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Résolution 2325 (2020)

L'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée (janvier-décembre 2019)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (8e séance) (voir Doc. 15031, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), rapporteur: Sir Roger Gale). Texte adopté par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (8e séance).

1. L'Assemblée parlementaire reconnaît le travail accompli par la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) afin de remplir son mandat tel qu'il est défini dans la Résolution 1115 (1997) sur la création d'une commission de l'Assemblée pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) (telle que modifiée par les Résolutions 1431 (2005), 1515 (2006), 1698 (2009), 1710 (2010), 1936 (2013), 2018 (2014) et 2261 (2019)). Elle félicite la commission de son action dans l'accompagnement des 10 pays faisant l'objet d'une procédure complète de suivi (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Fédération de Russie, Serbie, Turquie et Ukraine) et des trois pays engagés dans un dialogue postsuivi (Bulgarie, Monténégro et Macédoine du Nord) dans leurs efforts pour satisfaire pleinement aux obligations et aux engagements qu’ils ont contractés lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe, ainsi que dans le suivi des obligations découlant de l'adhésion de tous les autres États membres au moyen de son processus d'examen périodique.
2. L’Assemblée se félicite des évolutions positives et des progrès réalisés pendant la période considérée dans un certain nombre de pays faisant l’objet d’une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi, à savoir:
2.1. en Albanie: les efforts incessants visant à réformer la magistrature et le système judiciaire, notamment par le biais du processus de contrôle continu des juges et des procureurs;
2.2. en Arménie: l’organisation d’élections législatives répondant aux normes internationales; ses engagements pour lutter contre la corruption et pour réformer le système judiciaire afin d’en renforcer l’indépendance;
2.3. en Azerbaïdjan: la libération, après l’octroi d’une grâce présidentielle, de plus de 400 détenus, dont 50 personnes considérées comme des prisonniers politiques; l’introduction de réformes judiciaires permettant une diminution des peines; la mise en place d’alternatives à la détention et la dépénalisation d’environ 15 infractions, mesures propres à répondre aux préoccupations exprimées de longue date à propos de la surpopulation dans les institutions pénitentiaires;
2.4. en Bulgarie: les réformes considérables du système judiciaire et les efforts continus déployés dans la lutte contre la corruption, notamment avec la création d’une nouvelle agence unifiée de lutte contre la corruption;
2.5. en Géorgie: l’adoption d’un nouveau règlement du Parlement géorgien visant à renforcer le contrôle parlementaire et la responsabilité politique du pouvoir exécutif; le large consensus entre toutes les parties intéressées à propos de la quatrième vague de réformes judiciaires adoptées, visant à renforcer encore l’indépendance du système judiciaire et l’efficacité de l’administration de la justice;
2.6. en République de Moldova: la passation pacifique du pouvoir et les efforts déployés pour démanteler les réseaux oligarchiques du pays et pour renforcer les institutions d’État; la volonté des autorités moldaves de poursuivre les discussions 5+2 pour parvenir à un règlement pacifique du conflit en Transnistrie;
2.7. au Monténégro: les progrès accomplis pour faire respecter les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) et des minorités; la façon inclusive dont le nouveau cadre juridique pour les médias a été adopté et le redoublement d’efforts pour enquêter sur les agressions de journalistes et traduire leurs auteurs en justice;
2.8. en Macédoine du Nord: le règlement de la crise politique par des négociations pacifiques et la ratification de l’accord historique de Prespa conclu entre la Macédoine du Nord et la Grèce, qui a résolu la question du nom du pays après un différend de vingt-sept ans;
2.9. en Fédération de Russie: son engagement affirmé de participer désormais pleinement à la procédure de suivi menée par l’Assemblée;
2.10. en Turquie: l’adoption d’une première série de réformes judiciaires et le plan d’action prévu pour les droits de l’homme, susceptible de répondre à des préoccupations exprimées de longue date par l’Assemblée;
2.11. en Ukraine: la création de la Haute Cour anticorruption et la priorité clairement donnée à la lutte contre la corruption endémique dans le pays, et les nouvelles initiatives menées dans ce sens.
3. Parallèlement, l’Assemblée s’inquiète des évolutions observées et des lacunes qui subsistent dans un certain nombre de pays soumis à une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi et qui compromettent la consolidation démocratique dans ces pays et sont contraires aux obligations et aux engagements pris lors de leur adhésion, à savoir:
3.1. en Albanie: la polarisation persistante de l’environnement politique aboutissant à une crise politique systémique qui empêche le bon fonctionnement dans le pays des institutions démocratiques, notamment celui du parlement et des institutions autonomes locales; la corruption irréductible et endémique, et les résultats limités obtenus dans la lutte contre le crime organisé;
3.2. en Arménie: les défis auxquels le système judiciaire doit faire face de toutes parts pour maintenir son indépendance et son impartialité; la persistance, au sein de la société arménienne, de l’intolérance et des clichés négatifs à propos des personnes LGBTI et des autres minorités; les obstacles placés par certains groupes dans la société à la ratification attendue de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»);
3.3. en Azerbaïdjan: la poursuite de la politique d’incarcération des prisonniers politiques et la persistance de l’usage pour des raisons politiques de la détention administrative, de l’inculpation, des restrictions à la liberté de circulation et des interdictions de voyager visant les opposants au gouvernement, les journalistes et les représentants d’organisations de la société civile; le cadre juridique contraignant et lourd imposé aux organisations non gouvernementales;
3.4. en Bosnie-Herzégovine: l’incapacité persistante à former un gouvernement et d’autres institutions démocratiques dans le pays à la suite des élections de 2018, y compris, entre autres, l’incapacité à nommer une nouvelle délégation auprès de notre Assemblée; les évolutions préoccupantes en matière de liberté de réunion et de liberté des médias; le mépris que certaines autorités, au niveau des entités, manifestent en permanence à l’égard du caractère définitif et contraignant des décisions judiciaires;
3.5. en Bulgarie: la détérioration systématique de la liberté des médias ces dernières années; la situation de la minorité rom et la persistance des propos haineux, intolérants et racistes dans le discours politique;
3.6. en Géorgie: le rejet des amendements constitutionnels nécessaires à l’introduction d’un système électoral entièrement proportionnel en 2020; l’absence d’enquête et de suites données aux allégations d’incidents et de violations de la législation électorale au cours de l’élection présidentielle de 2018; les dysfonctionnements observés dans les procédures du Conseil supérieur de la justice, notamment l’absence de critères de sélection clairs et uniformes, l’emploi excessif de la discrétion et l’incapacité à rendre des décisions étayées par des motifs suffisants lors de la nomination des juges de la Cour suprême;
3.7. au Monténégro: la polarisation chronique du climat politique, qui empêche de mener les réformes dont le pays a besoin, notamment s’agissant du cadre électoral; les allégations de corruption à haut niveau et l’incurie pour enquêter sur les cas allégués de corruption; l’absence de transparence dans la sélection et la nomination des magistrats;
3.8. en Fédération de Russie: les tendances négatives qui vont s’aggravant en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme, cette situation faisant obstacle à l’accomplissement d’engagements majeurs pris lors de son adhésion, et d’obligations majeures découlant de sa qualité de membre; l’application arbitraire de la «loi sur l’extrémisme» pour réduire au silence l’opposition et les organisations de la société civile émettant des critiques; la détérioration de la liberté religieuse dans le pays, dont témoigne l’interdiction faite aux Témoins de Jéhovah; la «frontiérisation» chronique et l’annexion progressive des régions géorgiennes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Fédération de Russie; l’annexion illégale de la Crimée et les agressions militaires perpétrées dans l’est de l’Ukraine;
3.9. en Turquie: l’aggravation de la situation des responsables politiques et des partis d’opposition; la persistance des restrictions indues apportées aux droits fondamentaux que sont la liberté d’expression et la liberté de réunion; le recours abusif aux lois antiterroristes pour réduire au silence les opposants aux politiques gouvernementales, notamment à propos de l’intervention militaire en Syrie; la détérioration continue de l’environnement médiatique;
3.10. en Ukraine: les agressions de journalistes et de militants anticorruption enquêtant sur la corruption et les abus de pouvoir au niveau local.
4. En conséquence, l’Assemblée demande instamment à tous les pays faisant l’objet d’une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi d’intensifier leurs efforts pour honorer pleinement l’ensemble des obligations et engagements qu’ils ont contractés lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Elle appelle notamment:
4.1. l’ensemble des forces politiques albanaises à résoudre la crise politique systémique dans le pays par une réforme électorale suivie d’élections et à s’abstenir de boycotter les travaux du parlement et des institutions d’État; et les autorités albanaises à intensifier la lutte contre la corruption et le crime organisé, et à s’assurer que toute modification apportée au cadre législatif concernant les médias répond pleinement aux normes européennes sur la liberté d’expression et sur la liberté des médias;
4.2. les autorités arméniennes à accélérer la réforme du système judiciaire pour en renforcer l’indépendance et l’efficacité, en s’abstenant de toute mesure qui pourrait être perçue comme une pression ou une ingérence dans les travaux de la magistrature, et à continuer à renforcer les droits des femmes ainsi que ceux des personnes LGBTI et des autres minorités;
4.3. les autorités azerbaïdjanaises à mettre fin au harcèlement et à l'intimidation des avocats représentant l'opposition et des militants de la société civile contre l’État; à libérer immédiatement tous les prisonniers politiques restants et à mettre pleinement en œuvre l’arrêt llgar Mammadov c. Azerbaïdjan de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour); à se conformer pleinement à la Convention européenne des droits de l'homme et à exécuter sans condition les arrêts de la Cour;
4.4. l’ensemble des forces politiques en Bosnie-Herzégovine à former un nouveau gouvernement, à procéder à la nomination de représentants auprès des institutions démocratiques du pays, et à adopter les modifications nécessaires de la Constitution et de la loi électorale, conformément aux arrêts Sejdić et Finci, et Pilav de la Cour européenne des droits de l’homme;
4.5. les autorités bulgares à adopter, en étroite coopération et en consultation avec toutes les parties prenantes, des critères clairs, objectifs et transparents en ce qui concerne une rémunération supplémentaire au sein du système judiciaire; à adopter une législation assurant la transparence sur la propriété des médias; à intensifier la lutte contre la corruption à haut niveau;
4.6. la majorité au pouvoir en Géorgie à veiller à l’introduction, avant les élections de 2020, d’un système électoral qui bénéficie du soutien et de la confiance de toutes les parties prenantes; à mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations formulées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son avis sur la sélection et la nomination des juges de la Cour suprême; à appliquer sans délai la quatrième vague de réformes judiciaires; et l’ensemble des forces politiques du pays à s’employer à surmonter la polarisation persistante de l’environnement politique;
4.7. les autorités monténégrines et l’ensemble des forces politiques du pays à adopter et à mettre en œuvre une réforme électorale globale, et à s’abstenir de boycotter le parlement et les institutions démocratiques; les autorités monténégrines à enquêter de façon approfondie et transparente sur tous les cas allégués de corruption à haut niveau dans le pays, et à assurer la liberté des médias et la protection des journalistes;
4.8. l’ensemble des forces politiques de la Macédoine du Nord à s’entendre pour modifier le cadre législatif des élections, notamment en ce qui concerne le financement de campagnes électorales et les plaintes et appels en la matière; les autorités de la Macédoine du Nord à mettre en œuvre les recommandations du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) qui ne l’ont pas encore été; à affermir et à pérenniser davantage le fonctionnement des institutions démocratiques en place dans le pays, et à renforcer l’indépendance et la responsabilité des juges et des procureurs;
4.9. les autorités russes à mettre en œuvre un ensemble de mesures concrètes en vue de répondre aux préoccupations sur l’affaiblissement persistant des droits de l’homme et de l’État de droit; à lever tout obstacle juridique à l’exécution inconditionnelle des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme; à coopérer pleinement et sans condition avec l’équipe commune d’enquête et le ministère public néerlandais pour traduire en justice les responsables de la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines; à prendre des mesures efficaces pour prévenir les violations des droits de l’homme des personnes LGBTI, en particulier en République tchétchène; à coopérer pleinement avec la communauté internationale dans l’enquête sur l’assassinat de M. Boris Nemtsov; à cesser la «frontiérisation» chronique et l’annexion progressive des régions géorgiennes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, et à revenir à ses frontières; à mettre pleinement en œuvre les Accords de Minsk auxquels la Fédération de Russie est partie et à cesser sa participation militaire et son soutien aux groupes armés illégaux présents dans l’est de l’Ukraine; à revenir sur son annexion illégale de la Crimée, comme l’a demandé l’Assemblée, notamment dans ses Résolutions 1990 (2014), 2034 (2015), 2063 (2015), 2132 (2016), 2198 (2018), 2259 (2019), 2292 (2019) et autres; à se conformer pleinement à la Convention européenne des droits de l'homme et à exécuter sans condition les arrêts de la Cour;
4.10. les autorités turques à respecter pleinement les droits et libertés fondamentales des responsables politiques de l’opposition, notamment en garantissant l’immunité parlementaire et en libérant les députés et anciens députés indûment emprisonnés et privés de leur immunité; à cesser de recourir aux lois antiterroristes pour réduire au silence les partis d’opposition, les journalistes, les militants et les organisations de la société civile dont le point de vue ne concorde pas avec celui du parti au pouvoir; à se conformer pleinement à la Convention européenne des droits de l'homme et à exécuter sans condition les arrêts de la Cour;
4.11. les autorités ukrainiennes à diligenter des enquêtes approfondies et transparentes sur les agressions de journalistes et de militants anticorruption pour prévenir tout soupçon d’impunité pour de tels actes; et à veiller à ce que la réforme du cadre juridique régissant les travaux de la Cour suprême et des organes judiciaires autonomes soit appliquée en pleine conformité avec les normes européennes.
5. L’Assemblée réaffirme l’importance de la procédure de suivi parlementaire et des travaux de la commission de suivi dans les processus de démocratisation et de renforcement des institutions dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Elle salue les efforts déployés pour assurer l’examen du respect des obligations contractées par tous les États membres lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe, qui exclut toute possibilité de deux poids deux mesures; et elle décide de renforcer la procédure d’examen périodique pour confirmer son rôle de mécanisme complémentaire à la procédure de suivi et au dialogue postsuivi qui existent. À cette fin, l’Assemblée décide de modifier le mandat de la commission de suivi, annexé à la Résolution 1115 (1997) (modifiée), comme suit:
5.1. à la fin du paragraphe 8, ajouter le texte suivant: «La commission de suivi est saisie pour préparer des examens périodiques réguliers de tous les États membres du Conseil de l’Europe dès lors que ceux-ci ne font pas l’objet d’une procédure complète de suivi ni d’un dialogue postsuivi. La commission de suivi déterminera l’ordre et la fréquence de ces rapports selon ses méthodes de travail internes, en opérant des choix motivés par des raisons de fond, dans l’objectif de consacrer, au fil du temps, des rapports d’examen périodique à tous les États membres.»;
5.2. remplacer le paragraphe 14 par ce qui suit: «Lors de l’élaboration des rapports sur le respect des obligations et des engagements, des rapports d’examen périodique sur le respect des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe et des rapports de dialogue postsuivi, les autorités du pays concerné disposeront d’une durée de six semaines pour formuler leurs observations sur l’avant-projet de rapport que la commission leur aura transmis. Ces observations seront discutées lors de l’examen du projet de rapport par la commission. Les projets de rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques n’appellent pas d’observation des autorités. Les projets de rapport seront considérés comme confidentiels tant que les autorités n’auront pu faire part de leurs observations dans le délai évoqué ci-dessus, et que la commission de suivi n’aura pas examiné le rapport. Tous les autres documents et notes de travail de la commission seront considérés comme confidentiels, sauf décision de la commission de les déclassifier.»
6. De plus, en vue également de renforcer l’efficacité et la cohérence interne des travaux de la commission de suivi, l’Assemblée décide de modifier la Résolution 1115 (1997) (telle que modifiée par les Résolutions 1431 (2005), 1515 (2006), 1698 (2009), 1710 (2010), 1936 (2013), 2018 (2014) et 2261 (2019)) comme suit:
6.1. insérer avant le paragraphe 9 un nouveau paragraphe rédigé comme suit: «Conformément à l’article 50.1 et à moins qu’il en soit disposé autrement, la commission de suivi procédera à la nomination de deux rapporteurs issus de pays et de groupes politiques différents pour préparer des rapports sur le respect des obligations et engagements d’un pays spécifique, des rapports sur le fonctionnement des institutions démocratiques, des rapports sur le dialogue postsuivi et des rapports d’examen périodique.»
7. L’Assemblée invite la commission à poursuivre les réflexions qu’elle a engagées sur les moyens de renforcer ses travaux, notamment en ce qui concerne la composition de la commission.