A la suite des différentes allégations
faisant état de trafic de nouveau-nés, la rapporteuse, Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold,
a effectué des missions d’enquête en Ukraine (29 août-1er septembre
2005) et en Moldova (5-7 février 2007).
1. La situation en Ukraine
Des témoignages bouleversants
1. La question qui s’était posée
était celle de savoir si les maternités ukrainiennes, et notamment
celle de l’hôpital no 6 à Kharkov, faisaient
l’objet de trafics de nouveau-nés à des fins d’adoption illégale,
voire de trafic.
2. Dans ce contexte, la rapporteuse a pu rencontrer quatre mères
qui l’ont assurée avoir mis au monde des bébés en parfaite santé
et qui leur ont été enlevés immédiatement après leur naissance.
Elles ne les ont bien évidemment jamais revus, car on leur a dit
qu’ils étaient morts peu après la naissance. Aucune de ces mères
n’a dont été autorisée à voir les cadavres qui, selon les autorités
de l’hôpital, ont été enterrés par les soins du personnel hospitalier.
3. Dans un des cas, le médecin-chef avait certifié que l’enfant
ne pesait que 870 g, alors que la mère reste persuadée qu’il pesait
au moins 2 kilos. Le médecin traitant lui-même avait affirmé à la
rapporteuse que la grossesse de cette femme avait été normale et
avait communiqué comme preuve les résultats des examens prénatals.
4. Le médecin-chef de la maternité incriminée a prétendu le contraire,
tout en étant incapable de répondre aux questions posées par la
délégation parlementaire. Il en était de même pour les sages-femmes.
5. Une autre mère a informé la délégation qu’un cadavre de nouveau-né
a été présenté comme le sien alors qu’en réalité le bébé était beaucoup
plus âgé que celui qu’elle était censée avoir perdu.
6. Lors de son séjour à Kiev, la rapporteuse a également entendu
le témoignage d’une mère qui avait accouché à l’hôpital no 5
de Kiev. Lors de l’examen de contrôle à l’hôpital, on lui avait
dit que l’état du bébé était satisfaisant. Après quarante-trois
semaines de grossesse, elle s’est rendue à l’hôpital où, au moment
de son admission, on lui avait déclaré qu’elle était trop âgée et
que l’enfant risquait d’avoir des problèmes. Le médecin l’avait
même menacée et à la suite de cela elle a demandé qu’on la mette
sur la table pour provoquer la rupture des eaux. Une césarienne
a été faite et, à son réveil, on lui a dit que son bébé était un
garçon qui pesait 3,600 kg et qu’il mesurait 53 cm.
7. Le personnel médical l’a installée dans un corridor et elle
n’a pu obtenir aucune réponse du personnel lorsqu’elle demandait
à voir son bébé.
8. Au bout de quatre jours, elle a pu avoir une chambre et c’est
la fille de salle qui l’a informée du décès de son bébé, deux heures
après l’accouchement. Elle a eu le réflexe de garder l’étiquette
du bébé qu’elle a cachée dans son oreiller. Son mari, qui n’a été
averti que le lendemain, est arrivé à l’hôpital pour voir le corps. Sa
demande a été rejetée sous prétexte que l’enfant n’était pas beau
à voir.
9. Après sept jours d’hospitalisation, la direction de l’hôpital
leur a demandé de signer un papier en blanc, ce qu’ils ont refusé.
Le mari est allé plusieurs fois à la morgue où l’on refusait systématiquement
de lui donner le corps du bébé. En outre, aucune autopsie n’a été
enregistrée.
10. Ils en ont conclu que l’enfant était peut-être encore vivant
et qu’il avait été échangé à la naissance puisqu’ils ont constaté
une différence entre les protocoles. En effet, le protocole qu’ils
ont reçu à la sortie de l’hôpital mentionnait que la tête du bébé
avait 35 cm et qu’elle présentait des signes de microcéphalie alors que
cela n’était pas mentionné sur le premier protocole.
11. Ils se sont adressés au procureur puis au ministère de la
Santé mais sans résultat.
12. La jeune mère a par conséquent décidé de prendre des cours
de gynécologie et a travaillé dans un hôpital. Au bout de cinq ans,
elle était à nouveau enceinte et s’est rendue à l’hôpital no 6
où les analyses se sont révélées tout à fait normales. Elle a accouché
le 29 décembre 1996 par césarienne et, le quatrième jour, elle a
été informée que le bébé était mort et qu’elle n’était pas autorisée
à le voir. En quittant l’hôpital après dix jours d’hospitalisation,
on lui a donné le corps d’un enfant de sexe masculin de six mois,
alors qu’elle avait accouché d’une fille.
13. Depuis lors, elle a déposé plusieurs plaintes et, en 2005,
le bureau du procureur de Kiev lui a fait savoir qu’il avait décidé
de procéder à une exhumation pour faire des analyses d’ADN.
14. De son côté, elle est persuadée que son bébé est vivant et
qu’il a été adopté par un proche du médecin de l’hôpital.
15. Lors des autres entretiens, la délégation parlementaire a
entendu le même scénario de base. On laisse accoucher la mère, on
lui montre à peine son enfant, on refuse de le montrer à la famille,
puis on annonce son décès. Les Ukrainiens étant habitués à respecter
ces roitelets que sont les médecins, les familles se voyaient obligées,
malgré elles, de signer les papiers autorisant l’enterrement de
leur enfant prétendument mort-né.
16. Dans un des cas les plus récents, en 2003, une jeune mère
s’est fait voler l’un de ses jumeaux. Il a été déclaré mal formé,
alors que le médecin traitant de la mère a pu prouver, échographies
à l’appui, que les jumeaux étaient viables et en bonne santé.
La réaction et les réponses des
autorités ukrainiennes
17. Au cours de son entretien avec
Mme Karpachova, médiatrice, cette dernière
rappelle que depuis 1994, l’Ukraine s’est trouvée confrontée au
trafic d’enfants sous le couvert de l’adoption internationale. Les
enquêtes qui en ont résulté ont permis de traduire bon nombre de
fonctionnaires en justice.
18. Au cours de cet entretien, la médiatrice a proposé à la délégation
de rencontrer la mère dont la fille a accouché normalement de jumelles,
après sept mois de grossesse. Le troisième jour, elle n’a vu qu’une
des jumelles et s’est vu interdire l’entrée de la pouponnière. Une
des infirmières lui a dit que l’une des jumelles est morte. Elle
n’a pas pu la voir et n’a pas pu l’enterrer. De plus, elle a constaté
une fausse date de naissance sur le protocole d’autopsie. Elle a
déposé une plainte au parquet et a procédé à des analyses sanguines,
en demandant d’enregistrer ces protocoles, mais le procureur a refusé.
Elle s’est ensuite adressée au ministère de la Santé qui ne l’a
pas reçue, puis au procureur général. L’enquête judiciaire n’a jamais
été ouverte et le personnel de l’hôpital a toujours témoigné en
faveur de l’hôpital.
19. Les autorités ukrainiennes ont souligné que les faits mentionnés
avaient eu lieu en 2002, date à laquelle la loi interdisait aux
parents de voir leur bébé mort. Depuis lors, la loi a été modifiée
pour que la mère puisse voir son bébé, et le futur père est également
autorisé à assister à l’accouchement.
20. Les autorités ukrainiennes ont également souligné l’augmentation
constante du nombre de mères renonçant à la maternité ou du nombre
de mères qui font des enfants pour les revendre.
21. Elles informent également les membres de la délégation parlementaire
que, depuis 2003, plusieurs procédures portant sur l’adoption illégale
ont été ouvertes en Ukraine et que le bureau du procureur est en
train de mener des enquêtes pour trouver de nouvelles preuves.
22. Entre 1996 et 2004, 26 000 enfants ont été adoptés en Ukraine
et 13 000 à l’étranger. Chaque cas est examiné par le tribunal et
le procureur. Toutefois, malgré les législations en vigueur, il
existe encore trop de cas d’adoptions illégales.
23. En ce qui concerne plus spécifiquement la disparition des
nouveau-nés, les autorités ukrainiennes ont créé une commission
d’enquête et ont constaté que les médecins avaient commis des violations
pendant l’accouchement. Une enquête a été ouverte et un portrait-robot
a même été diffusé.
24. A la suite de cette mission, la délégation parlementaire a
été informée que la justice ukrainienne avait annoncé l’exhumation
de plusieurs nouveau-nés à l’hôpital de Kharkov, exhumations qui
feront l’objet de tests ADN.
25. Selon certaines ONG, ces disparitions ne sont pas des cas
isolés et se sont également produites en Moldova, en Bulgarie, en
Roumanie et dans bien d’autres pays.
Questions relatives à l’adoption
et aux familles d’accueil en Ukraine
26. La question, qui soulève de
multiples controverses, concerne la nécessité de ratifier la Convention
de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière
d’adoption internationale. Cette convention du 29 mai 1993 régit
la coopération interétatique dans les procédures d’adoption. Bien
que la question ait été à quatre reprises soumise au vote de la
Verkhovna Rada (Parlement ukrainien), l’Ukraine n’a toujours pas ratifié
la convention. La pierre d’achoppement est la possibilité pour les
«organismes agréés» de prendre en charge les procédures d’adoption
(possibilité prévue au chapitre III de la convention).
27. Les opposants à la convention invoquent l’article 216 du Code
ukrainien de la famille, qui interdit la médiation et les activités
commerciales en relation avec l’adoption d’enfants. Toutefois, il
est manifeste qu’une forme de «médiation» est toujours nécessaire
pour l’adoption internationale. En effet, il est difficile d’imaginer qu’un
couple étranger, ne parlant pas l’ukrainien et ne connaissant pas
la procédure légale du pays, soit capable de résoudre sans assistance
tous les problèmes juridiques posés par l’adoption d’un enfant ukrainien. Par
ailleurs, les employés – très peu nombreux – du service de l’adoption
ne parlent aucune langue étrangère. Il y a donc toujours eu des
intermédiaires, et ils sont bien connus à la fois du service de
l’adoption et des couples adoptants. La convention légalisera leurs
activités et permettra ainsi de prévenir les irrégularités éventuelles.
En outre, l’article 32 de la convention interdit que ces intermédiaires
perçoivent des rémunérations considérables, ce qui est largement
le cas actuellement.
28. La ratification de la convention garantira la transparence
et le contrôle des activités des intermédiaires et du service de
l’adoption; elle simplifiera l’accès à l’information sur les enfants
susceptibles d’être adoptés et les couples prêts à adopter un enfant;
elle permettra de suivre le parcours des enfants adoptés après leur
sortie du pays et, par conséquent, de diminuer le risque qu’ils
soient victimes de la traite des êtres humains.
29. Selon un autre argument souvent invoqué à l’encontre de la
convention, celle-ci empêcherait les adoptions au niveau national.
Toutefois, le préambule à la convention rappelle que chaque Etat
devrait prendre, en priorité, des mesures appropriées pour permettre
le maintien de l’enfant dans sa famille d’origine; le préambule
reconnaît par ailleurs que l’adoption internationale peut présenter
l’avantage de donner une famille permanente à l’enfant pour lequel
une famille appropriée ne peut être trouvée dans son Etat d’origine.
30. La procédure actuelle pour les adoptions internationales et
son opacité autorisent diverses formes de corruption. Le 5 février
2007, le ministère de la Famille, de la Jeunesse et des Sports a
adopté le décret no 313 sur les modalités
et les conditions d’acceptation des documents présentés par des
étrangers en vue de l’adoption d’un enfant. Ce décret définit des
règles très strictes concernant l’acceptation de tels documents. Par
exemple, la période de validité des documents présentés par des
parents candidats à l’adoption est limitée à un an. Dans le même
temps, il faut plusieurs mois au moins pour obtenir un entretien.
De plus, au cours d’une visite, les parents adoptants ne peuvent
rencontrer que deux enfants, et s’ils n’entrent en contact avec
aucun des deux, la visite suivante ne peut avoir lieu qu’après six
mois. La sévérité de ces règles offre un terrain propice à l’intervention
d’intermédiaires fortement rémunérés.
31. De nombreux spécialistes s’inquiètent de ce que le statut
de «famille d’accueil», en Ukraine, s’est substitué aux adoptions
proprement dites. L’Etat n’accorde aucune aide financière à un couple
qui adopte un enfant, tandis que les familles d’accueil reçoivent
une aide financière substantielle. Par conséquent, dans certaines
familles d’accueil où plusieurs enfants sont placés, ce sont ces
derniers qui assurent le revenu du ménage, non les parents. Cette
politique a pour résultat regrettable que les couples ukrainiens
préfèrent prendre le statut de famille d’accueil plutôt que d’adopter
un enfant. Cependant, les enfants placés dans une famille d’accueil
restent officiellement des «orphelins» et leur avenir dans ces familles
est incertain, leurs tuteurs ayant la possibilité de les renvoyer.
Pire encore, cette politique est extrêmement avantageuse pour les personnes
qui, loin de vouloir donner une famille à des enfants abandonnés,
ne pensent en réalité qu’à leur propre profit. Dans le «meilleur»
des cas, il s’agira simplement d’améliorer une situation financière:
une famille d’accueil avait par exemple accepté pas moins de neuf
enfants et acheté une maison à crédit (on peut se demander si ces
enfants seront encore accueillis lorsque le crédit sera remboursé).
Il est difficile d’imaginer ce qui pourrait se passer dans le «pire»
des cas, sachant que le consentement des tuteurs suffit pour qu’un
enfant soit emmené à l’étranger, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir
l’autorisation des autorités compétentes. Le même consentement est
nécessaire si une personne souhaite adopter un enfant placé dans
une famille d’accueil, quoiqu’il soit peu probable, si les tuteurs
ont accueilli un enfant uniquement pour des raisons financières,
qu’ils soient disposés à se séparer de leur «poule aux œufs d’or».
Le ministère public a constaté plusieurs irrégularités et, pour
la seule année 2007, des poursuites pénales ont été engagées à l’encontre
de 60 familles d’accueil, et quelque 800 actes juridiques ont été
annulés. Dans la pratique, il est important que des psychologues
travaillent avec les parents candidats à l’adoption et avec les
familles d’accueil.
32. En outre, il convient de mentionner que l’allocation versée
par l’Etat lors de la naissance d’un enfant (8 500 UAH, soit environ
1 400 euros), si elle a pour finalité première d’augmenter le taux
de natalité, est aussi devenue une «denrée» convoitée par les alcooliques
et les toxicomanes, de sorte que le nombre des enfants abandonnés
a connu une augmentation spectaculaire entre 2003 et 2007, passant
de 5 900 à 9 300.
2. La situation en Moldova
Des cas de trafics d’enfants
33. Lors des différents entretiens
qu’elle a eus, Mme Vermot-Mangold a souligné
que sa visite fait suite aux informations selon lesquelles l’on
a constaté l’existence d’un véritable trafic de ventes de bébés
et de l’existence d’annonces passées dans les journaux pour inciter
les mères célibataires à vendre leur bébé pour une somme de 3 000 euros
environ.
34. En 2006, 61 cas de trafic d’enfants ont été portés au pénal
et l’on a dénombré cinq cas de sortie illégale du territoire.
35. En 2006, la Moldova a connu cinq cas de trafic d’organes,
trafic organisé par un groupe dont les responsables ont été arrêtés
et emprisonnés.
36. Au cours des différents entretiens, les interlocuteurs ont
souligné qu’à l’heure actuelle on ne disposait d’aucune information
sur l’existence d’une pression quelconque dans les maternités. A
Chişinău, il existe d’ailleurs une coopération entre la maternité
et les services de l’Etat.
37. Toutefois, il a été précisé que, en 2007, 12 000 enfants ont
été abandonnés et placés dans les institutions, où les conditions
de vie sont relativement mauvaises pour le développement psychique
des enfants. L’on constate d’ailleurs qu’ils ont beaucoup de mal
à s’intégrer dans la société.
38. En règle générale, en Moldova, selon les responsables de La
Strada, l’adoption illégale existe surtout auprès des personnes
victimes de la prostitution. Les femmes vont accoucher en dehors
des hôpitaux et passent la frontière. Les jeunes femmes qui abandonnent
leurs enfants font partie, en règle générale, de réseaux dont les
responsables privent la mère de tous ses droits parentaux.
39. Il faut rappeler qu’en Moldova, il existe la possibilité d’un
délai de six mois durant lequel la mère peut laisser son enfant
en placement temporaire.
La position des autorités moldoves
40. Au cours d’un entretien avec
le président du Parlement moldove, celui-ci a souligné l’existence
d’une véritable coopération entre la société civile et les organisations
internationales pour lutter contre le phénomène de l’abandon et
du trafic d’enfants.
41. Le président du parlement a notamment rappelé qu’en ce qui
concerne la Moldova, il existe un grand risque de trafic d’enfants,
en raison notamment du faible niveau de vie. En outre, compte tenu
du chiffre croissant de l’émigration, la Moldova est en train de
se dépeupler. Dans ce contexte, deux lois ont été votées, l’une
concernant la prévention et la traite et l’autre la lutte contre
la traite. Il a souligné, à cet égard, que la Moldova a été le premier
pays à avoir ratifié la Convention sur la lutte contre la traite.
Le Code pénal moldove prévoit une sanction en cas de trafic.
42. En ce qui concerne plus spécifiquement le trafic d’enfants,
la Moldova a créé, à la fin de l’année 2004, un Comité national
pour les adoptions, dont le règlement se base sur le Code de la
famille et sur la Convention de La Haye sur l’adoption internationale.
L’année 2006 a vu également apparaître la création d’un ministère spécial
pour la protection de la famille et des enfants.
43. Pour l’instant, un enfant placé coûte environ 80 euros par
mois et une mère célibataire reçoit 15 dollars par mois. Puis elle
reçoit entre 3 et 4 dollars par mois pour un enfant âgé de 1 an
et demi à 18 ans. Il rappelle à cet égard que le revenu moyen s’élève
à 130 dollars par mois.
44. La mère reçoit 80 dollars à la naissance de l’enfant et la
mère célibataire est soignée gratuitement, grâce à une police d’assurance.
45. Les problèmes les plus sensibles proviennent surtout des groupes
vulnérables, qui sont essentiellement constitués par les Tsiganes
et les Roms.
46. Les différents représentants des ONG pour la protection des
enfants ont rappelé que la Moldova a fait d’énormes progrès pour
lutter contre le trafic et l’abandon d’enfants.
47. Malheureusement, il y a encore beaucoup d’enfants qui ne sont
pas déclarés à la naissance car la mère n’a pas fait les démarches
nécessaires à cet effet. C’est la raison pour laquelle on découvre
que des enfants nés en Moldova mendient en Russie.
48. Il incombe donc aux autorités moldoves de prendre les mesures
nécessaires pour que les agences spécialisées en matière d’adoption
soient enregistrées officiellement et soumises à un contrôle strict.
49. Le Comité national pour les adoptions se réunit régulièrement
dans les districts pour présenter aux élèves et aux maires les moyens
existant en matière de prévention du trafic.
50. La rapporteuse souligne que si les bébés sont vendus aussi
facilement en Moldova, c’est parce qu’il n’existe pas de loi visant
à punir les personnes qui commettent ce trafic. En outre, et compte
tenu du fait que les parents ne sont pas obligés d’enregistrer la
naissance de l’enfant, ni de la déclarer à l’état civil, il est
très facile de faire passer la frontière aux enfants, cela d’autant
plus que l’attitude de la police s’avère très laxiste.
3. La situation dans d’autres
Etats membres du Conseil de l’Europe
La Roumanie
51. Au début des années 1990, le
mot «Roumanie» était presque devenu synonyme d’adoptions internationales:
des milliers d’enfants sortaient du pays pour être adoptés en Europe
occidentale et en Amérique du Nord, parfois dans des conditions
douteuses. A la même période, les enfants mendiants venus de Roumanie
ont commencé à faire leur apparition sur les trottoirs de l’Union
européenne, principalement en Italie, en Espagne et en France.
52. Avant 1989, l’adoption internationale était peu courante en
Roumanie et devait recevoir l’aval du Président.
53. C’est dans ce contexte qu’a été adoptée, en 1990, une loi
libéralisant les adoptions internationales et qu’un grand nombre
de personnes sont venues chercher un enfant à adopter en Roumanie.
Cela a également marqué le début d’un trafic d’enfant puisque, entre
1990 et 1991, un grand nombre d’enfants ont quitté le territoire
pour être adoptés à l’étranger.
54. Ce n’est qu’en juin 2001 que le Gouvernement roumain a imposé
un moratoire sur les adoptions internationales qui, depuis 2004,
ne sont possibles que dans des cas exceptionnels. En effet, selon
les termes de la loi qui a été adoptée en 2004, l’adoption internationale
de l’enfant domicilié en Roumanie n’est possible que si la personne
qui adopte, ou l’un des époux de la famille qui adopte ayant le
domicile à l’étranger, est le grand-parent de l’enfant pour lequel
une procédure d’adoption nationale a été ouverte. C’est ainsi que,
selon les statistiques nationales, 10 938 adoptions internationales
ont été autorisées entre 1997 et 2007. A l’heure actuelle, la Roumanie
applique le régime juridique applicable aux adoptions internationales,
qui est fondé sur l’article 21.b de
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
55. Les efforts de l’Etat roumain se concentrent ainsi surtout
sur le maintien de l’enfant dans sa famille, et, si cela n’est pas
possible, sur l’identification des alternatives de soin familial
dans l’Etat d’origine. Pour ce faire, des services de prévention
de la séparation de l’enfant de sa famille, des centres maternels,
des services d’appui de la famille naturelle ainsi que des services
visant à une protection de l’enfant séparé temporairement ou définitivement
de ses parents ont été développés. En outre, un réseau d’assistants
maternels professionnels et des services de soin des enfants sur
le modèle familial ont également été mis en place.
La Bulgarie
56. Concernant la Bulgarie, la
rapporteuse souhaite rappeler le procès qui s’était tenu en 2006
et qui mettait en cause une famille d’origine tsigane qui avait
acheté des bébés à des jeunes femmes bulgares. Ce trafic a été découvert
par la police juridique dans la région parisienne, à la suite d’une
enquête portant sur un trafic en milieu tsigane.
57. Les jeunes femmes bulgares étaient venues en France aux fins
de prostitution et elles sont tombées enceintes. Comme elles ne
voulaient pas avorter, elles ont décidé de revendre leur enfant.
Des familles d’origine tsigane ont été intéressées. Il s’agissait
en l’occurrence de personnes non délinquantes mais qui de part leur
origine étrangère ne pouvaient utiliser les services sociaux français
pour adopter un enfant. Les bébés ont été vendus pour une somme
de 5 000 euros pour les filles et 6 000 euros pour les garçons.
Les mères biologiques ont touché entre 400 à 2 000 euros chacune.
Ce procès a eu toutefois un impact positif en Bulgarie, puisqu’une
loi vient d’être promulguée venant préciser les critères à remplir
pour adopter un enfant.
58. Il faut préciser toutefois, que, en règle générale, les chefs
de ces réseaux repèrent, comme en Moldova ou dans d’autres pays
réputés «économiquement pauvres», des jeunes femmes enceintes de
condition très modeste et les emmènent en France.
59. Ces futures mères se présentent en dernière minute aux urgences
dans les hôpitaux pour accoucher, soit sous l’identité de la mère
«adoptive», soit sous leur vrai nom, et l’acquéreur va reconnaître
l’enfant à la mairie.
4. La situation particulière
de certains enfants
60. La rapporteuse souhaite saisir
cette occasion pour attirer l’attention de la communauté internationale
sur la situation très particulière des enfants issus d’un viol,
des enfants victimes de catastrophes naturelles ainsi que des «enfants
de la rue».
61. Hormis le cas des enfants victimes de catastrophes naturelles,
la majorité des enfants, qu’ils soient issus d’un viol ou qu’ils
vivent dans la rue, ont été soit abandonnés dans des institutions,
soit vendus par leur parents, ou ils sont devenus la proie de réseaux
qui les obligent à mendier dans les rues, voire à se prostituer.
62. En ce qui concerne plus spécifiquement le cas des enfants
victimes de catastrophes naturelles, la rapporteuse souhaite rappeler
les recommandations faites dans sa
Résolution 1422 (2005), selon laquelle la commission des questions sociales,
de la santé et de la famille estimait que les enfants devenus orphelins
à la suite d’une catastrophe naturelle devaient bénéficier d’une
protection accrue et qu’il fallait encourager et mettre en place
des parrainages d’enfants afin de leur éviter d’autres traumatismes
et ce, conformément aux termes de la
Recommandation 1443 (2000), où il était rappelé que l’adoption internationale devait
constituer la toute dernière option.
63. La rapporteuse souhaite également attirer l’attention des
autorités publiques sur la situation très particulière des enfants
vivant dans la rue et qui sont la plupart du temps obligés de mendier
ou de se prostituer, bien que cet état de fait n’ait aucun lien
direct avec la question de l’adoption. Elle souhaite toutefois en
faire mention afin que les Etats membres prennent toutes les mesures
nécessaires pour que ces enfants soient le plus rapidement accueillis
dans des centres d’accueil de jour et de nuit ou placés dans des
familles d’accueil, selon les principes énoncés dans la Recommandation
no R (87) 6 du Comité des Ministres aux
Etats membres sur les familles nourricières.
64. Enfin, elle souhaite également que les Etats membres adoptent
la même attitude vis-à-vis des enfants issus d’un viol, enfants
qui de par l’origine de leur naissance se trouvent très souvent
abandonnés ou vendus et font l’objet de trafics.
5. Conclusion
et recommandations
65. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée
souhaite que le Comité des Ministres demande aux gouvernements des
Etats membres:
- de signer et
ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer
et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des
enfants, et le Protocole facultatif à la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants,
la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des
enfants;
- de réviser la Convention sur la protection des enfants
et la coopération en matière d’adoption internationale en gardant
à l’esprit l’intérêt et les droits de l’enfant, afin d’arriver à
une harmonisation dans ce domaine et à un assouplissement des règles
en matière d’adoption;
- de renforcer leur coopération, par tous les moyens, dans
la lutte contre le trafic d’enfants et l’éradication des réseaux
mafieux ou illicites, et de condamner sans appel les abus commis
dans le domaine de l’adoption internationale;
- de prendre les mesures nécessaires pour instituer des
accords bilatéraux dans le cas d’adoptions internationales;
- de s’assurer de la capacité adoptive des candidats à l’adoption
internationale, de leur offrir une formation adéquate et obligatoire,
d’assurer un suivi notamment psychologique des enfants étrangers
adoptés et de mettre en œuvre un suivi par le biais de rapports
réguliers postadoption;
- d’établir des règles strictes concernant la création d’agences
spécialisées pour l’adoption des enfants;
- de prendre les mesures nécessaires pour que l’enfant adopté
ait le droit de connaître ses origines au plus tard à sa majorité;
- de prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire
toute forme de mendicité des enfants dans la rue;
- de mettre en place un planning familial accessible à tous;
- de mettre en place des centres d’accueil de jour et de
nuit.
66. L’Assemblée demande plus particulièrement aux autorités ukrainiennes:
- de rouvrir les dossiers concernant
la disparition des nouveau-nés;
- de mener des investigations, avec l’assistance d’experts
occidentaux neutres, sur la disparition des nouveau-nés.
67. L’Assemblée demande aux Etats qui ne l’ont pas encore fait:
- de prendre toutes les mesures
pour rendre obligatoire et gratuite la déclaration de naissance
à la mairie;
- d’autoriser systématiquement le père et/ou la famille
proche d’assister à l’accouchement;
- de prévoir un droit de rétractation de la mère, dans un
délai raisonnable, tout en préservant les intérêts de l’enfant.
68. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée souhaite également réexaminer
cette question dans un proche avenir, afin de procéder à une évaluation
des modifications qui auront été faites.
Commission chargée du rapport: commission des questions sociales,
de la santé et de la famille.
Renvoi en commission: Doc. 11100 et Renvoi no 3301 du 22 janvier
2007.
Projet de recommandation adopté par la commission le 8 novembre
2007.
Membres de la commission: Mme Lajla Pernaska (Présidente), Mme Christine McCafferty (1re Vice-Présidente),
M. Cezar Florin Preda (2e Vice-Président),
M. Michael Hancock (3e Vice-Président),
M. Farkhad Akhmedov, M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa
Asko-Seljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel
Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš, M. Jaime Blanco García, M. Roland Blum, Mme Raisa Bohatyryova,
Mme Monika Brüning, M. Igor Chernyshenko,
Mme Minodora Cliveti,
M. Imre Czinege, Mme Helen D’Amato, M. Dirk
Dees, M. Karl Donabauer, M. Ioannis Dragassakis, Mme Daniela
Filipiová, M. Ilija Filipović, M. Paul Flynn,
Mme Doris Frommelt, M. Renato Galeazzi,
M. Stepan Glăvan (remplaçant: M. Ioan Ţundrea),
M. Marcel Glesener, Mme Claude Greff,
M. Tony Gregory, M. Ali Riza Gülçiçek, M. Jean-Marie Happart (remplaçant:
M. Luc Goutry), Mme Olha
Herasym’yuk, M. Vahe Hovhannisyan, M. Ali Huseynov, M. Fazail İbrahimli,
M. Mustafa Ilicali, Mme Halide İncekara,
M. Denis Jacquat, Mme Corien W.A. Jonker, Mme Krinio
Kanellopoulou, Mme Marietta Karamanli
(remplaçant: M. Laurent Béteille),
M. Marek Kawa, M. András Kelemen, Baroness Knight of Collingtree,
M. Slaven Letica, M. Jan Filip Libicki, M. Gadzhy Makhachev, M. Andrija
Mandić, M. Bernard Marquet, M. Ruzhdi Matoshi, M. Philippe Monfils,
M. Donato Mosella, Mme Maia Nadiradzé,
Mme Carina Ohlsson, Mme Vera
Oskina, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, Mme Adoración
Quesada (remplaçante: Mme Blanca Fernández-Capel), M. Kamal Qureshi,
Mme Vjerica Radeta, M. Walter Riester,
M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, M. Alessandro
Rossi, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek
Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Walter Schmied, M. Ellert Schram, M. Gianpaolo
Silvestri, Mme Michaela Šojdrová, Mme Darinka Stantcheva,
Mme Ewa Tomaszewska, M. Oleg Ţulea, M. Alexander
Ulrich, M. Milan Urbáni, Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold, Mme Nastaša
Vučković, M. Victor Yanukovych (remplaçant: M. Ivan Popescu), Mme Barbara
Žgajner-Tavš, N…
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Voir 7e séance, 24 janvier 2008
(adoption du projet de recommandation amendé); et Recommandation 1828.