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Résolution 2198 (2018)

Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (4e séance) (voir Doc. 14463, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Egidijus Vareikis). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2018 (4e séance).Voir également la Recommandation 2119 (2018).

1. L’Assemblée parlementaire est alarmée par la situation humanitaire qui résulte de la guerre que continue de mener la Russie contre l’Ukraine dans certains secteurs des régions de Donetsk et de Lougansk, et de l’occupation et de la tentative d’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. Plus de 4 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire. Le conflit armé a coûté la vie à plus de 10 000 personnes. Le nombre des personnes blessées pendant la guerre a dépassé le chiffre de 24 000. En outre, plus de 1,6 million de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays et près d'un demi-million demandent l'asile dans d'autres pays, la plupart d'entre elles en Fédération de Russie. L’Assemblée demande à tous les États membres de renforcer leur coopération dans le domaine politique pour mettre un terme à ce conflit et aux souffrances de la population civile.
2. L'Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation humanitaire alarmante qui règne dans les territoires occupés dans les régions de Donetsk et de Lougansk, et qui est aggravée par les restrictions imposées par les groupes armés illégaux à la liberté de mouvement et à l'accès à l’aide humanitaire. La population concernée souffre de problèmes liés à l’insécurité, à l’approvisionnement en eau et en énergie ainsi qu’à l’accès aux prestations sociales et aux soins médicaux.
3. L'Assemblée prend note de la nouvelle loi de l’Ukraine sur les particularités de la politique de l'État visant à assurer la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et de Lougansk, adoptée par le Parlement ukrainien le 18 janvier 2018. Cette loi définit la politique de l'État visant à rétablir la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés, facilite la protection des droits et libertés des citoyens de l'Ukraine qui vivent dans ces territoires dans les régions de Donetsk et de Lougansk, y compris la satisfaction de leurs besoins sociaux, économiques et culturels, et protège les droits des citoyens ukrainiens sur leurs biens dans les territoires temporairement occupés.
4. L'Assemblée regrette qu'aucun progrès significatif n'ait été accompli depuis l'adoption de sa Résolution 2067 (2015) sur les personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine, sur l'échange et la libération des personnes capturées pendant la guerre en Ukraine. Le processus d’échange de personnes capturées est très politisé et bloqué par les représentants des groupes armés illégaux des régions de Donetsk et de Lougansk au sein du groupe de travail sur les questions humanitaires du Groupe de contact trilatéral sur l’Ukraine. Aucun mécanisme n'assure le soutien aux personnes qui ont été libérées de la captivité, ni aux familles des personnes capturées. L’Assemblée se félicite des efforts des autorités ukrainiennes pour résoudre la question des personnes capturées par la libération unilatérale de quelques-unes d’entre elles. De même, l’Assemblée salue l’échange tant attendu, effectué en décembre 2017 entre Kiev et les forces dirigées par la Russie, de personnes capturées, et encourage toutes les parties à poursuivre le processus de négociation afin de permettre à tous les captifs de retrouver leur foyer dans un proche avenir.
5. L’Assemblée déplore que la Fédération de Russie continue d’ignorer la Résolution 2133 (2016) sur les recours juridiques contre les violations des droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant hors du contrôle des autorités ukrainiennes et qu’elle n’ait pas encore appliqué une seule des demandes adressées aux autorités russes dans ce document.
6. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) estime qu'environ 1 500 personnes ont disparu depuis le début de la guerre et que plus de 650 cas n'ont pas été résolus. L'Assemblée se félicite du projet de loi sur le statut des personnes portées disparues soumis au Parlement ukrainien et espère qu'il sera rapidement adopté. Elle exprime également sa gratitude au CICR pour son assistance aux familles des personnes portées disparues, ainsi que pour le travail important accompli en matière de recherche, d'exhumation, d'identification des restes et de collecte d'informations médico-légales.
7. L'Assemblée condamne fermement la politique russe visant à modifier la composition démographique de la population de la Crimée illégalement annexée en contraignant la population pro-ukrainienne et, en particulier, les Tatars de Crimée à quitter leur patrie, tout en augmentant la migration de la population russe vers la péninsule, et appelle la Fédération de Russie à mettre fin à cette répression. L’Assemblée insiste sur le fait que cette politique de la Russie s’apparente à une violation de l’article 49 de la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, qui dispose que les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. Depuis l’occupation en 2014, 44 Ukrainiens ont disparu en Crimée: 6 d’entre eux ont été retrouvés morts, 17 autres ont été remis en liberté, 2 personnes ont été condamnées et 19 sont toujours portées disparues. La question de la propriété privée en Crimée est devenue un problème particulièrement aigu, notamment pour les personnes qui ont acquis leur maison ou appartement avant l’occupation russe. À Sébastopol, 600 personnes environ ont fait l’objet d’une décision de justice qui annule leur acte de vente. Cette pratique constitue une violation flagrante du droit international humanitaire.
8. L'Assemblée considère que la situation des personnes déplacées à la suite de la guerre et de l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie reste un défi crucial pour le Gouvernement ukrainien. Elle estime également que l'adoption d'une stratégie globale visant à garantir les droits politiques et sociaux des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI), ainsi que leur intégration, devrait être une tâche prioritaire du gouvernement.
9. L'Assemblée appelle donc toutes les parties belligérantes:
9.1. à respecter le caractère civil des infrastructures et à garantir la protection des civils et leur plein accès aux services essentiels;
9.2. à libérer et à échanger tous les prisonniers de guerre et les personnes capturées pendant la guerre, et à échanger toutes les dépouilles mortelles;
9.3. à fournir aux familles des personnes portées disparues l'aide nécessaire pour trouver et, le cas échéant, identifier les restes de leurs proches, en étroite coopération avec le CICR;
9.4. à créer un groupe de travail conjoint pour traiter de la question des personnes portées disparues et à veiller à son bon fonctionnement, qui inclurait des représentants de l’Ukraine, de la Fédération de Russie, du CICR et des forces armées illégales des régions de Donetsk et de Lougansk;
9.5. à prendre d'urgence des mesures pour signaler toutes les zones contaminées par des restes explosifs de guerre et à organiser des opérations spéciales en vue de leur enlèvement;
9.6. à ouvrir de nouveaux points de passage, en particulier un point de contrôle à Zolote dans la région de Lougansk.
10. L'Assemblée invite instamment les autorités russes:
10.1. à cesser tout soutien financier et militaire aux groupes armés illégaux dans les régions de Donetsk et de Lougansk;
10.2. à cesser de reconnaître les passeports et tout autre document, y inclus les décisions de tribunaux et les documents confirmant les droits de propriété, délivrés dans les territoires contrôlés par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk et de Lougansk;
10.3. à respecter toutes leurs obligations dérivées des dispositions pertinentes du droit international en tant que puissance d’occupation, et à veiller au respect des droits de l'homme et à la sécurité de toutes les personnes vivant en Crimée occupée;
10.4. à lever l’interdiction portant sur le Mejlis des Tatars de Crimée, conformément aux injonctions de la Cour internationale de justice dans ses mesures conservatoires dans l’affaire Ukraine c. Russie (19 avril 2017), ainsi que l’interdiction d’entrée de ses dirigeants, le Mejlis étant l’organe légitime qui représente la communauté des Tatars de Crimée;
10.5. à libérer tous les prisonniers ukrainiens capturés et emprisonnés en Fédération de Russie et en Crimée annexée dans le contexte de la guerre, tout en respectant leurs droits et libertés, et, jusqu’à ce qu’ils soient libérés, à faciliter le contrôle de leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux indépendants et des organisations internationales;
10.6. à assurer un accès sans entrave à la Crimée annexée pour les organisations internationales, les organes de suivi internationaux et les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme;
10.7. à user de leur influence sur les groupes armés contrôlant les territoires des oblasts de Donetsk et de Lougansk pour exiger la libération de toutes les personnes capturées;
10.8. à cesser la politique consistant à modifier la composition démographique de la population de la Crimée annexée en déplaçant sa propre population du territoire russe vers la péninsule;
10.9. à abandonner l’imposition de passeports russes aux citoyens ukrainiens résidant en Crimée annexée et à cesser les déportations forcées, de la Crimée annexée, de citoyens ukrainiens qui n'ont pas de passeport russe;
10.10. à exécuter pleinement toutes les demandes contenues dans les Résolutions 2132 (2016) sur les conséquences politiques de l'agression russe en Ukraine et 2133 (2016) de l’Assemblée, pour faire cesser l’agression militaire contre l’Ukraine et restituer son intégrité territoriale;
10.11. à exécuter pleinement toutes les demandes contenues dans les Résolutions 1990 (2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, 2034 (2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie et 2063 (2015) sur l’examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015)) de l'Assemblée, pour garantir les droits des minorités en Crimée.
11. L'Assemblée invite instamment les autorités ukrainiennes:
11.1. à mettre le Code pénal et le Code de procédure pénale de l'Ukraine en conformité avec les dispositions du droit international humanitaire et du droit pénal international;
11.2. à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans les plus brefs délais, ce qui permettra de mener des enquêtes efficaces sur des cas concrets de violation du droit international humanitaire pendant la guerre en Ukraine;
11.3. à libérer tous les prisonniers russes et les personnes capturées par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk et Lougansk, et emprisonnées en Ukraine dans le contexte de la guerre, tout en respectant leurs droits et libertés, et, jusqu’à ce qu’ils soient libérés, à faciliter le contrôle de leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux indépendants;
11.4. à réviser la loi sur les particularités de la politique de l'État visant à assurer la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et de Lougansk sur la base des accords de Minsk, et à pleinement garantir la protection sociale et satisfaire les besoins humanitaires essentiels de la population civile des territoires temporairement occupés des régions de Donetsk et de Lougansk;
11.5. à adopter une législation sur les actions humanitaires de déminage;
11.6. à réviser la loi sur l'assistance humanitaire afin de faciliter la fourniture de cette assistance aux territoires touchés par la guerre;
11.7. à accorder les ressources financières nécessaires aux administrations locales chargées de l’assistance aux PDI et autres victimes de la guerre;
11.8. à adopter un programme gouvernemental d'assistance aux familles des personnes portées disparues et capturées pendant la guerre en Ukraine, ainsi qu'aux familles des personnes capturées et emprisonnées par les autorités russes en Crimée annexée et sur le territoire de la Fédération de Russie dans le contexte de la guerre;
11.9. à élaborer, adopter et financer un programme national d'assistance psychologique aux militaires et aux civils qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique;
11.10. à développer un mécanisme national d'indemnisation des victimes civiles qui ont été blessées ou dont les familles ont été tuées durant la guerre;
11.11. à prévoir des mécanismes garantissant le droit de vote des PDI dans toutes les élections, y compris au niveau local;
11.12. à mettre à la disposition des citoyens ukrainiens des informations sur les procédures de légalisation et de protection internationale des migrants et des demandeurs d'asile en Europe;
11.13. à garantir le droit à un logement décent et à résoudre les problèmes de logement dans le cadre des solutions durables élaborées pour les PDI, y compris l'adoption d'un cadre juridique pour l'introduction et la mise en œuvre de différents types de programmes de logement;
11.14. à simplifier la procédure de versement des prestations sociales et des pensions de retraite en les déconnectant du processus d'enregistrement des PDI, notamment en modifiant les Résolutions nos 365, 505 et 637 du Conseil des ministres, ainsi que tous les autres actes normatifs pertinents;
11.15. à introduire des procédures administratives pour les citoyens ukrainiens vivant dans les territoires temporairement occupés en ce qui concerne la régularisation de leurs documents d’état civil;
11.16. à élaborer un mécanisme garantissant les droits des personnes ayant quitté l'Ukraine après le déclenchement de la guerre en 2014 et à veiller, en particulier, à ce qu'elles ne risquent pas l'apatridie.
12. L'Assemblée demande à la Banque de développement du Conseil de l'Europe de mettre en place des programmes de prêts abordables pouvant soutenir des projets de logement destinés aux personnes vulnérables en Ukraine, notamment des PDI ayant besoin de logements permanents, des projets de reconstruction et des structures sanitaires et éducatives dans les zones les plus dévastées.
13. L'Assemblée encourage le Gouvernement ukrainien à envisager la possibilité de devenir membre de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, et, avant cela, à coopérer avec d'autres États membres de cette banque afin d’élaborer des projets d'assistance visant à répondre aux besoins en matière de logement des PDI en Ukraine.
14. L'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l'Europe à assurer un examen équitable et non discriminatoire des demandes de protection internationale des ressortissants ukrainiens en Europe, en tenant compte de toutes les situations individuelles, en particulier les besoins spécifiques des personnes vulnérables fuyant la guerre ou la répression.
15. L'Assemblée appelle la communauté internationale à convoquer une conférence humanitaire internationale sur l’Ukraine afin de lever des fonds pour le plan d’aide humanitaire et de concevoir des stratégies de coordination de l’aide humanitaire.