Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1993 (2014) Version finale
Un travail décent pour tous
1. Le travail est un aspect essentiel
de la vie humaine. Il est la base du bien-être individuel et collectif
en ce qu’il est une source de subsistance, de développement, d’accomplissement
personnel et d’intégration sociale. Le droit international et européen
en matière de droits humains fait obligation aux Etats d’assurer
le plein exercice du droit au travail et de protéger les droits
au travail. L’Organisation internationale du travail (OIT) et le
Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe insistent
en outre sur la nécessité de respecter tout un éventail de droits
relatifs au travail qui rendent le travail décent et accessible
à tous. Le travail décent désigne ainsi l’emploi productif dans
des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine.
2. Dans toute l’Europe, l’inquiétude grandit face à l’érosion
des droits au travail, à la précarité croissante de l’emploi et
au manque de perspectives d’emplois de qualité, notamment pour les
jeunes et les migrants. Une stagnation économique qui se prolonge,
la déréglementation du marché et l’austérité budgétaire dans les pays
développés ont détruit plus d’emplois qu’il n’en a été créé de nouveaux,
et la précarité au travail s’étend. Cette situation contraste avec
le dynamisme des pays en développement, qui gagnent rapidement en compétitivité
et en niveau de vie, mais qui ont du retard en matière de droits
du travail. Les asymétries mondiales et intra-européennes sont à
l’origine d’un nivellement par le bas des salaires, de la protection sociale
et des conditions d’emploi, aggravant ainsi les inégalités et conduisant
au dumping social. Dans certains Etats membres, le taux de chômage
des jeunes est très élevé et reflète la difficulté des jeunes à trouver
un emploi. Le nombre important de jeunes qui ne sont ni scolarisés,
ni au travail, ni en formation constitue une menace pour la cohésion
sociale.
3. Construire une société inclusive et prospère par le biais
du travail décent exige des solutions mondiales. L’Assemblée parlementaire
rappelle l’importance de la coopération sur le plan international
et d’une plus grande solidarité entre Etats riches et pauvres, en
particulier pour la promotion du travail décent dans le cadre des
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et du nouveau
cadre de développement durable pour l’après-2015. Les pays européens
doivent œuvrer ensemble pour ancrer les droits humains et les stratégies en
faveur du travail décent de façon plus explicite dans le système
commercial multilatéral et les accords de commerce et d’investissements
bilatéraux.
4. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent également
renforcer la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (STE
no 35 et STE no 163).
Cet instrument complète la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5) dans le domaine des droits
sociaux et économiques en liant les normes du travail à la protection
juridique et sociale, à des conditions d’emploi justes et à la libre
circulation des personnes. La Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne fait déjà expressément référence à la Charte
sociale européenne. Cependant, de nouvelles initiatives doivent
être prises pour améliorer la cohérence des mesures nationales destinées
à mettre en œuvre les engagements internationaux et harmoniser les
normes sociales européennes.
5. Seul un environnement professionnel sain et sûr permet aux
travailleurs de réaliser leur plein potentiel. L’Assemblée considère
que les gouvernements ne doivent faire aucune concession sur les
niveaux de sécurité au travail et qu’ils doivent veiller à leur
application scrupuleuse par tous les employeurs. Elle souligne en
outre la nécessité de veiller à une meilleure application de l’interdiction
du travail des enfants de moins de 15 ans, énoncée dans la Charte
sociale européenne. Des inspections régulières du travail sont cruciales
à cet égard et demandent des moyens adaptés en permanence pour qu’elles
puissent pleinement jouer leur rôle.
6. Les actions de solidarité pour améliorer les filets de sécurité
sociale, la reconversion et la mobilité des travailleurs ne relèvent
plus de la compétence exclusive des gouvernements. La modernisation
du contrat social dans la société suppose un partenariat plus fort
avec le secteur privé et la société civile, pour défendre l’Agenda
pour le travail décent. L’Assemblée appelle à un renforcement des
obligations des entreprises en matière de responsabilité sociale
et d’éthique, s’agissant en particulier des relations des entreprises
avec leurs sous-traitants et leurs stratégies d’approvisionnement
dans des pays tiers où les risques d’exploitation de la main-d’œuvre
sont importants.
7. En vue de préserver la paix et la justice sociales au moyen
d’«emplois plus nombreux et de meilleure qualité», l’Assemblée recommande
aux Etats membres:
7.1. de consolider
les stratégies nationales pour garantir des conditions de travail
décentes à l’ensemble de la population et de promouvoir la convergence
intra-européenne dans ce domaine;
7.2. de veiller à ce que les droits, les conditions et la protection
liés au travail, ainsi que des clauses sociales et environnementales
contraignantes accompagnées de mécanismes de contrôle, soient systématiquement
inscrits dans les accords de libre-échange et d’investissements
bilatéraux et multilatéraux, et dans le nouveau cadre de développement
durable remplaçant les OMD après 2015;
7.3. de garantir une mise en œuvre cohérente des normes fondamentales
du travail au niveau mondial, ainsi que des dispositions pertinentes
de la Charte sociale européenne, en particulier celles relatives
à la liberté syndicale et à la négociation collective, à une rémunération
équitable et à une couverture sociale, à la non-discrimination et
aux services de l’emploi, à la protection des mineurs et à un environnement
professionnel sain et sûr;
7.4. d’adhérer à la procédure de réclamation collective de
la Charte sociale européenne, s’ils ne l’ont pas déjà fait;
7.5. de mettre à profit les relations avec les associations
d’employeurs et les syndicats pour promouvoir les engagements des
entreprises en matière de dialogue social, de création et de préservation
d’emplois, de répartition du travail, de rémunération équilibrée
du capital et du travail, d’organisation saine sur le lieu de travail
et de développement des compétences;
7.6. de garantir des règles du jeu équitables à toutes les
entreprises, petites, moyennes et grandes, de promouvoir une concurrence
loyale au moyen des politiques fiscales nationales et de renforcer
les mesures contre l’évitement fiscal;
7.7. de garantir un salaire de subsistance national et des
socles nationaux de protection sociale à un niveau adapté aux besoins
de développement du pays;
7.8. de faciliter la mission des inspections du travail et
le dialogue entre les partenaires sociaux pour endiguer l’emploi
irrégulier et les pratiques abusives en matière de conditions de
travail (s’agissant notamment de la durée minimale et maximale des
heures de travail, de la sécurité sur le lieu de travail et de la
protection spéciale des groupes de populations vulnérables);
7.9. de profiter des possibilités de financement et d’intervention
offertes par la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour
soutenir de façon ciblée l’amélioration des offres d’emploi pour
les jeunes, les minorités et les personnes handicapées;
7.10. de mettre en place de nouveaux moyens de communication
(notamment via les médias sociaux et les réseaux sociaux) pour signaler
aux pouvoirs publics les violations des normes du travail;
7.11. de prévoir des garde-fous et des sanctions sévères pour
lutter contre l’emploi irrégulier et d’améliorer les garanties sociales
contractuelles pour les travailleurs détachés, jeunes, migrants
et les travailleurs domestiques;
7.12. d’éliminer le fossé salarial entre les femmes et les hommes;
7.13. de lutter efficacement contre le chômage des jeunes, et
en particulier de ceux qui ne sont ni au travail, ni scolarisés,
ni en formation, en intervenant sur le marché du travail et dans
l’éducation par le biais de programmes pour la formation et l’emploi.