Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2198 (2018)
Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine
1. L’Assemblée
parlementaire est alarmée par la situation humanitaire qui résulte
de la guerre que continue de mener la Russie contre l’Ukraine dans
certains secteurs des régions de Donetsk et de Lougansk, et de l’occupation
et de la tentative d’annexion de la Crimée par la Fédération de
Russie. Plus de 4 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire.
Le conflit armé a coûté la vie à plus de 10 000 personnes. Le nombre des
personnes blessées pendant la guerre a dépassé le chiffre de 24 000.
En outre, plus de 1,6 million de personnes sont déplacées à l'intérieur
du pays et près d'un demi-million demandent l'asile dans d'autres
pays, la plupart d'entre elles en Fédération de Russie. L’Assemblée
demande à tous les États membres de renforcer leur coopération dans
le domaine politique pour mettre un terme à ce conflit et aux souffrances
de la population civile.
2. L'Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation
humanitaire alarmante qui règne dans les territoires occupés dans
les régions de Donetsk et de Lougansk, et qui est aggravée par les
restrictions imposées par les groupes armés illégaux à la liberté
de mouvement et à l'accès à l’aide humanitaire. La population concernée
souffre de problèmes liés à l’insécurité, à l’approvisionnement
en eau et en énergie ainsi qu’à l’accès aux prestations sociales
et aux soins médicaux.
3. L'Assemblée prend note de la nouvelle loi de l’Ukraine sur
les particularités de la politique de l'État visant à assurer la
souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés
dans les régions de Donetsk et de Lougansk, adoptée par le Parlement
ukrainien le 18 janvier 2018. Cette loi définit la politique de
l'État visant à rétablir la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires
temporairement occupés, facilite la protection des droits et libertés
des citoyens de l'Ukraine qui vivent dans ces territoires dans les
régions de Donetsk et de Lougansk, y compris la satisfaction de
leurs besoins sociaux, économiques et culturels, et protège les
droits des citoyens ukrainiens sur leurs biens dans les territoires
temporairement occupés.
4. L'Assemblée regrette qu'aucun progrès significatif n'ait été
accompli depuis l'adoption de sa Résolution 2067 (2015) sur les personnes portées disparues pendant le conflit
en Ukraine, sur l'échange et la libération des personnes capturées
pendant la guerre en Ukraine. Le processus d’échange de personnes
capturées est très politisé et bloqué par les représentants des
groupes armés illégaux des régions de Donetsk et de Lougansk au
sein du groupe de travail sur les questions humanitaires du Groupe
de contact trilatéral sur l’Ukraine. Aucun mécanisme n'assure le
soutien aux personnes qui ont été libérées de la captivité, ni aux familles
des personnes capturées. L’Assemblée se félicite des efforts des
autorités ukrainiennes pour résoudre la question des personnes capturées
par la libération unilatérale de quelques-unes d’entre elles. De
même, l’Assemblée salue l’échange tant attendu, effectué en décembre
2017 entre Kiev et les forces dirigées par la Russie, de personnes
capturées, et encourage toutes les parties à poursuivre le processus
de négociation afin de permettre à tous les captifs de retrouver
leur foyer dans un proche avenir.
5. L’Assemblée déplore que la Fédération de Russie continue d’ignorer
la Résolution 2133 (2016) sur les recours juridiques contre les violations des
droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant
hors du contrôle des autorités ukrainiennes et qu’elle n’ait pas
encore appliqué une seule des demandes adressées aux autorités russes
dans ce document.
6. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) estime qu'environ
1 500 personnes ont disparu depuis le début de la guerre et que
plus de 650 cas n'ont pas été résolus. L'Assemblée se félicite du
projet de loi sur le statut des personnes portées disparues soumis
au Parlement ukrainien et espère qu'il sera rapidement adopté. Elle
exprime également sa gratitude au CICR pour son assistance aux familles
des personnes portées disparues, ainsi que pour le travail important
accompli en matière de recherche, d'exhumation, d'identification des
restes et de collecte d'informations médico-légales.
7. L'Assemblée condamne fermement la politique russe visant à
modifier la composition démographique de la population de la Crimée
illégalement annexée en contraignant la population pro-ukrainienne
et, en particulier, les Tatars de Crimée à quitter leur patrie,
tout en augmentant la migration de la population russe vers la péninsule,
et appelle la Fédération de Russie à mettre fin à cette répression.
L’Assemblée insiste sur le fait que cette politique de la Russie
s’apparente à une violation de l’article 49 de la Convention (IV)
de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre, qui dispose que les transferts forcés, en masse ou individuels,
ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire
occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui
de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit
le motif. Depuis l’occupation en 2014, 44 Ukrainiens ont disparu
en Crimée: 6 d’entre eux ont été retrouvés morts, 17 autres ont
été remis en liberté, 2 personnes ont été condamnées et 19 sont
toujours portées disparues. La question de la propriété privée en
Crimée est devenue un problème particulièrement aigu, notamment
pour les personnes qui ont acquis leur maison ou appartement avant
l’occupation russe. À Sébastopol, 600 personnes environ ont fait
l’objet d’une décision de justice qui annule leur acte de vente.
Cette pratique constitue une violation flagrante du droit international
humanitaire.
8. L'Assemblée considère que la situation des personnes déplacées
à la suite de la guerre et de l'annexion de la Crimée par la Fédération
de Russie reste un défi crucial pour le Gouvernement ukrainien.
Elle estime également que l'adoption d'une stratégie globale visant
à garantir les droits politiques et sociaux des personnes déplacées
à l’intérieur du pays (PDI), ainsi que leur intégration, devrait
être une tâche prioritaire du gouvernement.
9. L'Assemblée appelle donc toutes les parties belligérantes:
9.1. à respecter le caractère civil
des infrastructures et à garantir la protection des civils et leur
plein accès aux services essentiels;
9.2. à libérer et à échanger tous les prisonniers de guerre
et les personnes capturées pendant la guerre, et à échanger toutes
les dépouilles mortelles;
9.3. à fournir aux familles des personnes portées disparues
l'aide nécessaire pour trouver et, le cas échéant, identifier les
restes de leurs proches, en étroite coopération avec le CICR;
9.4. à créer un groupe de travail conjoint pour traiter de
la question des personnes portées disparues et à veiller à son bon
fonctionnement, qui inclurait des représentants de l’Ukraine, de
la Fédération de Russie, du CICR et des forces armées illégales
des régions de Donetsk et de Lougansk;
9.5. à prendre d'urgence des mesures pour signaler toutes les
zones contaminées par des restes explosifs de guerre et à organiser
des opérations spéciales en vue de leur enlèvement;
9.6. à ouvrir de nouveaux points de passage, en particulier
un point de contrôle à Zolote dans la région de Lougansk.
10. L'Assemblée invite instamment les autorités russes:
10.1. à cesser tout soutien financier
et militaire aux groupes armés illégaux dans les régions de Donetsk
et de Lougansk;
10.2. à cesser de reconnaître les passeports et tout autre document,
y inclus les décisions de tribunaux et les documents confirmant
les droits de propriété, délivrés dans les territoires contrôlés
par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk et de Lougansk;
10.3. à respecter toutes leurs obligations dérivées des dispositions
pertinentes du droit international en tant que puissance d’occupation,
et à veiller au respect des droits de l'homme et à la sécurité de
toutes les personnes vivant en Crimée occupée;
10.4. à lever l’interdiction portant sur le Mejlis des Tatars
de Crimée, conformément aux injonctions de la Cour internationale
de justice dans ses mesures conservatoires dans l’affaire Ukraine c. Russie (19 avril 2017),
ainsi que l’interdiction d’entrée de ses dirigeants, le Mejlis étant
l’organe légitime qui représente la communauté des Tatars de Crimée;
10.5. à libérer tous les prisonniers ukrainiens capturés et
emprisonnés en Fédération de Russie et en Crimée annexée dans le
contexte de la guerre, tout en respectant leurs droits et libertés,
et, jusqu’à ce qu’ils soient libérés, à faciliter le contrôle de
leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs
internationaux indépendants et des organisations internationales;
10.6. à assurer un accès sans entrave à la Crimée annexée pour
les organisations internationales, les organes de suivi internationaux
et les organisations non gouvernementales de défense des droits
de l'homme;
10.7. à user de leur influence sur les groupes armés contrôlant
les territoires des oblasts de Donetsk et de Lougansk pour exiger
la libération de toutes les personnes capturées;
10.8. à cesser la politique consistant à modifier la composition
démographique de la population de la Crimée annexée en déplaçant
sa propre population du territoire russe vers la péninsule;
10.9. à abandonner l’imposition de passeports russes aux citoyens
ukrainiens résidant en Crimée annexée et à cesser les déportations
forcées, de la Crimée annexée, de citoyens ukrainiens qui n'ont pas
de passeport russe;
10.10. à exécuter pleinement toutes les demandes contenues dans
les Résolutions 2132
(2016) sur les conséquences politiques de l'agression russe
en Ukraine et 2133 (2016) de l’Assemblée, pour faire cesser l’agression
militaire contre l’Ukraine et restituer son intégrité territoriale;
10.11. à exécuter pleinement toutes les demandes contenues dans
les Résolutions 1990
(2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, 2034 (2015) sur la
contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non
encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie et 2063
(2015) sur l’examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de
la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16
de la Résolution 2034 (2015)) de l'Assemblée, pour garantir les droits des minorités
en Crimée.
11. L'Assemblée invite instamment les autorités ukrainiennes:
11.1. à mettre le Code pénal et le
Code de procédure pénale de l'Ukraine en conformité avec les dispositions
du droit international humanitaire et du droit pénal international;
11.2. à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale
dans les plus brefs délais, ce qui permettra de mener des enquêtes
efficaces sur des cas concrets de violation du droit international humanitaire
pendant la guerre en Ukraine;
11.3. à libérer tous les prisonniers russes et les personnes
capturées par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk
et Lougansk, et emprisonnées en Ukraine dans le contexte de la guerre,
tout en respectant leurs droits et libertés, et, jusqu’à ce qu’ils
soient libérés, à faciliter le contrôle de leur état de santé et
de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux
indépendants;
11.4. à réviser la loi sur les particularités de la politique
de l'État visant à assurer la souveraineté de l'Ukraine sur les
territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et
de Lougansk sur la base des accords de Minsk, et à pleinement garantir
la protection sociale et satisfaire les besoins humanitaires essentiels
de la population civile des territoires temporairement occupés des
régions de Donetsk et de Lougansk;
11.5. à adopter une législation sur les actions humanitaires
de déminage;
11.6. à réviser la loi sur l'assistance humanitaire afin de
faciliter la fourniture de cette assistance aux territoires touchés
par la guerre;
11.7. à accorder les ressources financières nécessaires aux
administrations locales chargées de l’assistance aux PDI et autres
victimes de la guerre;
11.8. à adopter un programme gouvernemental d'assistance aux
familles des personnes portées disparues et capturées pendant la
guerre en Ukraine, ainsi qu'aux familles des personnes capturées
et emprisonnées par les autorités russes en Crimée annexée et sur
le territoire de la Fédération de Russie dans le contexte de la
guerre;
11.9. à élaborer, adopter et financer un programme national
d'assistance psychologique aux militaires et aux civils qui souffrent
du syndrome de stress post-traumatique;
11.10. à développer un mécanisme national d'indemnisation des
victimes civiles qui ont été blessées ou dont les familles ont été
tuées durant la guerre;
11.11. à prévoir des mécanismes garantissant le droit de vote
des PDI dans toutes les élections, y compris au niveau local;
11.12. à mettre à la disposition des citoyens ukrainiens des
informations sur les procédures de légalisation et de protection
internationale des migrants et des demandeurs d'asile en Europe;
11.13. à garantir le droit à un logement décent et à résoudre
les problèmes de logement dans le cadre des solutions durables élaborées
pour les PDI, y compris l'adoption d'un cadre juridique pour l'introduction
et la mise en œuvre de différents types de programmes de logement;
11.14. à simplifier la procédure de versement des prestations
sociales et des pensions de retraite en les déconnectant du processus
d'enregistrement des PDI, notamment en modifiant les Résolutions
nos 365, 505 et 637 du Conseil des ministres,
ainsi que tous les autres actes normatifs pertinents;
11.15. à introduire des procédures administratives pour les citoyens
ukrainiens vivant dans les territoires temporairement occupés en
ce qui concerne la régularisation de leurs documents d’état civil;
11.16. à élaborer un mécanisme garantissant les droits des personnes
ayant quitté l'Ukraine après le déclenchement de la guerre en 2014
et à veiller, en particulier, à ce qu'elles ne risquent pas l'apatridie.
12. L'Assemblée demande à la Banque de développement du Conseil
de l'Europe de mettre en place des programmes de prêts abordables
pouvant soutenir des projets de logement destinés aux personnes vulnérables
en Ukraine, notamment des PDI ayant besoin de logements permanents,
des projets de reconstruction et des structures sanitaires et éducatives
dans les zones les plus dévastées.
13. L'Assemblée encourage le Gouvernement ukrainien à envisager
la possibilité de devenir membre de la Banque de développement du
Conseil de l'Europe, et, avant cela, à coopérer avec d'autres États
membres de cette banque afin d’élaborer des projets d'assistance
visant à répondre aux besoins en matière de logement des PDI en
Ukraine.
14. L'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l'Europe
à assurer un examen équitable et non discriminatoire des demandes
de protection internationale des ressortissants ukrainiens en Europe,
en tenant compte de toutes les situations individuelles, en particulier
les besoins spécifiques des personnes vulnérables fuyant la guerre
ou la répression.
15. L'Assemblée appelle la communauté internationale à convoquer
une conférence humanitaire internationale sur l’Ukraine afin de
lever des fonds pour le plan d’aide humanitaire et de concevoir
des stratégies de coordination de l’aide humanitaire.