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Résolution 2327 (2020)
Tourisme pour la transplantation d'organes
1. Le tourisme pour la transplantation
d’organes est l’une des activités illégales la plus lucrative à
l’échelle mondiale et, de ce fait, extrêmement difficile à éradiquer.
La raison est que la transplantation d’organe est le meilleur traitement,
et souvent le seul, qui permette de sauver la vie de patients atteints
d’une défaillance organique en phase terminale. Alors que le nombre
de transplantations réalisées dans le monde ne cesse d’augmenter,
les besoins en greffons sont également à la hausse. La demande est
nettement supérieure à l’offre.
2. Le décalage entre l’offre et la demande d’organes amène certains
patients à tenter d’acheter un organe obtenu de façon illicite,
souvent en se rendant dans les pays où l’interdiction de commercialisation
d’organe est peu appliquée ou dont la législation en matière de
transplantation présente des lacunes. Cette pratique a été systématiquement
et unanimement condamnée par le Conseil de l’Europe, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) et des organisations professionnelles
comme l’Association médicale mondiale et la Société de transplantation.
3. La Déclaration d’Istanbul sur le trafic d’organes et le tourisme
de transplantation définit le «tourisme de transplantation» comme
un voyage pour transplantation s'il implique "du trafic d’organes
et/ou du commerce de transplantation, ou si les ressources utilisées
pour la transplantation de patients venant de l’extérieur d’un pays
(qu’il s’agisse d’organes, de professionnels ou de centres de transplantation)
réduisent les capacités de ce pays à répondre aux besoins de transplantation
de sa propre population". À cet égard, il importe de clairement
définir les conditions de transplantation pour les résidents et
les non-résidents dans la législation nationale de chaque pays.
4. Au niveau mondial et européen, des conventions très largement
ratifiées et assorties de mécanismes de suivi efficaces sont en
vigueur, qui luttent contre la traite des êtres humains, y compris
à des fins de prélèvement d’organes. Le Conseil de l’Europe a également
élaboré la Convention contre le trafic d’organes humains (STCE no 216),
qui constitue le seul cadre international de droit pénal pour la
lutte contre le trafic d’organes. Elle est entrée en vigueur le
1er mars 2018 mais, pour le moment, a
été ratifiée par neuf États membres seulement, et son Comité des
Parties doit encore être mis en place. Les conventions précitées
ne visent pas expressément l’utilisation des ressources en matière
de transplantation qui diminue la capacité du pays à fournir des
greffons à sa propre population. La Convention du Conseil de l’Europe
pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être
humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine:
Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (STE no 164)
et son Protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes
et de tissus d'origine humaine (STE no 186)
posent pour principe que le corps humain et ses parties ne doivent
pas être, en tant que tels, source de profit.
5. Malheureusement, malgré ce solide cadre juridique, le tourisme
pour la transplantation d’organes subsiste, y compris en Europe
et en Chine, bien qu’on en connaisse mal l’étendue. Le tourisme
pour la transplantation d’organes peut impliquer l’utilisation d’organes
provenant de personnes décédées (qui peuvent ne pas avoir donné
leur consentement, comme dans le cas de prisonniers exécutés en
Chine, ou dont les organes, correctement donnés au départ, ont été
détournés par la suite pour un usage illicite par des médecins vers
des patients qui ne sont pas aptes à les recevoir dans le cadre
de programmes nationaux, ou vers des établissements au service des
«touristes pour transplantation») ou, dans la forme la plus répandue
et la plus ignoble, provenant de personnes vivantes. Les vendeurs
d’organes sont souvent issus des couches les plus pauvres de la
société (y compris les migrants et les réfugiés). Généralement,
ils coopèrent uniquement en raison de leur situation financière
désespérée et parce qu’ils sont trompés sur la nature de l’intervention chirurgicale
et sur les conséquences du renoncement à un organe. Les rapports
médicaux établis sur l’état de santé des touristes transplantés,
à leur retour, soulignent que ce tourisme est aussi, bien souvent,
préjudiciable aux intérêts des receveurs, de leur famille et de
la collectivité. Si l’on ajoute les sacrifices financiers qu’ils doivent
consentir pour obtenir un organe, les touristes-patients à des fins
de transplantation courent, par conséquent, un risque réel d’être
eux-mêmes exploités et de souffrir de conséquences graves pour leur
santé. Les seuls profits réalisés sont ceux des professionnels de
santé corrompus, des intermédiaires et autres délinquants. Mais
ces profits sont énormes et le risque de sanction est bien souvent
faible.
6. Adopter une approche globale s’impose pour résoudre le problème
du tourisme pour la transplantation d’organes. À la base, il convient
de combler l’écart entre l’offre et la demande d’organes, face à
des personnes désespérées en attente d’organes, dont le nombre ne
fera que croître à l’avenir.
7. L’Assemblée parlementaire recommande, par conséquent, aux
États membres du Conseil de l’Europe:
7.1. de signer, de ratifier et de mettre en œuvre l’ensemble
des conventions internationales et des conventions du Conseil de
l’Europe pertinentes: le Protocole additionnel à la Convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant
à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants; la Convention pour la protection des
droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des
applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les
droits de l'homme et la biomédecine et son Protocole additionnel
relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine;
la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) et la
Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic des organes humains;
7.2. d’élaborer et d’améliorer les programmes de transplantation
existants conformément aux exemples de bonnes pratiques, grâce à
un enseignement et à une formation professionnels, et à une collaboration
entre les pays, en vue d’assurer l’autosuffisance nationale en termes
de don et de greffe d’organes: cela peut passer par la mise en place
et le financement d’organisations nationales de transplantation,
la formation de professionnels en soins intensifs en ce qui concerne
les dons post mortem de manière à détecter le plus grand nombre
possible de donneurs potentiels d’organes, la nomination de coordinateurs
de transplantation dans chaque hôpital doté d’une unité de soins
intensifs, ainsi que par l’élaboration et l’optimisation de programmes
de dons conformes à l’éthique provenant de donneurs vivants;
7.3. d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de prévention
centrées sur la population, afin de prévenir (et de traiter) en
premier lieu les défaillances organiques en promouvant, par exemple,
un mode de vie sain et en assurant des soins de santé universels;
7.4. d’améliorer le contrôle des transplantations grâce à des
efforts intergouvernementaux en Europe et dans le monde, en mettant
en place des mécanismes globaux de traçabilité des donneurs et des receveurs,
notamment à l’échelle transnationale; en consignant les informations
relatives aux activités de transplantation transnationales, ainsi
qu'en rejoignant le Réseau international de points de contact nationaux
pour les voyages aux fins d’une transplantation et en fournissant
des informations à la base de données internationale sur le voyage
en vue d’une transplantation; en veillant au respect des systèmes
d’orientation internationaux avant tout voyage effectué à des fins
de transplantation, ainsi qu’en informant les professionnels de
santé, de justice et autres du rôle qu’ils ont à jouer en matière
de détection, de prévention du tourisme pour transplantation et
de lutte contre ce phénomène, et en les formant.
7.5. de lutter efficacement contre la traite des êtres humains
à des fins de prélèvement d’organes et de trafic d’organes, notamment
par une coopération transnationale et internationale, tout en veillant
à ce que les victimes bénéficient d’une protection, d’une indemnisation
et d’une assistance adéquates (comme le prévoient notamment les
conventions sur la lutte contre la traite des êtres humains et contre le
trafic d’organes humains), y compris en comblant les lacunes juridiques
et en introduisant des sanctions légales dissuasives, en développant
la collaboration entre les organes de contrôle, les organisations
professionnelles et les services répressifs, et en renforçant les
partenariats entre les acteurs mondiaux (par exemple l’Office des
Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Haut-Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’OMS et Interpol), les
acteurs régionaux (par exemple le Conseil de l’Europe, l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Europol et
Eurojust), les acteurs professionnels (l’Association médicale mondiale,
la société de transplantation, la Société internationale de néphrologie),
les organisations non gouvernementales et autres (par exemple le
Groupe des dépositaires de la Déclaration d’Istanbul).
8. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée estime qu’il y
a un besoin urgent de renforcer le rôle des parlements nationaux
dans la lutte contre le tourisme pour la transplantation d’organes.
Elle les invite à promouvoir la sensibilisation du public, à adopter
des lois pertinentes et à ratifier les instruments juridiques internationaux,
et à suivre leur mise en œuvre effective.
9. Compte tenu de la dimension mondiale du phénomène du tourisme
pour la transplantation d’organes, l’Assemblée invite tous les États
désireux de s’associer à cette lutte, mais plus particulièrement
les États observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont
les parlements jouissent du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée, à faire de même et, en
particulier, à adhérer aux conventions pertinentes du Conseil de
l’Europe qui leur sont ouvertes.
10. Enfin, l’Assemblée recommande que les États parties fassent
preuve d’une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec
le «China Organ Transplant Response System» (Système de réponse
des greffes d'organes en Chine) et la Croix-Rouge chinoise, à la
lumière d’une étude récente qui jette le doute sur la crédibilité
de la réforme du système chinois de transplantation d’organes.