1. Des liens continus avec
le continent européen
1.1. Une longue histoire commune
1. Le Maghreb désigne un ensemble
de trois pays, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, appelé également
Petit Maghreb ou Maghreb central par opposition au Grand Maghreb,
qui comprend les trois pays cités ainsi que la Mauritanie et la
Libye, et au Machrek qui désigne le Levant, une région comprise
entre l’Egypte et l’Irak. En arabe, le Maghreb signifie «le couchant».
2. Le Maghreb entretient une longue histoire commune avec le
continent européen. Dès l’Antiquité, la mer Méditerranée, la Mare Nostrum, était une mer intérieure
d’un monde qui s’étendait des frontières de l’Ecosse à la Nubie.
Carthage commerçait alors avec Rome avant de la combattre. Sous
l’Empire romain, les pays du Maghreb devinrent des provinces romaines
connues sous le nom de Numidie (Algérie), Maurétanie (Maroc) et Afrique
(Tunisie et Libye). Elles firent partie d’un ensemble qui comprenait
aussi la Gaule, l’Arménie, la Macédoine ou la Dacie.
3. L’islamisation de cette partie du monde entre le VIIe et
le VIIIe siècle ne change pas tellement
les rapports avec le continent européen qui restent très forts et
sont émaillés de relations commerciales approfondies, notamment
avec les Cités-Etats italiennes (Pise, Gênes, Venise), et de guerres
acharnées (Normands, Reconquista),
en passant par la propagation du savoir des Grecs anciens. L’Espagne
fut alors le lieu emblématique de la rencontre entre le Maghreb
islamisé et l’Europe chrétienne, de la bataille de Las Navas de
Tolosa (1212) à la philosophie d’Averroès.
4. A partir du XIXe siècle, l’histoire
des relations entre l’Europe et le Maghreb est celle de la colonisation. Le
Maghreb, berceau d’illustres civilisations, est soumis au régime
des protectorats (français et espagnol au Maroc entre 1912 et 1956,
français en Tunisie entre 1881 et 1956), ou occupé sous forme de
colonie (Algérie, 1830), la plupart du temps sous la tutelle de
la France. Les populations, considérées comme soumises, y subirent
de nombreuses humiliations et exploitations. En même temps se développa
un réseau de services (écoles, hôpitaux) et d’équipements (routes,
ports, aéroports), destiné en premier lieu aux populations de la métropole.
Même si une langue commune et imposée, le français, a constitué
un lien entre ces populations et même si les différentes religions
– musulmane, juive et chrétienne – ont cohabité sans heurt, la colonisation demeure
une page noire dans l’histoire et les relations de ces pays et de
ces peuples asservis. L’indépendance est proclamée en 1956 pour
le Maroc et la Tunisie, et seulement en 1962 pour l’Algérie, après
une «guerre» avec la France dite «guerre de pacification» de six
ans (1956-1962) qui prend fin avec les accords d’Evian (5 juillet
1962).
5. S’ils sont établis, les liens entre le Conseil de l’Europe
et les pays du Maghreb poursuivront cette histoire commune. Le rapporteur
de la commission des questions politiques sur les relations extérieures
du Conseil de l’Europe rappelait en juin 2006: «D’un point de vue
historique, culturel et économique, [ces pays] sont les voisins
les plus proches de l’Europe. Bien que ce sous-groupe soit loin
d’être homogène, la quasi-totalité des Etats qui en font partie
revendique une relation particulière avec l’Europe et un grand nombre
d’entre eux se disent prêts à se conformer aux traditions politiques
européennes, d’autres ont engagé des réformes en ce sens (…) Il
faut donc voir cette situation comme un défi, mais aussi comme une
occasion à saisir par le Conseil de l’Europe, dont le savoir-faire
dans ce domaine est largement reconnu par l’Union européenne. Je
pense que le Conseil de l’Europe devrait se consacrer sérieusement
à promouvoir ses valeurs et à offrir son savoir-faire en matière
de démocratie aux pays méditerranéens, dans un esprit de partenariat
et non de compétition.»
1.2. Présentation des trois pays
du Maghreb
6. L’Algérie est le plus grand
des trois pays du Maghreb, avec une superficie de 2 381 741 m² pour 33 millions
d’habitants. Après avoir été colonisé par la France en 1830, le
pays est déchiré par la guerre entre 1956 et 1962, et devient indépendant
avec les Accords d’Evian, signés avec la France le 5 juillet 1962.
La République algérienne démocratique et populaire est dotée d’un
régime présidentiel. Pendant longtemps, le pouvoir a été aux mains
du parti unique, le FLN (Front de libération nationale), sous la
présidence d’Ahmed Ben Bella (1962-1965) puis de l’armée en la personne
de l’ancien ministre de la Défense, Houari Boumediene (1965-1978).
Sous la présidence de Chadli Ben Djedid (1979-1992), l’Algérie traverse
une grave crise économique qui se transforme vite en crise politique
avec la montée du FIS (Front islamique du salut), un mouvement islamiste.
La victoire de ce dernier aux élections législatives de 1991, l’annulation
des résultats de ces élections et l’assassinat du Président Boudiaf
en juin 1992 plongent l’Algérie dans le chaos. L’armée et le gouvernement
doivent faire face à de nombreux groupes islamistes armés, notamment
le GIA (Groupe islamiste armé), qui perpétuent de nombreux massacres.
L’élection à la présidence de la République du général et ancien
ministre de la Défense Liamine Zéroual, en 1994, marque une nouvelle
étape dans la lutte contre les islamistes. Cette «décennie de sang»
qui fit plus de 100 000 morts prend fin en 1999 avec l’élection à
la présidence de la République d’Abdelaziz Bouteflika qui s’engage
sur la voie de la réconciliation.
7. Dotée d’un sous-sol riche en gaz (5e producteur
mondial), en pétrole (le pays est membre de l’OPEP et produit 1,4
million de barils par jour, soit plus de 50 milliards de dollars),
en fer, en or, en zinc et en uranium, l’Algérie est l’un des pays
les plus riches du continent africain en termes de PNB (60 milliards
de dollars), et la bonne croissance économique (4,8 % hors hydrocarbures)
a permis au pays de rembourser par anticipation sa dette rééchelonnée.
Le taux de chômage de 15,7 % reste cependant relativement important,
touchant notamment les femmes et les jeunes. Une forme de misère
sociale semble exister et persister de façon assez incompréhensible.
Où passe la richesse de ce pays? Pourquoi si peu d’investissements?
8. L’islam est la religion d’Etat (selon l’article 2 de la Constitution).
La population est à 99 % sunnite, mais l’Etat garantit la liberté
de culte pour tous. Enfin, l’Etat algérien a lancé depuis longtemps
un vaste mouvement d’arabisation notamment dans le domaine linguistique
aux dépens du français et de langues régionales comme les langues
berbères (dont le kabyle) ou le darija (l’algérien). Signe le plus
éclatant de cette effervescence culturelle, Alger a été désignée
capitale culturelle du monde arabe en 2007.
9. Le Maroc a une superficie de 710 850 kilomètres carrés
et
compte plus de 30 millions d’habitants. Protectorat de la France
entre 1912 et 1956, le Maroc devient indépendant en 1956 et Mohammed
V monte sur le trône. En 1961, Hassan II succède à son père et va
régner pendant près de trente-huit ans sur le royaume chérifien.
Son règne fut marqué par la consolidation de l’intégrité territoriale
du Maroc et par une violente répression contre les divers opposants
pendant ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler les «années de plomb».
Au début des années 1990, la monarchie marocaine commence à se libéraliser
et procède à quelques réformes constitutionnelles. Depuis juillet
1999, Mohammed VI règne sur le Maroc.
10. Le Maroc est le seul pays du Maghreb qui soit une monarchie
constitutionnelle. Son souverain Mohammed VI, Amir
al Mouminine, commandeur des croyants, descend directement
du prophète Mahomet. L’économie du pays repose sur le tourisme,
les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)
et les télécommunications qui en sont les points forts (PNB de 39
milliards de dollars) et le Maroc a le taux de chômage le plus bas
des trois pays (7,7 %).
11. Très impliqué dans la lutte contre la pauvreté, le Maroc a
engagé de nombreux efforts en faveur de l’emploi, du développement
économique, de l’enseignement, du logement, du Code de la famille
et de la réforme de l’Etat. Mais ses priorités restent bien entendu
la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine. L’islam
sunnite est la religion d’Etat, mais le pluralisme religieux existe
au Maroc – qui compte la plus grande communauté juive dans un pays
arabe.
12. La Tunisie est le pays le plus à l’est et le plus petit du
Maghreb (163 610 km2 pour plus de 10 millions d’habitants).
Sous protectorat français à partir de 1881, il devient indépendant
en 1956 (comme le Maroc). La République tunisienne est un régime
présidentiel, dirigé à partir de 1957 par Habib Bourguiba qui a
mené la lutte pour l’indépendance du pays. Elu Président, il s’est
employé à moderniser la Tunisie en portant ses efforts sur l’éducation,
la laïcité et l’égalité entre hommes et femmes. Dès le début des
années 1980, la dégradation de l’état de santé du Président, son
népotisme et l’augmentation du prix des denrées de première nécessité entraînent
plusieurs révoltes et une montée de l’islamisme. Face à cette crise,
Habib Bourguiba est finalement déposé en 1987 par son Premier ministre,
Zine el-Abidine Ben Ali, qui devient Président de la République tunisienne.
13. Economiquement, le pays est assez proche des pays européens,
avec une économie de marché diversifiée (PNB de 22 milliards de
dollars). Le chômage est cependant assez élevé (14 %). La classe moyenne
représente plus de 70 % de la population et constitue le ciment
économique et politique du pays. Enfin, il est à noter que la Tunisie
est le premier pays méditerranéen à avoir conclu un accord de libre-échange avec
l’Union européenne (17 juillet 1995), entré en vigueur le 1er mars
1998.
14. La société tunisienne est, dans le monde arabe, à l’avant-garde.
Malgré une population musulmane à 99 % (sunnite), la coexistence
religieuse pacifique a toujours prévalu dans ce pays qui a compté,
à Djerba notamment, une forte communauté juive. Le statut de la
femme y est parfaitement respecté et son intégration dans les différentes
sphères de la société est la fierté du pays. Homogène linguistiquement,
la Tunisie a consacré la plus grosse partie de son budget national
à l’éducation. Les enfants de 6 ans sont à 99 % scolarisés et le
pays a également développé des programmes d’enseignement du français
et de l’anglais dès le plus jeune âge. Néanmoins, le nombre élevé
d’étudiants (près de 300 000) pose le problème de leur arrivée massive
sur le marché de l’emploi.
1.3. Situation politique actuelle
15. En Algérie, le Président Bouteflika
a été réélu en 2004 avec 83 % des voix pour un deuxième mandat de
cinq ans. Depuis le 24 mai 2006, le gouvernement est dirigé par
Abdelaziz Belkhadem, ancien ministre des Affaires étrangères et
ancien secrétaire général du FLN (Front de libération nationale),
le principal parti à l’Assemblée populaire nationale.
16. Les élections législatives du 18 mai 2007 ont vu la victoire
de l’Alliance présidentielle (249 sièges sur 389) composée des trois
grands partis du pays: le Front de libération nationale (FLN, nationaliste)
avec 136 sièges, le Rassemblement national démocratique (RND, libéral)
avec 61 sièges et le Mouvement pour la société de la paix (MSP,
islamique) avec 52 sièges; mais elles ont été marquées par un fort
taux d’abstention (36 % de participation). Cependant, l’Algérie,
qui croyait avoir tiré un trait sur le terrorisme, a été victime
de plusieurs attentats attribués à des groupes proches d’Al-Qaida.
Ces attentats ont visé les centres du pouvoir, le palais du gouvernement
à Alger (11 avril 2007, 33 morts) et le Président Bouteflika lui-même
à Batna (6 septembre 2007, 22 morts), mais également les militaires
à Lakhdaria (11 juillet 2007, 10 morts) et à Dellys (30 morts, 8
septembre 2007). Pour protester contre cette recrudescence de la
violence, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé
dimanche 9 septembre 2007 à Alger et dans les autres grandes villes
du pays.
17. Au Maroc, le roi Mohammed VI a lancé ces dernières années
des programmes de réformes dans les domaines de la démocratie et
des droits de l’homme (adoption d’un nouveau Code de la famille,
travaux de l’Instance équité et réconciliation sur les crimes commis
pendant les années de plomb sous Hassan II notamment). En novembre
2006, le Maroc, qui continue à coopérer avec les Nations Unies à
propos du Sahara occidental, s’est dit favorable à une éventuelle
autonomie de ce territoire.
18. Les résultats des élections législatives du 7 septembre 2007
ont été marqués par une forte abstention (37 % de participation)
et par la victoire de l’un des cinq partis au pouvoir, l’Istiqlal
(52 sièges). Le PJD (Parti de la justice et du développement), parti
islamiste, donné grand favori, n’est arrivé que deuxième avec 46 sièges
et a contesté la transparence de ces élections. Le nouveau gouvernement
dirigé par Abbas El Fassi, nommé le 19 septembre 2007, devra relever
les défis sociaux et poursuivre la lutte contre le terrorisme qui reste
la principale inquiétude des autorités. Après les attentats de Casablanca,
le 16 mai 2003 (33 morts), le Maroc a déployé d’énormes moyens pour
prévenir de nouvelles attaques.
19. En Tunisie, le Président Ben Ali, qui a succédé en 1987 au
Président Habib Bourguiba (1957-1987), a été réélu confortablement
en 2004, après avoir amendé la Constitution qui limitait à trois
le nombre de mandats présidentiels et qui désormais ne fixe qu’une
limite d’âge (75 ans); il gouverne avec l’aide de Mohamed Ghannouchi,
Premier ministre depuis 1999. Malgré une loi garantissant la représentation
politique de l’opposition à la Chambre des députés, l’essentiel
des pouvoirs législatif et exécutif reste concentré dans les mains
du Président de la République. A l’heure où le pays a célébré, le
7 novembre 2007, les vingt ans de la présidence de Ben Ali qui a
fêté son 71e anniversaire, la possibilité
d’un nouveau mandat de ce dernier en 2009 semble de plus en plus
plausible. Enfin, la Tunisie a dû également faire face à la menace
intégriste en janvier 2007, lorsque des islamistes radicaux ont
tenté un coup de force au sud de Tunis mais ont été neutralisés
par les forces de l’ordre.
2. Problèmes sociaux et droits
de l’homme
2.1. Immigration et traite des
êtres humains
20. L’immigration fait partie des
principales préoccupations du XXIe siècle.
La gestion de ce phénomène touche tous les continents et toutes
les sociétés. Les pays du Maghreb sont particulièrement affectés
par ces flux migratoires. Pendant longtemps, les pays européens
ont cherché une partie de leur main-d’œuvre dans les pays du Maghreb.
Aujourd’hui, les immigrés originaires du Maghreb représentent près
de 1,5 million de personnes en France, près de 500 000 en Espagne
et plus de 300 000 en Italie.
21. Si l’Europe a tendance à voir dans le Maghreb la source des
flux migratoires, elle ne doit pas non plus oublier que le Maghreb
représente une forte zone d’immigration intra-africaine dans les
secteurs du bâtiment et des travaux publics et dans l’industrie.
Tout comme les pays européens bordant la Méditerranée, la Tunisie et
le Maroc rencontrent tous deux les mêmes problèmes, liés à l’immigration
en provenance de l’Afrique subsaharienne. Enfin, il faut noter,
dans les pays du Maghreb et notamment en Algérie, une forte immigration qualifiée
chinoise.
22. Les événements tragiques des enclaves espagnoles au Maroc
(Ceuta et Melilla) et les divers naufrages d’embarcations partant
des côtes maghrébines ont mis en lumière le grave problème de l’immigration
des pays africains vers l’Europe. Les 10 et 11 juillet 2006, une
conférence, regroupant 57 Etats dont 30 pays européens, a eu lieu
à Rabat sur les migrations et le développement, pour traiter de
cette question épineuse. Cette conférence s’est achevée par l’adoption
d’un plan d’action prévoyant un renforcement de la coopération des deux
côtés de la Méditerranée en matière de gestion des migrations et
de lutte contre l’immigration irrégulière, et une volonté de mettre
l’accent sur le codéveloppement et la formation. Les ministres des
Affaires étrangères des différents Etats ont d’ailleurs proclamé
lors de leur déclaration politique finale: «Nous nous engageons
à encourager et à approfondir le dialogue politique et opérationnel
entre l’Union européenne et l’Afrique en matière de migration et
de développement.»
23. Dans leur déclaration politique, les ministres des Affaires
étrangères ont en outre réaffirmé leur volonté de lutter contre
la traite des êtres humains, l’exclusion et le racisme, et se sont
engagés à favoriser la paix et la stabilité, la circulation des
travailleurs et des personnes et une meilleure politique d’intégration
des migrants, autant de thèmes défendus par le Conseil de l’Europe
et son Assemblée parlementaire. Cette dernière a d’ailleurs réaffirmé
cette préoccupation à de nombreuses reprises, notamment en 2006
en proclamant que, «s’appuyant sur les principes contenus dans les
instruments internationaux de protection des droits de l’homme qui
présentent un intérêt pour les migrants en situation irrégulière,
l’Assemblée invite les gouvernements des Etats membres du Conseil
de l’Europe à garantir les droits civils et politiques minimaux
et les droits économiques et sociaux minimaux mis en exergue dans
cette résolution»
.
2.2. Corruption
24. La corruption est à un niveau
particulièrement élevé dans les trois pays du Maghreb. Selon l’index
2006 de la perception de la corruption, la Tunisie se classe 51e au
rang mondial, le Maroc 79e et l’Algérie
84e
. Cette corruption
se retrouve partout, aussi bien dans l’appareil administratif que
dans tous les secteurs de la vie économique.
2.3. Terrorisme
25. Tout comme les pays européens,
frappés très durement ces dernières années, à Londres, à Madrid
ou à Istanbul, les pays du Maghreb ont également payé un lourd tribut
dans leur lutte contre le terrorisme. A des degrés plus ou moins
divers mais toujours sanglants, le Maghreb a été frappé par le terrorisme.
A Djerba (Tunisie), le 11 avril 2002, l’explosion d’un camion-citerne
devant une synagogue causa la mort de 21 personnes dont plusieurs
touristes européens. Au Maroc, après les attentats perpétrés à Casablanca
le 16 mai 2003 par un groupe salafiste qui causèrent la mort de
33 personnes, la menace terroriste reste toujours élevée, comme
en témoignent les opérations de police menées à Casablanca le 10
avril 2007 ayant conduit au suicide des kamikazes et l’attentat
raté de Meknès, le 13 août 2007. Enfin, l’Algérie, qui a subi de
plein fouet le terrorisme islamiste entre 1989 et 1999 où des massacres
étaient commis presque chaque jour sur des populations civiles,
n’a pas été épargnée par cette nouvelle vague de terrorisme après
le 11 septembre 2001. Récemment, le 11 avril 2007, deux attentats
à la voiture piégée – dont un commis à Alger près du Palais du gouvernement
– ont causé la mort de 33 personnes; le 6 septembre 2007, un attentat
contre le Président de la République s’est soldé par la mort de
22 personnes et le 11 juillet une attaque contre une caserne de Lakhdaria
a tué 10 militaires. Enfin, le 20 septembre 2007, le numéro 2 d’Al-Qaida,
Ayman al-Zawahiri, a appelé les musulmans à «débarrasser» le Maghreb
des Français et des Espagnols. Cet appel s’est traduit le lendemain,
21 septembre 2007, par un attentat-suicide à l’est d’Alger qui blessa
neuf personnes dont deux Français et un Italien.
26. Confrontés, comme de nombreux Etats membres du Conseil de
l’Europe, à des cellules proches ou affiliées à Al-Qaida, qu’il
s’agisse du GSPC algérien (Groupe salafiste pour la prédication
et le combat) devenu AQMI (Organisation Al-Qaida au Maghreb islamique)
– qui a revendiqué les attentats d’Alger et est soupçonné d’avoir
préparé un attentat sur le marché de Noël à Strasbourg – ou du Groupe
islamique combattant du Maroc (GICM) – responsable présumé des attentats
de Casablanca en 2003 et de Madrid en 2004 –, les pays du Maghreb
ont intensifié leur lutte face à ces menaces. Ils partagent donc
les préoccupations de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe.
Ainsi, l’Assemblée parlementaire a réaffirmé sa volonté d’une coopération plus
étroite sur ce sujet en proclamant: «Le caractère global de menace
terroriste rend nécessaires la cohésion et la solidarité absolues
au sein de la communauté internationale, une forte volonté politique
et la coopération pleine et efficace entre les Etats membres du
Conseil de l’Europe. La sécurité des Européens face au terrorisme
est indivisible.»
27. La reconnaissance de l’existence de l’islamisme radical et
la réaction face à ce dernier restent des tabous dans les discours
officiels. Nos interlocuteurs, aussi bien en Algérie qu’en Tunisie,
ont affirmé avec force que cette menace avait été amenée de l’extérieur
(Arabie saoudite, Libye), que celle-ci n’était pas en germe dans
leurs sociétés et qu’elle a été définitivement éradiquée. Pourtant,
la persistance d’une misère sociale dans la société algérienne et
l’implication de Tunisiens dans de nombreux attentats (Madrid, 11
mars 2004) ou au sein d’organisations terroristes comme le Fatah
al-Islam au Liban, par exemple, semblent indiquer le contraire.
2.4. Droits de l’homme et libertés
publiques
28. Il existe d’autres préoccupations
communes entre les pays du Maghreb et des Etats membres du Conseil
de l’Europe, notamment autour de problématiques communes à l’ensemble
des pays du Bassin méditerranéen (réformes politiques, dialogue
des cultures et des religions, etc.). Ainsi, la mer Méditerranée
n’a jamais cessé d’être une mer européenne. L’environnement, la
politique économique et agricole, le dialogue interculturel et interreligieux,
la place de la femme dans la société, la paix et la stabilité démocratique
sont autant de sujets communs entre le Maghreb et les Etats membres
du Conseil de l’Europe. Dans le passé, des parlementaires algériens,
marocains et tunisiens ont souvent été invités à des réunions organisées
par l’Assemblée parlementaire sur ces sujets précis. Il faut définir
des relations nouvelles et intensifier le dialogue.
3. Apporter au Maghreb l’appui
et l’expérience du Conseil de l’Europe
3.1. Dans les domaines de la
démocratie et des droits de l’homme
29. Il convient tout d’abord de
préciser que les lacunes concernant la démocratie et les droits
de l’homme, ainsi que les entorses à l’égard de ces principes sont
propres à chaque Etat tout en ayant des caractéristiques communes
concernant notamment le pluralisme politique, l’indépendance de
la justice, la liberté de la presse, la lutte contre la corruption.
L’expérience du Conseil de l’Europe permettrait à la fois de faire
connaître l’Organisation dans cette partie du monde méditerranéen
et surtout de remplir parfaitement sa mission de promotion des valeurs
universelles que sont la démocratie et les droits de l’homme.
3.1.1. Démocratie et Etat de droit
30. La situation de la démocratie
et de l’Etat de droit est encore au Maghreb confrontée à de nombreux problèmes.
Le pluralisme politique est variable selon les pays. Quasi inexistant
en Tunisie malgré un semblant de garanties constitutionnelles (une
loi prévoit un minimum de 20 % des sièges pour l’opposition à la
Chambre des députés), le pouvoir appartient au Président qui, en
abolissant la limitation du nombre de ses mandats, a ouvert la voie
à une présidence à vie. Le parti du Président, le RCD (Rassemblement
constitutionnel démocratique), compte, selon les chiffres de ses
responsables, 2,3 millions de militants pour une population totale
de près de 10 millions d’habitants. De plus, la récente grève de
la faim de la secrétaire générale du PDP (Parti démocrate progressiste),
que j’ai rencontrée chez elle, Mme Maya
Jribi, à la suite du non-renouvellement du bail du local de son
parti et du journal, montre que le pluralisme politique demeure
insuffisant. Quant au Maroc et à l’Algérie, le pluralisme politique
reste balbutiant. Malgré un multipartisme affiché, le pouvoir reste aux
mains des coalitions au pouvoir (FLN ou RND en Algérie, Istiqlal
ou USFP – Union socialiste des forces populaires – au Maroc).
31. Le pouvoir judiciaire n’est dans aucun des trois pays indépendant.
Bien souvent, les droits de la défense sont bafoués (extorsion d’aveux
sous la torture, interrogatoires du prévenu sans la présence de
son avocat, non-prise en compte d’examens médicaux, etc.). En Algérie,
de l’aveu même de ses dirigeants, la population se soucie davantage
de justice sociale que de libertés démocratiques. Et cela devrait
lui suffire. Mais la misère domine.
3.1.2. Droits de l’homme et libertés
fondamentales
32. Les droits de l’homme et les
libertés fondamentales ne sont pas suffisamment garantis dans les
pays du Maghreb et ont tendance à se dégrader ces dernières années.
En octobre 2005, sept personnalités politiques issues de la société
civile ont mené en Tunisie une grève de la faim pour protester contre
les violations répétées des droits de l’homme. De nombreux opposants
politiques, même modérés, et des défenseurs des droits de l’homme
font l’objet d’une incessante surveillance policière.
33. Confrontés au terrorisme, les pays du Maghreb ont adopté des
politiques fortement sécuritaires pour combattre ces menaces, souvent
au mépris des droits de l’homme. Tortures, droits de la défense
ignorés, durée de détention arbitraire, extradition sans le consentement
du prévenu sont les principaux maux qui caractérisent ces mesures
antiterroristes. Tandis que le Maroc semble avoir abrité des centres
de détention secrets de la CIA
, Amnesty International
a recensé de multiples violations de la part du Département du renseignement
et de la sécurité (DRS) algérien ou des autorités tunisiennes à
l’encontre de citoyens arrêtés sur le sol national ou transférés
de l’étranger contre leur volonté
.
Ces politiques ultrasécuritaires visant à lutter contre le terrorisme
ont également été utilisées contre tout type d’«ennemis» (hommes
d’affaires, prisonniers politiques, militants du Sahara occidental,
etc.).
34. La liberté d’expression, notamment la liberté de la presse
et des médias, reste un problème préoccupant dans cette partie du
monde. En Algérie, les défenseurs des droits de l’homme et leurs
organisations doivent faire face à des législations qui soit ne
leur permettent pas de travailler et d’assurer leur travail de veille,
soit permettent de les poursuivre pour «atteinte à la sûreté de
l’Etat». Ainsi, en février 2006, les lois d’amnistie votées criminalisent
toute critique à l’égard des forces de sécurité durant la «décennie
de sang» (1992-2000). Il est intéressant de noter que l’armée reste
invisible. Selon certains, elle est toujours le véritable détenteur
du pouvoir en Algérie. Au Maroc, la liberté d’association est tolérée,
mais reste strictement contrôlée par le ministère de l’Intérieur.
En Tunisie, la situation n’est guère meilleure. Human Rights Watch
(HRM), dans son dernier rapport annuel, souligne que «les autorités
ont refusé d’accorder un agrément à toute organisation de défense
des droits humains véritablement indépendante en ayant fait la demande
au cours des dix dernières années. Elles ont ensuite invoqué le
statut “illégal” de l’organisation pour entraver ses activités»
. Le 15 juin 2006,
le Parlement européen a d’ailleurs adopté une résolution déplorant
la répression des défenseurs des droits humains en Tunisie. De l’aveu
même des autorités politiques tunisiennes, la démocratie ne vient qu’après
l’économie, le social, l’éducation, le religieux et la sécurité.
35. Concernant la liberté de la presse, la Tunisie est le pays
du Maghreb dont la presse est la moins libre. Aucune critique du
régime du Président Ben Ali – qui fait l’objet d’un véritable culte
de la personnalité – n’est autorisée, sous peine de poursuites.
Malgré la garantie constitutionnelle de la liberté de la presse
en Tunisie, celle-ci demeure strictement contrôlée par le pouvoir.
En Algérie, de nombreux journalistes ont été poursuivis pour diffamation
et, malgré le pardon décrété à leur encontre en juillet 2006 par
le Président Bouteflika, de nombreux journalistes restent sous la
menace de poursuites. Au Maroc, les atteintes à la liberté de la
presse sont réelles mais moins visibles. Selon le Comité pour la
protection des journalistes (CPJ), dans un rapport rendu public
le 3 juillet 2007 et intitulé «un Maroc de façade», ces atteintes
porteraient plus sur une instrumentalisation de la justice à l’égard
des médias ou sur la répartition des contrats publicitaires en fonction des
critiques émises par tel ou tel média. La presse marocaine, longtemps
reconnue comme l’une des plus critiques du monde arabe, doit faire
face à de nombreuses atteintes à sa liberté. Certains sujets, la
personne du roi par exemple, sont interdits de critiques et plusieurs
journalistes, notamment Ahmed Benchemsi, directeur de la revue Tel Quel, font l’objet de poursuites
judiciaires pour «manquement au respect dû à la personne du roi».
Par ailleurs, le journaliste de l’hebdomadaire marocain El Watan, Mostapha Hurmatallah,
a été condamné à huit mois de prison ferme pour publication de «documents
officiels».
3.2. Des réformes en cours et
à accompagner
36. Les pays du Maghreb ont commencé
à remédier à ces atteintes à la démocratie et aux droits de l’homme.
Le Maroc et l’Algérie, et dans une moindre mesure la Tunisie, ont
entamé des réformes importantes pour s’engager sur le terrain des
droits de l’homme et de la démocratie. Pour continuer à avancer
dans la voie du respect des droits de l’homme, ces pays ont sûrement
besoin du Conseil de l’Europe et de son accompagnement.
37. A bien des égards, la situation de la démocratie et des droits
de l’homme au Maghreb rappelle celle de nombreux pays de l’Europe
de l’Est, dans les années 1990, qui sont entrés dans notre Organisation.
Les trois pays ont depuis longtemps décrété un moratoire sur la
peine de mort. Même si des condamnations ont encore été prononcées
ces dernières années, les dernières exécutions capitales remontent
à 1991 en Tunisie, et 1993 pour le Maroc et l’Algérie. Ce dernier
pays a même soumis le 17 octobre 2006 à l’Assemblée populaire nationale
une loi visant à abolir la peine de mort, mais celle-ci a finalement
été rejetée. Rappelons avec regret que le Japon et les Etats-Unis,
qui ont le statut d’observateurs auprès du Conseil de l’Europe,
continuent à appliquer la peine de mort et la Fédération de Russie,
membre du Conseil de l’Europe, a décrété un moratoire depuis 1996
sans que l’abolition ait été décidée. Le renforcement de la coopération
entre le Conseil de l’Europe et les pays du Maghreb pourrait certainement
amener ces Etats sur la voie de l’abolition.
38. Par ailleurs, les trois pays du Maghreb (Tunisie, 1969; Maroc,
1979; Algérie, 1989) ont ratifié de nombreuses conventions internationales
garantissant les droits de l’homme, notamment la Convention internationale
sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale, le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC) et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP). Le Maroc et la Tunisie se sont dotés d’instances
officielles protégeant les droits de l’homme. Au Maroc, le Conseil
consultatif des droits de l’homme (CCDH), créé en 1990 et réorganisé
en 2001, permet d’examiner les cas de violation des droits de l’homme
et la conformité de la législation marocaine avec les normes internationales
en matière de droits de l’homme. Il ne peut pourtant pas être saisi
par n’importe quel citoyen marocain, à l’inverse du Diwan al Madalim, sorte de médiateur
intervenant dans les conflits entre administration et administrés
dans le cadre «de la primauté du droit et de l’équité». En Tunisie,
en 2003 a été créé le Comité supérieur des droits de l’homme et
des libertés fondamentales pour enquêter sur les diverses atteintes
aux droits de l’homme et notamment sur la situation dans les prisons.
L’Algérie a créé, en 2001, une Commission nationale consultative
de promotion et de protection des droits de l’homme. Lors d’une
rencontre avec son président, Farouk Ksentini, celui-ci a reconnu
que beaucoup avait été fait mais que beaucoup restait à faire en
matière de démocratie et de droits de l’homme. Il a estimé que la
stabilité politique ne sera obtenue que par la démocratie et l’Etat
de droit.
39. L’Algérie et le Maroc se sont également penchés sur les blessures
de leur passé respectif pour tenter d’y mettre un terme. Sur ce
point, la situation présente des similitudes avec certains Etats
membres du Conseil de l’Europe et en particulier les Balkans. Ces
deux pays du Maghreb ont ainsi voulu enclencher un processus de
réconciliation nationale. Le Président algérien Bouteflika a soumis
au peuple un référendum établissant une charte pour la paix et la
réconciliation nationale. La charte, approuvée par le peuple le
29 septembre 2005 et entrée en vigueur le 2 mars 2006, vise à libérer
de nombreux prisonniers non impliqués dans des viols, des massacres
collectifs ou des attentats à l’explosif dans des lieux publics
et à indemniser les familles des victimes. Au Maroc, le roi Mohamed
VI a instauré l’Instance équité et réconciliation (IER), en janvier
2004, dans le but de faire la lumière sur «les années de plomb»
au Maroc, correspondant au règne d’Hassan II (1961-1999) – marqué
par de graves violations des droits de l’homme et la persécution
des opposants politiques. Cette instance, qui a publié son rapport
en novembre 2005, a reconnu la répression et a entendu de nombreuses
victimes sans pour autant traduire des responsables en justice.
40. Concernant le problème de l’égalité entre les femmes et les
hommes, le Maroc et la Tunisie œuvrent pour une meilleure égalité
des sexes. La Tunisie reste le pays arabe où la femme est la mieux
intégrée dans la société grâce au Code du statut personnel, adopté
en 1957. Un rapport de la Commission des communautés européennes
estime qu’en 2002 «les femmes représentaient plus qu’un quart de
la population active employée et plus de 5 000 femmes occupaient
des postes de direction dans les entreprises»
.
Le Maroc a également avancé sur cette question. Le royaume chérifien
a, pour sa part, adopté en 2004 un nouveau Code du statut personnel
(Moudawana) qui réduit de nombreuses
inégalités entre femmes et hommes, notamment sur les questions du
mariage, du divorce, de la propriété et de l’héritage.
41. Enfin, les pays du Maghreb manifestent leur volonté de s’engager
plus avant dans les voies de la démocratie et des droits de l’homme
dans des domaines aussi variés que la liberté de culte, reconnue
et respectée dans les trois pays, et la lutte contre la corruption.
Malgré des classements encore insuffisants, la Tunisie (51e),
le Maroc (79e) et l’Algérie (84e)
restent loin devant certains Etats membres du Conseil de l’Europe,
comme la Serbie (90e), l’Arménie (93e),
l’Albanie (111e), la Fédération de Russie
(121e) ou l’Azerbaïdjan (130e),
en ce qui concerne la corruption.
3.3. Le Sahara occidental, un
conflit à régler
42. La question du Sahara occidental
reste un problème qui empoisonne les relations entre l’Algérie et
le Maroc depuis plus de trente ans, et la frontière entre les deux
pays reste fermée depuis dix ans. Ce territoire non autonome de
près de 266 000 km2 est revendiqué à
la fois par le Maroc et par le Front Polisario, mouvement indépendantiste
soutenu par l’Algérie. Une fois de plus, les notions d’intégrité
du territoire et de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont
revendiquées par les belligérants. Des discussions officielles ont
repris sous l’égide des Nations Unies entre le Maroc et le Front
Polisario en juin 2007. Tandis que le Maroc souhaite organiser un
référendum sur une éventuelle autonomie du territoire, le Front
Polisario est d’accord sur le principe du référendum à condition
que celui-ci porte sur une autodétermination et envisage l’indépendance.
La Tunisie, quant à elle, souhaite observer la neutralité sur ce
dossier. Le Sahara occidental continue donc à peser sur les relations
bilatérales des deux pays et entrave le développement de l’Union
du Maghreb arabe (UMA). Ni le roi du Maroc, Mohamed VI, ni le Président
de la République algérienne, M. Bouteflika, n’ont effectué de voyage
officiel chez leur voisin respectif. En juillet 2006, à l’occasion
de la Conférence sur les migrations et le développement qui a réuni
pays européens et africains, l’Algérie a boycotté cette réunion
après avoir été accusée de laxisme par le Maroc en matière d’immigration.
43. L’expérience du Conseil de l’Europe et en particulier de son
Assemblée parlementaire sur certains conflits, par exemple celui
du Haut-Karabakh, en accord avec la démarche onusienne, profiterait
probablement aux parties impliquées dans ce conflit et positionnerait
le rôle du Conseil de l’Europe sur un continent où il est méconnu,
voire absent. Déjà en 2004, le rapporteur de la commission des questions
politiques sur ce sujet s’exprimait en ces termes: «L’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe bénéficie d’une expérience
qui peut faciliter la résolution de ce conflit (…). Si l’issue du
référendum favorise l’indépendance, le Conseil de l’Europe pourrait
assister le nouvel Etat dans l’établissement des normes démocratiques,
notamment à travers la signature de conventions accessibles aux
Etats non membres. Si le référendum débouche sur l’intégration au
Maroc ou sur l’autonomie, l’Assemblée dispose du rapport sur les
expériences positives des régions autonomes comme sources d’inspiration
dans la résolution de conflits en Europe, qui peut fournir des pistes utiles
au Maroc.»
4. Différents types de coopération
en cours
4.1. Coopérations avec le continent
européen
44. Les institutions européennes
et en particulier l’Union européenne ont très vite compris la nécessité
de renforcer leur collaboration avec les pays du Maghreb et d’inclure
dans la sphère d’influence de l’Europe les rivages méridionaux de
la Méditerranée. Le 3e Sommet des chefs
d’Etat et de gouvernement, en mai 2005, et les nombreux rapports
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui lui furent
consacrés ont constamment rappelé la nécessité d’un tel renforcement.
4.1.1. Processus de Barcelone,
Accord d’association (AA), MEDA
45. Depuis les accords de coopération
signés entre la CEE et l’Algérie, le Maroc et la Tunisie en avril
1976, les relations entre les deux rives de la Méditerranée n’ont
fait que s’accroître. Le Maghreb coopère déjà avec l’Union européenne
dans le cadre du processus de Barcelone, initié en 1995, qui instaurait
un partenariat euro-méditerranéen entre les 15 pays de l’Union européenne
et 12 pays de la région, dont les trois pays du Maghreb. Ce partenariat,
qui se voulait une voie médiane entre l’adhésion et l’aide au développement,
s’est focalisé sur la recherche de la paix, l’instauration à long
terme d’une zone de libre-échange et le dialogue interculturel.
C’est ainsi qu’en 1998 (Tunisie), en 2000 (Maroc) et en 2005 (Algérie)
ont été signés des Accords d’association (AA) qui renforçaient les
liens économiques entre l’Union européenne et le Maghreb. Celui-ci
a également intégré le programme MEDA qui propose des mesures d’accompagnement
financières et techniques à la réforme des structures économiques
et sociales, et notamment un renforcement de la stabilité démocratique.
Mes différents interlocuteurs en Algérie et en Tunisie ont déploré
l’inertie du processus de Barcelone et ont fait le constat que l’élargissement
de l’Union européenne à l’est s’était fait à leurs dépens. Et ils
attendent maintenant des engagements concrets de la part du continent
européen, qui témoigneraient de leur intérêt nouveau.
4.1.2. Assemblée parlementaire
euro-méditerranéenne (APEM)
46. Au sein de ce partenariat euro-méditerranéen,
les trois pays du Maghreb ont expérimenté une collaboration parlementaire
commune. Créée par la Conférence ministérielle de Naples en décembre
2003, cette instance consultative de partenariat euro-méditerranéen
assure le suivi des accords d’association, adopte des résolutions
et peut adresser des recommandations à la Conférence ministérielle.
Elle est composée à parité de représentants des parlements de l’Union
européenne et des pays de la Méditerranée. En 2005, la première
Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne s’est réunie et elle
a été présidée de mars 2006 à mars 2007 par M. Fouad Mebazâa, président
du Parlement tunisien depuis 1997. La collaboration au sein de l’APEM
reste un bel exemple de réussite en ce qui concerne un partenariat
parlementaire entre l’Union européenne (UE) (27 Etats) et le Maghreb,
qui pourrait être prolongée par une coopération interparlementaire
avec le Conseil de l’Europe (47 Etats).
4.1.3. Politique européenne de
voisinage (PEV)
47. Mais dans le cadre de l’Union
européenne, l’initiative la plus emblématique de cette coopération
reste bien évidemment l’inclusion de l’Algérie, de la Tunisie et
du Maroc dans la politique européenne de voisinage (PEV). Lancée
en 2004, la PEV s’est assigné pour objectif d’éviter que ne se forment
de nouvelles lignes de fracture entre l’Union européenne et son
voisinage immédiat. C’est pour cela que l’UE a rapidement associé tous
ses voisins, et notamment le Maghreb, à cette démarche. La PEV ne
préfigure pas l’adhésion, mais tente d’apporter à son voisinage
les moyens pour renforcer la stabilité démocratique, l’économie
de marché et la sécurité. C’est à ce titre que l’Union européenne
a adopté plusieurs plans d’action avec la Tunisie et le Maroc en
2005, l’Algérie faisant encore l’objet d’un rapport. Ces plans d’action
prévoient notamment le renforcement de la coopération dans les domaines
de la lutte contre le terrorisme, des politiques sociales et des
transports, et le développement des actions menées jusque-là dans
le domaine des droits de l’homme et de la libéralisation des échanges.
48. Le Conseil de l’Europe a, quant à lui, défini son rôle dans
la politique européenne de voisinage, en particulier par rapport
aux pays du Maghreb. Dans le rapport de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe consacré à cette question
, il est rappelé
ce qui suit: «Le Conseil de l’Europe pourrait apporter une contribution
essentielle aux objectifs de la PEV en nouant des relations particulières
avec les pays méditerranéens qui ne sont pas membres du Conseil
de l’Europe, ce qui lui permettrait de remplir le rôle, jusqu’ici
vacant, de meneur dans la lutte en faveur de réformes démocratiques
et économiques sur les continents africain et asiatique.» Ainsi,
sans créer de chevauchements de compétences, le Conseil de l’Europe trouverait
là un espace pour renforcer sa collaboration avec le Maghreb.
49. Enfin, le Parlement européen entretient des relations avec
les pays du Maghreb. Le Parlement européen possède, au sein de sa
Commission des affaires étrangères, une délégation pour les relations
avec les pays du Maghreb. De plus, le Parlement européen coopère
également avec le Maghreb au sein de l’Assemblée parlementaire mixte
(APM) UE-ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Un accord de partenariat
entre l’Union européenne et l’ACP, dit Accord de Luxembourg, signé
le 25 juin 2005, a d’ailleurs consacré ce partenariat entre l’UE
et l’ACP. Cette coopération entre l’Union européenne et le Maghreb
est donc bel et bien une réussite. Bien que cette coopération soit
axée principalement sur des problématiques économiques, les questions
de l’Etat de droit et de la démocratie ne sont pas oubliées, mais
elles ne sont pas traitées à leur juste dimension. Le Conseil de
l’Europe aurait donc tout intérêt à s’engager pour défendre ses
valeurs fondamentales tout en évitant de concurrencer l’Union européenne.
4.2. Coopération avec les instances
internationales et européennes défendant les droits de l’homme
50. Les trois Etats du Maghreb
sont reconnus sur la scène internationale comme des partenaires importants.
Les trois pays ont été élus à plusieurs reprises comme membres non
permanents du Conseil de sécurité. Le Maroc (1992-1993), la Tunisie
(2000-2001) et l’Algérie (2004-2005) ont démontré leur volonté de jouer
un rôle plus important dans les relations internationales.
4.2.1. Commission des droits de
l’homme des Nations Unies
51. Présent dans les instances
supérieures des Nations Unies, le Maghreb a également montré une
grande assiduité dans les instances onusiennes chargées de défendre
les droits de l’homme. Ainsi, les trois pays se sont impliqués de
façon active et dans une période récente dans la Commission des
droits de l’homme. Le Maroc et la Tunisie y ont même siégé ensemble
(1998-2000) avant que l’Algérie ne les remplace (2001-2003).
4.2.2. Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies
52. Les trois Etats du Maghreb
ont poursuivi leurs engagements en faveur des droits de l’homme
en rejoignant dès sa création les 47 premiers membres du Conseil
des droits de l’homme créé en 2006 pour un mandat d’une année.
4.2.3. Initiative européenne pour
la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH)
53. L’IEDDH a été créée en 1994
par le Parlement européen pour promouvoir les droits de l’homme,
la démocratie et la prévention des conflits dans des Etats par l’intermédiaire
d’ONG et d’organisations internationales. Le Maroc, l’Algérie et
la Tunisie ont tous les trois été éligibles en 2006 dans les projets
de l’IEDDH visant à promouvoir aussi bien une culture des droits
de l’homme qu’un processus démocratique.
5. Coopération avec le Conseil
de l’Europe
5.1. Premières initiatives
54. Réaffirmée lors du 3e Sommet
des chefs d’Etat et de gouvernement à Varsovie (2005), la coopération du
Conseil de l’Europe avec les pays du Maghreb s’effectue de manière
indirecte, notamment par l’intermédiaire d’instances consultatives,
de forums de discussion ou de programmes communs. C’est pourquoi
ce rapport s’attache à défendre un renforcement de cette collaboration
et à l’institutionnaliser si la demande en est faite.
55. Sur des questions traitant de l’environnement, de politique
agricole ou de gestion de l’eau, les pays du Maghreb sont extrêmement
présents aux côtés des Etats membres du Conseil de l’Europe. Cette
collaboration a trouvé sa concrétisation dans la Conférence euro-méditerranéenne
sur l’agriculture, tenue à Strasbourg les 28 et 29 septembre 2006.
56. Dans le domaine de l’éducation, le Conseil de l’Europe et
sa Direction de la jeunesse et du sport, en coopération avec la
Commission européenne, a développé avec le Maghreb des stages de
formation aux droits humains dans le cadre du «Partenariat jeunesse»,
qui se sont tenus à Fès, au Maroc, entre le 13 et le 22 mai 2007.
57. Concernant l’égalité des chances pour les femmes et les hommes,
les trois pays collaborent avec la commission concernée à l’Assemblée
parlementaire et en partenariat avec le Centre Nord-Sud du Conseil
de l’Europe. Cette collaboration, qui encourage l’Algérie, le Maroc
et la Tunisie à adopter des mesures respectant pleinement l’égalité
entre les sexes, a trouvé une première application dans le séminaire
parlementaire «Respect du principe d’égalité entre les femmes et
les hommes dans la loi civile, y compris dans les codes de la famille»,
en octobre 2006. D’autres programmes communs ont été menés sur l’intégration
des femmes immigrées, sur l’égalité en droit civil ou sur la violence
domestique faite aux femmes, cette dernière question ayant donné
lieu à une grande campagne de sensibilisation et d’information.
58. Enfin sur le terrain culturel, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée
parlementaire se sont engagés à plusieurs reprises dans la promotion
du dialogue interculturel et interreligieux dans l’ensemble du Bassin méditerranéen.
Ainsi, une rencontre sur le dialogue interculturel et les stéréotypes
à travers les médias dans les relations euro-méditerranéennes, organisée
par le Centre Nord-Sud, se tiendra à Tunis au cours du premier semestre
2008. Aussi bien le président du Haut Conseil islamique (HCI) algérien
que le grand mufti de Tunisie ont adhéré à l’idée d’une participation
plus forte dans ce dialogue interreligieux afin de faire mieux connaître l’islam
et sa philosophie. La Tunisie, pays précurseur dans ce domaine,
a créé en 2001 une tribune universitaire sur cette question, la
chaire universitaire Ben Ali pour le dialogue des civilisations.
Plusieurs initiatives culturelles tendent également à enseigner
aux jeunes générations la connaissance des richesses historiques
nationales.
59. Dans le domaine de la lutte contre les drogues et les addictions,
les trois pays du Maghreb participent également au réseau méditerranéen
de coopération sur les drogues et les addictions, MedNET, créé en
2006 sous l’égide du Groupe Pompidou (forum multidisciplinaire de
coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite
des stupéfiants) du Conseil de l’Europe pour promouvoir la coopération,
l’échange et le transfert réciproque de connaissances dans le domaine
des drogues, y compris l’alcool et le tabac, entre pays d’Afrique du
Nord et pays européens (nord-sud et sud-nord), mais également au
sein des pays d’Afrique du Nord (sud-sud). La dernière réunion de
ce réseau s’est tenue à Alger le 25 juin 2007.
60. Le Maroc et l’Algérie ont approfondi cette collaboration en
intégrant en 2007 la Commission de Venise, organe consultatif du
Conseil de l’Europe, pour faire évoluer leurs normes constitutionnelles
vers les standards constitutionnels respectant la démocratie et
l’Etat de droit. Avec le Kirghizistan, la République de Corée et
le Chili, le Maroc et l’Algérie rejoignent donc les Etats membres
de la Commission de Venise non membres du Conseil de l’Europe.
5.2. Différentes possibilités
de renforcement
61. Il convient tout d’abord de
ne pas évoquer ce renforcement de la coopération entre le Conseil
de l’Europe et les pays du Maghreb brutalement, mais progressivement,
en laissant à chaque Etat la possibilité de choisir son degré de
coopération, plus ou moins étroite, avec le Conseil de l’Europe.
5.2.1. Le statut d’observateur,
de «partenaire associé» ou de «partenaire pour la démocratie»
62. Pour les Etats qui le souhaitent,
le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe pourrait être
la forme la plus accomplie de coopération avec l’Organisation. Les
Etats suivants bénéficient actuellement de ce statut d’observateur:
le Saint-Siège (1970), les Etats-Unis (1995), le Canada (1996),
le Japon (1996), le Mexique (1999).
63. De plus, conformément au paragraphe 1 de la Résolution statutaire
(93) 26 du Comité des Ministres, les parlements nationaux d’Etats
non membres du Conseil de l’Europe peuvent acquérir le statut d’observateur auprès
de l’Assemblée parlementaire. Ainsi Israël, le Canada et le Mexique,
bénéficiant de ce statut, peuvent être autorisés par le Président
de l’Assemblée à prendre la parole et à assister aux réunions des
différentes commissions de l’Assemblée parlementaire. Les autorités
algériennes pourraient être intéressées et prêtes à étudier ce statut
d’observateur. La Tunisie semblerait également intéressée.
64. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’interroge
déjà depuis longtemps sur une éventuelle réforme du statut d’observateur
afin de permettre à l’Organisation d’intégrer de nouveaux partenaires
au-delà de ses frontières naturelles. La
Recommandation 1724 sur le Conseil de l’Europe et la politique européenne de
voisinage de l’Union européenne (2005) et la
Résolution 1506 sur les relations extérieures du Conseil de l’Europe
(2006) vont d’ailleurs dans le sens d’un renforcement de la coopération
avec les pays du sud de la Méditerranée et de l’Asie centrale.
65. De plus, un nouveau statut à mi-chemin entre celui d’observateur
et celui d’invité spécial pourrait voir le jour pour associer de
manière durable les Etats qui manifestent leur volonté de coopération
avec le Conseil de l’Europe mais qui ne respectent pas encore totalement
les principes de l’Organisation. Cette idée a déjà été soulevée
dans un rapport précédent
sur
les relations extérieures du Conseil de l’Europe. Ce rapport parlait de
«partenaire associé» ou de «partenaire pour la démocratie». En tout
cas, l’idée reste d’actualité et pourrait trouver sa réalisation
avec les pays du Maghreb qui ne souhaitent pas accéder au statut
d’observateur.
5.2.2. Le statut d’invité spécial
66. Le statut d’invité spécial
permet d’enclencher la première étape d’une collaboration plus approfondie. Depuis
1989, ce statut qui concerne les assemblées législatives de pays
non membres du Conseil de l’Europe permet aux invités de rencontrer
les membres des différentes commissions, de suivre les travaux en
cours et de donner leur avis sur des débats les concernant. Cependant,
ce statut ne s’applique qu’aux Etats qui ont vocation à devenir
membres du Conseil de l’Europe en attendant qu’ils respectent pleinement
les valeurs défendues par l’Organisation en matière de droits de
l’homme et de démocratie. Le Conseil de l’Europe compte aujourd’hui
47 Etats membres. Ce statut n’intéresse plus que les pays européens
non membres, comme le Bélarus.
5.2.3. La collaboration parlementaire
67. Cette forme de coopération
peut également être envisagée. Elle consisterait pour le Conseil
de l’Europe et son Assemblée parlementaire à renforcer leurs liens
avec les parlements nationaux des trois pays du Maghreb. Ainsi,
lors de sa visite au Conseil de l’Europe, Mme Nouzha
Chekrouni, ministre déléguée des Affaires étrangères marocaines
chargée des Marocains résidant à l’étranger, s’est montrée désireuse «d’explorer
toutes les pistes possibles en vue d’un partenariat horizontal et
vertical entre parlementaires»
. Dans
l’un de mes précédents rapports, j’évoquais déjà la possibilité
d’une coopération plus étroite du Conseil de l’Europe avec le Maroc.
Mon ancien collègue, David Atkinson, abondait dans mon sens à propos
de l’Algérie en affirmant que «les deux parties ne pourraient qu’en
bénéficier et il s’agirait d’un progrès important vers la sécurité
et la coopération dans la région méditerranéenne»
. Cette possibilité
de collaboration a d’ailleurs suscité un vif engouement en Algérie.
68. Le Parlement du Kazakhstan a signé en avril 2004 un accord
de coopération avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Cet accord de travail a permis de renforcer les liens entre le parlement national
et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
69. Ce type d’association peut également prendre un caractère
plus global en associant non pas les Etats individuellement, mais
l’ensemble des trois pays du Maghreb réunis dans l’Union du Maghreb
arabe (UMA), un ensemble régional créé en 1989 et réunissant l’Algérie,
le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. Une coopération
entre notre Assemblée parlementaire et la Chambre consultative de
l’UMA pourrait donc être étudiée.
70. L’APCE s’est déjà engagée sur le terrain de la coopération
interparlementaire, qu’elle a développée avec d’autres assemblées
parlementaires internationales, tels le Parlement européen, l’Union
de l’Europe occidentale, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, l’Union
interparlementaire, le Benelux, le Conseil nordique, l’Assemblée
parlementaire pour la coopération économique de la mer Noire (PABSEC),
la Communauté d’Etats indépendants (CEI) et d’autres.
71. Cette coopération pourrait notamment se concrétiser avec la
participation d’une délégation parlementaire aux travaux de l’Assemblée
pendant les sessions, et cela dès janvier 2008, par l’organisation de
réunions communes entre les commissions pertinentes ou dans la préparation
de conférences ou d’auditions sur des sujets tels que le dialogue
interreligieux, interculturel, l’éducation, l’économie, etc.
72. Au niveau institutionnel, elle pourrait prendre la forme d’une
assistance dans la formation du personnel administratif, d’une participation
à des visites d’études ou à des stages, et d’échanges divers.
5.2.4. La coopération intergouvernementale
73. Outre leur adhésion à certains
accords partiels élargis du Conseil de l’Europe tels que la Commission de
Venise (Algérie et Maroc en 2007) et l’Accord européen et méditerranéen
sur les risques majeurs (EUR-OPA) – qui est une plate-forme de coopération
entre les pays d’Europe et du sud de la Méditerranée dans le domaine
des risques naturels et technologiques majeurs – (Algérie en 1991
et Maroc en 1995), les pays du Maghreb sont des membres observateurs
de la Commission européenne de Pharmacopée du Conseil de l’Europe;
ils ont également ratifié certaines conventions du Conseil de l’Europe,
comme la Convention relative à la conservation de la vie sauvage
et du milieu naturel de l’Europe (Tunisie en 1996, Maroc en 2001)
ou la Convention contre le dopage (Tunisie en 2004).
74. Un pas supplémentaire pourrait être franchi dans cette coopération
intergouvernementale avec l’adhésion des Etats du Maghreb au Centre
Nord-Sud, organisme chargé de fournir un cadre à la coopération européenne
pour sensibiliser davantage le public aux questions d’interdépendance
mondiale et promouvoir des politiques de solidarité conformes aux
objectifs et principes du Conseil de l’Europe. Ainsi, une adhésion des
trois pays du Maghreb au Centre Nord-Sud serait perçue comme une
volonté clairement affichée de relancer ce dialogue naturel entre
les deux rives de la Méditerranée.
6. Apport de ces pays au Conseil
de l’Europe
75. Le renforcement de la coopération
entre le Conseil de l’Europe et le Maghreb entraînerait un enrichissement
réciproque. Il enverrait au monde entier un signal de tolérance
et d’ouverture, bien au-delà des frontières géographiques de l’Europe.
Il confirmerait ainsi le Conseil de l’Europe dans son rôle de coordonnateur
de l’action en faveur des valeurs universelles de droit, de justice
et de solidarité. Mais surtout, en travaillant plus étroitement
avec les pays musulmans, il donnerait un formidable démenti aux
menaces de choc des civilisations et à ceux qui opposent trop souvent
et à tort l’Occident au monde musulman. Coopérer plus activement
avec les pays du Maghreb permettrait au Conseil de l’Europe de mieux
connaître les problèmes qui affectent les pays musulmans et inévitablement
les Etats européens.
76. Le renforcement de la coopération entre le Conseil de l’Europe
et le Maghreb permettra également aux Etats membres ayant d’importantes
communautés maghrébines (France, Espagne, Italie, Pays-Bas, Allemagne)
de tisser des liens plus approfondis avec ces dernières, en les
intégrant dans une perspective clairement européenne et en abordant
d’une façon peut-être nouvelle tous les problèmes liés à l’immigration et
à l’intégration.
77. S’il est rompu aux processus de coopération avec les institutions
européennes, le Maghreb est surtout, bien entendu, un pont vers
le Proche-Orient et une fenêtre ouverte sur l’Afrique qui a tellement
besoin de démocratie et de droits de l’homme. Mes visites aux médias
algériens m’ont convaincue de cette volonté d’ouverture réciproque
et de besoin d’échanges et d’information.
78. En tant que présidente de la sous-commission sur le Proche-Orient,
je suis tout particulièrement sensible aux bouleversements de toute
sorte qui secouent cette région. Je suis profondément convaincue
que le renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb permettra
au Conseil de l’Europe de jeter un pont vers le Proche-Orient et
de renforcer la présence de notre Assemblée sur cette partie du
monde si tourmentée. Sans pour autant vouloir prendre parti, notre
collaboration avec des pays membres de la Ligue arabe et de l’Organisation
de la conférence islamique ne pourra qu’accroître notre visibilité
au Proche-Orient et la compréhension de ses problèmes.
79. L’Afrique reste à ce jour la grande absente des relations
extérieures du Conseil de l’Europe (aucun Etat africain n’est observateur)
et il est dommage que l’universalité des valeurs de notre Organisation
n’y trouve pas plus d’échos à l’heure où de nouveaux drames – comme
celui du Darfour – ravagent le continent. Le renforcement de la
coopération entre le Conseil de l’Europe et le Maghreb doit être
perçu comme une marque d’intérêt et une formidable promotion des
valeurs de notre Organisation dans l’ensemble du continent africain et
dans un monde de plus en plus globalisé.
7. Conclusions
80. Les pays du Maghreb partagent
depuis maintenant longtemps une histoire commune avec l’Europe et entretiennent
une coopération régulière et soutenue avec les institutions de notre
continent. Aussi bien le Conseil de l’Europe que ces pays auraient
tout à gagner en engageant une coopération plus étroite. Il existe une
volonté au Maghreb de s’engager plus avant sur le terrain de la
promotion des droits de l’homme et de la démocratie, longtemps considérée
dans cette région du monde comme dangereuse pour le pouvoir et perçue aujourd’hui
à juste titre comme facteur de stabilité.
81. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire doivent
prendre en considération le fait qu’il existe une opportunité formidable
d’ouvrir les portes de la démocratie et des droits de l’homme à
cette région du monde qui souhaite rejoindre notre Organisation
et l’Europe. A l’heure où fleurit l’idée d’une Union de la Méditerranée
qui, à coup sûr, s’emparerait des thèmes de prédilection du Conseil
de l’Europe, celui-ci regretterait peut-être de n’avoir pas jeté
son regard vers le sud de la Méditerranée, cette «frontière la plus inégale
du monde», comme le rappelait l’ancien président du Parlement européen,
Josep Borrell.
Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: Renvoi no 3330
du 16 mars 2007.
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité le 11 décembre 2007.
Membres de la commission: M. Abdülkadir Ateş (Président),
M. Konstantin Kosachev (Vice-Président), M. Zsolt
Németh (Vice-Président), M. Giorgi Bokeria (Vice-Président), M. Miloš Aligrudić, M. Claudio Azzolini, M. Denis
Badré, M. Radu Mircea Berceanu,
M. Andris Bērzinš, M. Aleksandër Biberaj,
Mme Guðfinna Bjarnadóttir, Mme Raisa
Bohatyryova, M. Predrag Bošković, M. Luc Van
den Brande, M. Lorenzo Cesa, M. Mauro Chiaruzzi, Mme Elvira Cortajarena, Mme Anna Čurdová, M. Hendrik Daems, M. Dumitru
Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Joan
Albert Farré Santuré, M. Piero Fassino (remplaçant: M. Pietro Marcenaro), M. Per-Kristian Foss,
Mme Doris Frommelt, M. Jean-Charles Gardetto,
M. Charles Goerens, M. Andreas Gross,
M. Davit Harutyunyan, M. Serhiy
Holovaty, M. Joachim Hörster,
Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović,
Mme Corien W.A. Jonker, Mme Darja
Lavtižar-Bebler, M. Göran Lindblad,
M. Younal Loutfi, M. Mikhail
Margelov (remplaçant: M. Victor Kolesnikov),
M. Tomasz Markowski, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Murat Mercan,
M. Mircea Mereuţă, M. Dragoljub Mićunović (remplaçant: M. Željko Ivanji), M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda
Mikhailova, M. Aydin Mirzazada, M. João Bosco Mota Amaral, Mme Natalia
Narochnitskaya, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Hryhoriy Nemyrya, M. Fritz
Neugebauer, Mme Kristiina Ojuland, M. Theodoros
Pangalos, M. Aristotelis Pavlidis, M. Christos Pourgourides, M. John
Prescott (remplaçant: M. John Austin),
M. Gabino Puche, M. Lluís
Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Andrea Rigoni, Lord Russell-Johnston, M. Oliver Sambevski,
M. Ingo Schmitt, Mme Hanne Severinsen, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock,
M. Zoltán Szabó, Baroness Taylor of Bolton (remplaçant: M. Denis MacShane), M. Mehmet Tekelioğlu, M. Mihai Tudose, M. José
Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Björn
von Sydow, M. Harm Evert Waalkens, M. David Wilshire,
M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm,
M. Boris Zala, M. Krzysztof Zaremba. Ex officio: MM. Mátyás Eörsi et
Tiny Kox.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Voir 6e séance, 23 janvier 2008
(adoption du projet de résolution amendé et du projet de recommandation);
et Résolution 1598 et Recommandation
1825.