1. Introduction
1. Dès le déclenchement de la
guerre entre la Russie et la Géorgie les 7 et 8 août 2008, conscient
de ce qu’une guerre entre deux Etats membres représente un défi
sans précédent pour les principes et valeurs du Conseil de l’Europe,
le président de l’Assemblée a demandé aux corapporteurs pour la
Russie et la Géorgie de la commission de suivi de visiter les pays
dont ils sont responsables. MM. Mátyás Eörsi et Kastriot Islami, corapporteurs
pour la Géorgie, se sont rendus à Tbilissi et Gori du 18 au 21 août,
et M. Luc van den Brande, l’un des corapporteurs pour la Russie,
s’est rendu à Moscou et Vladikavkaz du 20 au 22 août.
2. Lors de sa réunion du 5 septembre 2008, le Bureau de l’Assemblée
a décidé, sur la base d’une proposition unanime soumise au nom de
leurs groupes par les cinq présidents des groupes politiques de l’Assemblée,
de recommander la tenue d’un débat d’urgence sur «Les conséquences
de la guerre entre la Géorgie et la Russie» pendant la quatrième
partie de la session de 2008. Il a proposé de saisir de cette question
la commission de suivi, pour rapport, ainsi que la commission des
questions politiques, la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme et la commission des migrations, des réfugiés
et de la population, pour avis.
3. Toujours lors de cette réunion, en vue d’arriver à une meilleure
compréhension des faits concernant l’ordre exact des événements
des 7 et 8 août, des circonstances y ayant donné lieu, et de la
situation politique au lendemain des hostilités, le Bureau de l’Assemblée
a décidé de mettre en place une commission ad hoc chargée d’étudier
la situation sur le terrain en Russie et en Géorgie du 21 au 26 septembre
2008. La commission ad hoc était composée de moi-même et M. Theodoros
Pangalos (Grèce, SOC), corapporteurs de la commission de suivi pour
la Russie, et de MM. Mátyás Eörsi (Hongrie, ADLE) et Kastriot Islami
(Albanie, SOC), corapporteurs de la commission de suivi pour la
Géorgie, M. Göran Lindblad (Suède, PPE/DC), président de la commission
des questions politiques, Mme Corien
Jonker (Pays-Bas, PPE/DC), présidente de la commission des migrations,
des réfugiés et de la population, M. Andreas Gross (Suisse), président
du Groupe socialiste, M. Tiny Kox (Pays-Bas), président du Groupe
pour la gauche unitaire européenne, et M. David Wilshire (Royaume-Uni),
premier vice-président du Groupe démocrate européen.
4. La délégation s’est rendue en Fédération de Russie du 21 au
23 septembre 2008 puis en Géorgie du 24 au 26 septembre 2008. Durant
sa visite dans les deux pays, la délégation a rencontré des représentants de
haut niveau des autorités étatiques, des représentants d’organisations
internationales, ainsi que des représentants de la société civile
et de la communauté diplomatique. Lors de la visite en Géorgie,
la délégation s’est en outre rendue dans la zone dite «tampon» et
en Ossétie du Sud. Les constatations de la délégation font partie
intégrante du présent rapport.
5. D'autres représentants du Conseil de l'Europe ont également
réagi immédiatement au conflit. Le Président du Comité des Ministres
Carl Bildt, ministre suédois des Affaires étrangères, accompagné
du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Terry Davis, a
visité la zone du conflit, du 11 au 13 août 2008. De plus, le Président
suédois a convoqué une réunion informelle des ministres des Affaires
étrangères à New York le 24 septembre 2008. Le Commissaire aux droits
de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Thomas Hammarberg a visité
la zone du conflit du 22 au 29 août, puis du 25 au 28 septembre
2008, et a joué un rôle majeur dans la résolution des problèmes
humanitaires et des droits de l'homme causés par le conflit. Il
convient de saluer le rôle actif de la Présidence suédoise et du
Commissaire aux droits de l'homme. Le Congrès des Pouvoirs locaux
et régionaux s'est également rendu dans la région.
2. Contexte
6. Le conflit au sujet de l’Ossétie
du Sud a commencé en 1991, à la suite de la déclaration d’indépendance de
la Géorgie qui a débouché sur la suppression du statut d’autonomie
de l’Ossétie du Sud par le Gouvernement géorgien alors en place,
lorsque de violents affrontements ont opposé les troupes géorgiennes aux
milices séparatistes sud-ossètes. Afin d’éviter une confrontation
majeure avec la Russie, la Géorgie a accepté, en 1992, un accord
de cessez-le-feu (dit «Accord de Sochi») qui laissait une partie
de l’Ossétie du Sud sous le contrôle de
facto des forces séparatistes. Une force de maintien
de la paix composée de troupes russes, géorgiennes et (nord- et
sud-) ossètes a été créée dans le cadre de cet accord. En 1992,
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
a mis en place une mission de suivi de l’opération de maintien de
la paix. Sous les auspices de l’OSCE, une commission mixte de contrôle
a en outre été mise en place avec la participation de la Géorgie,
de l’Ossétie du Sud, de l’Ossétie du Nord et de la Russie. Cette enceinte
constituait le principal mécanisme de négociation visant à préserver
la paix.
7. L’escalade du conflit et sa transformation en une véritable
guerre ouverte entre la Géorgie et la Russie ont été totalement
inattendus. On assistait toutefois depuis quelque temps à un grave
regain de tension qui a précédé le déclenchement des hostilités
armées entre les deux pays. A l’évidence, la guerre entre la Russie et
la Géorgie n’a pas débuté le 7 août 2008.
8. Il sera difficile de déterminer avec exactitude à partir de
quel moment les tensions ont commencé à s’aggraver à tel point que
les deux parties au conflit ont choisi l’option militaire. On peut
cependant retenir comme date charnière le 6 mars 2008 puisque ce
jour-là, la Russie s’est retirée unilatéralement du traité imposant
des sanctions économiques contre l’Abkhazie qui avait été conclu
par la Communauté des Etats indépendants (CEI) en 1996.
9. Cela a été suivi, le 21 mars 2008, par la résolution de la
Douma d’Etat demandant aux autorités russes de reconnaître l’indépendance
de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Cet appel a été rejeté à l'époque
par les autorités russes. Le 16 avril 2008, Vladimir Poutine, le
Président russe alors en exercice, a cependant promulgué un décret
donnant pour instruction aux autorités russes d’établir des liens
directs, officiels et légaux avec les autorités de facto dans les régions sécessionnistes
d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. La Géorgie a dénoncé ce décret en
faisant valoir qu’il s’agissait en fait d’une tentative d’annexion
du territoire géorgien. Ce décret a aussi suscité de vives critiques
de la part de la communauté internationale.
10. A ce jour, il est difficile de savoir exactement pourquoi
la Russie a pris ces décisions qui ont sans nul doute aggravé les
tensions entre les deux pays. La reconnaissance unilatérale du Kosovo
par plusieurs pays occidentaux, de même que la perspective d’un
Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN de la Géorgie, semble avoir
eu une influence non négligeable à cet égard.
11. Les initiatives précitées de la Fédération de Russie ont non
seulement accru les tensions, mais encore détérioré les relations
bilatérales entre la Géorgie et la Russie. De surcroît, la délivrance
massive de passeports russes aux habitants des deux régions sécessionnistes
a incontestablement encouragé les dirigeants séparatistes de ces
régions à faire monter d’un cran la confrontation et à rejeter une
solution négociée au conflit. En conséquence, la situation s’est
considérablement dégradée sur le plan de la sécurité dans les deux
régions. De plus, ces actions ont entraîné un durcissement des échanges
verbaux qui ne pouvait qu'aggraver la tension déjà palpable des
relations entre les deux pays.
12. Une nouvelle détérioration de la situation en matière de sécurité
a fait suite à la décision des autorités russes d’envoyer, tout
en restant dans les limites du plafond autorisé par les accords
de 1994 de la CEI, un nouveau contingent de forces de «maintien
de la paix» en Abkhazie en mai 2008. Elle a notamment envoyé des
parachutistes et de l’artillerie lourde. De plus, le 31 mai 2008,
le ministre russe de la Défense a annoncé qu’il envoyait en Abkhazie
300 membres non armés des troupes du génie pour les chemins de fer
avec pour mission de réparer la ligne Soukhoumi-Ochamchire. Ces
deux initiatives ont donné lieu à de vives protestations de la part
des autorités géorgiennes et ont aussi été vigoureusement condamnées
par la communauté internationale.
13. Pendant ce temps, en Ossétie du Sud, la situation ne cessait
de se détériorer sur le plan de la sécurité. Provocations et incidents
violents se sont succédé des deux côtés, dont des fusillades de
tireurs isolés, des attentats à l’explosif et des attaques à l’artillerie
et aux armes légères dirigées contre des villages géorgiens et sud-ossètes.
Il est clair que le dispositif de maintien de la paix mis en place
par les accords de Sochi ne fonctionnait plus et que les effectifs
déployés à cette fin ne remplissaient pas le rôle qui leur incombait,
à savoir protéger les populations civiles et maintenir l’ordre dans
leur secteur. En outre, cet immobilisme des forces de paix ainsi
que les initiatives des autorités russes évoquées plus haut semblent
confirmer les affirmations selon lesquelles la Russie était devenue
partie au conflit et ne pouvait plus être considérée comme un médiateur neutre,
ni conserver ce rôle. Russes et Sud-Ossètes sont ainsi restés sourds
aux appels répétés des autorités géorgiennes demandant une modification
du dispositif de maintien de la paix.
14. Conscient de ce que la situation devenait incontrôlable, le
Gouvernement allemand a proposé un plan de paix pour l’Abkhazie.
Les pourparlers ont échoué lorsque les autorités de facto en Abkhazie ont refusé
de participer aux négociations prévues à Berlin en juillet 2008.
En outre, les propositions visant à organiser, sous l’égide de l’Union
européenne et de l’OSCE, des pourparlers de paix entre la Géorgie
et les dirigeants de facto d’Ossétie
du Sud ont capoté en juillet 2008 à la suite du refus des dirigeants de facto d’Ossétie du Sud.
15. Début août, la situation sécuritaire s’est considérablement
dégradée. Elle a commencé à devenir incontrôlable lorsque le 1er août,
cinq policiers géorgiens ont été blessés dans l’explosion de voitures
piégées en Ossétie du Sud. Le même jour, plusieurs personnes ont
été tuées lors d’affrontements à Tskhinvali et dans des villages
ethniques géorgiens. Entre les 3 et 5 août, les autorités de facto d’Ossétie du Sud ont entrepris d’évacuer
la population civile de Tskhinvali et des environs. Le 7 août, les
dirigeants des populations ethniques géorgiennes des villages d’Ossétie
du Sud leur ont recommandé de quitter le secteur.
16. L’ordre exact des événements ainsi que les circonstances qui
y ont donné lieu font l’objet d’une grande controverse entre la
Russie et la Géorgie, qui expriment des vues diamétralement opposées.
17. Selon les autorités russes, la tension et les flambées de
violence – ponctuées d’échanges de tirs d’armes et d’artillerie
légères – qui ont opposé la Géorgie et l’Ossétie du Sud se sont
progressivement intensifiées au cours de l’été, principalement,
mais pas exclusivement, en raison des provocations de la Géorgie
et malgré tous les efforts déployés par les forces russes de maintien
de la paix en vue de calmer les esprits et de ramener les deux parties
à la table des négociations. Vers 22 h 38, le 7 août, les autorités géorgiennes
auraient ensuite lancé – sans avoir préalablement subi de provocation –
une attaque militaire de grande envergure, manifestement préméditée
selon l'avis des instances russes, contre Tskhinvali et des villages
ossètes situés dans la zone de sécurité. L’artillerie lourde et
des batteries de roquettes auraient bombardé Tskhinvali «massivement
et aveuglément». Lorsqu’elles n’ont plus eu aucun doute sur les informations
faisant état de nombreux morts et blessés parmi la population civile
et d’attaques lancées contre des soldats russes chargés du maintien
de la paix, les autorités russes ont lancé une contre-offensive
et envoyé des troupes en Géorgie par le tunnel de Roki.
18. Selon les autorités géorgiennes, les tensions se seraient
progressivement intensifiées en Ossétie du Sud depuis plusieurs
mois en raison de provocations et d’attaques lancées contre des
villages géorgiens par les séparatistes sud-ossètes. Les forces
russes de maintien de la paix ne seraient pas intervenues pour empêcher
ces attaques. Avec leur approbation tacite, l’Ossétie du Sud aurait
toujours opposé un refus aux tentatives répétées de la Géorgie de
mettre un terme aux hostilités par des moyens pacifiques. Les 6
et 7 août, l’escalade des violences a pris des proportions sans
précédent, au risque de déstabiliser le pays. Dans la nuit du 7
au 8 août, les autorités géorgiennes auraient reçu plusieurs rapports
des services de renseignement selon lesquels des troupes militaires
russes étaient en train de traverser le tunnel de Roki et de prendre
position en Ossétie du Sud, en déployant notamment des tanks et
de l’artillerie lourde. Une contre-attaque a alors été lancée en
légitime défense en réaction à cette invasion du territoire géorgien
par la Russie.
19. Les autorités russes nient catégoriquement que des troupes
russes aient traversé le tunnel de Roki avant l’attaque de Tskhinvali
par la Géorgie. Elles soulignent que les informations des services
de renseignement rendues publiques par les autorités géorgiennes
sont largement considérées au mieux comme peu convaincantes, puisqu’elles
n’ont fait l’objet d’aucune vérification indépendante. Malheureusement,
ni la Russie ni les Etats-Unis, qui possèdent pourtant un puissant
système de satellites de renseignements, ne disposeraient d’images
satellite qui pourraient contribuer à confirmer ou infirmer les
déclarations de la Géorgie selon lesquelles des troupes russes auraient
franchi le tunnel de Roki avant l’attaque de Tskhinvali.
20. Les autorités russes ont rendu publics des plans militaires
géorgiens dont elles affirment s’être emparé, concernant l’invasion
de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Selon la Russie, ces documents
constituent la preuve que l’attaque lancée contre l’Ossétie du Sud
était planifiée et préparée depuis longtemps. La Géorgie nie catégoriquement
avoir préparé et planifié à l’avance une telle invasion. Il faut
tenir compte du fait que dans la plupart (voire la totalité) des
pays, les forces militaires ont des plans en vue de toute hypothétique
situation militaire susceptible de se produire. Par conséquent,
même si ces plans étaient authentiques, leur existence ne constituerait
pas en soi une preuve attestant du caractère prémédité et planifié
de l’attaque de Tskhinvali. En outre, des membres de la communauté
internationale en Géorgie ont fait valoir que le niveau de désorganisation
de l’action militaire de la Géorgie en Ossétie du Sud, de même que
la retraite chaotique de ses troupes, tend à démentir l’idée que
cette attaque avait été préparée longtemps à l’avance. L’OTAN a procédé
à une évaluation de la conduite des hostilités qui pourrait apporter
un éclairage sur la question de la préparation. Il est regrettable
que ces informations demeurent classées secrètes.
21. Au vu de la complexité de la situation, de ces vues diamétralement
opposées, étant donné que la Géorgie et la Russie contestent chacune
la version de l’autre et rejettent toute responsabilité, il est
clair que seule une enquête internationale indépendante permettra
d’établir avec précision l’ordre exact des événements des 7 et 8 août
ainsi que les circonstances ayant conduit au déclenchement des hostilités
armées entre la Géorgie et la Russie. Il est essentiel que ces faits
soient établis. La vérité est une condition préalable à toute amorce
de réconciliation entre ces deux Etats membres du Conseil de l’Europe.
22. Comme mentionné précédemment, la guerre n’a toutefois pas
débuté le 7 août. Il est tout aussi clair que, quels que soient
les facteurs qui l’ont provoquée, le bombardement de Tskhinvali
par les troupes géorgiennes, avec l’artillerie lourde et des batteries
de lance-roquettes, a marqué le début de la guerre ouverte entre
la Géorgie et la Fédération de Russie.
23. Après le début du bombardement de Tskhinvali, la Russie a
riposté par une contre-attaque offensive. Après plusieurs jours
de combats acharnés, les forces russes ont non seulement contraint
les militaires géorgiens à se retirer de l’Ossétie du Sud, mais
également occupé une grande portion du territoire géorgien à l’ouest
et au sud de la zone du conflit. Elles ont ensuite aussi commencé
à viser des cibles stratégiques, économiques et civiles, au cœur
même de la Géorgie, notamment des voies ferrées, des ponts et le
port de Poti, qui est situé à une distance considérable de la zone
de conflit.
24. Lorsque la guerre a éclaté en Ossétie du Sud, les forces séparatistes
abkhazes ont commencé, le 8 août 2008, à attaquer les troupes géorgiennes
dans les gorges de Kodori. Bénéficiant semble-t-il de l’aide des forces
militaires russes, elles ont repoussé les troupes militaires géorgiennes
en dehors des zones de l’Abkhazie contrôlées par la Géorgie.
25. L’incursion russe en Géorgie n’a été interrompue que lorsque
les Présidents Medvedev et Saakashvili ont signé, le 12 août 2008,
l’accord de cessez-le-feu négocié par le Président français, M. Sarkozy,
au nom de l’Union européenne.
26. Indépendamment des circonstances qui ont conduit à cette guerre,
et sans considération du caractère justifié ou non de l’assaut militaire
de la Géorgie contre Tskhinvali, la riposte militaire russe est
allée bien au-delà de ce qui était nécessaire pour rétablir la paix
et protéger les civils. Cette réaction militaire disproportionnée
ainsi que la destruction injustifiée des infrastructures économiques
et stratégiques de la Géorgie et les appels répétés à un changement
de régime constituent soit une atteinte directe à la souveraineté
de la Géorgie, soit une indication de la volonté de la Russie de
rétablir une influence directe et décisive sur la Géorgie, restaurant
ainsi ses ambitions sur son «voisinage immédiat», en violation de
ses engagements consécutifs à l’adhésion au Conseil de l’Europe.
3. L’accord de cessez-le-feu
et le lendemain de la guerre
27. Dans l’accord de cessez-le-feu
négocié par le Président Sarkozy, la Géorgie et la Russie ont convenu:
- de ne pas recourir à la force;
- de mettre définitivement fin aux hostilités;
- de permettre le libre acheminement de l’assistance humanitaire;
- du retour des forces géorgiennes à leurs positions habituelles;
- du retrait des troupes russes derrière les lignes antérieures
au déclenchement des hostilités. Dans l’attente d’un mécanisme international,
les forces russes de maintien de la paix mettront en œuvre des mesures
additionnelles de sécurité;
- de l’ouverture de discussions internationales sur les
modalités de sécurité et de stabilité en Abkhazie et en Ossétie
du Sud.
28. Selon l’accord de cessez-le-feu, les Russes devaient procéder
sans délai à un retrait de leurs forces sur les positions antérieures
au début du conflit. Cependant, en dépit des assurances en sens
contraire du Président russe, M. Medvedev, le retrait des troupes
russes n’a pas commencé immédiatement après la signature de l’accord
de cessez-le-feu. Lorsque les corapporteurs de l’Assemblée pour
la Russie et la Géorgie se sont rendus à Moscou et Tbilissi respectivement,
le retrait des troupes russes n’avait pas encore commencé. De fait,
la destruction des infrastructures économiques et stratégiques de
la Géorgie se poursuivait sans discontinuer.
29. La définition des mesures additionnelles de sécurité devant
être mises en œuvre par les forces russes de maintien de la paix,
telles que mentionnées au point 5 de l’accord de cessez-le-feu,
a donné lieu à des interprétations contradictoires de la part des
autorités russes, d’un côté, et des autorités géorgiennes et de
la communauté internationale, de l’autre. Les autorités russes en
ont retenu une interprétation extensive, qui leur permettrait de
maintenir un large éventail de points de contrôle en dehors de la
zone du conflit et à l’intérieur même de la Géorgie. En conséquence,
les troupes russes ont assumé le contrôle de
facto des principaux axes est-ouest et nord-sud de transport,
une initiative jugée inacceptable car cela porte significativement
atteinte à la souveraineté de la Géorgie. En réaction, le Président
français, M. Sarkozy, a adressé en date du 16 août 2008 une lettre
aux Présidents Saakashvili et Medvedev aux fins de définir précisément
les «mesures additionnelles de sécurité» convenues lors des pourparlers
de cessez-le-feu. Dans cette lettre, le Président Sarkozy a indiqué
clairement que ces mesures ne pourraient être mises en œuvre qu’à
l’intérieur d’une zone d’une profondeur de quelques kilomètres depuis
la limite administrative entre l’Ossétie du Sud et le reste de la Géorgie,
à l’exclusion de toute autre partie du territoire géorgien; qu’elles
auront un caractère provisoire; qu’elles prendront la forme de patrouilles
effectuées par les seules forces de maintien de la paix autorisées
par l’accord de Sochi de 1992; et qu’elles ne sauraient concerner
aucun centre urbain significatif ou grand axe de transport.
30. Le 25 août, l’Assemblée fédérale russe (la Douma d’Etat et
le Conseil de la Fédération) a voté à l’unanimité une résolution
appelant le Président Medvedev à reconnaître l’indépendance de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie. Le 26 août, le Président Medvedev a promulgué
un décret par lequel la Fédération de Russie reconnaissait l’indépendance
des républiques autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Cette reconnaissance
a été largement condamnée par la communauté internationale, étant
donné que cela bafoue le principe de l’intégrité territoriale de
la Géorgie, est contraire au droit international, aux obligations
de la Fédération de Russie en tant que membre du Conseil de l’Europe,
et contrevient à l’accord de cessez-le-feu signé par le Président
Medvedev.
31. Etant donné le retard pris dans l’application du cessez-le-feu,
le Président Sarkozy s’est rendu à Moscou le 8 septembre accompagné
de M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne,
de M. Javier Solana, haut représentant de l’UE pour la politique
étrangère et de sécurité commune, et M. Bernard Kouchner, ministre
français des Affaires étrangères et européennes, pour demander instamment
aux autorités russes de le mettre en œuvre sans réserve. Lors de
cette réunion, il a été décidé que la Russie retirerait ses troupes
des zones adjacentes à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud dans les
dix jours qui suivraient le déploiement de la mission d’observation
de l’UE le 1er octobre 2008, qu’elle
autoriserait les observateurs européens à rester en Abkhazie et
qu’elle permettrait aux observateurs de l’OSCE d’accéder à toutes
les zones, y compris en Ossétie du Sud, en conformité avec les schémas
de déploiement antérieurs. Enfin, la Russie a accepté d’engager
des discussions sur le point 6 de l’accord de cessez-le-feu, le
15 octobre 2008.
32. La reconnaissance unilatérale de l’indépendance de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie par la Fédération de Russie a une incidence
directe sur l’application de l’accord de cessez-le-feu. Les autorités
russes ont fait savoir catégoriquement que la présence des troupes
russes dans ces régions n’était plus gouvernée par l’accord de cessez-le-feu
mais par des accords bilatéraux entre la Russie, l’Ossétie du Sud
et l’Abkhazie. Le 18 septembre, la Russie a signé des accords d’amitié
et de coopération avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud qui permettent,
entre autres, l’établissement de bases militaires russes dans ces
deux régions. Les autorités russes ont indiqué qu’elles avaient
l’intention de poster jusqu’à 4 000 hommes dans chacune des régions,
en violation manifeste de l’accord de cessez-le-feu.
33. La reconnaissance par la Russie de l’indépendance de ces deux
régions complique aussi l'apport de l’aide humanitaire ainsi que
le suivi de l’application de l’accord de cessez-le-feu par des observateurs indépendants.
Les organisations humanitaires se voient refuser l’entrée en Ossétie
du Sud via la Géorgie. Quant aux observateurs de l’Union européenne
et de l’OSCE, ils ne peuvent pas du tout entrer en Ossétie du Sud
et en Abkhazie. Malgré l’accord du 8 septembre, les discussions
concernant l’aire de déploiement des observateurs de l’OSCE n’ont
pas abouti, l’écueil majeur étant l’accès à l’Ossétie du Sud. Les
autorités russes ont bien fait comprendre que les observateurs de
l’UE ne seront pas autorisés à entrer en Ossétie du Sud et en Abkhazie,
en dépit de l’insistance de l’UE, qui considère que leur mandat
couvre l’ensemble de la Géorgie, y compris les régions séparatistes.
34. Il faut noter que la reconnaissance unilatérale de l'indépendance
a renforcé le contrôle des autorités de facto de
Tskhinvali sur le district Akhalgori en Ossétie du Sud, qui n'était
pas concerné par l'accord de Sochi et était donc sous l'autorité
pleine et reconnue du Gouvernement géorgien avant la guerre.
35. L'avis de la commission des migrations, des réfugiés et de
la population inclut l'examen détaillé des conséquences humanitaires
de la guerre. Toutefois, durant les premières phases du conflit,
de 35 000 à 40 000 réfugiés sud-ossètes ont été recensés en Ossétie
du Nord. Les autorités russes ont géré cet afflux de réfugiés de
manière très efficace, évitant ainsi une crise humanitaire en Ossétie
du Nord. La plupart de ces personnes ont maintenant regagné leur
lieu de résidence. D’après les estimations, quelque 2 000 personnes demeureraient
en Ossétie du Nord dans leurs familles.
36. Une certaine confusion règne concernant le nombre exact de
personnes déplacées en Géorgie en raison de cette guerre. Selon
différentes sources, le conflit aurait dans un premier temps provoqué
le déplacement de plus de 140 000 personnes en Géorgie, dont 60 000
sont toujours déplacées. Environ 29 000 personnes devraient pouvoir
rentrer chez elles lorsque les troupes russes se seront retirées
de la zone dite «tampon»
et que
la sécurité de la population sera de nouveau assurée. On considère
en revanche que 31 000 personnes (dont 25 000 originaires d’Ossétie
du Sud et 6 000 d’Abkhazie) seront dans l’impossibilité de regagner
leur lieu de résidence d’origine, et ce «à titre permanent». Il
s’agit essentiellement de populations ethniques géorgiennes provenant
des zones placées sous le contrôle
de
facto de Tskhinvali et Soukhoumi. Ces chiffres sont à
replacer dans le contexte. Il faut savoir qu’il y a déjà 222 000 personnes
déplacées originaires de la région à la suite du conflit de 1992.
37. La situation humanitaire est encore compliquée par l’incertitude
concernant la «zone tampon». Malgré la nécessité urgente de combler
l’actuel vide sécuritaire, il semble y avoir des points de vue contradictoires concernant
le rôle des observateurs de l’Union européenne et des forces de
police géorgiennes. Alors que l’Union européenne envoie des observateurs
strictement civils chargés de surveiller la situation sur le plan
de la sécurité et considère qu’il incombe aux forces de l’ordre
géorgiennes de garantir la sécurité de la population dans la région,
les autorités russes semblent penser que la protection civile doit
aussi relever de la responsabilité des observateurs de l’Union européenne
et sont réticentes quant à l’idée d’une présence policière géorgienne
armée dans ce secteur. Il importe de résoudre ce point de toute
urgence afin d’éviter une nouvelle détérioration de la sécurité
dans la région.
38. Le nombre de morts à la suite du conflit est sujet à controverse,
mais toutes les parties en présence s’accordent à dire que les chiffres
initialement avancés étaient exagérément élevés. Des sources indépendantes
situent le total des morts autour de 664. Cependant, on ne saurait
trop insister sur le fait que même une seule victime est une victime
de trop.
39. Les pillages, les agressions et les destructions de biens
se sont généralisés sur une grande échelle dans les villages géorgiens
d’Ossétie du Sud et de la «zone tampon», principalement après la
signature de l’accord de cessez-le-feu. Selon des témoins, ces violences
ont été commises par des milices et des troupes irrégulières sud-ossètes,
mais aussi par des «volontaires» venus du Caucase du Nord. D’après
les informations recueillies, les troupes russes ne seraient pas
impliquées et n’auraient pas participé au pillage et à la destruction
par le feu. Elles n’auraient cependant rien fait pour empêcher les
violences et auraient souvent fermé les yeux. Ces récits ont été
confirmés par des informations indépendantes émanant d’organisations russes
de défense des droits de l’homme qui étaient présentes en Ossétie
du Sud pendant et après le déclenchement des hostilités. Le pillage
généralisé et les destructions de biens ont aussi été confirmés
par la délégation de l’Assemblée qui a visité plusieurs villages
en Ossétie du Sud et dans la «zone tampon» le 25 septembre 2008.
40. Dans son rapport établi après sa visite dans la zone de conflit,
entre le 22 et le 29 août, le Commissaire aux droits de l’homme
a présenté six principes visant à garantir les droits de l’homme
et à assurer une protection et une aide humanitaires, que nous soutenons
pleinement:
40.1. Le droit au retour
des personnes qui ont fui ou ont été déplacées doit être garanti.
Il faut pour cela que leur sécurité soit assurée et leur domicile
rendu à nouveau habitable. Il est urgent de réparer les logements
endommagés. Les personnes concernées ont le droit d’être informées
de l’évolution de la situation; nul ne doit être renvoyé chez lui
contre son gré.
40.2. Les personnes qui ont fui ou ont été déplacées doivent
bénéficier de conditions de vie décentes jusqu’à ce qu’elles puissent
rentrer chez elles. D’où la nécessité de coordonner efficacement
l’aide apportée par les acteurs gouvernementaux et intergouvernementaux.
Il convient de faire face aux besoins matériels mais aussi aux troubles
psychologiques et psychosociaux.
40.3. Toute la région touchée par la guerre doit faire l’objet
d’un déminage. Il faut localiser, enlever et détruire les bombes
à sous-munitions, mines, munitions non explosées et autres engins
dangereux. Tant que cela n’est pas fait, les terrains concernés
doivent être signalés et la population clairement informée des dangers.
Il faut que les parties au conflit déclarent quel type d’armes et
de munitions elles ont utilisé, où et quand. Cette opération nécessitera
une contribution internationale qu’il serait dans l’intérêt des
deux parties d’accepter.
40.4. Les violences physiques, les incendies volontaires et
le pillage doivent cesser complètement et leurs auteurs doivent
être arrêtés et rendre compte de leurs actes. Il faut résoudre d’urgence
le problème de l’absence de police dans la zone «tampon» située
entre Tskhinvali et Karaleti.
40.5. Le déploiement de moyens humanitaires permanents doit
permettre de protéger et de secourir les prisonniers de guerre,
autres détenus et personnes bloquées dans des situations d’insécurité.
Le mécanisme de dialogue et d’échanges mutuels habituel en pareil
cas doit être laissé en place et pleinement soutenu, par la communauté
internationale également. Il est nécessaire d’établir un système coordonné
pour recueillir des informations sur les personnes disparues et
pouvoir agir.
40.6. La présence et l’aide internationales sont indispensables
dans la zone touchée par le conflit. Il conviendrait de soutenir
les programmes du HCR, de l’Unicef, du CICR et d’autres agences
et de donner à l’OSCE le pouvoir et les ressources nécessaires pour
étendre sa mission. En plus des observateurs du cessez-le-feu et
des forces de police, il faut envoyer sur place des observateurs
des droits de l’homme spécialisés, dont l’action pourrait être coordonnée
avec celle des médiateurs locaux. La protection des minorités doit
être une priorité absolue et il faut encourager les relations intercommunautaires.
41. Le caractère systématique des pillages et des destructions
de biens en Ossétie du Sud, les déclarations des dirigeants de facto à Tskhinvali indiquant
que le retour des populations ethniques géorgiennes déplacées serait
malvenu, même si elles adoptaient la citoyenneté de l’Etat autoproclamé
comme l'exigent les autorités de facto,
portent à croire qu’une politique de nettoyage ethnique est menée
en Ossétie du Sud. Cela est confirmé par des informations émanant
d’organisations internationales humanitaires et de secours, ainsi
que par des organisations de défense des droits de l’homme et par
la communauté diplomatique en Géorgie, qui ont signalé des actes
systématiques de nettoyage ethnique perpétrés dans les villages
géorgiens d’Ossétie du Sud par des milices et des troupes irrégulières
sud-ossètes. Selon d’autres informations, dans certains cas, des
villages entiers auraient été rasés au bulldozer. Ce scénario semble
aussi confirmé par la visite de la délégation de l’APCE dans la
région. Celle-ci a pu constater que le village géorgien de Ksuisi,
en Ossétie du Sud, avait été entièrement pillé et presque totalement
détruit.
42. Les informations faisant état de nettoyage ethnique sont extrêmement
préoccupantes. Il faut souligner qu’au regard du droit international,
même en l’absence d’implication directe des troupes russes, la Russie
porte l’entière responsabilité des violences et des atteintes aux
droits de l’homme commises sur les territoires placés sous son contrôle
effectif.
43. Pendant la première phase des hostilités armées, Tskhinvali
a subi les bombardements aveugles de l’armée géorgienne et a été
pilonnée au lance-roquettes et à l’artillerie lourde. Lors de sa
visite de la ville, la délégation a constaté que plusieurs quartiers
d’habitation, de même que des bâtiments publics, ont été complètement
détruits par les bombardements aveugles de l’armée géorgienne dans
la première phase du conflit, puis par les combats qui se sont ensuivis
dans la ville entre les troupes géorgiennes et russes. Il y a lieu
de souligner que le recours à la force sans discrimination et l’utilisation
d’armes par les deux parties dans des zones civiles peuvent être
considérés comme des crimes de guerre. A cet égard, une enquête
exhaustive doit donc être entreprise aux fins d’établir la réalité
des faits.
4. Les engagements
et obligations de la Géorgie et de la Russie et les conséquences
de la guerre
44. La guerre entre la Russie et
la Géorgie constitue l’une des plus graves crises de la période
récente pour le Conseil de l’Europe, et une remise en question des
principes et valeurs qu’il incarne. De graves violations ont été
commises, qui concernent le statut de l’Organisation mais aussi
les obligations et engagements souscrits par la Géorgie et par la
Russie lors de leur adhésion.
45. La souveraineté de l’Etat, le droit à l’intégrité territoriale
et à son respect, la non-agression sont trois principes de base
du droit international. Le respect de ces principes, obligation
fondamentale de la Charte des Nations Unies (chapitre I, article 2,
et chapitre VI), fait partie des obligations générales des Etats
membres découlant du Statut du Conseil de l’Europe, ainsi que des
engagements qu’ils ont pris en adhérant à l’Organisation. Les mêmes
principes fondamentaux figurent dans la Déclaration sur les principes
régissant les relations des pays participants, incluse dans l’Acte
final d’Helsinki, dont tant la Russie que la Géorgie sont signataires.
46. Lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe, la Géorgie et
la Russie se sont engagées à régler le conflit au sujet de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie par des moyens pacifiques. La Russie s’est
en outre engagée à résoudre les conflits frontaliers conformément
aux principes du droit international, et à «dénoncer la notion selon
laquelle il existerait deux catégories de pays étrangers, dont l’une
pourrait être traitée en tant que zone d’influence spéciale, appelée
“pays étranger proche”».
47. Il va sans dire qu’en vertu de ces engagements, les deux pays
devraient entretenir des relations de bon voisinage et respecter
les intérêts légitimes de chacun en matière de paix et de sécurité.
48. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie font partie intégrante de la
Géorgie et les actions militaires entreprises par les forces géorgiennes
pendant le conflit concernaient donc le territoire géorgien. L’argument
de la Russie selon lequel les actions militaires géorgiennes constituaient
une «utilisation illégale de la force» déclenchant le droit à l’autodéfense
en application de la Charte des Nations Unies n’a donc pas de fondement
juridique, étant donné que les actions militaires menées par la
Géorgie sur son territoire ne peuvent en aucun cas être vues comme
une agression contre la Fédération de Russie qui aurait donné à
celle-ci le droit de s’auto-défendre.
49. Affirmer que la Russie a dû prendre des mesures «d’autodéfense»
pour protéger ses ressortissants dans un autre Etat contrevient
au droit international. Les actions militaires d’envergure menées
par la Fédération de Russie en Géorgie ne peuvent donc être justifiée
sur cette base.
50. Il est clair que la Russie et la Géorgie ont violé leur engagement
de régler leurs différends par des moyens pacifiques.
51. En ce qui concerne les actions entreprises par la Géorgie
sur son territoire, elles doivent être vues à la lumière des normes
internationales relatives aux droits de l’homme et du droit humanitaire,
en particulier la Convention européenne des droits de l’homme. La
manière dont la Géorgie a agi afin de regagner le contrôle effectif
d’une partie de son territoire remet sérieusement en cause son respect
de ces obligations.
52. Le recours à la force sans discrimination et l’utilisation
d’armes dans des zones civiles, par les troupes géorgiennes et par
les troupes russes, peuvent être considérés comme des crimes de
guerre qui doivent faire l’objet d’enquêtes exhaustives.
53. La reconnaissance unilatérale par la Russie de l’indépendance
autoproclamée de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie a bafoué les
principes de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la
Géorgie et est contraire au droit international, au Statut du Conseil
de l’Europe et aux obligations de la Fédération de Russie en tant que
membre de cette organisation.
54. Le pillage et la destruction de biens à grande échelle ainsi
que les pratiques de nettoyage ethnique en Ossétie du Sud constituent
une violation directe du droit international humanitaire et du droit
des droits de l’homme. Il faut souligner qu’au regard du droit international,
même en l’absence d’implication directe des troupes russes, la Russie
porte l’entière responsabilité des violences et des atteintes aux
droits de l’homme commises sur les territoires placés sous son contrôle
effectif.
5. Conclusions et recommandations
55. Le déclenchement de la guerre
entre la Fédération de Russie et la Géorgie pose un défi de taille
au Conseil de l’Europe et à son Assemblée. L’Assemblée doit condamner
les violations du droit international, du Statut du Conseil de l’Europe
et des engagements souscrits par ces deux membres de l’Organisation. Cependant,
elle doit dans le même temps s’attacher à maintenir le dialogue
avec, et entre, la Russie et la Géorgie.
56. Il est clair que le conflit n’a pas débuté le 7 août. Bien
avant cette date, une grave escalade des tensions a donné lieu à
la rupture du processus de paix. Les effectifs déployés pour garantir
le maintien se sont montrés incapables de remplir le rôle qui leur
incombait, à savoir protéger les populations civiles dans la zone
de conflit et résoudre les différends opposant les parties en présence.
De ce fait, les provocations mutuelles et les violences interethniques
ont fait passer au second plan l’exigence de rechercher une paix
durable et négociée.
57. Etant donné la complexité de la situation, les vues diamétralement
opposées des parties au conflit, leurs discours publics nationaux
mutuellement exclusifs, le rejet de toute responsabilité par les
deux parties, il est essentiel qu’une enquête internationale indépendante
soit ouverte pour établir les faits concernant la séquence exacte
des événements des 7 et 8 août et les circonstances ayant conduit
au déclenchement de la guerre, ainsi que la responsabilité précise
de chacune des parties au conflit. La vérité est une condition préalable
à la réconciliation.
58. La reconnaissance unilatérale par la Russie de l’indépendance
de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie constitue une violation du
droit international et des principes du Conseil de l’Europe. Elle
doit par conséquent être condamnée. En outre, une telle reconnaissance
unilatérale contrevient à l’accord de cessez-le-feu et constitue
un obstacle au règlement du conflit. L’Assemblée devrait demander
instamment à la Russie de retirer sa reconnaissance de l’Abkhazie
et de l’Ossétie du Sud.
59. Les deux parties devraient pleinement appliquer les six points
de l’accord de cessez-le-feu sans délai, conditions préalables ou
réserves.
60. De toute évidence, les deux parties n’en ont pas assez fait
pour éviter la guerre et de graves violations des droits de l’homme
ont été commises et continuent de l’être. L’impunité pour ces agissements
et ces actes présumés de nettoyage ethnique est inacceptable. Le
Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer à cet égard. Toutes
les allégations d’atteintes aux droits de l’homme doivent faire
l’objet d’une enquête et les responsables présumés doivent être
traduits en justice. A cet égard, il est clair que la Fédération
de Russie porte l’entière responsabilité de la protection des civils
dans les territoires placés sous son contrôle effectif et, en conséquence,
des violences et des atteintes aux droits de l’homme dont ils sont
victimes. Le recours sans discrimination à la force et l’utilisation
d’armes par les troupes géorgiennes et russes dans des zones civiles peuvent
être considérés comme des crimes de guerre qui doivent faire l’objet
d’une enquête exhaustive.
61. La guerre entre la Géorgie et la Russie a des conséquences
géopolitiques indéniables et pèsera lourdement sur les relations
internationales avec la fédération de Russie. L'avis de la Commission
des affaires politiques offre une analyse détaillée de ces questions.
Toutefois, il est clair à nos yeux que cette guerre et la réaction
de la communauté internationale, dont celle de l'Assemblée, auront
un effet direct sur d'autres conflits non résolus sur le Continent.
L'Assemblée doit exprimer sans réserve aucune son refus de voir
de tels conflits aboutir à des guerres.
62. L’Assemblée est convaincue que l’instauration d’un dialogue
est le meilleur moyen de résoudre tout conflit et de promouvoir
la stabilité à long terme. Cela est vrai pour ce conflit en particulier.
Toutefois, le dialogue nécessite une volonté politique des deux
parties et ne peut être poursuivi en l’absence d’actions concrètes.
C’est pourquoi certaines conditions essentielles au dialogue doivent
être réunies et respectées. La mise en œuvre complète du plan de
paix, comprenant le retrait des troupes russes sur les positions
antérieures au déclenchement des hostilités, le déploiement complet
des observateurs de l’UE et de l’OSCE en Ossétie du Sud et le retrait
par la Russie de sa reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie, constituerait des conditions minimales
d’un dialogue constructif.
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l'Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission: Ref.
n° 3489 du 29 septembre 2008
Projet de résolution adopté
à l'unanimité par la commission le 30 septembre 2008
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-président),
M. Leonid Slutsky (3e Vice-président),
M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts,
M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell
Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, Mr Aleksandër Biberaj, Mr Luc Van den Brande, Mr Jean-Guy Branger,
Mr Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej
Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo
Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta
Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette
Durrieu, M. Mátyás Eörsi,
Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles
Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens,
M. Andreas Gross, M. Michael
Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin
Hajiyeva, M. Michael Hancock,
M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia
Jivkova, M. Hakki Keskin,
M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine
Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad,
M. René van der Linden, M. Eduard
Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov,
M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák,
Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral,
M. Theodoros Pangalos, Mme Maria Postoico,
M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea
Rigoni, M. Armen Rustamyan,
M. Indrek Saar, M. Oliver
Sambevski, M. Kimmo Sasi,
M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona
Staponkienė, M. Christoph Strässer,
M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis,
M. Miltiadis Varvitsiotis, M. José Vera Jardim, Mme Birutė
Vėsaitė, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, M. Boris Zala,
M. Andrej Zernovski.
N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou,
M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko