1. Introduction
1. Le 22 septembre 2020, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable a
déposé une proposition de résolution intitulée «Vers un vaccin contre
la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques».
La covid-19, qui est une maladie infectieuse causée par le nouveau
coronavirus SRAS-CoV-2, a déjà été source de beaucoup de souffrances.
Plus de 65 millions de cas ont été enregistrés dans le monde et
plus de 1,5 million de personnes ont perdu la vie. Un vaccin sûr
et efficace est indispensable pour éviter de nouvelles victimes
et endiguer la propagation du virus. Les États membres doivent par conséquent
faciliter la mise au point de vaccins efficaces, exhorter la population
à se faire vacciner et assurer une distribution efficace et équitable
des vaccins une fois qu’ils auront été développés, en assurant un
accès prioritaire aux personnes vulnérables et au personnel soignant
au contact de personnes infectées et vulnérables.
2. La proposition de résolution demande ainsi à l’Assemblée parlementaire
d’examiner d’urgence des solutions éthiques, basées sur le plein
respect des droits humains, afin de formuler des recommandations pratiques
destinées aux États membres pour le déploiement et la distribution
d’un vaccin contre la covid-19. La proposition a été renvoyée à
notre commission pour rapport et j’ai été désignée rapporteure le 21 octobre 2020.
Le 1er décembre 2020, la commission a
tenu une audition publique
avec la participation de:
- Mme Melanie
Saville, Directrice développement des vaccins, Coalition pour les
innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI)
- M. Marco Cavaleri, Chef du bureau Anti-infectieux et vaccins,
Division de l’évaluation des médicaments à usage humain de l’Agence
européenne des médicaments (EMA)
- Mme Sarah Gilbert, Professeure
de vaccinologie, Université d’Oxford
- Mme Alena Buyx, Présidente
du Conseil allemand d’éthique
- Mme Emma Wheatley, Directrice
juridique adjointe et responsable du développement commercial, Coalition
pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI)
- Mme Heidi Larson, Professeure
d’anthropologie, du risque et de la science de la décision, London School
of Hygiene & Tropical Medicine, Royaume-Uni
- M. Tim Nguyen, Chef d’unité - Evènements de fort impact,
Département pour la prévention des risques infectieux mondiaux,
Réseau d’information de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
sur les épidémies (EPI-WIN).
3. Partout dans le monde, la pandémie de covid-19 a bouleversé
nos vies. Même si des interventions non pharmaceutiques comme la
distanciation sociale, le port du masque, le lavage fréquent des
mains et les confinements ont contribué à ralentir la propagation
du virus, les taux d’infection sont en hausse alors que de nombreux
États membres du Conseil de l’Europe sont confrontés à une seconde
vague, pire que la première. Cette fois-ci, les personnes éprouvent
de façon plus prononcée une certaine lassitude face à la pandémie (appelée
en anglais «
pandemic fatigue»)
et se sentent démotivées à l’idée de suivre les comportements recommandés
pour se protéger et protéger autrui du virus
. Les fêtes de fin d’année, avec leurs
réunions traditionnelles en intérieur, posent un problème particulier
dans ce contexte. Les vaccins sont notre meilleur espoir d’un retour
à une vie normale, mais ils n’arriveront pas assez tôt pour faire
baisser les taux de contamination de façon significative cet hiver
.
4. La recherche et la mise au point de vaccins contre la covid-19
progressent à grande vitesse, et leur déploiement rapide sera déterminant
pour contenir la pandémie, protéger les systèmes de santé, sauver
des vies et contribuer à la relance des économies mondiales
. En effet, la pandémie de covid-19
a ravagé l’économie mondiale, dévoilant au grand jour des fractures
et des inégalités préexistantes: elle a causé chômage, déclin économique
et pauvreté
. Ce sujet fera l’objet d’un rapport
distinct préparé par notre collègue M. Andrej Hunko (Allemagne,
GUE) et intitulé «Surmonter la crise socio-économique déclenchée
par la pandémie de covid-19»
.
5. Comme énoncé à l’article 4 de la Convention sur les droits
de l’homme et la biomédecine (STE no 164, Convention
d’Oviedo), toute intervention dans le domaine de la santé, y compris
la recherche, doit être effectuée dans le respect des normes et
obligations professionnelles. Plusieurs candidats-vaccins ont déjà
fait l’objet d’essais cliniques, notamment ceux à base d’acides
nucléiques, de vecteurs viraux, de virus inactivés et sous-unités
. Au 10 décembre 2020, un vaccin a
été autorisé et utilisé au Royaume-Uni
et un autre en Fédération de Russie
, tandis qu’il y avait 52 candidats-vaccins
engagés dans des essais cliniques, dont treize entrés en phase finale
de test
.
6. La coopération internationale, dépassant les seuls États membres
du Conseil de l’Europe, est plus que jamais nécessaire pour accélérer
la mise au point, la fabrication et la distribution juste et équitable
des vaccins contre la covid-19. Le Plan d’attribution des vaccins
contre la covid-19, également connu sous le nom de COVAX, est l’initiative
phare en ce qui concerne l’attribution des vaccins à l’échelle mondiale.
Codirigé par l’OMS, l’Alliance du Vaccin (Gavi) et la Coalition
pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI),
COVAX mobilise des fonds auprès des pays adhérents afin de soutenir
la recherche, le développement et la fabrication d’un large éventail
de vaccins contre la covid-19 mais aussi en négocie les prix
. L’objectif est de disposer d’ici
fin 2021 de 2 milliards de doses, ce qui, d’après les experts, sera
suffisant pour protéger les personnes à haut risque et les personnes
vulnérables, ainsi que le personnel de santé en première ligne.
Un milliard de doses seront distribuées à moindres coûts aux pays
à revenu faible ou intermédiaire, tandis qu’un autre milliard de
doses seront livrées aux pays à revenu élevé à plein tarif.
7. Nous avons déjà vu que l’approvisionnement des vaccins contre
la covid-19 autorisés jusqu’ici est limité au cours des premières
phases de déploiement, en raison d’une capacité de production insuffisante
pour répondre à une demande sans précédent. Par conséquent, une
gestion adéquate des vaccins et une logistique de la chaîne d’approvisionnement
requérant une coopération internationale et des préparatifs de la
part des États membres seront nécessaires afin d’assurer une distribution
sûre et équitable de tous les vaccins contre le virus
. De possibles ruptures dans la chaîne
d’approvisionnement ainsi que la fourniture de vaccins falsifiés peuvent
avoir des conséquences sérieuses et retarder les efforts déployés
pour contenir le virus. Ces phénomènes seront abordés à l’occasion
d’un rapport futur
.
8. Le Secrétariat de l’OMS a élaboré des lignes directrices à
l’intention des pays concernant la préparation et la mise en œuvre,
ainsi que sur la prise de décisions au niveau national, qui peuvent
s’avérer utiles à cet égard. S’agissant des considérations stratégiques
liées aux préparatifs du déploiement des vaccins contre la covid-19,
le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe (OMS Europe) souligne
que les systèmes nationaux de suivi et de traçabilité des produits
vaccinaux et des lots associés seront essentiels pour gérer la multiplicité
des vaccins et l’approvisionnement des doses ultérieures, contribuer
à la surveillance de l’innocuité des vaccins et gérer les éventuels
rappels de produits
.
9. Pour assurer que les vaccins soient efficaces, leur déploiement
réussi et l’acceptation suffisante par la population seront tout
aussi importants pour contenir la pandémie. Cependant, la rapidité
même avec laquelle les vaccins sont mis au point risque de rendre
particulièrement difficile le renforcement de la confiance dans les
vaccins. Les «anti-vax» (opposants aux vaccins) profitent déjà de
cette situation. Je consacrerai par conséquent un chapitre de mon
rapport à la manière dont nous pouvons lever les réticences à l’égard
d’un vaccin contre la covid-19. J’examinerai comment les États membres
peuvent aller au-devant de leurs populations, en particulier les
groupes marginalisés, et convaincre le public de se faire vacciner.
À cet égard, j’expliquerai aussi pourquoi je suis convaincue que
le fait de rendre un vaccin contre la covid-19 obligatoire risque
d’être contre-productif.
10. Dans ce domaine en évolution rapide, mon rapport sera nécessairement
obsolète dès son impression. C’est pourquoi je m’emploierai essentiellement
à expliquer comment les vaccins contre la covid-19 ont été (et sont
toujours) mis au point, autorisés, déployés et contrôlés, tout en
soulignant les aspects éthiques, juridiques et pratiques qui sont
en jeu. Je ferai des recommandations concrètes à adopter par l’Assemblée
dans le but d’aider les États à concevoir et à mettre en œuvre des
stratégies de vaccination nationales qui soient efficaces et équitables,
tant au sein des États que d’un État à l’autre. Un déploiement équitable
des vaccins contre la covid-19 est également nécessaire pour garantir
l’efficacité du produit. En effet, si un vaccin n’est pas assez largement
distribué dans une région gravement touchée d’un pays, il devient
inefficace et ne permet pas d’endiguer la propagation de la pandémie.
En outre, le virus ne connaît pas de frontières et il est donc dans l’intérêt
de chaque pays de coopérer afin de garantir une équité mondiale
dans l’accès aux vaccins. Si nous voulons gagner la guerre contre
cette maladie, il nous faut lutter à la fois contre les réticences
à la vaccination et contre le «nationalisme» en matière de vaccin.
2. Le développement des vaccins contre
la covid-19
2.1. Les
coronavirus
11. Les coronavirus font partie
d’une vaste famille de virus susceptibles de provoquer diverses
maladies chez l’homme, allant du simple rhume à des maladies plus
graves comme le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et
le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS)
. La covid-19 est une maladie infectieuse causée
par le nouveau coronavirus SRAS-CoV-2, qui a été identifiée pour
la première fois en décembre 2019 à Wuhan, en Chine. Le 30 janvier
2020, l’OMS a déclaré que la flambée épidémique due au nouveau coronavirus
constituait une urgence de santé publique de portée internationale
. Profondément préoccupée par le niveau
alarmant de propagation et de gravité de la covid-19 ainsi que d’inaction
face à la maladie, l’OMS a déclaré le 11 mars 2020 que la covid-19
pouvait être qualifiée de pandémie
. Depuis l’apparition de la maladie
en décembre 2019, il y a eu plus de 65 millions de cas confirmés
de covid-19, dont plus de 1,5 million de morts
.
12. Bien qu’il existe des vaccins homologués contre les coronavirus
qui touchent les animaux, les chercheurs n’avaient jusqu’ici pas
réussi à mettre au point de vaccin efficace à usage humain contre
d’autres coronavirus. Le bilan humain relativement élevé de la covid-19,
conjugué aux dommages considérables causés aux systèmes de santé
et à l’économie mondiale, a cependant conduit à des niveaux sans
précédent d’efforts communs et ciblés et d’innovation pour tenter
de mettre au point un vaccin sûr et efficace dans un délai inférieur
au minimum habituel de 10 à 15 ans. Ainsi, les travaux de recherche
et la mise au point de vaccins contre la covid-19 ont progressé
rapidement.
2.2. Comment
fonctionnent les vaccins
13. Certains des vaccins en cours
de développement reposent sur des méthodes traditionnelles, tandis
que d’autres utilisent de nouvelles technologies. Personne n’ayant
jamais réussi à mettre au point un vaccin efficace contre les coronavirus
à usage humain, il est difficile de savoir quel type de vaccin sera
le plus efficace: ceux à base d’acides nucléiques, de vecteurs viraux,
de virus inactivés ou sous-unités. Le fait que les vaccins mis au
point actuellement reposent sur des méthodes différentes est donc
une bonne chose.
14. Quelles qu’elles soient, les méthodes utilisées pour mettre
au point les vaccins contre la covid-19 ont toutes pour objectif
de prévenir la maladie (et, idéalement, aussi sa transmission
)
en déclenchant une réponse immunitaire. La plupart des vaccins en
cours de développement sont censés déclencher cette réponse par
la mise en contact avec un minuscule fragment de SRAS-CoV-2, le
virus qui cause la maladie. Lorsqu’un vaccin contre la covid-19
est administré à une personne, il agit en déclenchant chez elle
une réponse immunitaire, de sorte que si elle est ultérieurement
infectée par le virus, son système immunitaire le reconnaîtra. Le
système immunitaire étant déjà prêt à attaquer le virus, il sera
en mesure de protéger la personne contre le virus et contre la covid-19
.
2.3. Le
processus réglementaire
15. Avant qu’un vaccin ne soit
approuvé, son développeur doit le soumettre à des essais rigoureux,
puis les autorités réglementaires doivent procéder à son évaluation
scientifique. Dans le cas des États membres de l’Union européenne
et de l’Espace économique européen, il pourra s’agir, en premier,
de l’Agence européenne des médicaments et d’autres autorités réglementaires
de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Après
quoi, les autorités nationales compétentes pourront décider de l’introduction
dans les systèmes de santé nationaux du vaccin récemment approuvé
et des politiques de vaccination afférentes
. Les organismes réglementaires chargés
d’évaluer et d’autoriser les vaccins contre la covid-19 devraient
être indépendants et à l’abri de toute pression politique. Cela
est nécessaire pour garantir un niveau de qualité professionnel,
préserver la confiance dans les institutions publiques et s’assurer
que leurs décisions seront respectées.
16. Même si un vaccin s’avère nécessaire pour endiguer le virus
mortel, sa mise au point ne doit souffrir d’aucun compromis quant
à l’innocuité, la qualité ou l’efficacité du produit. Le développement
de vaccins contre la covid-19 doit être soumis aux mêmes exigences
légales que celui d’autres médicaments. Les études relatives à la
qualité pharmaceutique consistent à analyser chacun des composants
du vaccin (sa pureté), la formule finale à utiliser (sa composition,
y compris les constituants inactifs ou «excipients») et l’ensemble
du processus de fabrication en détail
.
17. Avant qu’un vaccin puisse être testé chez les humains, les
développeurs doivent effectuer des études précliniques en laboratoire,
qui comprennent des études in vitro (sans
test sur des organismes vivants) et des études in vivo (sur des animaux). Au cours
de cette étape, les développeurs peuvent observer comment le vaccin
déclenche une réponse immunitaire et comment il agit pour prévenir
l’infection. Ces études en laboratoire sont suivies d’études cliniques
sur des êtres humains, qui sont divisées en trois phases, avec,
pour chaque phase, un grand nombre de volontaires. Il est stipulé,
à l’article 4 de la Convention d’Oviedo ainsi que dans son protocole
additionnel sur la recherche biomédicale, que toute intervention
dans le domaine de la santé, y compris la recherche, doit être effectuée
dans le respect des normes et obligations professionnelles. Il incombe
aux autorités et comités d’éthique nationaux compétents de veiller
à ce que ces essais cliniques sur des êtres humains soient rigoureux
et menés dans le respect des normes éthiques.
18. Les études pharmacologiques sur des humains (essais de phase
I) ont pour objet de déterminer, à partir d’essais en laboratoire,
si le vaccin se comporte comme attendu: les chercheurs veulent savoir
si un vaccin déclenche la réponse immunitaire voulue, s’il est suffisamment
sûr pour être intégré dans des études de plus grande ampleur et
quelles sont les doses appropriées. Les études réalisées pendant
cette phase demandent en général entre 20 et 100 volontaires sains
. L’étape suivante consiste en des
études thérapeutiques exploratoires (essais de phase II), qui incluent
plusieurs centaines de volontaires et dont l’objectif est de déterminer
les effets indésirables à court terme les plus fréquents, la dose
optimale qui doit être administrée et la façon dont le système immunitaire
des participants répond au vaccin
. Enfin, dans les études cliniques d’efficacité
et de sécurité (essais de phase III), qui incluent des milliers
de volontaires, les chercheurs s’emploient à déterminer dans quelle
mesure le vaccin protège contre l’infection dans différents groupes
de population ainsi que les effets indésirables moins fréquents
du produit. Cette étape permet également de déterminer la sécurité
du vaccin
.
19. Une fois les essais achevés, le développeur du vaccin soumet
ses résultats aux autorités de réglementation des médicaments dans
le cadre d’un processus d’autorisation de mise sur le marché. L’ensemble
du processus d’essais décrit plus haut ainsi que l’évaluation scientifique
et l’approbation par les autorités de réglementation demande en
général entre 10 et 15 ans. Compte tenu de la situation de pandémie dans
laquelle nous nous trouvons, tout est mis en œuvre pour accélérer
les processus et réduire les délais d’évaluation et d’autorisation
des vaccins contre la covid-19
. Dans le cas des États membres de
l’Union européenne et de l’Espace économique européen, la plupart
des vaccins contre la covid-19 seront évalués par l’Agence européenne
des médicaments via sa procédure centralisée, ce qui est obligatoire
pour tous les vaccins utilisant la biotechnologie.
20. L’Agence européenne des médicaments a mis sur pied un groupe
de travail sur la covid-19, qui réunit des experts de tout le réseau
européen de réglementation des médicaments, afin d’apporter une
réponse rapide et coordonnée à la pandémie. Pour accélérer le processus
de mise au point des vaccins contre la covid-19, le groupe de travail
apporte aux développeurs des conseils scientifiques préalables sur
les meilleures méthodes et façons de concevoir les études pour produire
des données solides. C’est une manière de s’assurer que les normes
de sécurité, de qualité et d’efficacité sont intégrées dès le début
du processus et ne sont pas compromises par le développement accéléré
des vaccins
. Grâce
à sa procédure de révision continue, l’Agence commence à évaluer
les données concernant les vaccins contre la covid-19 dès qu’elles sont
disponibles. En cas d’urgence de santé publique telle que celle
que nous connaissons avec la covid-19, l’Agence peut recommander
une autorisation conditionnelle de mise sur le marché dans l’intérêt
de la santé publique, une fois le processus d’évaluation achevé.
Cela n’est possible que si les bénéfices de la mise à disposition
immédiate des vaccins l’emportent sur les risques liés au fait que
les données ne sont pas aussi complètes qu’elles devraient l’être
en théorie
.
2.4. La
nécessité de mécanismes de suivi appropriés et indépendants après
l’autorisation d’un vaccin contre la covid-19
21. Les experts mettent en avant
l’importance de poursuivre les recherches même après l’autorisation
de mise sur le marché d’un vaccin contre la covid-19, car le monde
tirera profit de l’existence de plusieurs vaccins. Cela permettra
de répondre aux besoins de populations diverses (différents vaccins
peuvent présenter des caractéristiques particulièrement importantes
pour un groupe par rapport à un autre) et de contribuer à ce que l’offre
puisse satisfaire à la demande. Par ailleurs, l’interruption précoce
des essais initiaux peut limiter la capacité à détecter les effets
secondaires rares, à évaluer la durée de la protection et à comparer
l’efficacité d’un vaccin au sein de différents groupes de population
tels que les personnes âgées et les jeunes adultes
. Il existe à ce stade très peu de
données (si ce n’est aucune) d’essais de phase III sur les effets
des vaccins contre la covid-19 sur les enfants, les femmes enceintes
et les personnes porteuses du VIH.
22. Bien que les vaccins aient montré une grande efficacité et
qu’ils soient nécessaires pour contenir la pandémie et retrouver,
il faut l’espérer, une vie normale, aucun vaccin ne prévient à 100 %
la maladie ni n’est totalement sûr pour les personnes qui sont vaccinées
. Une fois l’autorisation accordée,
il est donc absolument essentiel de disposer de mécanismes de suivi
appropriés et indépendants.
23. Même si les essais cliniques des vaccins contre la covid-19
comportent des études sur plusieurs milliers de volontaires, des
ressources supplémentaires doivent être mobilisées pour surveiller
la sécurité de ces produits et gérer le risque dans le contexte
de la pandémie, en raison du nombre exceptionnel de personnes qu’il
est prévu de vacciner. Étant donné que les vaccins seront ultérieurement
administrés à des milliards de personnes, il ne sera pas suffisant
de compter seulement sur les essais cliniques déjà menés ou en cours.
De fait, des effets indésirables rares ou graves pourraient être
découverts seulement après l’autorisation de mise sur le marché
.
En pareil cas, des programmes indépendants d’indemnisation des préjudices
causés par les vaccins devront être en place pour réparer/compenser
les dommages injustifiés consécutifs à la vaccination, conformément
à l’article 24 de la Convention d’Oviedo. Pour autant, il va de
soi que l’existence de tels programmes d’indemnisation dans les
États membres ne peut en aucun cas servir de prétexte pour abaisser les
normes de sécurité des essais cliniques.
2.5. Vaccination
des enfants
24. Les vaccins qui ont été testés
sur des adultes ne sauraient être utilisés sur des enfants sans
des essais complémentaires, sauf dans de rares situations où le
bénéfice potentiel apporté à des enfants présentant de lourds handicaps
et/ou des comorbidités l’emporterait sur les risques éventuels au
point de justifier cette utilisation «hors indication». L’OMS souligne
que «les essais cliniques sur les enfants sont essentiels pour la mise
au point de traitements et d’interventions adaptés à l’âge et vérifiés
empiriquement, afin de déterminer et d’améliorer le meilleur traitement
médical disponible
.»
25. Il est généralement admis qu’il faut répondre aux questions
de sécurité, d’efficacité et de durabilité de la vaccination avant
de commencer à vacciner les enfants. De plus, les protocoles universels
applicables à la sécurité des essais cliniques sur les enfants doivent
être respectés. Les risques que présente l’infection par le SRAS-CoV-2
pour la santé des enfants étant peu élevés, les bénéfices potentiels
de la vaccination doivent être comparés avec soin aux risques éventuels
d’un tel traitement. En principe, de plus petites doses de vaccin seraient
nécessaires. Par ailleurs, les réponses à la vaccination pourraient
être différentes chez les enfants et chez les adultes. Il y a des
chances qu’elles soient plus fortes chez les enfants, en particulier
les plus jeunes et les bébés. Il est donc recommandé de procéder
étape par étape, en incluant progressivement dans les essais des
enfants de plus en plus jeunes.
26. Aux États-Unis, Pfizer a commencé à recruter des volontaires
de 12 ans et plus pour ses essais de phase II et III. Moderna, Johnson
and Johnson et Novavax prévoient de commencer les essais sur les
enfants cette année.En Chine et en Inde,
les études cliniques sur les vaccins contre la covid-19 incluent
aussi des enfants, dont certains n’ont pas plus de six ans
. Cela étant, à ce jour, aucun essai
sur les enfants n’est terminé. Il est donc peu probable que la vaccination
systématique des enfants commence avant le second semestre 2021.
27. La vaccination des enfants contre la covid-19 soulève plusieurs
autres questions d’ordre éthique: le consentement parental (ou des
représentants légaux) est-il suffisant, ou faut-il aussi demander
à l’enfant de donner son consentement ou son assentiment (là encore,
en fonction de l’âge)? Quel est le meilleur moyen de garantir qu’un
consentement ou un assentiment est librement donné et repose sur
des informations adaptées à l’âge de l’enfant? La vaccination devrait-elle
être obligatoire ou volontaire pour les enfants qui vont à la crèche,
à la maternelle ou à l’école? Comment régler les éventuels désaccords
entre parents ou entre parents et enfants en ce qui concerne l’immunisation,
etc.? Sur ce terrain, il est essentiel que les réponses des pouvoirs publics
soient en adéquation avec la Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant et qu’elles donnent la priorité à l’intérêt
supérieur de l’enfant.
28. De plus, à mesure que la coopération internationale s’intensifie
pour trouver des réponses efficaces à la pandémie, il importe de
veiller à ce que tous les pays adoptent des approches éthiques.
Pour suivre l’exemple des recommandations du groupe d’experts sur
les essais cliniques pour la mise en œuvre du règlement (UE) no 536/2014,
lorsque des essais sont réalisés dans des États non-membres du Conseil
de l’Europe, les normes éthiques ne devraient pas être moins exigeantes
qu’elles ne le seraient pour des travaux de recherche menés dans
un État membre du Conseil de l’Europe. Les essais devraient garantir
qu’ils répondent aux besoins et priorités de santé publique du pays
dans lequel ils sont réalisés
.
3. Déploiement
d'un vaccin contre la covid-19
29. Les chercheurs ont accompli
un travail remarquable en un temps record pour mettre au point des vaccins
contre la covid-19 et il appartient désormais à nos gouvernements
d'agir. Les premiers vaccins autorisés seront fournis en quantité
limitée au cours des phases initiales en raison d'une capacité de
fabrication insuffisante et d'une demande sans précédent. Pour cette
raison, une gestion adéquate des vaccins et une logistique de la
chaîne d'approvisionnement requérant une coopération internationale
et des préparatifs de la part des États membres seront nécessaires
afin d'assurer une distribution sûre et équitable des vaccins contre le
virus
. Le Secrétariat de l’OMS a élaboré
des orientations utiles à l’intention des pays concernant la préparation
d’un programme vaccinal et sa mise en œuvre, ainsi que la prise
de décisions au niveau national.
30. En outre, le groupe stratégique consultatif d'experts (SAGE)
de l'OMS a récemment publié un «Cadre de valeurs pour l'attribution
des vaccins anti-covid-19 et la détermination des groupes à vacciner
en priorité»
. Le cadre indique que les vaccins
contre la covid-19 doivent être un bien public mondial. Son but
global est que les vaccins contribuent de manière significative
à la protection et à la promotion équitables du bien-être parmi tous
les peuples du monde. Le cadre devrait servir de principe directeur
aux États membres et les aider à élaborer des stratégies et préparer
l'attribution des vaccins contre la covid-19, tant aux niveaux national qu'international.
3.1. Veiller
à l'équité mondiale – une obligation internationale et une responsabilité
morale
3.1.1. Les
initiatives internationales et les avantages d'une attribution mondiale
équitable des vaccins contre la covid-19
31. Les vaccins devraient être
un bien public. La pandémie étant une crise sanitaire mondiale,
il est donc dans l’intérêt de chaque pays de coopérer afin de garantir
une équité mondiale dans l’accès aux vaccins. Le Groupe SAGE de
l'OMS considère que l'équité mondiale est l'un des principes essentiels
du cadre de valeurs. L'objectif est de veiller à ce que l'attribution
des vaccins tienne compte des risques d'épidémie et des besoins particuliers
de tous les pays, en particulier des pays à faible et moyen revenu,
et de s’assurer que tous les pays s’engagent à répondre aux besoins
des personnes vivant dans ceux qui ne peuvent pas se procurer seuls
les vaccins nécessaires à leurs populations.
32. Les États membres devraient s’associer aux initiatives qui
sont mises en place pour assurer une répartition équitable des vaccins
contre la covid-19 à l'échelle mondiale. L'accélérateur d'accès
aux outils contre la covid-19 (Accélérateur ACT) est un cadre qui
vise à accélérer les efforts de collaboration internationale entre
les organisations existantes pour mettre fin à la pandémie. Le Plan
d’attribution des vaccins contre la covid-19, également connu sous
le nom de COVAX, est une initiative phare axée sur l’attribution
des vaccins à l’échelle mondiale. Elle est codirigée par l'OMS,
la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux
épidémies (CEPI) et l'Alliance pour les vaccins (Gavi). Grâce à
son mécanisme de garantie de marché (COVAX AMC), l'initiative mobilise
des fonds auprès des pays adhérents afin de soutenir la recherche,
le développement et la fabrication d’un large éventail de vaccins
contre la covid-19, mais en aussi négocie les prix
.
33. L’initiative COVAX vise à disposer d’ici fin 2021 de 2 milliards
de doses, ce qui, d’après les experts, sera suffisant pour protéger
les personnes à haut risque et les personnes vulnérables, ainsi
que le personnel de santé en première ligne. Malheureusement, l'accélérateur
ACT et l'initiative COVAX n'ont pas atteint leurs objectifs d'investissement,
ce qui pourrait entraîner un retard dans la lutte contre la pandémie.
34. Un rapport du Groupe Eurasie a constaté que l'économie mondiale
pourrait subir des dommages importants si les vaccins n'étaient
pas attribués équitablement aux pays à revenu faible ou intermédiaire.
Le rapport, qui analyse 10 grandes économies afin d'évaluer les
avantages économiques de la contribution aux travaux de l’Accélérateur
ACT pour les économies avancées, a précisé que les avantages économiques
d'une solution vaccinale équitable à l’échelle mondiale pour les
10 pays inclus dans l'analyse seraient d'au moins 153 milliards
$US en 2020-21 et passeraient à 466 milliards $US en 2025. Cependant,
les 10 pays qui figurent dans l'analyse n'ont contribué ensemble
qu'à hauteur de 2,4 milliards $US aux travaux de l'accélérateur
ACT. En comparaison, le montant des avantages économiques pour ces
pays d'ici 2025 est plus de 12 fois supérieur au coût total de l'accélérateur
ACT, estimé à 38 milliards $US.
35. Je tiens également à ajouter que l'enjeu n’est pas uniquement
économique: si nous permettons la mutation du virus SRAS-CoV-2 muter,
en laissant des «foyers» de virus en circulation dans certaines
parties du monde, nous pourrions affaiblir l'instrument le plus
efficace contre la pandémie à ce jour et être contraint de revenir
de nouveau à la case départ.
3.1.2. Éviter
le «nationalisme en matière de vaccin» et le stockage de vaccins
contre la covid-19
36. Au lieu d'investir davantage
en utilisant le mécanisme COVAX, qui garantira un accès équitable
à l'échelle mondiale, de nombreux États membres du Conseil de l'Europe
achètent des stocks de vaccins en concluant également des accords
bilatéraux pour des milliards de doses et réduisent ainsi la réserve
qui serait attribuée équitablement dans le monde
. Compte tenu de la nature mondiale
de la pandémie, il est essentiel que les pays à revenu élevé s’abstiennent
de stocker plus de doses de vaccins que la quantité qui est nécessaire
pour maintenir le taux effectif de reproduction du virus (Rt)
en dessous de 1. Il est par ailleurs crucial qu’ils ne contribuent
pas à des conditions de marché qui désavantagent considérablement
les pays ayant un pouvoir économique moindre, dans la mesure où
cela pourrait compromettre la capacité d’autres pays à accéder aux
doses nécessaires pour leur population.
37. Non seulement la montée inquiétante du nationalisme en matière
de vaccins au sein de nos États membres est particulièrement immorale,
mais elle nous obligera en fin de compte à vivre avec la pandémie
et ses répercussions plus longtemps que nécessaire, à enregistrer
un plus grand nombre de pertes en vies humaines et de problèmes
sanitaires au sein de nos États membres, et à assister à une dégradation généralisée
de nos économies. De fait, les gouvernements sont tenus, dans un
souci d’équité mondiale, de ne pas gêner ou empêcher les autres
gouvernements de remplir leurs obligations envers leurs citoyens.
Toute incapacité à enrayer la pandémie à l'échelle mondiale pourrait
compromettre la réalisation des objectifs de développement durable
de l'ONU.
38. À cet égard, je tiens à souligner qu'un autre obstacle important
à l’attribution équitable des vaccins contre la covid-19 à l'échelle
mondiale est lié à l'industrie pharmaceutique, aux droits de propriété
intellectuelle (PI) et à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Il s'agit d'une question préoccupante qui a été abordée par le Haut-Commissaire
des Nations Unies aux droits de l'homme ainsi que par des organisations internationales
et des membres de la société civile
. Les droits de propriété intellectuelle
ne doivent pas l'emporter sur l’obligation qu’ont les États de protéger
le droit à la santé, d’où la nécessité de prévoir une immunisation
contre les grandes maladies infectieuses, notamment la covid-19,
pour tous sans discrimination
. Un ancien rapporteur spécial de
l’ONU sur le droit à la santé a également souligné que le régime
actuel des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent
au commerce peut avoir un impact négatif sur les prix et la disponibilité
des médicaments car il peut empêcher les pays (en particulier les
pays à revenu faible et intermédiaire) de faciliter l'accès aux
soins de santé
.
39. Plusieurs développeurs de vaccins ayant reçu des fonds du
mécanisme COVAX se sont engagés à assurer une répartition équitable
de leurs vaccins, mais ces obligations pourraient être levées lorsque
la pandémie sera déclarée terminée. En fait, même si le virus reste
à l’état endémique, les entreprises qui ont reçu d'importantes sommes
d'argent du gouvernement pour leur recherche et le développement
peuvent tirer des profits élevés de la vente de vaccins tandis que
certaines populations n'y auront pas accès. C'est pourquoi j'appelle
les États membres à mettre en place des exigences plus strictes
pour les développeurs de vaccins qui reçoivent des fonds publics
et à exiger davantage de transparence sur les prix et les coûts
liés au développement des vaccins contre la covid-19.
40. Les États membres devraient non seulement veiller à ce que
les entreprises pharmaceutiques ne s'enrichissent pas indûment aux
dépens de l'État, mais elles devraient également accorder une attention particulière
aux éventuels délits d'initiés commis par les dirigeants de ces
entreprises. Je recommande vivement la mise en œuvre des recommandations
contenues dans la
Résolution
2071 (2015) de l’Assemblée intitulée «La santé publique et les intérêts
de l’industrie pharmaceutique: comment garantir la primauté des intérêts
de santé publique?», notamment celle qui indique que les vaccins
contre la covid-19 dont l’innocuité et l'efficacité ont été établies
soient accessibles à tous ceux qui en auront besoin à l'avenir,
en ayant recours, le cas échéant, à des licences obligatoires, moyennant
le paiement de royalties (comme l'a recommandé l'Assemblée pour
les médicaments essentiels en 2015).
3.2. Recommandations
pour les plans nationaux de hiérarchisation des priorités
3.2.1. Principales
orientations
41. Le cadre de valeurs du Groupe
SAGE de l'OMS fournit des principes et des objectifs fondamentaux
et donne des orientations, notamment sur la détermination des groupes
à vacciner en priorité dans les pays lorsque l’approvisionnement
est limité
. Il
doit cependant être complété par des informations sur les caractéristiques
spécifiques des vaccins disponibles, l'évaluation des avantages
et des risques pour différents groupes de population, la quantité
et le rythme de l'approvisionnement en vaccins, ainsi que l'état
actuel de l'épidémiologie, de la gestion clinique et de l'impact
économique et social de la pandémie. C'est pourquoi la stratégie
de vaccination finale doit être élaborée lorsque les caractéristiques
des produits vaccinaux seront disponibles.
42. Le Groupe SAGE de l'OMS a annoncé que des recommandations
concernant les groupes à vacciner en priorité avec des vaccins spécifiques
seront mises à disposition au fur et à mesure que l'utilisation
des produits vaccinaux sera autorisée, et a précisé qu’un tel document
de hiérarchisation des priorités devrait donc être publié d’ici
le début de 2021. Dans ma note introductive, j'ai toutefois souligné
qu'il importait que les États membres commencent déjà à élaborer
leurs stratégies nationales de vaccination en précisant de quelle
façon les doses seront attribuées de manière éthique et équitable.
Le cadre de valeurs souligne à cet égard que toute recommandation
doit être interprétée au niveau national.
43. Sans données spécifiques sur les caractéristiques des vaccins,
il sera donc difficile de formuler des recommandations pratiques
précises sur la détermination des priorités au sein des États membres.
Il existe également des divergences entre les États membres qui
doivent être prises en compte. Néanmoins, le plus important est
que les principes éthiques et le respect des droits humains et des
libertés fondamentales soient appliqués dans les États membres et
inscrits dans leurs plans de hiérarchisation des priorités, notamment
le droit à la protection de la santé (article 11 de la Charte sociale
européenne, STE no 163) et le principe
de l'accès équitable aux soins de santé (article 3 de la Convention
d'Oviedo).
3.2.2. L'accès
équitable aux vaccins doit être privilégié et pris en compte dans
les programmes nationaux de vaccination
44. Le Comité de bioéthique du
Conseil de l'Europe (DH-BIO) s’emploie actuellement à préparer une déclaration
sur l'équité dans l'accès aux vaccins dans le contexte d'une crise
de santé publique. En ma qualité de rapporteure, j'ai été invitée
à prendre connaissance de ses travaux, qui restent à achever.
45. La Convention d'Oviedo exige que dans le contexte de ressources
limitées et de grandes valeurs, comme les vaccins, les désavantages
existants ne soient pas perpétués, voire aggravés. Un déploiement
juste et éthique des vaccins contre la covid-19 au sein des États
membres doit donc être équitable. Cette convention est l’unique
instrument juridiquement contraignant relatif à la protection des
droits humains dans le domaine biomédical. Elle vise à protéger
l’être humain dans sa dignité et son identité, et à garantir à toute
personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de
ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications
de la biologie et de la médecine. Le principe de l'égalité d'accès
à des soins de santé de qualité appropriée est énoncé à l'article
3 de la Convention d'Oviedo et doit être respecté, même dans le
contexte de ressources limitées.
46. Nous savons que la pandémie touche de manière disproportionnée
les populations défavorisées. Certains groupes sont frappés plus
durement, notamment en termes de charge de morbidité, en raison
de facteurs sociétaux qui sont sans doute injustes. Ainsi, le principe
de l’accès équitable aux soins de santé, tel qu’énoncé à l’article
3 de la Convention d’Oviedo doit être inscrit dans le plan national
d’attribution des vaccins de chaque État membre. Il est crucial
que les vaccins contre la covid-19 soient mis à la disposition du
public, indépendamment du genre, de la race, du statut juridique,
de la capacité de payer, du lieu et d’autres facteurs qui contribuent
souvent aux inégalités au sein de la population.
3.2.3. Éléments
à prendre en compte dans les recommandations relatives à des groupes
spécifiques
47. Dans son cadre de valeurs,
le Groupe SAGE de l'OMS souligne que les gouvernements doivent mettre en
place des systèmes et des infrastructures de vaccination pour garantir
l'administration des vaccins contre la covid-19 aux populations
prioritaires et prendre des mesures proactives pour assurer l'égalité
d'accès à tous ceux qui remplissent les conditions requises dans
un groupe prioritaire, en particulier les populations défavorisées
.
48. Les spécialistes de la bioéthique et les économistes s’accordent
largement à dire que les personnes de plus de 65 ans et celles de
moins de 65 ans qui présentent le plus grand risque de contracter
une forme grave de la maladie et d’en mourir en raison d’affections
sous-jacentes, le personnel de santé (tout particulièrement ceux
qui travaillent en contact étroit avec des personnes appartenant
à des groupes à haut risque), et les personnes exerçant dans des
infrastructures essentielles (mais également dans les services publics, notamment
les services sociaux, les transports publics, les forces de l’ordre,
les écoles, ainsi que dans les commerces) devraient bénéficier d’un
accès prioritaire au vaccin contre la covid-19. Les enfants et les
femmes enceintes et allaitantes, pour lesquels aucun vaccin n’a
à ce jour été autorisé, ne doivent pas être oubliés. Les États devraient
veiller à ce que les personnes d’un même groupe prioritaire soient
traitées sur un pied d’égalité, en accordant une attention spéciale
aux plus vulnérables.
49. Certains États membres intègrent les travailleurs de la santé
dans les groupes prioritaires du plan national de hiérarchisation
des priorités tandis que d’autres ne le font pas. Des bioéthiciens
affirment que l'immunisation de ces travailleurs ne contribue peut-être
pas à réduire les dommages dans les pays à revenu élevé où les équipements
de protection individuelle les protègent efficacement
. Or le fait de ne pas leur donner
la priorité pourrait entrer en conflit avec les droits du travail
de ceux qui mettent leur vie en danger pour traiter les patients
infectés par la covid-19. S’agissant du principe de réciprocité,
le cadre de valeurs mentionne la nécessité de protéger ceux qui
assument un risque et une charge liés à la covid-19 sensiblement
plus élevés pour assurer la protection des autres. Il peut s'agir
de travailleurs de la santé et d'autres travailleurs essentiels.
50. Un déploiement équitable des vaccins contre la covid-19 est
également nécessaire pour garantir l'efficacité de la stratégie
de vaccination. S'ils ne sont pas assez largement distribués dans
une région gravement touchée d'un pays, les vaccins deviennent inefficaces
et ne permettent pas d'endiguer la propagation de la pandémie. Il
est important que les programmes nationaux de hiérarchisation des
priorités suivent de près l'évolution rapide de la situation de
l'épidémie virale et que les États membres les adaptent en conséquence.
En outre, la meilleure façon de prévenir les dommages peut être
d'immuniser les personnes dont la situation en matière de logement,
la profession ou l'âge les expose au plus grand risque d'infection
.
51. Au sein de nos États membres, certaines régions sont plus
gravement touchées que d'autres par la pandémie, ce qui doit être
pris en compte dans les plans nationaux de hiérarchisation des priorités.
Lorsque les gouvernements auront assuré la vaccination des personnes
les plus exposées au risque de maladie grave ou de décès dûs à la
covid-19, et que davantage de vaccins seront disponibles, les États
membres pourraient alors envisager d’ajuster leurs priorités et
stratégies d’allocation au niveau local au plus près du terrain.
Il conviendrait, par exemple, de donner la priorité à certaines
zones locales où le virus est hors de contrôle, par exemple des
zones centralisées et densément peuplées, tout en tenant compte
d'autres facteurs tels que la charge pesant sur les systèmes de
soins de santé. Si une aggravation potentielle de l'épidémie risquait
d’avoir de graves répercussions sur les zones décentralisées où
les soins de santé sont peu développés (par exemple, le nombre d’hôpitaux
dotés de lits de soins intensifs), il faudrait également vacciner
leurs habitants en priorité.
52. Les enfants ne semblent pas être des «super propagateurs»
du SRAS-CoV-2 et semblent avoir moins de risques d’être atteints
d’une forme grave de la covid-19. Ils ne sont donc pas, pour cette
raison, considérés comme un groupe qui doit être vacciné en priorité.
Dans le même temps, sans vaccination des enfants, la pandémie de
covid-19 ne peut pas être combattue efficacement à long terme. La
vaccination devrait permettre aux enfants de reprendre une vie normale,
y compris la scolarisation, le sport, les activités culturelles
et la fréquentation d'amis et de membres de la famille. La vaccination
est particulièrement importante pour les enfants qui vivent avec
des personnes âgées ou d'autres personnes vulnérables (par exemple, immunodéprimées
ou souffrant de maladies respiratoires). On peut affirmer, en outre,
que la réponse immunitaire des personnes âgées étant plus faible,
la vaccination des enfants contribue à protéger les générations
plus âgées
. Cette immunisation est également
essentielle car elle garantit que tous les enfants pourront retourner
à l'école, ce qui est crucial pour leur bien-être et leur intégration
sociale.
4. Persuader
le public de se faire vacciner
4.1. Un
taux de vaccination élevé est essentiel pour contenir la pandémie
53. Lorsque les vaccins contre
la covid-19 seront au point et autorisés, il faudra que leur taux
de couverture soit suffisant pour contenir la pandémie. Mais même
si les études sur la promotion de la vaccination en général peuvent
être utiles dans le contexte de la pandémie actuelle, l'acceptation
et l’utilisation généralisée potentielle de ces vaccins posent actuellement
un défi particulier dans de nombreux États membres. Pour le relever,
il faudra impérativement que le système de santé dispose de capacités
suffisantes et que les vaccins soient utilisés à grande échelle
.
54. Notre collègue M. Vladimir Kruglyi a souligné, dans sa note
introductive intitulée «La méfiance à l’égard des vaccins: un enjeu
majeur de santé publique», que les Européens sont malheureusement
les plus sceptiques face aux vaccins
.
Dans une enquête mondiale sur l'acceptation potentielle des vaccins
contre la covid-19, à laquelle ont participé 13 400 personnes de
19 pays, les Polonais qui ont répondu ont donné la plus forte proportion
de réponses négatives (27,3 %), tandis que les Russes ont donné
la plus faible proportion de réponses positives (54,9 %). Mon propre
pays, la France, fait également partie des plus sceptiques. En effet, 59 %
seulement des personnes interrogées ont déclaré qu’elles accepteraient
un vaccin contre la covid-19 s’il était sûr et efficace
. Ces données sont préoccupantes.
55. Selon les experts, il faudrait probablement des taux de vaccination
supérieurs à 70 % pour obtenir une immunité collective
. Étant donné que des efforts et des
innovations sans précédent ont déjà été déployés pour mettre au
point des vaccins efficaces contre la covid-19, le prochain défi
consiste à veiller à ce que l'acceptation des vaccins soit suffisante.
Les gouvernements doivent donc avoir pour priorité absolue de mettre au
point des stratégies efficaces et opportunes visant à persuader
le public de se faire vacciner. Espérons que nos États membres ont
déjà commencé à s’y employer.
4.2. Combattre
les réticences à l'égard des vaccins contre la covid-19
56. Une question importante qui
doit être abordée est celle de la lutte contre les réticences à
l’égard des vaccins, en particulier des vaccins contre la covid-19,
et contre la quantité phénoménale d’informations fausses, dangereuses
et trompeuses qui sont diffusées, notamment par les mouvements anti-vaccination, dans
le cadre de campagnes coordonnées. Beaucoup de personnes qui sont
sceptiques à l'égard des vaccins contre la covid-19 ne font pas
partie des réfractaires habituels. La défiance à l’égard des vaccins
est généralement un problème lorsque les personnes concernées hésitent
à utiliser des vaccins qui ont déjà prouvé leur innocuité et leur
efficacité. En outre, certaines personnes qui hésitent à utiliser
les vaccins contre la covid-19 sont préoccupées par leur sécurité
et la rapidité avec laquelle ils ont été mis au point. Le fait que les
pays puissent fixer des seuils de sécurité différents avant de proposer
le vaccin à leur population est un autre facteur qui alimente la
méfiance. Dès lors, la stratégie visant à surmonter les réticences
éprouvées à l'égard des vaccins contre la covid-19 devra peut-être
diverger quelque peu de celle qui consiste à s'attaquer au problème
majeur de santé publique que constitue la méfiance à l'égard des
vaccins en général.
57. L’étude mondiale menée sur l'acceptation potentielle des vaccins
contre la covid-19 constate que l'acceptation du vaccin au sein
de la population est liée à la confiance dans le gouvernement, ce
qui n’est pas nouveau. Mme Heidi Larson,
directrice du projet sur la méfiance à l’égard des vaccins à la
London School of Hygiene & Tropical Medicine, a participé en
tant qu'experte à notre audition du 1er décembre
2020, intitulée «Vers un vaccin contre la covid-19». Selon elle,
la méfiance vient du fait que les vaccins sont très réglementés au
niveau mondial et qu’ils sont recommandés par les gouvernements.
Ils sont parfois requis, voire rendus obligatoires, par les autorités
sanitaires
.
58. Les gouvernements doivent désormais veiller à ce que des stratégies
soient mises en place rapidement pour que les vaccins contre la
covid-19 soient suffisamment acceptés. Les enseignements tirés des précédentes
épidémies de maladies infectieuses et des urgences de santé publique,
notamment le VIH, le H1N1, le SRAS, le MERS et le virus Ebola, pourraient
être utiles pour comprendre les préoccupations de certaines personnes
concernant les vaccins contre la covid-19
et élaborer des stratégies efficaces
visant à persuader le public de se faire vacciner. L'étude
Nature souligne que des sources
d'information et d'orientation fiables sont fondamentales pour le
contrôle des maladies
.
4.3. Nécessité
d’adopter une approche fondée sur les droits humains
59. Les programmes et stratégies
nationales visant à obtenir un taux de vaccination élevé doivent
être fondés sur le plein respect des droits humains. Le droit à
la protection de la santé est un droit humain fondamental et essentiel
à notre perception d'une vie dans la dignité. L'article 12 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
dispose
que toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé
physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre (12.1). Les
États ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour
assurer la pleine réalisation de ce droit par la prévention, le
traitement et le contrôle des maladies épidémiques, endémiques,
professionnelles et autres (12.2c). Il en ressort que les États membres
ont la responsabilité de garantir une bonne santé publique et une
couverture vaccinale élevée des vaccins contre la covid-19.
60. Cependant, les mesures adoptées ne doivent pas enfreindre
le droit et la liberté d'un individu à l'autonomie corporelle et
au consentement éclairé, tels que garantis par les articles 2 et
5 de la Convention d'Oviedo. La Convention protège l’être humain
dans sa dignité et son identité et garantit à toute personne, sans discrimination,
le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés
fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la
médecine. L'article 2 énonce que l’intérêt et le bien de l’être
humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de
la science. En outre, l'article 5 indique qu’une intervention dans le
domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne
concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Face à la
méfiance suscitée par les vaccins, on évitera que les vaccins soient imposés
aux personnes concernées.
61. Il apparaît donc clairement que la vaccination ne peut pas
être imposée à un individu, dans des circonstances normales. Cependant,
certains ont soulevé la question de savoir si les vaccins devraient
être obligatoires, par exemple comme condition pour travailler avec
des personnes âgées et des personnes qui sont à haut risque de maladie
grave ou de décès dû à la covid-19, ou s’en occuper. Il pourrait
s'agir là encore d'une atteinte aux articles 8 et 9 de la Convention
européenne des droits de l'homme (STE no 5)
relatifs au droit au respect de la vie privée et familiale et au
respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion, respectivement.
Précisons à cet égard que ces droits ne sont pas absolus et qu’une
ingérence peut, dans certains cas, être justifiée pour protéger
la santé individuelle ou publique
. L’article 26 de la convention d’Oviedo
prévoit des exceptions possibles à l’exercice des droits et aux
dispositions protectrices lorsqu’il s’agit de protéger l’intérêt
collectif, y compris la santé publique. Pourtant, ces restrictions
doivent être fixées par la loi et être démontrées comme nécessaires,
dans une société démocratique, pour la protection de l’intérêt collectif.
Ces conditions doivent être interprétées à la lumière des critères
établis par la Cour européenne des droits de l’homme, en lien avec
la nécessité et la proportionnalité.
62. Je ne recommanderai pas l’obligation de vaccination, pour
la simple raison que l’obligation n’a pas démontré son efficacité.
Dans un contexte historique, de telles réglementations ont été associées
à une oppression gouvernementale systémique sur des groupes marginalisés.
Étant donné que la confiance dans les vaccins est fortement liée
à la confiance dans le gouvernement, rendre les vaccins contre la
covid-19 obligatoires pourrait être contre-productif. Les États
membres devraient plutôt élaborer des stratégies visant à renforcer
la confiance dans les vaccins par une communication transparente
et d'autres mesures démocratiques.
4.4. Mesures
pratiques à envisager pour obtenir une couverture élevée de vaccination
63. Le Groupe consultatif technique
de l’OMS sur les connaissances et les sciences comportementales
pour la santé a publié un rapport détaillé sur la meilleure façon
d’assurer une large couverture des nouveaux vaccins anti-covid-19
.
64. Il est important que les gouvernements communiquent sur les
raisons pour lesquelles la vaccination profite à la société dans
son ensemble et pas seulement à la personne vaccinée. La vaccination
aide à protéger ceux qui ne peuvent plus l’être en raison de leur
âge, de leur état de santé (par exemple déficiences immunitaires
ou allergies) ou d’autres facteurs. En outre, les vaccins peuvent
ne pas être aussi efficaces chez certains groupes en raison de l’âge
ou de l’existence de comorbidités. Bon nombre des personnes concernées font
partie de groupes à risque élevé de développer une maladie grave
ou de mourir de la covid-19. Ainsi, la vaccination est un acte de
solidarité, car elle contribue à contenir la propagation du virus
et à protéger certaines des personnes les plus vulnérables de nos
sociétés.
65. Dans son rapport, le groupe d'experts de l’OMS souligne que
les études comportementales ont montré que l'acceptation et l'utilisation
généralisée des vaccins peuvent être améliorées en adoptant trois
stratégies. Premièrement, les États membres doivent créer des conditions
favorables pour rendre la vaccination facile, rapide et abordable
dans tous les aspects pertinents. Deuxièmement, les États membres
devraient envisager d'exploiter les pressions sociales, ce qui peut
être particulièrement utile si les membres des communautés concernées
font confiance aux manifestations d’influence sociale et les identifient.
Troisièmement, les États membres devraient accroître la motivation
par un dialogue et une communication ouverts et transparents sur les
incertitudes et les risques, notamment en ce qui concerne la sécurité
et les avantages de la vaccination contre la covid-19
.
66. Comme ces vaccins seront nouveaux, nous ne pouvons exclure
tout effet secondaire potentiel à long terme. De nombreuses personnes
vivant dans les États membres du Conseil de l'Europe partagent cette préoccupation
légitime. Dès lors, la transparence, des campagnes d’information
de santé publique inclusives ainsi que les campagnes de vaccination
joueront un rôle déterminant dans le renforcement de la confiance envers
les vaccins contre la covid-19. Elles permettraient de diffuser
des informations sur la mise au point de vaccins sûrs et efficaces
contre la covid-19, le processus réglementaire d'autorisation des
vaccins fondé sur des normes de sécurité, de qualité et d'efficacité,
ainsi que le contrôle de leur sécurité sanitaire
.
67. Il est donc de la plus haute importance de se rapprocher des
organisations non gouvernementales, des personnes de confiance au
sein des communautés et d'autres initiatives locales pour élaborer
et mettre en œuvre des stratégies adaptées pour faciliter l’acceptation
des vaccins. Une telle démarche peut être particulièrement utile
lorsque l'on essaie de toucher des communautés et des groupes marginalisés
qui ont historiquement été victimes de discrimination et d'oppression
systémiques de la part des gouvernements
.
68. Afin d'assurer un suivi suffisant des doses qui seront inoculées
ultérieurement aux personnes qui sont vaccinées contre la covid-19
(tous les vaccins autorisés jusqu'à présent nécessitent deux doses
à plusieurs semaines d'intervalle) et de surveiller leur innocuité,
les gouvernements devraient savoir qui a été vacciné. Ce suivi pourrait
toutefois avoir des conséquences négatives, en particulier pour
certains individus ou groupes marginalisés, notamment les migrants
sans papiers et les victimes de la traite des êtres humains. La
crainte de conséquences négatives pourrait réprimer la volonté de
se faire vacciner chez des personnes qui en ont le plus besoin.
C'est pourquoi les États membres pourraient créer des centres de
vaccination ou envisager de fournir des vaccins par l'intermédiaire
d'organisations non gouvernementales afin de garantir l'anonymat
de ces personnes, et ainsi de s'assurer que l'absence de statut
juridique ou d'autres facteurs ne les empêche pas de se voir proposer
et d’accepter un vaccin contre la covid-19.
69. Une coordination est nécessaire aux niveaux national et international
pour surveiller et combattre les informations fausses et trompeuses
entourant les vaccins contre la covid-19. Il est rassurant de voir
que ces informations sont désormais signalées par les moteurs de
recherche et parfois vérifiées par les plateformes de médias sociaux
tels que Facebook, Twitter et Instagram, mais nous ne pouvons pas
compter exclusivement sur la bonne volonté des entreprises privées
dans ce domaine.
70. Enfin, il faudra prévoir une communication efficace, cohérente
et transparente sur les processus de décision, les réalisations
et les argumentaires pour susciter la confiance de la population
. Il
a été mentionné précédemment que les gouvernements devraient exiger
que les entreprises pharmaceutiques qui reçoivent des fonds publics
pour élaborer des vaccins contre la covid-19 soient transparentes
quant au prix et au coût des vaccins, ainsi qu'aux éventuels effets
indésirables pouvant se produire lors des essais et du déploiement dans
la population générale.
5. Conclusions
71. La recherche scientifique sur
la covid-19 aura été exceptionnelle et d'énormes progrès ont déjà
été réalisés dans le développement de vaccins contre le virus mortel.
En quelques mois seulement, des initiatives et des solutions novatrices
sans précédent ont été déployées pour mettre au point des vaccins
contre ce virus sans compromettre la sécurité, la qualité ou l'efficacité.
Les professionnels de santé et les travailleurs essentiels sont
en première ligne de cette pandémie, œuvrant chaque jour pour sauver
la vie de millions de personnes et veillant à ce que nos économies
ne s'effondrent pas. Je tiens à remercier tout particulièrement toutes
celles et tous ceux qui travaillent sans relâche à la mise au point
d'un vaccin et qui mettent leur vie en danger pour sauver le monde
de cette pandémie. Il appartient désormais à nos gouvernements d'agir.
72. Avant tout, trois enseignements précieux peuvent être tirés
de la pandémie de covid-19: premièrement, nous dépendons les uns
des autres pour notre santé; deuxièmement, notre santé et notre
économie sont inséparables; troisièmement, face aux épidémies, les
systèmes de santé publique et la sécurité sanitaire mondiale doivent
adopter une approche «Une seule santé», comme l'a souligné notre
collègue M. Andrej Hunko dans son rapport de juin 2020 sur les «Enseignements
à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits
à la pandémie de covid-19»
.
73. Au niveau national, nous devons accélérer les efforts pour
dynamiser les systèmes de soins de santé. Il est de la plus haute
importance que nous garantissions un accès équitable aux vaccins
au sein de nos États membres afin que la vaccination soit efficace.
Il convient de faire en sorte que les vaccins contre la covid-19 soient
mis à la disposition de la population, indépendamment du genre,
de la race, du statut socio-économique, de la capacité de payer,
du lieu et autres facteurs qui contribuent souvent aux inégalités
au sein de la population. Les gouvernements doivent prendre des
mesures proactives pour atteindre les groupes marginalisés. Les
plans nationaux de détermination des priorités doivent suivre étroitement
l'évolution de la situation de la pandémie et être prêts à réagir
rapidement à toute apparition de foyer local ou à toute autre évolution
concernant la propagation du virus, afin de sauver le plus grand
nombre de vies possible.
74. Au niveau international, la pandémie a montré clairement que
le virus ne connaît pas de frontières. Afin de riposter efficacement
à la crise de santé publique et de rétablir les économies de nos
États membres, nous sommes également tributaires d'un accès équitable
aux vaccins contre la covid-19 à l'échelle mondiale. Le «nationalisme
en matière de vaccin» et la constitution de stocks de vaccins nous
obligeront en fin de compte à vivre avec cette pandémie plus longtemps
que nécessaire et pourraient même permettre au virus SRAS-CoV-2
de muter et d’affaiblir ainsi l'instrument le plus efficace contre
la pandémie à ce jour. Une répartition mondiale des vaccins contre
la covid-19 qui ne serait pas équitable et juste mettra également
en péril la réalisation des objectifs de développement durable de
l’Organisation des Nations unies.
75. Il importe également de mettre en place une communication
transparente pour obtenir une acceptation suffisante des vaccins
contre la covid-19 et donner une vision réaliste du temps qu'il
faudra pour que nos vies reviennent à la «normale». La société doit
donc poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre les mesures visant à
interrompre la propagation du virus même après le début de la vaccination.
Il va de soi qu’un vaccin seul ne résoudra pas nos problèmes. Certes,
il s’agit d'un outil essentiel mais nous devons continuer à prendre
des mesures non pharmaceutiques, notamment la distanciation physique,
l'utilisation de masques et le lavage fréquent des mains, pour arrêter
la propagation du virus, sauver des vies, contribuer au rétablissement
de nos économies et alléger le fardeau qui pèse sur nos systèmes
de santé et sur tous ceux qui mettent leur propre vie en danger
pendant cette pandémie.
76. Enfin, nos gouvernements et nos parlements doivent veiller
à lutter non seulement contre la pandémie et ses effets dévastateurs
sur l'économie mondiale, mais aussi contre les fractures et les
inégalités préexistantes (y compris en matière d'accès aux soins
de santé) que la pandémie a mises à nu, mais ce point fera l'objet
d'autres rapports.