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Résolution 1612 (2008)
Munitions chimiques ensevelies dans la mer Baltique
1. Les Alliés (les Etats-Unis d’Amérique,
le Royaume-Uni, la France et l’Union des républiques socialistes soviétiques
(URSS)) ont hérité des munitions chimiques qui n’ont pas été utilisées
par l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Ces stocks représentaient
en tout environ 300 000 tonnes, dont à peu près 65 000 tonnes de
substances toxiques à usage militaire: 39 % d’ypérite (gaz moutarde),
18 % de tabun (un agent neurotoxique), 11 % de gaz lacrymogène et
9 % de phosgène (un gaz suffocant). Ils contenaient 14 types d’agents
chimiques toxiques.
2. Lors de la Conférence de Potsdam (1945), les Alliés ont décidé
de transporter ces munitions chimiques dans l’océan Atlantique pour
les déverser dans des sites profonds. La tâche a été répartie entre
les Alliés en fonction de leurs capacités. Le Royaume-Uni a reçu
environ 65 000 tonnes, l’URSS environ 35 000 tonnes, le reste revenant
aux Etats-Unis.
3. La clause de l’accord qui prévoyait que les munitions chimiques
seraient transportées par bateau dans l’océan Atlantique et déversées
à des profondeurs supérieures à 1 000 mètres n’a pas été respectée.
On sait maintenant qu’elles ont été déversées en mer du Nord et
en mer Baltique, à des profondeurs n’excédant parfois pas quelques
dizaines de mètres.
4. Les Alliés sont convenus de classer secrètes les informations
à ce sujet et ont décidé qu’elles ne pourraient être rendues publiques
avant cinquante ans. En 1997, les ministères de la Défense du Royaume-Uni
et des Etats-Unis ont prolongé de vingt ans le secret recouvrant
l’information relative aux opérations menées en 1946 et 1947. Il
est regrettable qu’actuellement le droit international n’oblige
pas les Etats à fournir des indications détaillées sur la localisation
des munitions chimiques déversées.
5. Il est, par conséquent, extrêmement difficile de déterminer
quel est aujourd’hui l’état de ces munitions chimiques ainsi que
les risques qu’elles constituent pour l’environnement marin.
6. L’Assemblée parlementaire rappelle dans ce contexte sa Recommandation 1571 (2002) sur la prévention des risques écologiques par la destruction
des armes chimiques et sa Résolution
1295 (2002) sur l’état de l’environnement de la mer Baltique, ces
deux textes mentionnant entre autres les munitions chimiques déversées
en mer Baltique après la seconde guerre mondiale.
7. Elle rappelle aussi la recommandation de l’Assemblée baltique
sur l’observation des munitions chimiques déversées dans la mer
Baltique (2003) et sa résolution sur les dangers liés à la construction
du gazoduc dans la mer Baltique (2005), ainsi que les appels de
la Conférence parlementaire de la mer Baltique, lancés dans le cadre
des résolutions adoptées à Reykjavík en 2006 et à Berlin en 2007,
à une évaluation transparente et en concordance avec les obligations
internationales de la faisabilité du gazoduc, et à la réalisation
des études d’évaluation de l’impact environnemental du projet.
8. La contribution la plus importante à l’étude sur l’état actuel
des munitions chimiques déversées a été celle de la Commission pour
la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique
(Commission d’Helsinki, HELCOM). Son rapport publié en 1995 analyse
les divers types et quantités de munitions déversées, et précise
les zones de déversement, les caractéristiques des munitions déversées
et leur état, ainsi que les risques sanitaires et environnementaux
qu’elles pourraient entraîner. Il contient aussi des lignes directrices
et des recommandations à l’intention des pêcheurs sur la conduite
à suivre en cas de découverte accidentelle de munitions chimiques
en mer.
9. HELCOM est d’avis qu’il ne faut pas récupérer ces munitions
chimiques des fonds marins, mais les laisser là où elles se trouvent.
Cet avis est d’ailleurs partagé par la plupart des experts ayant
étudié le sujet.
10. L’Assemblée attire l’attention sur le projet actuel de construction
d’un gazoduc sur les fonds marins de la mer Baltique, reliant la
Fédération de Russie à l’Allemagne, qui risque d’engendrer des dangers
nouveaux et importants. La compagnie en charge de la construction
affirme que le choix du trajet pour le gazoduc ainsi que sa construction
proprement dite n’affecteront en rien les éventuelles munitions
se trouvant dans le couloir de travail, et que le gazoduc fera l’objet
d’une surveillance continue même après qu’il sera devenu opérationnel.
11. L’Assemblée regrette qu’aucune étude approfondie et détaillée
des sites de déversement des munitions chimiques et de leur état
actuel n’ait été faite avant de prendre la décision de construire
le gazoduc.
12. L’Assemblée rappelle que les Etats baltes reconnaissent tous
l’importance du problème des munitions chimiques déversées en mer
Baltique. Ces Etats mènent, dans la mesure des ressources financières
et scientifiques disponibles, des travaux de surveillance et de
recherche, et participent aux projets internationaux. La coopération
internationale est, en effet, essentielle pour résoudre ce problème.
13. L’Assemblée encourage les pays européens, surtout ceux qui
bénéficieront de la construction du gazoduc, à faire preuve d’une
vraie solidarité, y compris du point de vue financier, avec les
pays riverains de la mer Baltique, dont les moyens pour gérer les
problèmes d’ordre environnemental ne sont pas nécessairement suffisants.
14. L’Assemblée rappelle que la Convention d’Espoo sur l’évaluation
de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière
oblige les Parties à évaluer l’impact sur l’environnement de certaines
activités au début de la planification, à notifier et à se consulter
sur tous les projets susceptibles d’avoir un impact transfrontalier
préjudiciable à l’environnement.
15. L’Assemblée se réjouit du fait que, depuis novembre 2005,
le projet international financé par l’Union européenne «Modélisation
des risques écologiques liés aux armes chimiques déversées en mer»
(Modelling of ecological risks related to sea-dumped chemical weapons,
MERCW) est en cours de développement. La Belgique, le Danemark,
la Finlande, l’Allemagne, la Lettonie et la Fédération de Russie
participent notamment à ce projet qui a pour but l’étude des sites
de déversement des munitions chimiques en mer Baltique et l’évaluation
des risques correspondants pour les écosystèmes marins et la santé
humaine.
16. L’Assemblée invite par conséquent les Etats membres et observateurs
du Conseil de l’Europe:
16.1. à renforcer
la coopération pour trouver une solution globale au problème des
munitions chimiques déversées dans les fonds marins en Baltique;
16.2. à définir des plans d’action spécifiques afin de localiser
tous les sites où des munitions chimiques ont été déversées;
16.3. à prendre les mesures nécessaires pour contrôler de manière
permanente les sites de déversement des munitions chimiques pour
prévenir tout danger pour l’environnement;
16.4. à décider des mesures précises à prendre immédiatement
au cas où des dangers pour l’environnement seraient causés par les
munitions chimiques;
16.5. à faire preuve de précaution dans la construction du gazoduc
sur les fonds de la mer Baltique;
16.6. à procéder à une évaluation fiable des risques environnementaux,
notamment de ceux induits par l’existence des munitions chimiques
sur le trajet du gazoduc.
17. A cet effet, l’Assemblée insiste auprès des Gouvernements
du Royaume-Uni et des Etats-Unis, ainsi qu’auprès de l’OTAN, pour
qu’ils lèvent sans tarder le secret militaire sur la localisation
de toutes les munitions chimiques présentes dans la mer Baltique.