations
interpersonnelles. Les professionnels de santé ne sont guère formés
à la contraception et leur formation est rarement de qualité, d’où
l’insuffisance, tant qualitative que quantitative, des services
de conseils individualisés proposés dans la plupart des pays. La
moitié seulement des pays étudiés propose un remboursement et les
politiques dans ce domaine laissent à désirer du point de vue de
la lutte contre la discrimination: les obstacles économiques et
sociaux ne sont pas toujours pris en compte et l’attention portée
aux groupes vulnérables est insuffisante.
20. Le dernier domaine analysé dans l’étude, à savoir l’autonomisation
des femmes, présente un intérêt particulier dans la perspective
politique de ce rapport. L’IPPF EN relève que dans la grande majorité
des pays étudiés, les régulateurs ne considèrent pas l’accès à la
contraception comme faisant partie des politiques relatives à l’égalité
des sexes ni comme un facteur d’autonomisation. C’est là, me semble-t-il,
une grave lacune qu’il conviendrait de combler. La capacité de planifier
une grossesse a une influence déterminante sur l’autonomie des femmes
et sur leur aptitude à concilier vie professionnelle et vie privée
et est donc un facteur d’autonomisation.
21. Il est aussi intéressant de noter que d’après le baromètre,
la situation dans chaque pays, s’agissant des domaines d’action
susmentionnés, n’évolue guère: dans la plupart des cas, les politiques
demeurent inchangées à 80 ou 90%. Concernant l’un d’entre eux (le
domaine 5, «offre de conseils individualisés et de services de qualité»),
aucune évolution n’a été observée dans les pays étudiés. Compte
tenu de la situation manifestement insatisfaisante qui prévaut actuellement
dans la plupart des pays, l’absence de progrès est préoccupante.
22. Il convient de mettre en exergue la conclusion du baromètre
selon laquelle la volonté politique fait cruellement défaut de même
que l’ambition et le soutien nécessaire pour améliorer la santé
et les droits sexuels et reproductifs, y compris l’accès à la contraception.
23. L’Atlas de la contraception de l’EPF classe les pays examinés
selon deux grands critères (qui à leur tour reposent sur plusieurs
indicateurs):
- la disponibilité
d’informations en ligne sur la contraception moderne;
- l’accès à des moyens contraceptifs et des services de
conseils.
24. Chaque pays s’est vu attribuer un score global allant de «exceptionnellement
bon» à «exceptionnellement mauvais». Les sept «États champions»
classés en tête de liste se caractérisent par un programme général
de remboursement des moyens de contraception pour tous et par des
dispositifs de remboursement spéciaux pour les jeunes et les femmes
à faible revenu. Ils proposent des services de conseils gratuits
en matière de planification familiale. Les pays classés dans la
catégorie des «très bons» ne disposent que d’un programme de remboursement
des moyens de contraception pour la population générale et offrent des
services de conseils satisfaisants. Les pays «moyens» à «très mauvais»
n’offrent guère de remboursement, voire aucun, et leurs services
de conseils sont moins complets ou moins accessibles. Seule la Pologne
relève de la catégorie des «exceptionnellement mauvais», laquelle
a été créée en raison de l’aggravation de la situation au plan national,
ce qui la distingue des autres pays observés. Seule la Pologne exige
le consentement d’un tiers pour avoir accès à la contraception et
la contraception d’urgence n’est proposée que sur prescription médicale.
25. En ce qui concerne l’autre grand critère, les pays les plus
performants disposent de sites internet soutenus par le gouvernement,
présentant des informations actualisées sur l’ensemble des moyens
de contraception modernes et expliquant comment se les procurer.
Dans d’autres pays, les sites internet ne bénéficient pas toujours
du soutien de l’État ou donnent parfois des informations insuffisantes.
26. L’Atlas a été publié pour la première fois en 2017 et mis
à jour en 2018 et en 2019. Il est intéressant de voir comment la
situation a évolué dans les pays étudiés, sur la base de données
et de critères comparables. L’Atlas 2019 montre que 15 pays européens
ont vu leur score inchangé, 17 ont enregistré une amélioration et 14
ont reculé. Ces variations tendent toutefois à être mineures. La
situation très satisfaisante des trois premiers pays du classement
(France, Belgique et Royaume-Uni) se maintient. La détérioration
la plus grave s’est produite en Pologne, sur fond de réactions hostiles
à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes en général,
et pas seulement à la contraception. La situation dans ce pays est
préoccupante. Dans l’ensemble, l’Atlas de la contraception de l’EPF
confirme dans une large mesure la situation «statique» décrite dans
le baromètre d’IPPF EN.
27. La contribution d’experts et les échanges avec d’autres membres
de la commission ont montré que la contraception n’est pas une question
aussi consensuelle que ce à quoi on pourrait s’attendre. Il ressort
des données que les pays qui facilitent l’accès à la contraception
moderne sont aussi ceux dont les taux de fécondité sont les plus
élevés. En d’autres termes, la procréation planifiée ne fait pas
baisser le taux de natalité. Pourtant, les groupes conservateurs
et religieux continuent d’utiliser cet argument et demeurent très fermement
opposés à toute initiative visant à faciliter l’accès à la contraception
moderne. Les inégalités dans l’accès à la contraception moderne
préoccupent tout particulièrement, et à juste titre, les membres
de la commission. L’audition a également mis en lumière les difficultés
d’accès à la contraception des groupes marginalisés et vulnérables,
dont les femmes roms et les réfugiées, et a appelé à prendre des
mesures pour remédier à la situation. Un certain nombre d’actions,
notamment des campagnes d’information, l’information par Internet,
des lignes directrices spécifiques pour les professionnels, les
cliniques mobiles, la participation de médiateurs culturels et,
dans le cas des femmes roms, de responsables communautaires, se
sont révélées utiles.
28. Je tiens à réaffirmer que l’élément essentiel qui fait défaut
est la volonté politique. Par conséquent, l’objectif principal du
présent rapport et de la résolution pertinente à adopter par l’Assemblée,
est d’inciter les décideurs à agir.
3. Accès
à la contraception en Europe: comparaison de pays choisis
29. En juin 2019, j’ai envoyé un
questionnaire à des organisations de la société civile actives dans
le domaine de la santé et des droits sexuels et reproductifs au
niveau national, afin de mettre à jour les informations recueillies
par d’autres moyens. Le questionnaire m’a aidée à réunir des informations
sur les méthodes de contraception disponibles dans les États membres
du Conseil de l’Europe et sur leur prise en charge ou remboursement
éventuel, sur le type de formation proposée aux professionnels de
santé dans ce domaine et leurs attitudes à l’égard de la contraception,
sur les obstacles à la contraception et l’opposition aux politiques
contraceptives, ainsi que sur le rôle des organisations de la société
civile et l’éducation sexuelle à l’école.
30. Des organisations basées en Albanie, en Allemagne, en Autriche,
en Géorgie, en Lituanie, en Macédoine du Nord, aux Pays-Bas, et
en Serbie ont répondu à l’enquête. Bien que leur nombre soit limité,
la diversité des régions couvertes par les personnes ayant répondu
(Europe du Sud-Est/Balkans occidentaux, Europe occidentale et Caucase)
permet de procéder à une analyse solide et de faire des parallèles intéressants.
31. En plus des informations recueillies dans le cadre de l’enquête,
je présenterai également les principales conclusions de la visite
que j’ai effectuée en Finlande.
4. Types
de contraception et remboursement
32. La différence la plus notable
entre les pays étudiés concerne la couverture des contraceptifs
par les régimes publics d’assurance maladie, les systèmes de prise
en charge ou de remboursement (ou leur fourniture gratuite). En
Géorgie, aucun remboursement n’est prévu par les régimes de santé
publique. Bien que les méthodes contraceptives soient largement
disponibles (y compris la contraception d’urgence, sans ordonnance),
leur coût est entièrement supporté par les utilisatrices et les
utilisateurs. Les fonds du budget de l’État ne sont pas alloués
aux consultations ou services de planification familiale, et ces
services ne sont pas inclus dans les programmes de l’État ou dans
les programmes des compagnies d’assurance privées. Par le passé,
des organismes internationaux comme le Fonds des Nations Unies pour
la population (FNUAP) et l’Agence des États-Unis pour le développement
international (USAID) ont œuvré activement dans ce domaine et financé
des programmes qui ont fourni des contraceptifs modernes dans tout
le pays. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Aucun remboursement
n’est prévu pour la contraception en Autriche, en Lituanie, en Macédoine
du Nord et en Serbie.
33. En Albanie, selon les informations fournies par l’organisation
à but non lucratif «Centre albanais pour la population et le développement»,
le ministère de la Santé coordonne les efforts visant à renforcer
l’accès à la contraception, afin de la fournir à toutes celles et
à tous ceux qui en ont besoin. Le ministère prend en charge les
coûts de l’achat de contraceptifs pour l’ensemble du secteur public
et l’Albanie est autosuffisante et ne dépend pas du soutien de donateurs
extérieurs à cet égard. Les contraceptifs, dont les pilules, les
préservatifs et les injectables, sont disponibles sans ordonnance
et gratuitement dans plus de 425 établissements de santé publique
tels que les hôpitaux, les polycliniques et les centres de santé.
La stérilisation et l’insertion d’un DIU sont proposées dans les
établissements dotés de gynécologues-obstétriciens qualifiés.
34. En Allemagne, tous les moyens contraceptifs prescrits par
les médecins, y compris la contraception d’urgence, sont remboursés
aux femmes jusqu’à l’âge de 22 ans. Passé cet âge, certaines méthodes
sont remboursées (par exemple aux femmes qui bénéficient de prestations
de sécurité sociale), et seulement dans certaines villes. Aux Pays-Bas,
la contraception est remboursée par l’assurance maladie de base
pour les adolescents et les jeunes adultes jusqu’à l’âge de 21 ans.
Au-delà de 21 ans, les frais médicaux relatifs à la contraception
ne sont que partiellement couverts par l’assurance publique. Cela
peut signifier que les personnes à faible revenu ont un accès limité
à certains types de contraception plus coûteux, comme les méthodes
contraceptives réversibles à longue durée d’action (MLDA), et peuvent
de ce fait ne pas être en mesure de choisir librement une méthode
en fonction de leurs propres préférences et besoins. L’accessibilité financière
et la disponibilité de méthodes contraceptives modernes pour les
personnes à faible revenu et les groupes vulnérables à partir de
21 ans font désormais l’objet d’un débat politique aux Pays-Bas.
35. En ce qui concerne l’accès à la contraception par internet,
la situation varie grandement entre les pays examinés. En Autriche,
les méthodes non hormonales, dont la contraception d’urgence, sont
disponibles légalement sur internet. La contraception hormonale
n’est cependant disponible que sur ordonnance. En Géorgie, aucun
contraceptif n’est disponible en ligne. En Allemagne, les pharmacies
sur internet délivrent tous les types de contraceptifs après examen
des demandes par un «médecin en ligne». En Lituanie, la contraception
d’urgence est disponible dans les pharmacies en ligne, mais d’autres
contraceptifs ne le sont pas. En Serbie, la loi interdit toute vente
de moyens contraceptifs sur le web.
36. En Finlande, la contraception relève de la compétence des
communes, d’où la coexistence de 311 systèmes différents correspondant
au nombre de communes. Une réforme visant à intégrer les soins de santé
dans le mandat des collectivités régionales fait depuis plusieurs
années l’objet d’un débat politique. Une fois approuvée, la réforme
devrait simplifier la situation et réduire les disparités entre
les villes. 50 des 311 communes ont mis en place différentes formes
de remboursement des contraceptifs, qui présentent de légères variations
quant aux méthodes de contraception couvertes et aux limites d’âge
(le remboursement est accordé aux jeunes, l’âge maximum allant de
20 à 25 ans selon les régimes), permettant de constater l’impact des
différentes politiques.
37. La promotion de la contraception, en particulier des MLDA,
s’est également avérée efficace en termes de réduction des avortements
provoqués. L’expérience de Vantaa, quatrième ville de Finlande,
qui fait partie du Grand Helsinki, est particulièrement éloquente
à cet égard. J’ai eu le plaisir de rencontrer Frida Gyllenberg, une
chercheuse de l’Université d’Helsinki qui a étudié de près le cas
de Vantaa. Depuis 1975, cette municipalité propose gratuitement
des services publics de planification familiale à tous les résidents.
Elle a ensuite lancé, en 2013, un programme visant à fournir à titre
gracieux des MLDA
.
Il est ressorti d’une analyse des séries chronologiques que, grâce
à ce programme, l’utilisation des MLDA a été multipliée par 2,2
(passant de 1,9 à 4,2 pour mille femmes) tandis que le taux d’avortement
a considérablement diminué: de l’ordre de 16 % dans l’échantillon
total et de 36 % chez les 15 à 19 ans. Ces conclusions confirment
les résultats de précédentes recherches menées aux États-Unis et
ailleurs
,
et fournissent des indications précieuses qu’aucun législateur ou
décideur ne saurait ignorer.
38. Le programme gouvernemental actuel prévoit la conduite d’une
expérimentation nationale sur la gratuité des contraceptifs pour
toute personne âgée de moins de 25 ans. En fonction des résultats
obtenus, il sera décidé, à la fin du mandat électoral, de transformer
cette expérience en pratique permanente. Par ailleurs, la couverture
s’étendra à tous les moyens de contraception moderne, à courte et
longue durée d’action, dans le but de prévenir les grossesses non
désirées et les infections et maladies sexuellement transmissibles
(MST). Dix millions d’euros ont été alloués au programme pour les
années 2021-2022.
5. Éducation
sexuelle, formation professionnelle et idées fausses
39. D’autres facteurs contribuent
beaucoup à déterminer l’accès à la contraception et son utilisation effective.
Ces facteurs comprennent notamment l’intégration de l’éducation
sexuelle dans les programmes scolaires, la formation des professionnels
de santé (sa dispense et son caractère obligatoire ou non), les mythes
et idées fausses sur la nécessité et les effets de la contraception
et l’opposition à son utilisation orchestrée par certains partis
politiques, groupes conservateurs et religieux.
5.1. Professionnels
de santé: formation et attitudes
40. La formation des médecins et
autres professionnels de santé à la contraception n’est généralement
pas obligatoire, mais plutôt à caractère facultatif, et elle est
assurée par divers acteurs. En Albanie, par exemple, l’ONG ACPD,
soutenue par le FNUAP et l’IPPF, est le principal prestataire. La
durée moyenne de la formation est de 18 heures. En Macédoine du
Nord, la formation sur la contraception fait partie du programme
de spécialisation des gynécologues-obstétriciens, tandis que la
plupart des médecins de famille bénéficient (depuis 2015) d’une
formation de deux jours (12 heures) sur la dispense de conseils
sur les moyens de contraception modernes. Ces formations sont financées
par le ministère de la Santé, dans le cadre du programme de prévention
à l’intention des mères et des enfants. L’organisation autrichienne
ÖGF International fait savoir que la formation des professionnels
de santé n’est pas obligatoire et qu’elle la juge insuffisante.
Aux Pays-Bas, la formation a également un caractère facultatif.
En Géorgie, aucun cours de troisième cycle n’est prévu dans ce domaine
pour les professionnels de santé. Cependant, l’Association HERA-XXI
a mis en place une plateforme d’apprentissage en ligne à l’intention
des prestataires de services de santé (
www.ehera.ge), à qui elle propose différents types de cours sur la
planification familiale, les méthodes modernes de contraception
et les techniques de conseil. Il convient de noter que ces cours
sont gratuits. En Serbie, bien que la contraception ne fasse pas
partie des programmes universitaires, les professionnels de santé
ont la possibilité d’assister à des séminaires sur la contraception,
organisés dans le cadre de la formation médicale continue. De plus,
des directives cliniques nationales sur la contraception leur sont
fournies.
41. En ce qui concerne une éventuelle préférence dans le choix
des méthodes contraceptives, il semble difficile de dégager une
tendance. L’organisation néerlandaise Rutgers n’exclut pas que certains
médecins puissent promouvoir certains types de contraception plutôt
que d’autres, mais n’est pas en mesure de fournir plus de détails.
Elle précise que les jeunes reçoivent généralement des informations
sur au moins deux méthodes. En Albanie, les professionnels ont tendance
à recommander des MLDA uniquement aux adultes et à promouvoir les
préservatifs et les pilules auprès des jeunes. Il en va de même
pour la Macédoine du Nord. En Géorgie, les médecins semblent recommander
davantage les DIU que les autres méthodes. En Allemagne, les médecins
affichent une préférence pour les méthodes qui réduisent les risques
d’erreur humaine, en particulier les DIU et les injections trimestrielles.
En Serbie, les professionnels de santé semblent prescrire les différents
types de contraception de manière impartiale, en fonction de la
situation et des besoins propres à chaque individu.
5.2. Éducation
sexuelle
42. Une éducation sexuelle complète
est essentielle pour sensibiliser le grand public, en particulier
les jeunes, à l’accès à la contraception et à son utilisation. Elle
devrait être mise à la disposition de tous les élèves et étudiants
et avoir un caractère obligatoire. Si, dans certains systèmes, les
parents sont autorisés à en exempter leurs enfants, une éducation
sexuelle adaptée à l’âge devrait être enseignée à tous les élèves
et étudiants sans exception. Il convient de noter que la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) reconnaît
l’importance de l’éducation sexuelle en matière de prévention de
la violence et de l’exploitation sexuelles des enfants et de développement
de leurs compétences culturelles, sociales et de la vie courante.
À cet égard, la Cour a confirmé que l’éducation sexuelle peut être
obligatoire pour tous les élèves et que les États membres ne sont
pas tenus d’accorder une dispense de ces programmes
. En Autriche et en Allemagne,
l’éducation sexuelle fait partie des programmes scolaires et les
parents ne sont pas autorisés à dispenser leurs enfants de ces cours
(en Allemagne cependant, des cas de parents gardant leurs enfants
à la maison, prétextant qu’ils sont malades, ont été signalés).
Aux Pays-Bas, les parents ont la possibilité de retirer leurs enfants
des cours d’éducation sexuelle, mais seuls quelques-uns d’entre
eux le font.
43. En Macédoine du Nord, la contraception fait partie des programmes
d’enseignement de la biologie et des compétences de la vie courante.
Cependant, l’ONG HERA indique que la contraception est à peine enseignée
pendant ces cours. Selon une étude réalisée en 2014 par cette ONG,
seuls 2 % des jeunes ont bénéficié d’une information sur la contraception
à l’école. De plus, celle-ci comprenait des éléments erronés (par
exemple, que la contraception orale n’est pas recommandée pour les
jeunes et qu’elle pouvait être source d’infertilité ou de cancer
du sein).
44. En Albanie, des progrès considérables ont été réalisés ces
dernières années, grâce essentiellement aux efforts déployés par
le ministère de l’Éducation et l’Institut pour le développement
éducatif, avec l’appui technique et financier du FNUAP et de l’IPPF.
La société civile, y compris le Centre albanais pour la population et
le développement et d’autres ONG, ont joué un rôle important dans
la promotion de l’éducation sexuelle. Un programme d’éducation aux
compétences de la vie courante et à la sexualité a été élaboré sur
la base des normes internationales et officiellement introduit dans
les écoles (pour les élèves de 9 à 15 ans) en 2012. Quelque 3 000
enseignants ont bénéficié d’une formation spécifique dans ce domaine.
45. En Lituanie, l’éducation sexuelle fait partie des programmes
scolaires, mais elle se heurte à l’hostilité d’organisations religieuses
et conservatrices, qui ont une influence sur l’éducation publique.
Les parents ont le droit de dispenser leurs enfants et, d’après
l’Association de planification familiale et de santé sexuelle, les manuels
scolaires ne sont pas toujours adaptés.
46. Il a été fait état, dans plusieurs des pays considérés, d’une
opposition à l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires
qui émanerait généralement d’églises et d’organisations religieuses,
parfois liées à des partis politiques. Dans certains cas, des confessions
chrétiennes proposent des programmes d’éducation sexuelle alternatifs,
ne traitant par exemple de la sexualité que dans le cadre du mariage.
Les idées fausses, dérivant de la désinformation intentionnelle
diffusée par ces groupes sur l’éducation sexuelle peuvent constituer
un problème – l’organisation macédonienne, par exemple, fait savoir
que les programmes d’éducation sexuelle ont été présentés par un
des partis au pouvoir qui s’y opposait, comme un moyen de «promouvoir
l’homosexualité». L’éducation sexuelle ne figure pas dans les programmes
scolaires en Géorgie. En Autriche, le débat politique sur l’éducation
sexuelle a porté, entre autres choses, sur les allégations d’un
risque de «sexualisation précoce» des enfants. Le Parlement autrichien
a adopté une résolution visant à interdire les éducateurs externes
dans les écoles, au motif qu’ils mettraient en danger la qualité
et l’impartialité de l’éducation sexuelle.
47. La Finlande est, depuis des décennies, un exemple en matière
d’éducation sexuelle complète et avancée, les programmes ayant été
introduits pour la première fois en 1970. Aujourd’hui, l’éducation
sexuelle commence tôt, certains aspects étant enseignés dès la maternelle,
puis à l’école pour les élèves de sept à douze ans. L’amélioration
des connaissances des jeunes en matière de sexualité dans les années
1970 et 1980 s’est traduite par une diminution du taux de grossesses
précoces. Les programmes d’éducation sexuelle ont été revus à la
baisse dans les années 1990, avant de connaître une inversion de
tendance au cours de la décennie suivante. L’impact de l’éducation
sexuelle a été mesuré dans le cadre de deux enquêtes nationales, réalisées
en 1996 et 2006, et d’évaluations des connaissances des jeunes,
menées en 2000 et 2006. Ces évaluations ont montré une amélioration
considérable des connaissances des jeunes sur la sexualité entre
le premier et le deuxième exercice. Dans le même temps, le nombre
de grossesses précoces a de nouveau reculé et divers observateurs
voient une corrélation entre les deux tendances
. À Helsinki, j’ai visité une
Tyttöjen talo ou «Maison des filles»
créée en 2000 dans le cadre d’un réseau comprenant sept structures
de ce type dans tout le pays (deux «Maisons des garçons» ont également
été ouvertes). L’éducation sexuelle et la sensibilisation à la violence
fondée sur le genre sont au cœur des activités menées par ce centre,
qui coopère régulièrement avec les structures de soins et les établissements
scolaires, où il organise des ateliers. Mme Herttua,
sa directrice, a précisé que si l’éducation sexuelle dispensée à
l’école est généralement suffisante, des activités supplémentaires
s’avèrent utiles. Ainsi, plusieurs organisations ont mis en place
des discussions en ligne (chat) pour donner des conseils individuels
de manière anonyme. Les jeunes continuent de rechercher des informations
sur la sexualité dans le matériel pornographique, qui n’est pas
fiable et véhicule une image faussée, souvent dangereuse, du sexe
et des relations interpersonnelles. Cependant, la situation générale
est en voie d’amélioration et traduit une meilleure connaissance
des sentiments, besoins et droits personnels. La Maison des filles
offre à ces dernières un «lieu sûr» où des activités en groupe et
des cours sont organisés et des conseils individuels fournis. Des
tests de dépistage des MST, des tests de grossesse, ainsi que des
préservatifs et des contraceptions d’urgence, sont également mis
à disposition. L’action accomplie par cette structure montre que
l’éducation sexuelle peut être enseignée à l’école mais aussi dans d’autres
contextes. La coopération entre divers acteurs, notamment les écoles,
d’autres entités publiques et des ONG, permet de garantir la transmission,
aux jeunes et à la communauté en général, d’informations exactes,
impartiales et scientifiquement fondées qui auront un impact positif
sur leur santé, leur connaissance de la contraception et leur autodétermination.
48. Väestöliitto (Fédération des familles), une ONG qui mène depuis
des décennies des actions de sensibilisation, de conseil et d’éducation
sur la sexualité, constate que si l’éducation sexuelle est généralement enseignée
à l’école, des améliorations sont encore possibles. À titre d’exemple,
la formation des médecins et autres professionnels de santé à la
sexualité n’est pas obligatoire et s’avère assez coûteuse. Les ONG
militent ainsi en faveur de la formation à l’éducation sexuelle,
afin qu’elle soit encouragée et plus facilement accessible par les
professionnels. À l’instar d’autres organisations, Väestöliitto,
participe également directement à des actions d’éducation et de
sensibilisation à la sexualité entreprises dans les écoles et à
la fourniture de conseils individuels, notamment par l’intermédiaire
de forums de discussion en ligne.
5.3. Mythes
et idées fausses sur la contraception
49. Plusieurs des organisations
interrogées indiquent que les mythes et les idées fausses sur la contraception
sont largement répandus dans le grand public, notamment sous la
forme de fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux,
et souvent difficiles à contrer. Par exemple, la contraception hormonale
serait une cause potentielle d’infertilité, de prise de poids, d’augmentation
de la pilosité et de diverses maladies. Les médecins et autres professionnels
de santé n’ont pas nécessairement les outils permettant de déconstruire
ces mythes, qui finissent par s’ajouter aux obstacles qui empêchent
ou limitent l’accès des femmes à la contraception moderne. En même
temps, les informations recueillies dans le cadre de l’enquête ont
montré la conduite régulière d’activités d’information et de sensibilisation.
En Albanie par exemple, diverses actions ont été menées, dont des
campagnes dans les médias et sur les réseaux sociaux (promues par
le FNUAP et l’ACPD), des activités parlementaires (telles que la
présentation de l’Atlas de la contraception au Groupe parlementaire
multipartite sur la population et le développement), ainsi que d’autres initiatives
lancées par des établissements de santé publique et des militants
des droits de l’homme. L’organisation néerlandaise fait savoir qu’aux
Pays-Bas, des campagnes ont été menées sur l’utilisation de préservatifs
pour prévenir le SIDA et d’autres MST, mais pas sur les contraceptifs
en général. Les informations fournies par l’Autriche concernent
également une activité sur les préservatifs et les MST mise en œuvre
au niveau local à Vienne en 2013. Il ressort des informations collectées
à ce jour que les campagnes d’information et de sensibilisation
sont sporadiques et insuffisantes. Les pouvoirs publics devraient
redoubler d’efforts pour fournir des informations impartiales et
fondées sur des données factuelles et contrer les idées fausses
et la désinformation en matière de contraception.
5.4. Autres
obstacles à la contraception et contre-mesures possibles
50. Parmi les obstacles à la contraception,
les organisations interrogées mentionnent le plus souvent son coût.
En l’absence de remboursement, l’accès à la contraception et notamment
aux méthodes plus coûteuses, est difficile, en particulier pour
les groupes à faible revenu. Certaines organisations citent également
le faible niveau d’engagement des autorités à promouvoir son accès,
ainsi que les obstacles sociaux et culturels, en particulier les
normes sociales néfastes et les stéréotypes de genre traditionnels,
dont la stigmatisation associée à l’utilisation de contraceptifs;
les difficultés logistiques, en particulier pour les personnes habitant dans
des zones reculées qui doivent se rendre en ville pour se procurer
un moyen de contraception, ont aussi un impact. Le manque d’informations
et de données est par ailleurs évoqué à plusieurs reprises. Les
réfugiés se heurtent à des barrières linguistiques, qui contribuent
également à entraver davantage encore l’accès à la contraception.
51. Les échanges que j’ai eus avec des responsables politiques
finlandais, à savoir les collègues parlementaires Taria Filatov,
Hanna Sarkinen, Mirka Soinikoski et Minna Reijonen, ainsi qu’avec
Maria Makynen, membre du Conseil municipal de Lathi, m’ont confortée
dans l’idée que le milieu politique finlandais soutient largement
la contraception. L’opposition vient de certaines communautés religieuses,
davantage représentées au sein de la «Bible Belt» (Ceinture de la
Bible) située au centre du pays, et de ceux qui estiment que le
pays «a besoin de plus de bébés finlandais». Quoique cette attitude
soit caractéristique des conservateurs, le parti de droite «Les
Vrais Finlandais» n’a adopté aucune position officielle sur les
politiques de contraception au niveau national. Le débat sur cette
question, comme sur les soins de santé en général, semble pragmatique,
et porte principalement sur la mise au point de mesures efficaces
par rapport à leur coût et sur la promotion du bien-être des résidents
finlandais. Certains de mes interlocuteurs ont souligné que le soutien
apporté à des positions radicales contre la contraception, inspirées
par la religion, peut provenir de l’étranger.
52. Les organisations qui ont répondu ont fait état d’un large
éventail de mesures pour surmonter ces obstacles: des stratégies
visant à mettre tous les types de contraception à disposition des
groupes vulnérables tels que les Roms, les personnes LGBTI et les
professionnels du sexe; la formation spécifique des professionnels
de santé pour réduire la réprobation sociale et combattre les préjugés
et les idées fausses; une collecte effective de données ventilées
pour orienter les politiques et la législation, des stratégies de communication
et des programmes de marketing social; l’accès assuré à une éducation
sexuelle complète en travaillant notamment avec les parents et le
corps enseignant pour créer un environnement d’apprentissage favorable;
des programmes de responsabilisation sexuelle à destination de groupes
vulnérables; et l’accès à un large éventail de contraceptifs sans
obstacles financiers.
5.5. Un
exemple de bonne pratique en Finlande: la «Neuvola».
53. J’ai eu l’occasion de visiter
un centre de santé à Vuosaari, l’un des quartiers d’Helsinki présentant
une grande diversité ethnique. J’ai été impressionnée à la fois
par l’enthousiasme et l’engagement des membres du personnel que
j’ai rencontrés (deux médecins et une infirmière) ainsi que par
la vaste gamme de services fournis. Ce centre héberge une «Neuvola»,
une structure finlandaise que l’on pourrait qualifier de «guichet unique»
assurant tous les soins maternels et infantiles nécessaires aux
enfants et à leurs familles. De tels services sont disponibles dans
toutes les communes et gratuits. Vuosaari propose également un centre
de planning familial ouvert tous les jours de 7h à 19h, et donc
accessible à tous. Comme l’ont précisé les membres du personnel,
la disponibilité de tous types de services de soins sous un même
toit facilite l’accès aux usagers mais aussi la coopération des
professionnels, depuis les psychologues et travailleurs sociaux
aux nutritionnistes en passant par les gynécologues. Le centre accorde
une attention particulière aux besoins des personnes issues de l’immigration.
Le matériel d’information, par exemple, est disponible en anglais
en plus du finnois et du suédois. Sur un plan général, la «Neuvola»
est un exemple réussi d’approche holistique de la puériculture et
de la parentalité, qui devrait inspirer les législateurs et les
responsables politiques ailleurs en Europe et au-delà.
6. Le
rôle des organisations de la société civile
54. Les organisations de la société
civile jouent un rôle déterminant dans la sensibilisation et la
promotion de l’accès à la contraception. La plupart des organisations
qui ont participé à l’enquête ont fait état d’une bonne coopération
avec les autorités publiques, d’autres ONG ou des donateurs internationaux.
Leur travail consiste essentiellement en des activités d’éducation,
d’information et de sensibilisation. Dans certains cas, elles supervisent
la fourniture effective des contraceptifs, en particulier à des
groupes vulnérables spécifiques. Bien que les organisations de défense
des droits des femmes œuvrent souvent dans le domaine de la santé
et des droits sexuels et reproductifs et peuvent donner des conseils
sur la contraception, elles ne sont en général pas en mesure de
prescrire des moyens contraceptifs. En Albanie, l’ONG ACPD a mis
en œuvre un programme d’éducation sexuelle et fait mieux connaitre
la contraception aux jeunes appartenant à des groupes vulnérables.
Les jeunes participant au programme ont été sensibilisés à la possibilité
de recourir à la contraception et à ses avantages ainsi qu’aux obstacles
qui en entravent l’accès en raison de la stigmatisation sociale
qui y est associée. En Autriche, ÖGF fournit des contraceptifs (stérilet
au cuivre) à faible coût ou gratuitement aux groupes vulnérables,
notamment aux réfugiées. Le service (et non les dispositifs) est
pris en charge financièrement par l’État. SRH Serbie (l’association
serbe pour la santé et les droits sexuels et reproductifs) distribue
des préservatifs masculins et, dans le cadre de certains de ses
projets, des DIU ainsi que des brochures d’information. Par ailleurs,
elle dispense gratuitement des conseils dans son centre d’accueil,
afin d’accroître la demande et de pallier le manque d’information
sur les moyens contraceptifs. En Géorgie, HERA propose gracieusement
des conseils adaptés aux jeunes en matière de santé sexuelle et reproductive.
Selon l’organisation, le service de conseil en ligne est très apprécié
des jeunes. Aux Pays-Bas, Rutgers gère, en collaboration avec des
acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, Sense.info, un site
web exemplaire qui fournit aux jeunes des informations complètes
sur tous les aspects de la sexualité. Ce projet met également gratuitement
à la disposition des jeunes un forum de discussion en ligne et des
services de conseil par téléphone.
55. Les éléments communiqués par les organisations interrogées
mettent en exergue la nécessité de recueillir systématiquement des
données et des informations sur l’accès à la contraception et son
utilisation. Les autorités ont besoin de données exhaustives, ventilées
par sexe, âge, revenu, condition sociale et niveau d’éducation,
pour concevoir et mettre en œuvre des politiques efficaces.
56. Il a aussi été confirmé que les barrières sociales et culturelles,
les idées fausses et les mythes entravent l’accès à une contraception
efficace. Elles peuvent provenir de l’absence d’éducation sexuelle
à l’école, d’un manque ou d’une insuffisance de formation des professionnels
de santé, de normes sociales patriarcales traditionnelles et de
stéréotypes de genre, ainsi que d’une stigmatisation sociale affectant,
entre autres, les jeunes et les personnes non mariées en quête d’une
contraception fiable.
57. Les organisations de la société civile sont actives sur le
terrain et ont une connaissance directe des besoins du public et
des difficultés auxquelles il est confronté. Elles sont les mieux
placées pour soutenir les pouvoirs publics dans la mise en œuvre
des politiques pertinentes et ont, le plus souvent, des informations
et des recommandations précieuses à partager, dont les autorités
devraient faire bon usage.
7. Conclusions
58. Le présent rapport a été préparé
à partir d’informations provenant de diverses sources. Il s’appuie
sur le travail réalisé par les organisations de la société civile
aux niveaux local et national, sur les recherches et activités de
sensibilisation menées par les réseaux internationaux, sur l’expérience
et les réalisations de certains États membres du Conseil de l’Europe,
notamment la Finlande, que j’ai eu l’occasion d’observer de plus
près. J’ai également largement pris en compte les travaux universitaires
afin de mieux appréhender la situation actuelle. Je souhaiterais
mettre brièvement en lumière les principaux éléments qui ressortent
de cet examen et qui, d’après moi, ont été systématiquement confirmés
par les diverses sources mentionnées.
59. Premièrement, les informations détaillées sur la contraception
font défaut ou sont insuffisantes dans toute l’Europe. Il est nécessaire
de recueillir systématiquement des données et des informations sur
l’accès à la contraception et son utilisation, ventilées par sexe,
âge, revenu, condition sociale et niveau d’éducation. Les pouvoirs
publics ont besoin de données complètes, fiables et comparables
pour pouvoir concevoir et mettre en œuvre des politiques appropriées.
60. Deuxièmement, les barrières sociales et culturelles, les idées
fausses et les mythes entravent sérieusement l’accès à la contraception
moderne. Ils peuvent provenir d’un défaut d’éducation sexuelle dans les
écoles et au sein du grand public, d’une méconnaissance de la contraception
et de sa disponibilité, d’un manque ou d’une insuffisance de formation
des professionnels de santé, d’un comportement partial et moralisateur
de ces derniers et d’un manque de confidentialité, de normes sociales
patriarcales traditionnelles et de stéréotypes de genre, ainsi que
d’une stigmatisation sociale affectant, entre autres, les femmes,
les jeunes et les personnes non mariées en quête de contraception
fiable. Il est urgent de régler ces différentes questions.
61. Troisièmement, les organisations de la société civile jouent
un rôle important dans le domaine de la santé et des droits sexuels
et reproductifs. Les pouvoirs publics devraient s’efforcer de créer
un environnement propice à la société civile et allouer des fonds
suffisants pour soutenir le travail et les activités de ces organisations.
Dans le même temps, ces dernières devraient mettre à profit leurs
compétences et leur engagement et coopérer étroitement avec les
autorités à la conception et la mise en œuvre des politiques de contraception.
Le projet de résolution joint au présent rapport expose de manière
plus détaillée les principaux défis auxquels l’Europe est confrontée
dans le domaine de la contraception, les grandes lignes qui devraient inspirer
notre action et les mesures concrètes qui devraient être prises.
62. Je tiens à remercier vivement les organisations qui ont participé
à l’enquête, à savoir ACPD (Albanie), Pro Familia (Allemagne), ÖGF
International (Autriche), HERA XXI (Géorgie), l’Association de planification familiale
et de santé sexuelle (Lituanie), HERA (Macédoine du Nord), Rutgers
(Pays-Bas) et SRS (Serbie). Je remercie également le Centre pour
les droits reproductifs, le Forum parlementaire européen pour les
droits sexuels et reproductifs (EPF) et la Fédération internationale
pour la planification familiale – Réseau européen (IPPF-EN) pour
leurs précieuses contributions tout au long de la préparation du
rapport. Je suis reconnaissante au Parlement finlandais, à la fois
aux collègues parlementaires et au secrétariat de la délégation
auprès de l’Assemblée, pour leur chaleureuse hospitalité et les
efforts déployés pour que je puisse rencontrer les interlocuteurs
les plus compétents.