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Résolution 2330 (2020)
Lutte contre la violence sexuelle à l'égard des enfants: renforcer l'action et la coopération en Europe
1. L’Assemblée parlementaire est très
inquiète de la propagation de la violence sexuelle à l’égard des enfants
et du fait que des enfants de plus en plus jeunes en sont victimes.
Des millions de jeunes filles et de jeunes garçons sont affectés
dans le monde. Bien qu’on estime qu’en Europe au moins un enfant
sur cinq souffrirait de violences sexuelles, le plus souvent cette
violence reste non signalée par honte, déséquilibre des rapports
de force entre victimes et auteurs, crainte d’avoir à divulguer
des informations intimes et peur que la déclaration n’empire la
situation de la victime au lieu de l’améliorer.
2. À l’heure où l’Europe lutte contre la pandémie de covid-19
et où de nombreux pays ont instauré un confinement, le risque de
violences sexuelles à l’égard d’enfants est encore plus grand. Beaucoup
d’enfants se retrouvent confinés avec des personnes dont ils sont
déjà victimes d’abus ou qui risquent d’abuser d’eux, et hors de
la vue de celles et ceux qui, en temps normal, pourraient détecter,
prévenir ou signaler les abus potentiels. Les enfants qui vivent
dans la pauvreté sont plus fortement exposés à l’exploitation sexuelle.
Les risques liés à internet ont aussi augmenté car les enfants passent
plus de temps à jouer en ligne et à utiliser les réseaux sociaux
et les plateformes éducatives. Les systèmes de protection de l’enfance
ne sont pas suffisamment équipés pour remplir leur mission en temps
de crise sanitaire mondiale.
3. La violence sexuelle à l’égard d’un enfant a de graves répercussions
sur son bien-être, y compris plus tard dans sa vie. C’est une atteinte
à la dignité humaine et une grave violation des droits humains,
notamment les droits de l’enfant.
4. L’Assemblée observe que la violence sexuelle à l’égard des
enfants existe dans une variété de contextes: que ce soit dans le
foyer familial, à l’école, dans les clubs sportifs, dans les orphelinats,
les camps de réfugiés ou sur internet. Cette violence peut prendre
diverses formes, d’attouchements inappropriés jusqu’au viol collectif,
ainsi que des abus sexuels commis par des adultes en position d’autorité.
C’est donc un phénomène vaste, qui appelle des approches et des
politiques à la fois exhaustives et ciblées, de leur conception
à leur mise en œuvre sur plusieurs niveaux.
5. L’Assemblée constate qu’il existe un ample corpus de recherches,
d’expériences et de bonnes pratiques nationales, européennes et
internationales en ce qui concerne la violence sexuelle à l’égard
d’enfants. Elle appelle les États membres du Conseil de l’Europe
à faire de la lutte contre cette forme de violence une priorité politique,
à puiser largement dans les ressources disponibles et à intensifier
leur action et leur coopération.
6. À cette fin, l’Assemblée exhorte les États membres:
6.1. en matière de politique:
6.1.1. à développer et à améliorer leur législation existante
de protection des enfants contre la violence sexuelle, en se concentrant
sur l’intérêt supérieur de l’enfant et en se conformant à la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, au Protocole
facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant
la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie
mettant en scène des enfants, à la Convention du Conseil de l’Europe sur
la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels
(Convention de Lanzarote, STCE n° 201), aux recommandations du Comité
de Lanzarote et aux Lignes directrices du Comité des Ministres de
2018 relatives au respect, à la protection et à la réalisation des
droits de l’enfant dans l’environnement numérique;
6.1.2. à fixer des normes minimales et des mesures préventives
à adopter pour les établissements et organisations à vocation éducative,
culturelle, sportive, religieuse et autres, où sont organisées des
activités pour enfants, et à engager la responsabilité juridique
de ces établissements ou organisations en cas de non-respect de
ces exigences, en prévoyant notamment l’obligation de signaler la
violence sexuelle, l’accès à une assistance juridique gratuite pour
les enfants de tous âges, la protection des donneurs d’alerte, des
procédures appropriées de recrutement des personnes en contact avec
les enfants, ainsi qu’un degré suffisant de transparence et de responsabilité;
6.1.3. à veiller à ce que l’âge du consentement sexuel ne soit
pas inférieur à 18 ans, sauf en cas de rapports consensuels entre
des mineurs ou lorsque la différence d’âge est faible (deux ans
au maximum), sans toutefois qu’il puisse être alors inférieur à
15 ans;
6.1.4. à supprimer le délai de prescription de la violence à
caractère sexuel à l’égard des enfants, ou du moins à veiller à
ce que le délai de prescription soit proportionné en droit pénal
et civil à la gravité de l’infraction alléguée et, en tout état
de cause, au moins égal à trente ans à compter de la date à laquelle
la victime a atteint l’âge de 18 ans;
6.1.5. à envisager toutes les façons possibles de garantir une
indemnisation financière suffisante aux personnes victimes de violence
sexuelle dans leur enfance, proportionnée au préjudice subi, notamment
en créant des fonds nationaux à l’intention des victimes non indemnisées
par l’auteur des violences, ou l’institution ou l’entité juridique
responsable;
6.1.6. à faire en sorte que les cadres et les textes législatifs
internationaux et nationaux soient effectivement mis en pratique
au niveau local, et que leur mise en œuvre soit systématiquement contrôlée;
ainsi qu’à recourir pleinement au contrôle parlementaire dans les
procédures afférentes de suivi;
6.1.7. à soutenir la création d’une fonction de «médiateur des
enfants» et à renforcer son rôle dans la protection des enfants
contre la violence sexuelle;
6.1.8. à aligner leurs politiques et leurs pratiques sur les
résultats de la recherche relative aux abus sexuels à l’égard des
enfants;
6.1.9. à élaborer des lignes directrices de politique en situation
d’urgence nationale, sur la protection des enfants contre les abus
sexuels et l’exploitation sexuelle;
6.2. en matière de protection et de soutien:
6.2.1. à
veiller à la disponibilité et à l’accessibilité d’une assistance
suffisante, adaptée et gratuite, pour les enfants victimes de violence
sexuelle, dont un soutien spécialisé pour les enfants et les adultes
victimes de telles violences dans leur enfance;
6.2.2. à promouvoir la coopération et la coordination interdisciplinaires,
notamment par la mise en place de structures et de services adaptés
aux enfants pour le signalement des abus et la protection des enfants,
sur le modèle de la Barnahús islandaise,
dans le but d’atténuer le traumatisme et d’éviter aux enfants une
revictimisation;
6.2.3. à promouvoir la formation des professionnels et des bénévoles
en contact avec des enfants, notamment les entraîneurs, les professionnels
de la santé ou de l’éducation et les personnes de confiance; ces
formations devraient couvrir les compétences nécessaires en matière
d’identification des signes d’abus et de mesures à prendre;
6.2.4. à faire en sorte que les mesures à prendre en cas de violence
sexuelle à l’égard des enfants figurent dans le mandat de tous les
établissements organisant des activités auxquelles participent des
enfants; cela devrait valoir pour les organisations de haut niveau,
comme les comités nationaux olympiques et les fédérations sportives
nationales et internationales, et aussi pour les organisations locales
comme les clubs, les écoles ou les associations; ces mandats devraient
être transposés en codes de conduite, règles et règlements, et ces
mesures devraient conditionner, à chaque niveau, l’obtention de
financements publics;
6.2.5. à veiller à la mise à disposition de ressources financières
et d’autres ressources suffisantes afin d’assurer la pérennité de
cette action, y compris en situation de pandémie ou autre situation
d’urgence;
6.3. en cas de poursuites, à veiller à ce que les exigences
de la Convention de Lanzarote et des Lignes directrices du Conseil
de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants soient pleinement respectées,
et:
6.3.1. si la violence sexuelle a été commise par des
enfants, à ce que des mesures de substitution et des procédures
de justice réparatrice soient appliquées; les poursuites pénales devraient
être une mesure de dernier recours;
6.3.2. lorsque des enfants sont victimes ou témoins, à ce qu’ils
soient convenablement assistés pendant toute l’enquête et le procès;
6.3.3. à ce que priorité soit toujours donnée à l’intérêt supérieur
de l’enfant, tel qu’énoncé dans la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant;
6.4. en matière de prévention:
6.4.1. à sensibiliser
le public à la violence sexuelle à l’égard des enfants par des campagnes, des
documents et des programmes, y compris par le biais des médias et
des réseaux sociaux; à tirer pleinement parti de la Journée européenne
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels – le 18 novembre – pour sensibiliser à la violence sexuelle
à l’égard des enfants;
6.4.2. à soutenir un dispositif général et approprié d’enseignement
scolaire sur la sexualité et les relations dès le plus jeune âge,
et dans le cadre des programmes d’apprentissage tout au long de
la vie, en couvrant l’instauration de relations respectueuses et
en prévoyant des conseils pratiques sur les façons de se protéger
individuellement contre la violence sexuelle et de la signaler;
6.4.3. à fournir au grand public des conseils sur ce qu’il convient
de faire en cas de soupçons d’abus sexuels à l’égard d’enfants;
6.4.4. à promouvoir une culture de l’ouverture dans toutes les
institutions, de sorte que les victimes de violence reçoivent l’appui
dont elles ont besoin;
6.4.5. à développer et renforcer la responsabilité sociale et
la responsabilisation des entreprises et des médias, y compris les
réseaux sociaux, en matière de prévention de l’hypersexualisation
des enfants et de la «pornification» de la culture des jeunes, et
de lutte contre les abus sexuels à l’égard d’enfants;
6.4.6. à former des alliances avec des syndicats et des organisations
de la société civile, et à recueillir leur avis en vue de la préparation
de stratégies, de textes législatifs, de lignes directrices et de
bonnes pratiques;
6.5. en matière de participation et de coopération:
6.5.1. à associer des personnes ayant été victimes de violences
sexuelles dans leur enfance à la promotion des droits de l’enfant
et à la préparation de textes législatifs, de bonnes pratiques et
de dispositifs de surveillance, tout en veillant dûment à préserver
leur intégrité et leur bien-être;
6.5.2. à soutenir les coopérations nationale, régionale, européenne
et internationale en matière de protection des enfants contre la
violence sexuelle.
7. L’Assemblée exhorte tous les États, parlements et collectivités
territoriales, ainsi que l’Union européenne et les Nations Unies,
à tirer le meilleur parti de l’expertise et de l’expérience du Conseil
de l’Europe dans la lutte contre la violence sexuelle à l’égard
des enfants, en vue de travailler de concert à l’élimination de ce
type de violence à l’horizon 2030, comme le demande la cible 16.2
des Objectifs de développement durable des Nations Unies «Mettre
un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et
à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes
les enfants».