1. Introduction
1. Le 2 octobre 2008, l’Assemblée parlementaire a adopté
la
Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie. Dans cette résolution, l’Assemblée a condamné fermement
le déclenchement d’une guerre entre deux Etats membres de l’Organisation
et estimé que, pendant la guerre et au lendemain de la guerre, les
deux pays ont enfreint les droits de l’homme et le droit humanitaire
international, ainsi que le Statut du Conseil de l’Europe et les
engagements spécifiques pris lors de leur adhésion.
2. Tout en reconnaissant que la guerre n’a pas débuté le 7 août
2008, l’Assemblée a estimé que le bombardement de Tskhinvali, entrepris
sans avertissement par la Géorgie, a marqué une nouvelle escalade et
constitue une utilisation disproportionnée de la force armée, bien
que sur son propre territoire, en violation du droit humanitaire
international et de l’engagement de la Géorgie à résoudre le conflit
par des moyens pacifiques. Dans le même temps, la contre-attaque
de la Russie, comprenant des actions militaires de grande envergure
en Géorgie, hors de son propre territoire et de la zone de conflit
initiale, n’a pas respecté le principe de proportionnalité du droit
humanitaire international, et constitue une atteinte aux principes
du Conseil de l’Europe et aux obligations statutaires de la Russie
en tant qu’Etat membre et aux engagements spécifiques pris lors
de son adhésion. L’Assemblée était particulièrement préoccupée par
le fait que la Russie n’a pas réussi à arrêter le pillage, la destruction
de biens et les actes de nettoyage ethnique, et à protéger la population civile
géorgienne ethnique, dans les zones placées sous son contrôle de facto, malgré ses devoirs selon
la Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes de
la guerre sur terre. L’Assemblée a considéré que l’occupation d’une
partie considérable du territoire géorgien par la Russie et la reconnaissance
qui a suivi de l’indépendance des régions séparatistes d’Ossétie
du Sud et d’Abkhazie par la Russie ont constitué une violation directe
de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie,
ainsi que de l’inviolabilité de ses frontières, qui est fermement
condamnée.
3. L’Assemblée demeure particulièrement préoccupée par les conséquences
immédiates de la guerre, en premier lieu les souffrances humaines
provoquées par cette guerre et les atteintes aux droits de l’homme
qui ont été commises durant la guerre et après, y compris la destruction
délibérée de biens et les actes de pillage à large échelle, ainsi
que les allégations plausibles d’actes de nettoyage ethnique qui
auraient été commis dans les zones placées sous le contrôle effectif
de la Russie et des autorités
de facto sud-ossètes.
Dans la
Résolution 1633
(2008), afin de remédier à ces préoccupations, l’Assemblée
a adressé une série de demandes précises et concrètes à la Russie
et à la Géorgie. En plus de la mise en œuvre totale et sans réserve
de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008, en particulier l’obligation
faite à la Russie de retirer ses troupes sur les positions qu’elle
occupait avant le conflit, l’Assemblée a appelé les autorités russes
et géorgiennes, entre autres:
- à
coopérer pleinement à l’ouverture d’une enquête internationale indépendante
destinée à examiner les circonstances précises ayant mené au déclenchement
de la guerre;
- à coopérer pleinement avec toutes les missions d’observation
internationales – particulièrement celles de l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Union européenne
– et à autoriser l’accès sans restriction de ces observateurs en
Ossétie du Sud et en Abkhazie;
- à mettre fin immédiatement à toute violation des droits
de l’homme et à enquêter sur toutes les allégations de violations
des droits de l’homme et d’actes de nettoyage ethnique qui auraient
été commis sur les deux territoires séparatistes et dans la zone
dite «tampon»;
- à ouvrir des enquêtes sur toutes les violations présumées
du droit humanitaire et des lois et coutumes de la guerre sur terre
commises durant la guerre, et à traduire les auteurs en justice;
- à garantir le droit au retour de toutes les personnes
déplacées en raison du conflit et à mettre en œuvre les six principes
présentés par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe;
- à travailler à l’établissement d’un nouveau plan de maintien
de la paix et à internationaliser la force de maintien de la paix.
L’Assemblée
a demandé aux autorités
de facto d’Ossétie
du Sud de coopérer pleinement avec toutes les missions internationales
de suivi et de mettre un terme à l’Etat de non-droit. Par ailleurs,
les autorités doivent assurer la sécurité de toutes les personnes
dans les régions placées sous leur contrôle et garantir la mise
en œuvre efficace des six principes soulignés par le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. La Russie a été appelée
à revenir sur sa décision de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie et à respecter pleinement la souveraineté
et l’intégrité territoriale de la Géorgie et l’inviolabilité de ses
frontières.
4. Dans le même temps, l’Assemblée a considéré que l’instauration
d’un dialogue est le meilleur moyen de surmonter les conséquences
de la guerre et de garantir la stabilité à long terme dans la région.
Toutefois, un véritable dialogue nécessite une volonté politique
et des actions concrètes. L’Assemblée considère, par conséquent,
que la mise en œuvre des demandes formulées dans la
Résolution 1633 (2008) constitue des conditions minimales d’un dialogue constructif.
5. A la suite de l’adoption par l’Assemblée de la
Résolution 1633 (2008), le Bureau de l’Assemblée, lors de sa réunion du 3 octobre
2008, a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de la réunion de la
Commission permanente à Madrid, le 28 novembre 2008, un point sur
«le suivi donné à la
Résolution
1633 (2008)» et d’inclure dans l’avant-projet d’ordre du jour de
la partie de session de janvier 2009 de l’Assemblée un rapport sur
la mise en œuvre de la
Résolution
1633 (2008). La commission de suivi a été saisie de cette question
pour rapport, tandis que la commission des questions politiques
et la commission des questions juridiques et des droits de l’homme en
ont été saisies pour avis. Le Bureau a également chargé la commission
des migrations, des réfugiés et de la population de préparer un
rapport sur «Les conséquences humanitaires de la guerre entre la
Géorgie et la Russie», qui pourrait aussi être débattu lors de la
partie de session de janvier 2009. En outre, le Bureau a décidé
de demander au Comité des présidents de se rendre à Tbilissi et
à Moscou pour discuter avec les autorités, au plus haut niveau,
de la mise en œuvre de la
Résolution
1633 (2008) de l’Assemblée et de faire rapport à la Commission permanente
des suites données à cette résolution.
6. Le Comité des présidents s’est rendu en Géorgie les 30 et
31 octobre 2008. Il avait été envisagé que le comité se rende en
Russie les 13 et 14 novembre 2008. Toutefois, ces dates coïncidaient
avec le sommet Union européenne-Russie de Nice. Un grand nombre
des rencontres de haut niveau nécessaires pour cela n’ont pu avoir
lieu et, dès lors, le programme n’aurait pas respecté les conditions
définies par le Bureau pour cette visite. Il a par conséquent été
décidé de reporter la visite à Moscou aux 18 et 19 janvier 2009.
Les conclusions du Comité des présidents relatives à ces visites,
auxquelles les deux corapporteurs ont participé, sont reflétées
dans le présent rapport
.
2. Mise
en œuvre de l’accord de cessez-le-feu
2.1. Retrait des troupes
7. L’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 comporte
six points:
- non-recours à la
force;
- cessation définitive des hostilités;
- accès de l’aide humanitaire;
- repli des forces militaires géorgiennes sur leurs positions
habituelles;
- retrait des forces militaires russes sur les lignes qu’elles
occupaient avant le déclenchement des hostilités. Dans l’attente
de la mise en place d’un mécanisme international, les forces de
maintien de la paix russes mettront en œuvre des mesures additionnelles
de sécurité;
- ouverture de discussions internationales sur les mécanismes
permettant de garantir la sécurité et la stabilité en Abkhazie et
en Ossétie du Sud.
8. Etant donné le retard pris par la Russie dans l’application
de l’accord de cessez-le-feu, M. Nicolas Sarkozy, Président de la
République française, en sa qualité de Président du Conseil européen,
s’est rendu à Moscou le 8 septembre 2008, accompagné de M. José
Manuel Barroso, président de la Commission européenne, de M. Javier
Solana, haut représentant de l’Union européenne pour la politique
étrangère et de sécurité commune, et de M. Bernard Kouchner, ministre
français des Affaires étrangères et européennes, pour demander instamment
aux autorités russes de mettre en œuvre sans réserve l’accord de
cessez-le-feu, et pour discuter de la première phase de sa mise
en œuvre.
9. Dans l’accord obtenu lors de cette réunion, les autorités
russes ont réaffirmé leur engagement de mettre en œuvre sans réserve
l’accord de cessez-le-feu en six points, et accepté que la Russie:
- retire ses troupes des zones
adjacentes à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud dans les dix jours
suivant le déploiement de la mission d’observation de l’Union européenne
le 1er octobre 2008;
- permette aux observateurs de l’Organisation des Nations
Unies de rester en Abkhazie et aux observateurs de l’OSCE d’accéder
à toutes leurs zones de déploiement antérieures, y compris en Ossétie
du Sud.
Il a également été décidé que des pourparlers
seraient entamés dans le cadre du sixième point de l’accord de cessez-le-feu,
le 15 octobre 2008 à Genève.
10. Le statut exact de l’accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre
a donné lieu à des controverses. Si la communauté internationale
et les autorités géorgiennes affirment avec insistance que l’accord
du 8 septembre définit les grandes lignes de la première phase de
la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu du 12 août et ne s’y
substitue en aucune manière, la position russe semble être que cet
accord remplace certains aspects de l’accord de cessez-le-feu, tout
particulièrement en ce qui concerne le retrait des troupes russes.
Ce point est également apparu clairement lors du débat de l’Assemblée
du 2 octobre 2008 sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie
et la Russie, lorsque la délégation russe a cherché à remplacer
les références à l’accord de cessez-le-feu par des références à
l’accord «Sarkozy-Medvedev» du 8 septembre 2008.
11. Selon les observateurs internationaux, les troupes géorgiennes
se sont pour l’essentiel retirées dans leurs bases habituelles,
à l’exception de celles qui étaient stationnées auparavant dans
les zones actuellement contrôlées par la Russie. Les autorités russes
contestent cependant la conformité du retrait des troupes géorgiennes
avec l’accord de cessez-le-feu. En décembre 2008, après un regain
de tension le long de la frontière administrative avec l’Ossétie
du Sud, la police géorgienne a commencé à déployer des véhicules blindés
Cobra dans la zone adjacente à cette frontière. De l’avis des autorités
russes, ce déploiement viole l’accord de cessez-le-feu du 12 août.
Le chef de la mission d’observation de l’Union européenne a déclaré
que, bien que le déploiement de véhicules blindés «ne constitue
pas une violation des dispositions du plan en six points du 12 août
et de l’accord de mise en œuvre du 8 septembre», la mission d’observation
de l’Union européenne avait déconseillé le déploiement de ces véhicules,
qui ne contribuerait pas à réduire les tensions dans la région.
12. Le 9 octobre, la Russie a achevé le retrait de ses troupes
stationnées dans les zones voisines de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie,
après le déploiement des observateurs de l’Union européenne dans
ces mêmes zones le 1er octobre 2008.
Toutefois, les forces russes maintiennent un point de contrôle à
Perevi, près de la frontière administrative avec l’Ossétie du Sud,
mais dans le territoire non disputé de la Géorgie. Le maintien de
troupes militaires à Perevi est en violation de l’accord de cessez-le-feu
du 12 août, mais aussi de l’accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre
2008. Les autorités russes affirment que la frontière administrative traverse
le village de Perevi, ce que réfutent la Géorgie et la communauté
internationale. Dans une déclaration du 16 novembre 2008, l’Union
européenne a affirmé avec insistance que Perevi se situe bien en
dehors des frontières administratives de la région séparatiste d’Ossétie
du Sud, et que ce village devrait par conséquent être évacué sans
délai par les troupes russes et les milices sud-ossètes.
13. Selon l’accord de cessez-le-feu du 12 août, la Russie devrait
retirer ses troupes sur les positions qu’elle occupait avant le
début du conflit. Cela implique que la présence des troupes russes
dans ces deux régions devrait être limitée aux positions et aux
forces telles que définies dans l’Accord de Sotchi de 1992 en ce
qui concerne la zone de conflit en Ossétie du Sud, et dans le Traité
de la CEI de 1994 en ce qui concerne l’Abkhazie; cela limiterait
le nombre de troupes russes en Ossétie du Sud à 500 et à moins de
3 000 en Abkhazie. Toutefois, les autorités russes affirment qu’avec
la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie
par la Russie, la présence de troupes russes dans ces deux régions
est désormais régie par des accords bilatéraux avec les autorités de facto de ces régions. Le 17 septembre,
la Russie a signé des accords «d’amitié et de coopération» avec
l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie portant sur de nombreux domaines.
Ces accords prévoient l’établissement de bases militaires et le
stationnement de jusqu’à 3 800 soldats russes dans chacune de ces
deux régions. En conséquence, elles soutiennent qu’avec le retrait
de leurs troupes des zones jouxtant ces régions, la Russie a rempli
ses obligations au regard de l’accord de cessez-le-feu. Le 20 octobre,
le Président Medvedev a transmis les deux accords à la Douma d’Etat
pour ratification. Les deux accords ont été ratifiés à l’unanimité
par la Douma d’Etat le 29 octobre 2008 et par le Conseil de la Fédération
le 11 novembre 2008. La Russie dispose actuellement de plusieurs
milliers de troupes stationnées dans chacune des régions séparatistes.
14. Le déploiement des troupes russes prévu dans les accords «d’amitié
et de coopération», et bien évidemment la présence continue de troupes
russes au-delà des forces et des positions telles que définies dans
les accords de 1992 et 1994, est en violation de l’accord de cessez-le-feu
du 12 août, ainsi que des demandes formulées par l’Assemblée dans
la
Résolution 1633 (2008). Le 1er septembre 2008, le
Conseil européen a conclu ceci: «Les forces militaires qui ne se
sont pas encore retirées sur les lignes antérieures au déclenchement
des hostilités doivent le faire sans délai.» Dans les conclusions
de sa réunion des 15 et 16 octobre 2008, le Conseil européen prend
note «avec satisfaction du retrait des troupes russes des zones adjacentes
à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie comme un pas supplémentaire essentiel
dans la mise en œuvre des accords du 12 août et du 8 septembre».
Ces deux conclusions ont été reconfirmées au cours de la réunion du
Conseil des affaires générales et des relations extérieures des
10 et 11 novembre 2008: «Les conclusions du Conseil européen du
1er septembre et des 15 et 16 octobre
sur le retrait des troupes russes de Géorgie et la mise en œuvre
des accords du 12 août et du 8 septembre restent pertinentes dans
tous leurs éléments, y compris en ce qui concerne l’accès à certaines
zones.» Dans un entretien accordé le 13 novembre, le Président Medvedev
a déclaré qu’«aucun document, pas même l’accord conclu avec le Président
Sarkozy, n’impose de règles à notre contingent militaire» en Ossétie
du Sud et en Abkhazie, et a insisté sur le fait que la Russie était
la seule à décider de l’ampleur de son déploiement militaire dans
ces deux régions séparatistes.
15. Cette question revêt une importance particulière pour le district
d’Akhalgori situé en Ossétie du Sud et pour les régions géorgiennes
ethniques situées dans la partie nord de l’Abkhazie. Tout en faisant
partie administrativement de l’ancienne région autonome (oblast) d’Ossétie du Sud, dont
les frontières administratives sont désormais reconnues par la Russie
comme constituant les «frontières d’Etat» de l’Ossétie du Sud, le
district d’Akhalgori, constitué d’une majorité de Géorgiens ethniques,
a toujours été sous le contrôle des autorités centrales de Tbilissi
et ne faisait pas partie de la zone de conflit. Effectivement, les
troupes russes n’ont occupé ce district que le 15 août, soit trois
jours après la signature de l’accord de cessez-le-feu du 12 août.
De même, les zones peuplées de Géorgiens ethniques dans la partie
nord de l’Abkhazie étaient sous le contrôle des autorités centrales
de Tbilissi jusqu’à ce que les troupes géorgiennes fussent chassées
par les forces séparatistes abkhazes, soi-disant avec l’aide de
troupes russes, le 8 août 2008.
2.2. Situation en matière
de sécurité: non-recours à la force et cessation des hostilités
16. A la suite du déploiement des observateurs de l’Union
européenne et du retrait des troupes russes des zones jouxtant les
régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, les forces
de police géorgiennes, dont les forces de police spéciales du ministère
de l’Intérieur, se sont repliées dans ces zones afin d’y garantir
la sécurité. Avec le retour de la police géorgienne, le vide sécuritaire
qui prévalait dans ces zones a été comblé et les personnes déplacées
y sont revenues en grand nombre. De manière générale, la situation
en matière de sécurité dans ces régions est calme.
17. S’il n’y a eu à l’origine que quelques incidents isolés, on
constate depuis une escalade des tensions le long des frontières
administratives de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, et de plus
en plus d’incidents violents et de provocations ont été signalés.
Les observateurs de l’OSCE et de l’Union européenne ont régulièrement dénoncé
des cas où des villages géorgiens et des postes de police géorgiens
le long de la frontière administrative avec l’Ossétie du Sud ont
été la cible de tirs d’armes légères et de grenades lancées depuis
la partie ossète. Les observateurs de l’OSCE et de l’Union européenne
n’ont pas été en mesure de confirmer les allégations selon lesquelles
des villages ossètes auraient été incendiés par des tirs provenant
de la partie géorgienne, en raison du refus de la Russie et des
autorités de facto en Ossétie
du Sud d’autoriser le déploiement des observateurs de l’Union européenne
et de l’OSCE dans la région. Lors de la réunion avec le Comité des
présidents en Géorgie, les observateurs internationaux ont indiqué
que le nombre d’incidents et de provocations signalés le long de
la frontière administrative avec l’Ossétie du Sud avait à nouveau
atteint un niveau proche de ceux constatés au cours des mois ayant
précédé le déclenchement des hostilités militaires en août, d’où
les craintes de nouveaux affrontements possibles dans ces régions
instables.
18. Les 22 et 24 octobre, deux fonctionnaires des autorités de facto abkhazes ont été tués dans
la région de Gali, tandis que, le 24 octobre, un gouverneur local
géorgien a été tué à Muzhava, à la frontière administrative avec
l’Abkhazie. Le 15 novembre, un policier géorgien a été tué non loin
de la frontière administrative avec l’Abkhazie. Des observateurs
de l’Union européenne auraient essuyé des tirs venant de la partie
abkhaze alors qu’ils enquêtaient sur cet incident. Les policiers
géorgiens seraient régulièrement la cible de tirs provenant du côté
sud-ossète de la frontière administrative et plusieurs victimes
auraient récemment été à déplorer. Le 10 novembre, l’explosion d’une
bombe a tué un officier de police à Dvani, près de la frontière administrative
de l’Ossétie du Sud, tandis qu’un autre policier a été tué et trois
autres blessés au cours de l’explosion d’une deuxième bombe alors
qu’ils enquêtaient sur la scène de la première explosion. La mission d’observation
de l’Union européenne a estimé que cette attaque constituait une
violation inacceptable de l’accord de cessez-le-feu par ses auteurs.
19. En plus de ces attaques et selon diverses informations, des
bandes armées sud-ossètes traverseraient la frontière administrative
pour piller et terroriser les villages géorgiens et leurs habitants
proches de cette frontière administrative. Nous déplorons que la
Russie, en dépit de la présence écrasante de ses troupes, n’ait pas
réussi jusqu’à présent à mettre fin à de telles incursions dans
le territoire géorgien non disputé.
20. Il est regrettable que les autorités russes et les autorités de facto sud-ossètes aient intensifié
leurs rhétoriques contre les missions d’observation internationales
dans ce qui semble être une tentative de jeter un doute sur leur
impartialité. Le 20 octobre, les autorités de
facto à Tskhinvali ont accusé les observateurs de l’Union
européenne d’avoir pris parti contre l’Ossétie du Sud et, le 23
octobre, le ministre des Affaires étrangères de la Russie a reproché
aux observateurs de l’Union européenne d’avoir pris parti et de
ne pas faire tout ce qu’il fallait pour garantir la sécurité dans
les zones voisines de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Ces informations
ont été démenties par la chef de la mission d’observation de l’Union
européenne.
21. Lors de leurs réunions avec le Comité des présidents, les
autorités russes ont également exprimé leurs préoccupations devant
le regain de tension le long des frontières administratives avec
l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, susceptible de ranimer les hostilités
entre la Russie et la Géorgie. Les autorités russes affirment que
ce regain de tension est dû pour l’essentiel à des provocations
géorgiennes. Elles prétendent que la Géorgie a mis en place des
unités de civils armés afin de déstabiliser la situation dans les
régions voisines de la frontière administrative du point de vue
de la sécurité. Ces allégations n’ont pas été confirmées par les observateurs
internationaux indépendants.
22. Nous sommes gravement préoccupés par cette escalade des tensions
et des provocations, qui pourrait porter atteinte à la sécurité
et à la stabilité générales dans la région et donner lieu à de nouveaux affrontements,
voire à des hostilités militaires, d’où la nécessité urgente d’autoriser
le déploiement des observateurs internationaux dans les régions
séparatistes et de mettre en place un nouveau mécanisme international
de maintien de la paix, ainsi que l’avait demandé l’Assemblée.
2.3. Négociations internationales
sur les mécanismes permettant de garantir la sécurité et la stabilité
en Abkhazie et en Ossétie du Sud
23. L’ouverture de négociations internationales sur les
mécanismes permettant de garantir la sécurité et la stabilité en
Abkhazie et en Ossétie du Sud est le sixième point de l’accord de
cessez-le-feu du 12 août. Au cours de la réunion Sarkozy-Medvedev
du 8 septembre 2008, il avait été décidé d’entamer les pourparlers
sur ce point le 15 octobre 2008, à Genève.
24. Le premier cycle de discussions à Genève, sous les auspices
de l’ONU, de l’Union européenne et de l’OSCE, avec la participation
des Etats-Unis, a échoué et a été suspendu le jour même, les délégations
de la Russie et de la Géorgie n’étant pas parvenues à se rencontrer
directement.
25. Le principal point d’achoppement des pourparlers du 15 octobre
a été la participation de représentants des autorités de facto en Ossétie du Sud et en
Abkhazie. Les autorités russes insisteraient pour que les représentants
abkhazes et sud-ossètes aient le même statut que celui accordé à
la Géorgie et à la Russie. Cette exigence a été refusée par la Géorgie
et la communauté internationale, pour qui cela reviendrait à reconnaître
que ces deux régions sont devenues Etats. En conséquence, la Russie
a refusé de participer à la première session plénière de ces négociations.
La partie géorgienne a accepté que les autorités de facto puissent participer aux
groupes de travail informels, insistant cependant pour que des représentants
des communautés abkhaze et sud-ossète favorables à l’intégration
au sein de la Géorgie puissent également participer à ces groupes
de travail, ce qui a été refusé par les autorités de facto. En conséquence, il a été décidé
de reporter les discussions au 19 novembre, de façon à donner du
temps aux négociateurs pour travailler sur les «difficultés de procédure».
26. Le deuxième cycle de discussions, qui s’est tenu le 19 novembre
2008 à Genève, a été jugé constructif par tous les participants,
et les coprésidents y ont vu un bon pas en avant. Afin d’éviter
une nouvelle impasse, les négociations ont eu lieu dans le cadre
de groupes de travail informels, tous les participants, y compris
les représentants des autorités de facto,
étant intervenus à titre personnel. Au cours des négociations, il
a été décidé par tous les participants de suspendre les négociations
sur les questions les plus polémiques et de les reprendre à l’occasion
d’un prochain cycle de discussions, pour se concentrer sur la situation
en matière de sécurité et sur le retour des personnes déplacées,
ainsi que sur la question du droit de circuler librement de part
et d’autre des frontières administratives. Il a été décidé qu’un
nouveau cycle de discussions serait organisé les 17 et 18 décembre
à Genève, à l’ordre du jour duquel figurera notamment une discussion
plus générale sur les missions de maintien de la paix. Ce troisième
cycle de discussions, les 17 et 18 décembre 2008, s’est tenu selon
les mêmes modalités que les discussions de novembre et dans un même
esprit constructif. Au cours de ce cycle, les participants ont passé
en revue la plupart des aspects des mécanismes concrets destinés
à régler les incidents et différends en matière de sécurité. Il
a été décidé de discuter des questions en suspens liées à ces mécanismes
au cours du prochain cycle de discussions, prévu les 17 et 18 février
2009.
27. Nous saluons l’esprit constructif dont ont fait preuve tous
les participants au cours des deuxième et troisième cycles de discussions,
qui pourrait se révéler d’une importance cruciale pour renforcer
la stabilité dans les régions concernées. Toutefois, nous notons
que les négociations restent fragiles et qu’il n’y a eu à ce jour
aucune session plénière. Nous espérons que l’esprit constructif
dont ont fait preuve les participants à Genève le 19 novembre et
les 17 et 18 décembre prévaudra également afin de trouver une solution
concernant les modalités de ces sessions plénières. Cela permettrait
à l’ensemble des différents représentants des populations abkhaze
et sud-ossète de participer, tout en respectant la préoccupation
légitime de la Géorgie que les représentants des autorités de facto n’aient pas le même statut
que celui accordé à la Géorgie et à la Russie, ce qui équivaudrait
à une reconnaissance implicite des deux régions séparatistes, en
violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la
Géorgie.
3. Déploiement des
missions d’observation internationales dans les régions de l’Ossétie
du Sud et de l’Abkhazie
28. Dans la
Résolution
1633 (2008), l’Assemblée appelait la Russie, la Géorgie et les autorités
de facto en Ossétie du Sud à coopérer
avec toutes les missions d’observation internationales, particulièrement
celles de l’ONU, de l’OSCE et de l’Union européenne, et demandait
expressément que ces missions d’observation puissent se déployer
sans entrave dans l’ensemble des zones se trouvant sous le contrôle
de la Russie et des autorités
de facto.
En outre, dans l’accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre 2008, la
Russie a accepté d’autoriser des observateurs de l’ONU à rester
en Abkhazie et d’autoriser des observateurs de l’OSCE à accéder
à toutes leurs zones de déploiement antérieures à la guerre, y compris
en Ossétie du Sud.
29. Le 9 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la
Résolution 1839 prorogeant le mandat de la MONUG
jusqu’au 15 février
2009 et autorisant la présence continue d’observateurs de l’ONU
en Abkhazie jusqu’à cette date, conformément à l’accord Sarkozy-Medvedev.
Cependant, au-delà de cette date, l’avenir de la présence de la
MONUG reste incertain: la Russie et les autorités
de facto abkhazes ont demandé que
son mandat soit modifié et que la référence à la Géorgie soit supprimée
du nom de cette mission. Cela pourrait remettre en question la présence
continue d’observateurs de l’ONU dans la région après le 15 février.
Certains fonctionnaires des autorités
de
facto abkhazes auraient fait savoir en privé à des diplomates
occidentaux qu’ils préféreraient une présence continue de l’ONU,
quelles qu’en soient les modalités. Nous appelons la Russie à ne
pas s’opposer à l’extension du mandat de la MONUG en Abkhazie pour
des motifs liés au statut de la région séparatiste.
30. La Géorgie a apporté toute sa coopération aux missions d’observation
internationales et autorisé ces missions, ainsi que d’autres organisations
humanitaires internationales, à accéder pleinement et sans condition
aux zones se trouvant sous son contrôle.
31. A notre grande préoccupation, et en violation de l’accord
Sarkozy-Medvedev et des demandes de l’Assemblée, le déploiement
des observateurs de l’OSCE en Ossétie du Sud n’a pas été autorisé
par la Russie et les autorités
de facto sud-ossètes.
En outre, les observateurs de l’Union européenne n’ont pas pu se
rendre en Ossétie du Sud et en Abkhazie, ainsi que l’avaient demandé
l’Union européenne et la communauté internationale, y compris l’Assemblée
dans la
Résolution 1633
(2008). Cela a notamment porté atteinte aux enquêtes sur les
allégations de violence le long des frontières administratives,
à l’amélioration de la situation en matière de sécurité dans les
zones situées le long des frontières administratives de ces deux
régions, ainsi qu’au retour des personnes déplacées en Ossétie du
Sud et en Abkhazie.
32. Le fait de refuser l’accès des observateurs internationaux
en Ossétie du Sud, qui porte atteinte à la situation en matière
de sécurité, compromet encore davantage la stabilité générale dans
ces régions instables, avec le risque potentiel de donner lieu à
de nouvelles confrontations. Ce refus est pour nous inacceptable, particulièrement
si l’on tient compte du fait qu’autoriser le déploiement sans entrave
des observateurs internationaux dans les deux régions séparatistes
n’affecte pas, en soi, la question de leur statut.
33. Le 22 décembre 2008, la Russie s’est opposée à l’extension
du mandat de la mission de l’OSCE en Géorgie, refusant tout lien
entre les activités de l’OSCE en Ossétie du Sud et dans le reste
de la Géorgie. La proposition du Président finlandais en exercice
de l’OSCE de mettre en place deux bureaux de terrain, mutuellement
indépendants et gérés par un représentant spécial du Président en
exercice à Vienne, a malheureusement été jugée inacceptable par
les autorités russes. Compte tenu du regain de tension le long des
frontières administratives, nous regrettons profondément ce veto de facto posé par l’un des Etats
membres de l’OSCE, la Russie, au renouvellement du mandat de la
mission de l’OSCE en Géorgie. Les négociations concernant le mandat
de la mission de l’OSCE en Géorgie sont en cours sous l’égide de
l’actuelle présidence grecque de l’OSCE et nous invitons instamment
l’ensemble des parties, dont la Russie, à accepter une formule pour
l’extension du mandat de la mission de l’OSCE en Géorgie, y compris
pour ce qui est de la mission d’observation militaire, sans préjudice
du statut des deux régions séparatistes.
34. Ces développements renforcent encore nos préoccupations susmentionnées
quant à l’extension du mandat de la MONUG en Abkhazie.
4. Enquête internationale
indépendante destinée à examiner les circonstances précises ayant
mené au déclenchement de la guerre et enquêtes sur des violations
présumées des droits de l’homme et du droit international durant
et après la guerre
35. L’ouverture d’une enquête internationale indépendante
destinée à examiner les circonstances précises ayant mené au déclenchement
de la guerre et à déterminer la séquence exacte des événements survenus
en août 2008 est l’une des principales demandes de l’Assemblée dans
la
Résolution 1633 (2008). Les informations récentes révélées dans la presse,
provenant des différentes parties et allant dans le sens des plaintes
déposées par les autorités russes ou géorgiennes, ne servent qu’à
montrer l’ampleur de la controverse et des récits contradictoires
au sujet des circonstances ayant mené au déclenchement de la guerre.
Cette situation met en évidence la nécessité d’une enquête internationale
indépendante, ainsi que l’avait demandé l’Assemblée.
36. Nous saluons le fait que, d’emblée, les autorités géorgiennes
ont fait savoir publiquement qu’elles soutenaient pleinement la
mise en place d’une telle enquête internationale indépendante et
qu’elles étaient disposées à apporter toute leur coopération. Ce
soutien a été réaffirmé lors de la visite du Comité des présidents
à Tbilissi les 30 et 31 octobre 2008. Nous saluons également le
fait que, lors d’une réunion avec le Conseil des relations étrangères
à Washington, le 15 novembre, le Président Medvedev a déclaré que
la Russie accueillerait favorablement elle aussi la mise en place
d’une enquête internationale indépendante et que la Russie était
prête à coopérer pleinement.
37. L’Union européenne a mis en place, le 2 décembre 2008, une
mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en
Géorgie, qui a pour objet d’enquêter sur les origines et le déroulement
du conflit, y compris au regard du droit international
, du droit humanitaire et des
droits de l’homme, et sur les accusations portées dans ce contexte
. Mme Heidi
Tagliavini a été nommée chef de cette mission d’enquête, pour la période
allant du 2 décembre 2008 au 31 juillet 2009. Mme Tagliavini
a été vice-secrétaire d’Etat en Suisse et, de 2002 à 2006, chef
de la MONUG en Géorgie. Le champ d’investigation, tant géographique
que temporel, sera suffisamment large pour pouvoir déterminer l’ensemble
des causes possibles du conflit. Les résultats de l’enquête seront
présentés aux parties au conflit, ainsi qu’au Conseil de l’Union
européenne, à l’OSCE et à l’ONU, sous forme de rapport. Compte tenu
du fait que la Géorgie et la Russie sont toutes deux des membres du
Conseil de l’Europe et étant donné les implications importantes
en matière de droits de l’homme de la guerre entre ces Etats, nous
considérons qu’il est important que le rapport de la mission d’information
soit également présenté au Conseil de l’Europe et à son Assemblée.
Nous appelons donc les Etats membres du Conseil de l’Europe qui
sont également membres de l’Union européenne à s’assurer que le
rapport de la mission de l’Union européenne est également présenté
au Conseil de l’Europe, afin que ses conclusions soient débattues devant
l’Assemblée.
38. Afin de garantir l’indépendance des enquêtes, Mme Tagliavini
dispose d’une indépendance totale pour décider de la composition
de la mission et des procédures et méthodes de travail. La mission
d’enquête est composée d’experts reconnus, notamment des juristes,
des historiens, des militaires et des experts des droits de l’homme.
La mise en œuvre de la décision du Conseil de l’Union européenne
concernant les travaux de cette mission sera examinée par le Conseil
avant le 31 juillet 2009 et la mission pourra être prorogée, si
besoin est.
39. Nous nous félicitons de la mise en place d’une mission d’enquête
internationale indépendante et réitérons la demande de l’Assemblée
selon laquelle aussi bien la Géorgie que la Russie coopèrent pleinement et
sans réserve à ses enquêtes. En outre, nous appelons tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe et les Etats ayant le statut d’observateur
auprès de l’Organisation à mettre à la disposition de cette mission d’enquête
toutes les informations utiles, y compris les données satellitaires,
susceptibles de servir à l’enquête. Nous saluons également le soutien
de la Russie et de la Géorgie à la mise en place de cette mission
et leur volonté déclarée de coopérer. Nous souhaitons seulement
souligner que seule leur coopération effective, totale et sans réserve
avec l’enquête permettra de déterminer si ces deux Etats ont respecté
les demandes de l’Assemblée à cet égard. A la lumière de ce fait
nouveau important, nous n’aborderons plus la question des causes
possibles et des circonstances ayant mené à cette guerre. Nous recommandons
que l’Assemblée revienne sur cette question dès lors que la mission
d’enquête aura publié son rapport et ses conclusions.
40. En parallèle aux négociations sur une enquête internationale,
le Parlement géorgien a ouvert sa propre enquête sur les circonstances
de la guerre, la séquence exacte des événements survenus en août
et les décisions prises par les autorités exécutives géorgiennes.
A cet effet, le parlement a institué le 7 octobre 2008 une commission
spéciale, présidée par un membre de l’opposition parlementaire,
M. Paata Davitaia. Cette commission d’enquête devait rendre son
rapport au parlement, mais elle avait le pouvoir de saisir le procureur général
pour qu’il ordonne l’ouverture d’une instruction si elle estimait
possible que des actes criminels aient été commis.
41. Les réunions de la commission ont été publiques afin de garantir
que ses travaux se déroulent dans la plus grande transparence, sauf
lorsque des questions touchant à la sécurité nationale étaient évoquées.
Ces réunions ont été retransmises en direct à la télévision. En
outre, la transcription intégrale des débats a été publiée en géorgien
et en anglais sur le site web du Parlement géorgien. Par ailleurs,
le public a été instamment invité à fournir des informations à la
commission et à lui communiquer les questions pour lesquelles le
public souhaitait une réponse.
42. La commission a démarré ses travaux le 10 octobre et a auditionné
les principaux décideurs pendant la guerre, notamment le Président
Saakashvili, le ministre de l’Intégration, le ministre des Affaires
étrangères, le Secrétaire du Conseil national de sécurité, le chef
des services de sécurité, le chef d’Etat-major des forces armées
géorgiennes et le président du parlement. Le parti au pouvoir a
publiquement déclaré que quiconque occupant une fonction de responsabilité
et qui ne coopérerait pas pleinement avec la commission d’enquête en
supporterait toutes les conséquences politiques. Bien que la commission
ne dispose pas du pouvoir constitutionnel de convoquer le Président
devant elle, le Président Saakashvili a souligné «qu’aucun fonctionnaire
ne peut se soustraire» aux questions que pourrait lui poser la commission
d’enquête et qu’il était prêt «à venir répondre à toutes les questions»
que pourrait lui poser la commission. Il a ainsi été auditionné par
la commission le 28 novembre 2008.
43. A la suite de nos réunions avec le président de la commission,
nous avons été convaincus que celle-ci a la volonté politique claire
de mener une enquête exhaustive sur les circonstances de la guerre
et de répondre aux nombreuses questions soulevées dans ce contexte.
Nous pensons que cela est un exemple de la manière dont les démocraties
parlementaires devraient fonctionner, en soumettant à un large débat
public les événements qui ont mené au déclenchement de la guerre,
ainsi que sa conduite et les différentes responsabilités à cet égard.
Cependant, dans ce contexte, nous déplorons que l’entretien accordé
par l’ex-ambassadeur de la Géorgie à Moscou, qui avait critiqué
publiquement la conduite de la crise par les autorités depuis sa
démission en juin 2008, pour des raisons sans rapport, se soit terminé
en bagarre avec certains membres du parti au pouvoir.
44. La commission a achevé ses travaux et publié son rapport le
18 décembre 2008. Bien que critique à l’égard de l’action des autorités
durant la guerre, il confirme largement la version officielle géorgienne
des événements qui ont mené au déclenchement des hostilités. Compte
tenu des travaux en cours de la mission d’enquête de l’Union européenne,
nous appelons le Parlement géorgien à réviser ses conclusions à
la lumière du prochain rapport de cette mission, une fois qu’il
aura été publié.
45. A notre connaissance, aucune commission similaire, avec un
mandat, une composition et des pouvoirs comparables, n’a été instituée
par le Parlement russe. Dans sa réunion avec la commission ad hoc
de l’Assemblée chargée d’étudier la situation sur le terrain en
Russie et en Géorgie, qui s’est rendue à Moscou du 21 au 23 septembre
2008, le Président du Conseil de la Fédération a indiqué que le
conseil examinait la création d’une commission ad hoc chargée d’étudier
la conduite et les origines de la guerre, ainsi que les actions
des autorités russes s’y rapportant. Par conséquent, nous demandons
instamment au Conseil de la Fédération de créer une commission d’enquête,
avec la même étendue et le même mandat que la commission créée par
le Parlement géorgien.
46. Depuis l’adoption de la
Résolution 1633
(2008), plusieurs rapports ont été publiés, notamment par des organisations
non gouvernementales respectées comme Amnesty International et Human
Rights Watch, qui ont apporté des témoignages écrits et oraux donnant
une certaine crédibilité aux allégations selon lesquelles aussi
bien la Russie que la Géorgie auraient commis des atteintes aux
droits de l’homme et au droit humanitaire international – y compris
peut-être des crimes de guerre – pendant et après la guerre, comme l’utilisation
disproportionnée et sans discrimination de la force armée, le déplacement
forcé de civils, le pillage, le vol et la destruction délibérée
de biens et des actes de nettoyage ethnique. Nous sommes gravement préoccupés
par les informations qui nous sont parvenues, à savoir que des actes
de pillage et de destruction, le harcèlement de civils, des prises
d’otage et des actes de nettoyage ethnique auraient été commis et continueraient
de l’être dans les régions contrôlées par la Russie. De plus, les
images-satellite UNOSAT montrent les dommages massifs causés principalement
aux villages géorgiens après la fin des hostilités.
47. Dans la
Résolution 1633
(2008), l’Assemblée demandait à la Russie et à la Géorgie de
«mettre un terme à l’Etat de non-droit» et d’enquêter sur toutes
les violations présumées des droits de l’homme commises durant et
après la guerre, et de traduire leurs auteurs devant les tribunaux
internes pour qu’ils répondent de leurs actes.
48. La commission d’enquête du Parlement géorgien avait pour mandat
d’enquêter sur les violations présumées des droits de l’homme et
du droit international humanitaire par la Géorgie pendant la guerre. Comme
cela a déjà été mentionné, elle a le pouvoir de demander au parquet
général d’ouvrir une enquête sur des allégations de comportements
criminels dans ce contexte. Bien que la commission ait finalisé
ses enquêtes, nous ne savons si des affaires ont été renvoyées devant
le parquet général.
49. Quant au parquet général géorgien, il a lancé le 9 août 2008
une enquête sur les violations délibérées du droit international
humanitaire durant et après la guerre. Il a expliqué clairement
que l’enquête visait toutes les violations, quelle que soit la partie
qui les aurait commises. Le Gouvernement géorgien a fait savoir
qu’il coopérerait pleinement à ces enquêtes.
50. La commission d’enquête du parquet général russe a ouvert
une enquête sur le génocide commis par les troupes géorgiennes contre
des ressortissants russes qui sont des Ossètes ethniques vivant
en Ossétie du Sud. En outre, elle a ouvert une enquête sur les crimes
commis par la Géorgie contre des soldats russes. Il semblerait qu’elle
n’ait pas l’intention d’enquêter sur les atteintes aux droits de
l’homme et au droit humanitaire qui pourraient avoir été commises
par les forces russes et les forces sous le contrôle des autorités de facto en Ossétie du Sud. En fait,
il semblerait que la commission d’enquête spéciale ait finalisé
ses enquêtes portant sur le territoire de l’Ossétie du Sud à la
mi-septembre, à un moment où circulaient des rumeurs plausibles
selon lesquelles il y aurait eu chaque jour des actes de pillage
et de nettoyage ethnique dans les zones sous contrôle russe, y compris
dans la zone dite «tampon». Le 23 décembre 2008, le chef de la commission
d’enquête du parquet général russe a annoncé que la commission avait
achevé ses investigations sur le décès de 162 civils sud-ossètes
– nombre beaucoup moins élevé que celui annoncé au départ par les
autorités russes – et de 48 membres des troupes russes au cours
de la guerre, et qu’elle avait recueilli suffisamment de preuves
pour accuser la Géorgie de génocide contre les Sud-Ossètes. Par
ailleurs, il a prétendu que la commission avait rassemblé des preuves
irréfutables selon lesquelles des ressortissants d’autres Etats
auraient assisté les forces militaires géorgiennes au cours de la
guerre.
51. A notre connaissance, il n’y a eu aucune inculpation à la
suite des enquêtes ouvertes par le parquet général géorgien et par
le parquet général russe.
52. Selon Amnesty International, la Chambre publique de la Russie,
une instance consultative qui gère les activités des ONG en Russie,
a institué le 12 août 2008 une commission publique sur «les crimes
de guerre commis en Ossétie du Sud et l’aide aux victimes civiles».
53. Les autorités russes ont encouragé activement et aidé les
Ossètes ethniques à saisir la Cour européenne des droits de l’homme
pour des atteintes aux droits de l’homme commises par la Géorgie
pendant la guerre. Le 10 octobre 2008, la Cour européenne des droits
de l’homme a annoncé avoir reçu plus de 2 700 requêtes individuelles
de Sud-Ossètes contre la Géorgie. En janvier 2009, le nombre de
requêtes déposées excédait les 3 300. Ces très nombreuses requêtes
alourdissent la charge de travail de la Cour qui est déjà considérable,
particulièrement en l’absence de réforme de la Cour telle qu’envisagée
dans le Protocole no 14 à la Convention
européenne des droits de l’homme. Le 16 janvier 2009, la Cour européenne
des droits de l’homme a annoncé qu’elle examinerait en urgence sept
requêtes de Sud-Ossètes contre la Géorgie, qu’elle considérait être
représentatives des quelque 3 300 requêtes similaires déposées devant
la Cour. Ces affaires ont désormais été transmises au Gouvernement
géorgien en vertu de l’article 54, paragraphe 2.b, du Règlement de la Cour.
54. La Géorgie a saisi la Cour européenne des droits de l’homme
d’une requête interétatique contre la Russie et, le 12 août 2008,
à la demande des autorités géorgiennes, la Cour européenne des droits
de l’homme a recommandé à la Russie et à la Géorgie l’adoption de
mesures provisoires au titre de l’article 39 du Règlement de la
Cour.
55. La Géorgie a également engagé des poursuites contre la Russie
devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, en présentant
une demande en indication de mesures conservatoires à l’effet de sauvegarder
les droits qu’elle tient de la Convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale «s’agissant de protéger
ses ressortissants des violences à caractère discriminatoire que leur
infligent les forces armées russes opérant de concert avec des milices
séparatistes et des mercenaires étrangers». Le 15 octobre 2008,
la CIJ a estimé qu’elle avait compétence pour connaître de l’affaire
et rendu une ordonnance indiquant des mesures conservatoires à l’intention
de la Géorgie et de la Russie.
56. En application du Statut de Rome, la Cour pénale internationale
(CPI) a compétence pour connaître des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité présumés avoir été commis. La Géorgie ayant ratifié
le Statut de Rome, la CPI est compétente pour connaître des crimes
commis sur le territoire de la Géorgie pendant le conflit, qu’ils
aient été commis par des ressortissants géorgiens ou russes, en
dépit du fait que la Russie n’a pas encore ratifié le Statut. En
outre, la Russie ayant signé le Statut de Rome, selon la Convention
de Vienne sur le droit des traités, elle est tenue de s’abstenir
d’actes qui le priveraient de son objet et de son but. Le procureur
de la CPI aurait commencé à procéder à une première analyse des
informations communiquées. Il s’agit de la première étape formelle
pour décider ou non de solliciter de la Chambre préliminaire l’autorisation d’ouvrir
une enquête officielle.
5. Conséquences humanitaires
de la guerre
57. Les conséquences humanitaires de la guerre entre
la Géorgie et la Russie font l’objet d’un rapport distinct de la
commission des migrations, des réfugiés et de la population. En
conséquence, nous ne traiterons pas de ces questions en détail dans
le contexte du présent rapport.
58. A la suite de la restauration d’un environnement de sécurité
dans les zones jouxtant les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie
du Sud, de nombreuses personnes déplacées ont pu regagner ces zones.
Le 17 octobre 2008, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR) a indiqué que sur les 133 000 personnes déplacées
qui avaient initialement été enregistrées en Géorgie, plus de 100 000 sont
rentrées chez elles, dont 20 000 dans l’ancienne zone dite «tampon».
Cependant, de nombreuses maisons dans les zones voisines de l’Ossétie
du Sud ont été pillées et détruites par des milices sud-ossètes après
le conflit. L’ONU estime qu’environ 11 500 personnes déplacées ne
peuvent rentrer dans leur foyer dans les zones jouxtant l’Ossétie
du Sud. L’ombudsman géorgien a estimé qu’à l’heure actuelle, un
total de 23 000 personnes déplacées ne pouvaient retourner dans
leur lieu de résidence d’avant la guerre. En outre, en raison d’incursions
occasionnelles de bandes armées sud-ossètes, de nombreuses personnes
déplacées craignent de se réinstaller à titre permanent dans les
zones proches de la frontière administrative.
59. Le retour des personnes déplacées dans les villages géorgiens
ethniques en Ossétie du Sud et en Abkhazie est beaucoup plus difficile,
voire totalement impossible. Des actes de nettoyage ethnique continuent d’être
signalés, de sorte que la plupart des personnes déplacées craignent
pour leur sécurité si elles rentrent chez elles, surtout en l’absence
des observateurs internationaux indépendants de l’Union européenne
et de l’OSCE. De plus, la plupart des villages géorgiens ethniques
en Ossétie du Sud ont été pillés et rasés.
60. Le retour des personnes déplacées qui sont des Géorgiens ethniques
dans la région séparatiste d’Ossétie du Sud est d’autant plus compliqué
que les autorités de facto exigent
de ceux qui rentrent d’accepter la «nationalité» sud-ossète et de
renoncer à la nationalité géorgienne. Les Géorgiens ethniques dans
le district de Gali en Abkhazie feraient également l’objet de pressions
pour accepter des passeports abkhazes. Le ministre des Affaires
étrangères de facto abkhaze,
M. Sergey Shamba, a informé des fonctionnaires de l’OSCE/BIDDH que
les personnes déplacées géorgiennes pouvaient revenir s’installer
dans le district de Gali et dans la haute vallée de Kodori. Toutefois,
il a fait savoir que le retour des personnes déplacées (y compris des
personnes déplacées à la suite du conflit de 1994) dans d’autres
régions d’Abkhazie serait «impossible» dans les circonstances actuelles.
61. Une autre complication tient aux restrictions au droit des
civils de circuler librement. Le franchissement de la frontière
administrative par des civils n’a été possible à ce jour que de
façon limitée et dans des circonstances spécifiques. Toutefois,
avec l’entrée en vigueur des accords «d’amitié et de coopération»
signés entre la Russie et les régions séparatistes, qui prévoient
l’ouverture des frontières entre les parties, les frontières administratives
de ces régions seront contrôlées par des gardes russes – ce qui
mettra fin à toute possibilité pour les civils de se déplacer librement
de part et d’autre des frontières administratives. Dans ce contexte,
les autorités de facto en
Ossétie du Sud et en Abkhazie ont indiqué qu’elles avaient l’intention
de mettre en œuvre un régime de visas pour les Géorgiens dans un
avenir proche.
62. La situation qui prévaut dans le district d’Akhalgori en Ossétie
du Sud – une zone peuplée majoritairement de Géorgiens ethniques
qui n’avait pas été directement touchée par la guerre en août et
qui, avant la guerre, n’avait jamais été sous le contrôle des autorités de facto – est particulièrement
préoccupante. En effet, les troupes russes ont occupé ce district
le 15 août, soit trois jours après la signature de l’accord de cessez-le-feu
du 12 août.
63. Human Rights Watch et des ONG russes actives dans le domaine
des droits de l’homme (Memorial et Centre Demos) nous ont indiqué
avoir recueilli récemment un très grand nombre de témoignages selon lesquels
des milices sud-ossètes continueraient de commettre des actes de
pillage et de destruction systématiques et des attentats à la vie
de Géorgiens ethniques dans le district d’Akhalgori en Ossétie du
Sud, et que les forces russes n’auraient rien fait pour les en empêcher.
Nous condamnons fermement les actes de nettoyage ethnique commis
dans le district d’Akhalgori par des milices sud-ossètes, ainsi
que l’absence de volonté des autorités russes pour empêcher ces
actes et traduire leurs auteurs en justice. Nous souhaitons rappeler
qu’en vertu du droit international, la Russie porte l’entière responsabilité
des atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire qui
auraient été commises dans les zones se trouvant sous son contrôle de facto, y compris celles commises
sous le commandement des autorités de
facto à Tskhinvali.
64. A la suite des attaques continues perpétrées contre des Géorgiens
ethniques, un grand nombre d’entre eux a fui le district d’Akhalgori
pour des raisons de sécurité. En outre, un nombre encore plus important
a fui, de peur que la frontière administrative avec la Géorgie ne
soit fermée ou qu’ils ne soient obligés d’accepter la nationalité
sud-ossète. Selon les informations communiquées par le HCR, la Géorgie
a enregistré plus de 1 700 personnes déplacées en provenance de
la zone d’Akhalgori rien qu’en octobre.
65. L’aide humanitaire a pu atteindre les deux régions séparatistes,
principalement en passant par la Russie. Toutefois, des obstacles
demeurent s’agissant de l’accès des organisations et de l’aide humanitaire en
raison de l’insistance de la Géorgie, d’une part, pour que l’accès
aux deux régions séparatistes se fasse par la Géorgie, et de la
Russie et des autorités de facto, d’autre
part, pour que l’accès se fasse par la Russie.
66. L’ONU et d’autres organisations (humanitaires) internationales
ont reçu des autorités géorgiennes l’autorisation d’accéder sans
restriction aux zones proches de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
Il est regrettable que les autorités de
facto n’aient accordé à ces organisations, exception
faite du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qu’un accès
limité aux territoires sous leur contrôle.
67. Dans son rapport au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe,
le Commissaire aux droits de l’homme a fait part de ses préoccupations
au sujet des répercussions négatives que pourrait avoir la loi sur
les territoires occupés adoptée par le Parlement géorgien le 28
octobre 2008. Aux termes de cette loi, les étrangers et les apatrides
doivent obtenir l’autorisation préalable des autorités géorgiennes
pour se rendre dans les territoires occupés, et l’entrée dans ces
zones sans cette autorisation constitue une infraction pénale en
vertu de la législation géorgienne. De plus, cette loi restreint
les activités économiques avec les deux régions et déclare nuls
et de nul effet les documents délivrés par les autorités de facto, y compris les actes d’état
civil et les titres de propriété. Dans son rapport, le Commissaire
aux droits de l’homme s’est dit préoccupé par certaines dispositions
de cette loi sur les territoires occupés qui pourraient être contraires
aux principes du droit international en matière de droits de l’homme,
y compris de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est
pourquoi la commission de suivi, lors de sa réunion du 17 décembre,
a décidé de soumettre cette loi pour avis à la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Nous appelons
les autorités géorgiennes à mettre pleinement en œuvre l’ensemble
des recommandations qui seront formulées dans l’avis de la Commission
de Venise.
68. Les problèmes de livraison de gaz de la Géorgie à la région
de l’Ossétie du Sud et d’approvisionnement en eau potable par la
région séparatiste d’Ossétie du Sud pour les villages des zones
adjacentes aux frontières administratives ont donné lieu à des réclamations
de part et d’autre entre la Russie et la Géorgie. Les autorités géorgiennes
ont accusé la Russie et les autorités de
facto sud-ossètes de bloquer l’alimentation en eau des zones
voisines de la frontière administrative, la Russie accusant quant
à elle les autorités géorgiennes de bloquer la livraison de gaz
à l’Ossétie du Sud. Les autorités géorgiennes ont déclaré être prêtes
à reprendre les livraisons de gaz à Tskhinvali. Elles ont cependant
indiqué que le gazoduc menant à Tskhinvali avait été endommagé au
cours de la guerre, à proximité de la frontière administrative,
et qu’il ne pouvait être réparé sans des garanties adéquates en
termes de sécurité de la part de la Russie. Les contacts sous l’égide
de l’OSCE entre les deux parties ont révélé que le 31 décembre 2008,
le gazoduc était toujours endommagé. Le 21 janvier 2009, la compagnie
gazière géorgienne a annoncé que le gazoduc était réparé et qu’elle
était prête à reprendre les livraisons dès qu’elle en recevrait
l’autorisation du Gouvernement géorgien. Par ailleurs, le 28 décembre
2008, la Géorgie et la Russie ont conclu un accord sur la gestion
conjointe de la centrale hydraulique d’Enguri, située sur la frontière
administrative avec l’Abkhazie. Nous saluons cet accord qui assurera
une alimentation continue en électricité à l’Abkhazie et au reste
de la Géorgie. Nous espérons que la même approche constructive prévaudra
dans le règlement des autres différends concernant la fourniture
d’énergie et d’eau.
6. Reconnaissance
de l’indépendance des régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie
du Sud par la Russie
69. Dans la
Résolution 1633
(2008), l’Assemblée a condamné la reconnaissance des régions
séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud par la Russie, en tant
que violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale
de la Géorgie et de l’inviolabilité de ses frontières internationalement
reconnues. L’Assemblée a par conséquent appelé la Russie à revenir
sur sa décision de reconnaissance et invité instamment tous les
Etats membres, ainsi que les Etats ayant le statut d’observateur
auprès de l’Organisation, à ne pas reconnaître l’indépendance de
ces deux régions. L’Assemblée a déploré que la reconnaissance par
la Russie ait été motivée par la demande unanime des deux chambres
du Parlement russe.
70. Les autorités russes, ainsi que l’Assemblée fédérale, ont
déclaré publiquement qu’elles n’avaient pas l’intention de revenir
sur leur décision de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du
Sud et de l’Abkhazie. Les accords «d’amitié et de coopération» signés
par la Russie avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie le 17 septembre 2008,
qui ont été ratifiés à l’unanimité par la Douma d’Etat et le Conseil
de la Fédération, respectivement le 29 octobre et le 11 novembre
2008, ont réaffirmé cette position. Aux termes de ces accords, la
Russie s’est engagée à aider les deux régions séparatistes à protéger
leurs frontières et sera chargée de leur contrôle, et les signataires
se sont mutuellement accordé le droit d’installer des bases militaires
sur leurs territoires respectifs. Les accords ont également formalisé
la coopération économique entre la Russie et les deux régions séparatistes,
et autorisé la double citoyenneté pour les résidents russes abkhazes
et sud-ossètes.
71. La reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie
du Sud et la signature et ratification subséquentes d’accords «d’amitié
et de coopération» non seulement violent l’accord de cessez-le-feu,
le droit international, le Statut et les principes du Conseil de
l’Europe auxquels a souscrit la Russie lors de son adhésion, mais
empêchent également la normalisation de la situation actuelle et
compromettent encore davantage la stabilité dans la région. Dans
ce contexte, nous regrettons également que la Russie semble faire de
la reconnaissance implicite de l’indépendance des deux régions séparatistes
par la communauté internationale, y compris par notre Assemblée,
une question préalable à sa coopération avec les organisations internationales,
à la suite de son insistance pour que les représentants des autorités
des deux régions séparatistes participent sur un pied d’égalité
aux pourparlers de Genève.
72. Le 23 décembre 2008, le ministre russe des Affaires étrangères
et son homologue des autorités de facto en
Abkhazie ont signé un Protocole d’entente pour la coopération, par
lequel ils conviennent notamment de s’efforcer d’établir des relations
mutuellement avantageuses en matière de coopération internationale
et par lequel la Russie s’engage à faciliter l’entrée de la «République
d’Abkhazie» dans les organisations internationales dont elle est
membre.
7. Etablissement d’un
nouveau plan de maintien de la paix et internationalisation de la
force de maintien de la paix
73. Dans la
Résolution 1633
(2008), l’Assemblée a appelé la Russie et la Géorgie à travailler
à l’établissement d’un nouveau plan de maintien de la paix et à
internationaliser la force de maintien de la paix.
74. Le 27 août 2008, la Géorgie s’est retirée officiellement des
Accords de Sotchi de 1992 et des Accords de Moscou de 1994 qui avaient
établi les plans de maintien de la paix antérieurs à la guerre,
et a indiqué être favorable à un mécanisme de maintien de la paix
qui comporterait des forces de maintien de la paix européennes.
Les autorités géorgiennes n’ont pas exclu d’accepter une éventuelle
participation russe dans cette force. Les autorités russes ont annoncé
que les anciens accords de paix seraient désormais remplacés par
les accords d’amitié et de coopération bilatéraux signés entre la
Russie et les régions séparatistes, et indiqué qu’elles ne voyaient
pas l’intérêt d’un plan de maintien de la paix international «supplémentaire».
75. Nous aimerions souligner que la Russie, en tant que partie
au conflit, ne peut être le seul fournisseur de troupes de maintien
de la paix et le seul garant de la paix et de la sécurité dans les
deux régions séparatistes. Comme nous l’avons mentionné plus haut,
l’absence d’une force internationale de maintien de la paix, combinée
notamment avec la présence d’un grand nombre de troupes russes,
porte atteinte à la stabilité dans la région et aux possibilités
de normalisation de la situation découlant de la guerre. A cet égard,
nous saluons le fait que la question du maintien de la paix ait
figuré à l’ordre du jour du cycle de discussions du mois de décembre
à Genève, même si, pour l’heure, aucun résultat tangible n’a encore
été obtenu. Nous appelons l’ensemble des participants à aborder
les prochaines discussions dans le même esprit constructif.
8. Vue d’ensemble
de la mise en œuvre des demandes formulées par l’Assemblée dans
la Résolution 1633 (2008)
8.1. Géorgie
76. Sur la base des faits nouveaux décrits dans le présent
rapport, nous considérons que la Géorgie a mis en œuvre les demandes
suivantes formulées par l’Assemblée dans la
Résolution 1633 (2008). Elle a, notamment:
- mis
en œuvre de façon inconditionnelle tous les points de l’accord de
cessez-le-feu du 12 août 2008 (paragraphe 22.1 de la résolution);
- permis aux observateurs internationaux de se déployer
dans les territoires sous son contrôle en coopérant pleinement (paragraphe 22.2
et 23.3);
- pris les mesures pour garantir la sécurité des citoyens
– y compris en ce qui concerne le retrait des mines et des munitions
non explosées – et permis le retour volontaire des personnes déplacées
dans les territoires sous son contrôle (paragraphes 23.1, 23.2 et
23.4);
- travaillé à l’établissement d’un nouveau plan de maintien
de la paix et à l’internationalisation de la force de maintien de
la paix (paragraphe 22.4);
- utilisé pleinement les moyens disponibles de règlement
pacifique des conflits (paragraphe 22.10);
- participé de façon inconditionnelle aux pourparlers de
Genève prévus au sixième point de l’accord de cessez-le-feu (paragraphe 22.5).
Nous considérons que la condition posée par les autorités géorgiennes,
à savoir que la participation des autorités de
facto des deux régions séparatistes ne doit pas être
interprétée comme une reconnaissance implicite de ces dernières,
est justifiée et n’est pas incompatible avec la demande correspondante
de l’Assemblée.
77. Les autorités géorgiennes ont souligné qu’elles accueilleraient
favorablement la mise en place d’une enquête internationale indépendante
sur la guerre et les circonstances qui y ont mené, et qu’elles y coopéreraient
sans condition (paragraphe 22.3). On peut donc considérer qu’elles
ont pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à cette
demande de l’Assemblée, même s’il ne sera possible d’en juger définitivement
qu’à la fin de cette enquête et après évaluation complète de la
manière dont la Géorgie y aura coopéré.
78. Les autorités géorgiennes ont pris des mesures concrètes pour
mettre en œuvre efficacement les six principes du Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe, conformément au paragraphe 23.7 de
la
Résolution 1633 (2008). Nous notons que la mise en œuvre de plusieurs de ces
principes, y compris l’échange des prisonniers de guerre, le retour
de toutes les personnes déplacées et la fourniture de logements appropriés
pour ces personnes, est toujours en cours. Par conséquent, nous
demandons instamment aux autorités géorgiennes de continuer à mettre
en œuvre les six principes du Commissaire aux droits de l’homme et
les demandes connexes formulées aux paragraphes 23.4 et 23.5 de
la
Résolution 1633 (2008).
79. La Géorgie s’efforce dans l’ensemble de veiller au respect
effectif de tous les droits de l’homme en application de la Convention
européenne des droits de l’homme et des normes humanitaires en application des
Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels,
sur les territoires sous son contrôle, conformément au paragraphe 22.7
de la résolution. Toutefois, nous partageons les préoccupations
formulées par le Commissaire aux droits de l’homme, à savoir que
certaines dispositions de la nouvelle loi sur les territoires occupés
pourraient être contraires aux principes du droit international
en matière de droits de l’homme, y compris de la Convention européenne
des droits de l’homme. C’est pourquoi nous demandons aux autorités
géorgiennes de mettre en œuvre toute recommandation formulée dans
le prochain avis de la Commission de Venise, demandé par la commission
de suivi. Cette mesure garantirait également le plein respect du
paragraphe 22.7 de la
Résolution 1633
(2008).
80. Les autorités géorgiennes ont permis aux journalistes d’accéder
sans entrave à la partie de la zone de conflit sous leur contrôle,
conformément au paragraphe 22.9. Toutefois, nous sommes préoccupés
par certaines dispositions de la loi sur les territoires occupés
– qui oblige les ressortissants étrangers à obtenir l’autorisation
préalable des autorités géorgiennes pour se rendre dans les territoires
géorgiens sous contrôle russe, dispositions qui pourraient entraver
la liberté de mouvement des journalistes dans ces parties de la
zone de conflit, en contradiction avec le paragraphe 22.9.
81. Le parquet général géorgien a ouvert une enquête sur des violations
du droit humanitaire et des droits de l’homme qui pourraient avoir
été commises pendant et après la guerre. Cette enquête porte également expressément
sur des violations présumées commises par la Géorgie. En outre,
la commission d’enquête parlementaire avait le mandat d’enquêter
sur la guerre et d’examiner toutes les atteintes aux droits de l’homme et
au droit humanitaire qui pourraient avoir été commises par toutes
les parties durant la guerre, et pouvait renvoyer des affaires devant
le parquet général afin que celui-ci ouvre une enquête. Nous saluons
par conséquent les efforts entrepris par les autorités géorgiennes
en vue de se conformer au paragraphe 22.8. Les enquêtes du parquet
général sont toujours en cours et, à notre connaissance, elles n’ont
pas encore donné lieu à des poursuites. A la lumière des très nombreux
éléments plausibles mentionnés dans le présent rapport tendant à
établir qu’il y a eu des atteintes aux droits de l’homme et au droit
humanitaire de la part des deux parties pendant la guerre, y compris
en Géorgie, la mise en œuvre complète des demandes de l’Assemblée ne
pourra être évaluée que sur la base des résultats de ces enquêtes
et de la manière dont ces allégations de violations seront examinées,
notamment sous l’angle de l’impartialité. Nous demandons par conséquent
aux autorités géorgiennes d’informer la commission de suivi de l’Assemblée,
à intervalles réguliers, de l’avancement des enquêtes menées par
le parquet général. Nous concluons que la mise en œuvre des demandes
de l’Assemblée est toujours en cours.
82. Malheureusement, la Géorgie n’a pas encore adhéré à la Convention
des Nations Unies sur les armes à sous-munitions. En outre, les
relations et la rhétorique entre la Russie et la Géorgie sont toujours
tendues et influencées par la guerre. Nous ne pouvons donc pas considérer
que la Géorgie s’est conformée aux paragraphes 22.6 et 22.11 de
la
Résolution 1633 (2008).
8.2. Les autorités de
facto en Ossétie du Sud
83. Sur la base des développements récents décrits dans
le rapport, nous considérons qu’à l’égard des demandes formulées
aux autorités de facto d’Ossétie
du Sud, ces dernières ont d’une manière générale respecté la demande
d’échanger les prisonniers de guerre (paragraphe 23.5), bien que
nous nous inquiétions des rapports faisant état de nouvelles prises
d’otage, en violation du paragraphe 23.5.
84. Malheureusement, les autorités
de
facto d’Ossétie du Sud n’ont pas réussi à coopérer avec
les missions internationales de suivi, comme le stipule le paragraphe
23.3, et ont opposé des restrictions déraisonnables à l’accès des
organisations humanitaires en Ossétie du Sud en violation de la
demande formulée par l’Assemblée dans le paragraphe 23.1.2. Par
ailleurs, les autorités
de facto d’Ossétie
du Sud n’ont pas réussi à mettre un terme à l’Etat de non-droit
et à garantir la sécurité dans les régions sous leur contrôle
de facto, comme stipulé dans les
paragraphes 23.1 et 23.1.1. Elles n’ont également pas réussi à garantir
le droit de retour à toutes les personnes déplacées des régions
placées sous leur contrôle. Nous en concluons qu’elles n’ont pas
respecté les demandes formulées dans les paragraphes 23.3, 23.4
et 23.7 de la
Résolution 1633 (2008).
8.3. Russie
85. Sur la base des faits nouveaux décrits dans le présent
rapport, nous considérons que la Russie a mis en œuvre les demandes
suivantes de l’Assemblée dans la
Résolution 1633 (2008):
- le retrait des
mines et des munitions non explosées, et la sensibilisation de la
population concernée sur les dangers de ces armes. Nous comprenons
que cette tâche difficile est toujours en cours (paragraphe 23.2
de la résolution);
- la libération et l’échange des prisonniers de guerre (paragraphe 23.5),
sachant qu’il s’agit également d’un processus en cours;
- sur la base des débats constructifs du dernier cycle de
discussions à Genève, nous pouvons considérer que la Russie s’est
conformée au paragraphe 22.5 de la Résolution 1633 (2008) s’agissant de la participation aux pourparlers de Genève.
Tout en étant favorables au principe selon lequel les différents représentants
des communautés abkhaze et sud-ossète, aussi bien ceux des autorités de facto que ceux favorables à l’intégration
au sein de la Géorgie, devraient participer à ces négociations,
nous considérons que l’insistance de la Russie pour que les représentants
des autorités de facto participent à
ces pourparlers avec le même statut que la Géorgie et la Russie
porte atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de
la Géorgie et pourrait soulever des questions s’agissant du respect
continu des demandes adressées à la Russie sur ce point.
86. Les autorités russes ont indiqué qu’elles accueilleraient
favorablement la mise en place d’une enquête internationale indépendante
sur la guerre et les circonstances qui y ont mené, et qu’elles y
coopéreraient sans condition (paragraphe 22.3). On peut donc considérer
qu’elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer
à cette demande de l’Assemblée, même s’il ne sera possible d’en
juger définitivement qu’à la fin de cette enquête et après évaluation
complète de la manière dont la Russie y aura coopéré.
87. Le parquet général russe a ouvert des enquêtes au sujet de
violations des droits de l’homme et du droit humanitaire commises
par les troupes géorgiennes pendant le déroulement de la guerre
contre des civils et des soldats russes. Ces enquêtes ont été closes
le 18 décembre 2008. Toutefois, en dépit d’allégations plausibles
tendant à établir que des atteintes aux droits de l’homme et au
droit humanitaire auraient aussi été commises par les forces russes
et sud-ossètes alliées pendant le déroulement de la guerre et au
lendemain de la guerre, aucune enquête n’a été ouverte par le parquet
général russe sur ces violations présumées. Nous devons par conséquent
conclure que la Russie ne s’est pas conformée au paragraphe 22.8
de la
Résolution 1633
(2008).
88. Si les journalistes accrédités par Moscou ont eu accès aux
régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, les atteintes
continues au droit des journalistes de circuler librement, y compris
le fait de ne pas les autoriser à se rendre dans les deux régions
du territoire géorgien non disputé, sont en contradiction avec le
paragraphe 22.9 de la
Résolution 1633
(2008).
89. Les autorités russes ont affirmé que les anciens accords de
cessez-le-feu concernant l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont désormais
remplacés par les accords d’amitié et de coopération bilatéraux
signés entre la Russie et ces régions séparatistes, et qu’elles
ne voyaient pas l’intérêt d’un plan de maintien de la paix international
«supplémentaire», ainsi que cela est demandé au paragraphe 22.4.
Toutefois, nous prenons note que la question du maintien de la paix
était inscrite à l’ordre du jour du cycle de discussions prévu en
décembre à Genève. Nous espérons que ces pourparlers vont déboucher
sur des résultats concrets et constructifs et en particulier que
la Russie satisfera à cette demande de l’Assemblée.
90. Tout en saluant le retrait rapide des zones adjacentes aux
régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, la Russie n’a
pas réussi jusqu’à présent à ramener ses forces militaires aux positions
qu’elles occupaient avant la guerre, en violation de l’accord de
cessez-le-feu du 12 août, ainsi que de l’accord Sarkozy-Medvedev
du 8 septembre 2008 et de la demande de l’Assemblée. En outre, le
fait que les attaques et les provocations se poursuivent contre
des villages géorgiens, par des forces de police venant du côté
sud-ossète de la frontière administrative, constitue, comme l’a
indiqué la chef de la mission d’observation de l’Union européenne,
une violation claire de l’accord de cessez-le-feu. Nous souhaitons
souligner que la Russie est directement responsable de toute violation
de cet accord commise sous le commandement des autorités
de facto de l’Ossétie du Sud. Nous
déplorons, par conséquent, que la Russie n’ait pas mis en œuvre
tous les points de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008, ainsi
que l’avait demandé l’Assemblée au paragraphe 22.1 de la
Résolution 1633 (2008).
91. Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que la Russie
n’ait pas mis fin aux actes de pillage et de nettoyage ethnique
en Ossétie du Sud et qu’elle n’ait pas traduit les auteurs de ces
actes en justice. La Russie n’a par conséquent pas respecté les
demandes de l’Assemblée de veiller au respect effectif de tous les droits
de l’homme, en application de la Convention européenne des droits
de l’homme, sur les territoires sous son contrôle (paragraphe 22.7),
de prendre d’urgence des mesures pour assurer la sécurité de toutes
les personnes dans la région d’Ossétie du Sud (paragraphe 23.1)
et de mettre un terme à l’Etat de non-droit conformément à l’article
43 de la Convention de La Haye (paragraphe 23.1.1).
92. Le fait que la Russie continue de ne pas autoriser les observateurs
de l’OSCE et de l’Union européenne à se déployer en Ossétie du Sud,
et les observateurs de l’Union européenne à se déployer en Abkhazie,
est en contradiction avec les demandes formulées par l’Assemblée
au paragraphe 22.2 et paragraphe 23.3 de la
Résolution 1633 (2008).
93. Ainsi que l’indique le récent rapport de l’OSCE/BIDDH
sur la situation des droits de l’homme
dans les anciennes zones de conflit, préparé à la demande du Président
finlandais en exercice de l’OSCE, la Russie et les autorités
de facto sud-ossètes limitent de
manière excessive l’accès des organisations humanitaires en Ossétie
du Sud et en Abkhazie. En outre, le droit au retour des personnes
déplacées originaires de ces régions est extrêmement limité, voire
refusé d’emblée. Nous devons donc conclure que la Russie ne s’est
pas conformée aux paragraphes 23.1.2, 23.4 et 23.7 de la
Résolution 1633 (2008).
94. La Russie a encouragé activement et aidé des Sud-Ossètes ethniques
à déposer des plaintes contre la Géorgie devant la Cour européenne
des droits de l’homme. Toutefois, comme l’a indiqué le haut-commissaire de
l’OSCE pour les minorités nationales, les restrictions faites au
droit au retour des personnes déplacées venant des régions sous
le contrôle des dirigeants
de facto sud-ossètes
sont en contradiction avec les mesures provisoires ordonnées par
la Cour internationale de justice de La Haye. Nous considérons par
conséquent que la Russie n’a pas respecté le paragraphe 22.10 de
la
Résolution 1633 (2008).
95. Malheureusement, la Russie n’a pas encore adhéré à la Convention
des Nations Unies sur les armes à sous-munitions. En outre, les
relations et la rhétorique entre la Russie et la Géorgie sont toujours
tendues et influencées par la guerre. Nous ne pouvons donc pas considérer
que la Russie a respecté les paragraphes 22.6 et 22.11 de la
Résolution 1633 (2008).
96. Les autorités russes, ainsi que l’Assemblée fédérale, ont
déclaré publiquement qu’elles n’avaient pas l’intention de revenir
sur leur décision de reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du
Sud et de l’Abkhazie, ce qui est contraire aux demandes formulées
par l’Assemblée au paragraphe 22.2 de la
Résolution 1633 (2008).
9. Conclusions
97. Nous réitérons la position et les demandes formulées
par l’Assemblée dans la Résolution 1633 (2008).
98. Nous soutenons pleinement la mise en place par l’Union européenne,
le 2 décembre 2008, d’une mission internationale indépendante pour
enquêter sur les origines et le déroulement du conflit en Géorgie, notamment
au regard du droit international, du droit humanitaire et des droits
de l’homme, et sur les accusations portées dans ce contexte. Nous
demandons instamment aux Etats membres du Conseil de l’Europe qui
sont aussi membres de l’Union européenne de veiller à ce que le
rapport de cette mission d’enquête soit aussi présenté au Conseil
de l’Europe, et recommandons à l’Assemblée de prévoir un débat sur les
conclusions de ce rapport au cours d’une prochaine partie de session.
99. Nous accueillons favorablement le soutien de la Russie et
de la Géorgie à la mise en place de cette mission d’enquête indépendante
et leur volonté annoncée d’y coopérer pleinement. Nous appelons
la Russie et la Géorgie à coopérer effectivement, pleinement et
sans réserve avec cette mission.
100. Nous saluons l’esprit constructif et la volonté politique
des autorités géorgiennes de se conformer aux demandes de l’Assemblée
telles que formulées dans la
Résolution 1633
(2008). Par conséquent, la Géorgie a donné suite à de nombreuses
demandes, mais pas à toutes les demandes exprimées par l’Assemblée
dans cette résolution. Nous appelons les autorités géorgiennes à
veiller à se conformer pleinement et rapidement à toutes les demandes
restées sans suite.
101. Nous apprécions tout particulièrement la mise en place d’une
commission d’enquête par le Parlement géorgien comme preuve de sa
volonté de se pencher sur les actions et les erreurs des autorités
géorgiennes dans le cadre du déclenchement et du déroulement de
la guerre. Nous appelons le parlement à réviser les conclusions
de cette commission à la lumière du prochain rapport de la mission
d’enquête de l’Union européenne.
102. Nous sommes préoccupés par certaines dispositions de la loi
géorgienne sur les territoires occupés, qui pourraient être contraires
aux principes du droit international en matière de droits de l’homme,
y compris de la Convention européenne des droits de l’homme. Nous
appelons les autorités géorgiennes à mettre en œuvre rapidement
toute recommandation contenue dans le prochain avis de la Commission
de Venise sur cette loi, demandé par la commission de suivi.
103. Nous déplorons que la Russie n’ait pas encore mis en œuvre
un nombre important des principales demandes de l’Assemblée, y compris
les nombreuses demandes qui ne sont pas liées à la question du statut des
deux régions séparatistes, et qui sont donc sans effet sur ces dernières.
104. Nous condamnons les violations continues des droits de l’homme
et du droit international, telles que les actes de pillage et de
nettoyage ethnique commis en Ossétie du Sud et que la Russie n’a
pas arrêtés. Nous réaffirmons que la Russie est pleinement responsable
de toutes les atteintes aux droits de l’homme commises sur les territoires
se trouvant sous son contrôle militaire effectif. Par conséquent,
nous demandons instamment à la Russie de mettre fin immédiatement
à de telles pratiques, de poursuivre les responsables présumés de ces
actes et de mettre pleinement en œuvre les demandes formulées par
l’Assemblée visant à protéger les droits fondamentaux de toutes
les personnes se trouvant dans les deux régions séparatistes.
105. Nous sommes gravement préoccupés par l’escalade des tensions
et des provocations le long des frontières administratives, qui
risque de porter atteinte à la stabilité dans la région et de donner
lieu à de nouveaux affrontements ou à une reprise des hostilités.
Le déploiement des observateurs internationaux en Ossétie du Sud
et en Abkhazie et l’établissement d’un nouveau plan de maintien
de la paix et d’une nouvelle force de maintien de la paix sont,
par conséquent, essentiels pour instaurer la sécurité et garantir
la stabilité dans la région.
106. Nous saluons le fait que, durant la visite du Comité des présidents
à Moscou, les autorités russes ont exprimé leur volonté d’engager
un dialogue ouvert et constructif avec l’Assemblée. Dans ce contexte,
nous souhaiterions souligner que la question du statut des deux
régions séparatistes ne devrait pas servir d’argument à la Russie
pour ne pas répondre aux autres préoccupations de l’Assemblée soulevées
dans la
Résolution 1633
(2008) ainsi que dans le présent exposé des motifs, en particulier
celles liées à la stabilité à court et long terme le long des frontières
administratives avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, au respect
des droits de l’homme de tous les citoyens géorgiens et aux conséquences
humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie.
107. Nous nous félicitons du fait que les parlementaires russes
et géorgiens soient disposés à engager un dialogue sous l’égide
de l’Assemblée. C’est pourquoi nous appelons l’Assemblée à mettre
en place une commission ad hoc spéciale à laquelle participeront
des parlementaires géorgiens et russes, afin de débattre de leurs
divergences de vues et de faire émerger des propositions concrètes
pour traiter les conséquences de la guerre, conformément au paragraphe
31 de la
Résolution 1633
(2008).
108. Nous considérons inacceptable que, à la suite de la guerre
entre la Russie et la Géorgie, des personnes résidant en Abkhazie
et en Ossétie du Sud ne puissent pas être effectivement couvertes
par les mécanismes de protection des droits de l’homme dont elles
devraient bénéficier en leur qualité de citoyens d’un Etat membre
du Conseil de l’Europe, en vertu de la Convention européenne des
droits de l’homme et d’autres conventions pertinentes du Conseil
de l’Europe. Ce «trou noir» dans la protection des droits de l’homme
ne devrait pas être toléré dans la zone couverte par le Conseil
de l’Europe. Les organes concernés du Conseil de l’Europe devraient
mettre au point un plan d’action complet pour garantir de manière
effective aux personnes résidant en Ossétie du Sud et en Abkhazie
les droits établis par la Convention. Ce plan pourrait inclure la
mise en place d’une présence sur le terrain dans les deux régions
séparatistes, comme le demande l’Assemblée dans sa
Résolution 1633 (2008). En l’absence de toute autre enquête crédible, cette
présence sur le terrain devrait également enquêter sur les violations
des droits de l’homme commises durant et après la guerre, et rassembler
des preuves de ces violations.
___________
Commission chargée du rapport: commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(commission de suivi).
Renvoi en commission: Résolution
1115 (1997).
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission
le 26 janvier 2009.
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président),
M. György Frunda (1er vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e vice-président),
M. Leonid Slutsky (3e vice-président),
M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell
Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu,
M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, Mme Herta
Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette
Durrieu, M. Mátyás Eörsi,
Mme Mirjana Ferić-Vac,
M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles
Goerens, M. Andreas Gross,
M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin
Hajiyeva, M. Michael Hancock,
M. Davit Harutyunyan, Mme Olha Herasym’yuk, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia Jivkova,
M. Hakki Keskin, Mme Kateřina Konečná,
M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso,
Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger,
M. Göran Lindblad, M. René
van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Dick
Marty, M. Miloš Melčák, M. João
Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, M. Ivan Popescu, Mme Maria
Postoico, M. Christos Pourgourides,
M. John Prescott, M. Andrea Rigoni, M. Armen Rustamyan,
M. Indrek Saar, M. Oliver
Sambevski, M. Kimmo Sasi,
M. Samad Seyidov, M. Christoph Strässer, Mme Chiora Taktakishvili, M. Mihai Tudose,
M. Egidijus Vareikis, M. José
Vera Jardim, M. Piotr Wach,
M. Robert Walter, M. David
Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Boris
Zala.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou,
M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko