1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire a adopté, en janvier 2009,
la
Résolution 1647 sur la mise en œuvre de la
Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie ainsi que la
Résolution 1648 sur les conséquences humanitaires de la guerre entre
la Géorgie et la Russie. Ce rapport, censé faire suite à la
Résolution 1648, présente notamment une analyse plus approfondie de
la situation humanitaire en Ossétie du Sud
.
2. Pour préparer ce rapport, le rapporteur s’est rendu en Ossétie
du Nord les 12 et 13 mars 2009 et en Ossétie du Sud les 13 et 14
mars 2009. Ce document s’appuie sur les observations faites par
le rapporteur au cours de sa visite et sur les informations qu’elle
a recueillies lors de ses précédents travaux sur la question des conséquences
humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie (voir l’Avis
sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie
(
Doc. 11730) et le rapport sur les conséquences humanitaires de
la guerre entre la Géorgie et la Russie (
Doc. 11789)).
3. Pour entrer en Ossétie du Sud, le rapporteur a dû transiter
par la Russie depuis le nord (à travers le tunnel de Roki). Son
voyage a été organisé avec l’accord des autorités géorgiennes. En
donnant leur accord, celles-ci ont tenu compte du fait que le rapporteur
avait déjà tenté, en novembre 2008, de se rendre en Ossétie du Sud
par le sud (en passant par Ergneti) mais s’était vu refuser l’accès
par les autorités de facto en
Ossétie du Sud.
4. Le rapporteur désire remercier les personnes qui l’ont aidée
à préparer sa visite et son rapport. Elle souhaite remercier les
autorités géorgiennes et russes et les délégations parlementaires
pour avoir facilité cette visite. Elle désire également remercier
les autorités en Ossétie du Nord et le parlement ainsi que les autorités
et le parlement de facto en
Ossétie du Sud pour leur coopération, leur hospitalité et leur franchise, pour
l’assistance logistique qu’ils ont fournie et la sécurité qu’ils
ont assurée. Le rapporteur a été accompagné tout au long de sa visite
en Ossétie du Sud par M. Juri Dzitstsoyty. Le rapporteur souhaite
également rendre hommage aux différentes organisations non gouvernementales,
au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi qu’au médiateur de facto de l’Ossétie du Sud pour
les informations fournies et le temps accordé.
5. Ce rapport examine principalement les problèmes humanitaires.
Le rapporteur a choisi, comme dans son dernier rapport, de prendre
ses distances par rapport aux questions politiques suscitées par
le conflit. Elle n’a pas cherché à se prononcer sur les violations
des droits de l’homme ou du droit international humanitaire commises
par chacune des parties au conflit. Le rapporteur souscrit à tous
les appels, y compris celui du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, qui ont été lancés pour que soit menée une enquête
indépendante et impartiale sur les violations du droit international
humanitaire et des droits de l’homme commises pendant et après le
conflit.
2. Approche
du rapport
6. Dans la première partie de ce rapport, le rapporteur
met l’accent notamment sur la situation humanitaire actuelle en
Ossétie du Sud. Elle fournit des informations, lorsqu’elles sont
disponibles, sur la région occupée d’Akhalgori. Dans la deuxième
partie de son rapport, elle fait rapidement le point sur certaines
questions importantes soulevées dans le précédent rapport (Doc.
11789). Pour bien comprendre les conséquences humanitaires de la
guerre en général et avoir une vision équilibrée de celles-ci, il
est nécessaire de prendre en compte tant le rapport précédent que
le présent rapport.
3. Partie 1 – Ossétie
du Sud
3.1. Visite en Ossétie
du Sud
7. Dans le cadre de sa mission d’information, le rapporteur
s’est rendu le mercredi 11 mars à Moscou, où elle a rencontré des
représentants du CICR, de Human Rights Watch et de l’ONG «Mémorial».
8. Le jeudi 12 mars, elle s’est rendue à Vladikavkaz, en Ossétie
du Nord, où elle a été reçue par le vice-président du Parlement
de l’Ossétie du Nord (M. Gesayev) et par le vice-président de facto du Parlement de l’Ossétie
du Sud (M. Dzitstsoyty). Elle a rencontré des personnes du ministère
des Migrations d’Ossétie du Nord ainsi que des personnes déplacées
et des représentants des organisations non gouvernementales locales
pour examiner la situation des personnes déplacées et des réfugiés
à la suite du dernier et des précédents conflits.
9. Le vendredi 13 mars, le rapporteur s’est rendu en Ossétie
du Sud par le tunnel de Roki. Elle a visité un certain nombre de
villages qui étaient contrôlés par les autorités géorgiennes avant
le conflit, dans la vallée de Didi Liakhvi (qui descend depuis le
nord vers Tskhinvali) et la vallée de Proné (située à l’ouest de
Tskhinvali). Elle a rencontré le Président de
facto, M. Kokoity, le ministre des Affaires étrangères de facto, M. Dzhioev, ainsi que
le ministre de facto responsable
du logement et de la santé, M. Gabaraev. Elle a également tenu une réunion
avec le CICR.
10. Le samedi 14 mars, le rapporteur a rencontré le médiateur de facto, M. Sanakoev, a visité
deux centres collectifs accueillant les personnes déplacées, a tenu
des réunions avec des ONG locales et s’est rendu dans la vallée
de Patara Likhvi, à l’est de la ville, où elle a visité plusieurs
villages qui étaient sous le contrôle des autorités géorgiennes
avant le conflit. Au terme de sa visite, elle est sortie au sud,
par le poste de contrôle no 1 d’Ergneti.
11. Les autorités de facto de
l’Ossétie du Sud se sont montrées accueillantes et serviables; elles
ont emmené le rapporteur partout où elle a voulu se rendre et ont
organisé des réunions avec toutes les personnes qu’elle a désiré
rencontrer. La seule exception était Akhalgori, que le rapporteur
avait demandé de visiter en hélicoptère. Les autorités de facto n’ont pas fourni d’hélicoptère,
invoquant des raisons indépendantes de leur volonté, mais elles
ont accepté de fournir des véhicules routiers appropriés pour transporter
le rapporteur sur place. Cette solution s’est cependant révélée
impraticable étant donné le temps à prévoir pour ce déplacement (voyage
de dix heures) et le peu de temps à disposition du rapporteur.
3.2. La situation humanitaire
des personnes vivant en Ossétie du Sud
3.2.1. Besoins humanitaires
immédiats
12. On estime qu’il reste environ 50 000 personnes en
Ossétie du Sud, dont 35 000 vivant à Tskhinvali.
13. Au lendemain du conflit, le ministère de la Fédération de
Russie chargé de la protection civile, des situations d’urgence
et de l’élimination des conséquences de catastrophes naturelles
(EMERCOM) ainsi que le CICR ont fourni l’assistance humanitaire
d’urgence et de première nécessité.
14. Le CICR a prêté assistance à 14 000 cas prioritaires, soit
environ un tiers de la population totale restée en Ossétie du Sud.
A la fin du mois de décembre 2008, le CICR a décidé de ne pas procéder
à une deuxième distribution de nourriture et d’assistance d’urgence,
étant donné que les besoins essentiels avaient déjà été pris en
compte et que cela n’était pas nécessaire. Cependant, 100 personnes
vulnérables ont été identifiées et continuent à recevoir une assistance
directe du CICR.
15. La priorité du CICR consiste à présent à favoriser la reprise
et à créer des projets générateurs de revenus, notamment des outils
pour permettre de recommencer l’exploitation agricole. Plusieurs
centaines de projets générateurs de revenus seront financés au moyen
de subventions atteignant environ 1 000 dollars.
16. Pendant l’hiver, le problème le plus urgent était celui du
chauffage et de la fourniture de gaz, d’électricité et d’eau. Bien
que le différend entre Tbilissi et Tskhinvali relatif à la ligne
de gaz semble avoir été réglé en février dernier, avec l’assistance
de l’OSCE, la distribution de gaz est restée coupée la plupart du
temps jusqu’à la veille de la visite du rapporteur dans la région,
le 13 mars 2009. Le rapporteur considère que le problème immédiat
est à présent résolu. Elle a été informée que la construction d’un
gazoduc entre la Fédération de Russie et Tskhinvali était prévue
pour l’avenir et que, d’après les autorités de
facto, celui-ci serait prêt d’ici à la fin 2009.
3.2.2. Assistance médicale
17. Une assistance médicale est encore nécessaire, bien
que la fourniture de médicaments soit – a-t-on dit – suffisante.
Le matériel et la formation du personnel médical sont un problème.
L’hôpital principal de Tskhinvali a été endommagé pendant la guerre
et le CICR prévoit d’offrir une assistance pour garantir l’alimentation
de l’hôpital en eau salubre. Le CICR a facilité l’évacuation des
cas médicaux graves par le sud, mais la plupart des personnes nécessitant
des soins médicaux particuliers doivent les demander en Fédération de
Russie. Les autorités de facto sud-ossètes
disposent d’un budget qui leur est attribué par Moscou pour la réalisation
de ces soins. Malgré ces dispositions, il est clair que les restrictions
posées pour franchir la frontière administrative sont lourdes de
conséquences pour les personnes se trouvant dans des conditions
médicales graves ou urgentes, et le rapporteur invite instamment
les autorités de chacune des parties à adopter une position souple,
sans discrimination fondée sur l’ethnicité, en cas de nécessité
de soins médicaux urgents ou de conditions de santé graves.
3.2.3. Reconstruction
18. La reconstruction fait partie des besoins urgents.
A Tskhinvali, un nombre considérable de bâtiments ont été couverts
d’un nouveau toit. De nouvelles fenêtres apparaissent également
sur nombre de bâtiments. Il reste cependant beaucoup à faire. Les
autorités ont informé le rapporteur que l’on était à quelques jours
de la signature d’un accord avec le ministère des Finances russe
qui permettrait de reconstruire non seulement des immeubles endommagés
par la guerre mais aussi d’autres restés à l’abandon pendant les
dernières décennies. Une somme de 10 milliards de roubles russes
a été évoquée. Ce chiffre contraste avec la somme de 1,5 milliard
de roubles russes déjà versée par la Russie depuis l’explosion du
conflit.
19. Le rapporteur est toutefois conscient qu’il existe des divergences
entre les parties russe et sud-ossète sur la manière dont cette
aide doit être fournie et sur le choix des responsables de sa mise
en œuvre; la presse a récemment indiqué que l’accord relatif à la
fourniture de cette assistance pourrait être différé.
20. La crainte de la corruption pose un problème dans la distribution
de l’aide et de l’assistance. Lorsqu’elles ont été interrogées sur
cette question, les autorités de facto ont
expliqué qu’il était extrêmement difficile de «répertorier» l’aide
d’urgence reçue. Il n’existait jusque-là aucun réseau de distribution
clair et des erreurs ont été faites. On a indiqué que des enquêtes
judiciaires pourraient être ouvertes à la suite d’une mauvaise gestion de
l’aide. D’après les informations actuelles, une commission interagences
pour l’assistance aux blessés, aux malades et autres personnes civiles
composée de 15 membres a été mise en place. Cette commission est responsable
de la prioritisation et de la catégorisation des bénéficiaires de
l’aide. Environ 10 000 personnes, réparties sur sept catégories,
sont considérées comme des cas prioritaires (personnes dont les
logements ont été détruits, personnes vulnérables, etc.). La plupart
de l’aide reçue jusqu’ici provenait de différentes structures régionales
russes et les autorités exigent à présent une garantie de transparence
dans la distribution de cette aide (publication des listes informatiques
de l’aide reçue et distribuée). L’aide est bien accueillie tant
qu’elle provient du Nord.
21. Les autorités de facto se
sont déclarées soucieuses de vouloir éviter que se crée une situation
de dépendance vis-à-vis de l’aide et que l’économie se déstabilise
davantage. Elles se sont montrées désireuses de créer des emplois
et de faire une utilisation correcte de la terre, en pratiquant
par exemple l’agriculture biologique.
22. Le rapporteur se félicite de la démarche généreuse de la Fédération
de Russie dans la fourniture de l’aide et elle espère que les négociations
en cours sur l’aide supplémentaire ne seront pas différées et que l’assistance
sera mise en œuvre de façon transparente. Le rapporteur invite instamment
des autorités de facto sud-ossètes
à adopter une ligne de conduite souple vis-à-vis de la fourniture
de l’aide et de l’assistance afin de permettre que celle-ci arrive
également d’autres pays, y compris par le sud.
3.2.4. Centres d’accueil
23. Le rapporteur a eu l’opportunité de visiter deux
centres (l’ancien centre d’accueil touristique «Ossétie» et l’ancienne
école technique) parmi les huit centres collectifs pour les personnes
déplacées de longue date, où vivent encore environ 3 000 personnes
depuis le conflit précédent. Ces centres étaient délabrés mais relativement
bien tenus à l’intérieur. Par exemple, les installations électriques
avaient récemment été refaites et les espaces communs étaient propres
et nets. Les familles disposaient de plusieurs pièces. Les résidents ne
se plaignaient pas des conditions de logement mais ils désiraient
savoir quand des solutions d’hébergement à long terme pourraient
leur être proposées.
24. Le rapporteur a été informé que les conditions dans ces centres
étaient probablement meilleures que dans certains autres centres.
Si les conditions qu’elle a constatées étaient relativement bonnes,
elles n’en restaient pas moins totalement inadéquates pour l’hébergement
à long terme des résidents, et le rapporteur invite instamment les
autorités de facto à veiller
à ce que le relogement de toutes les personnes résidentes dans ces
centres collectifs soit aussi privilégié lorsque la reconstruction
aura lieu.
3.2.5. Regroupement familial
25. Le CICR a encouragé le regroupement familial au-delà
de la frontière administrative et environ 310 personnes ont été
transférées et regroupées depuis la fin du conflit. Ce mouvement
a eu lieu dans les deux sens, mais principalement du nord vers le
sud. Le rapporteur espère que les deux camps continueront à se montrer
compréhensifs et à faciliter ce processus.
3.2.6. Déminage
26. Le déminage a été entrepris par l’armée russe immédiatement
après la guerre. Un accident récent dans lequel deux enfants d’un
centre collectif ont été blessés a fait prendre conscience de la
nécessité d’éduquer les enfants sur le danger que représentent encore
les mines et les munitions non explosées. EMERCOM est en train de
mettre en œuvre un programme d’éducation pour tous les enfants scolarisés
et le CICR a offert son soutien pour cette action. Le rapporteur
est cependant conscient du fait qu’un programme éducatif ponctuel n’est
pas suffisant et que la sensibilisation devrait être considérée
comme une nécessité constante pour les enfants tant que des risques
subsistent.
3.3. Villages détruits,
auparavant contrôlés par les autorités géorgiennes
27. Le rapporteur a visité en voiture plusieurs villages
qui étaient sous le contrôle des autorités géorgiennes avant le
conflit. Il s’agissait de villages situés dans la vallée de Didi
Liakhvi, sur la route descendant du nord vers Tskhinvali, notamment
Kekhvi, Kurta et Tamarasheni, de villages à l’ouest de Tskhinvali
dans la vallée de Proné, notamment Avnevi, et à l’est de Tskhinvali
dans la vallée de Patara Likhvi, notamment Eredvi et Vanati.
28. Ces villages n’existent plus. Ce n’est plus qu’un champ de
ruines et il ne reste aucune trace d’effets appartenant à leurs
habitants dans les décombres des maisons. Le rapporteur n’a trouvé
que quelques maisons isolées qui avaient été laissées intactes.
Dans deux de ces maisons restées debout, elle a parlé avec leurs
habitants, qui étaient d’origine mixte géorgienne et sud-ossète.
Ils ont été incapables de lui raconter ce qui était arrivé aux maisons
qui les entouraient et ont seulement déclaré qu’elles avaient été
détruites par des jeunes pendant la nuit. Interrogées sur la question,
les autorités de facto ont
répondu que de nombreuses maisons avaient été détruites lors des
combats et que les Géorgiens qui s’étaient enfuis avaient mis le
feu à leurs propres maisons pour ne pas les laisser aux mains des
Sud-Ossètes. Elles ont toutefois reconnu que certains dégâts avaient
été causés par des Sud-Ossètes après le retrait des Géorgiens.
29. Le rapporteur n’exclut pas qu’un certain nombre de maisons
aient été endommagées pendant le conflit, avant le retrait des Géorgiens.
Cependant, la destruction systématique de chaque habitation indique clairement
qu’il y a eu une intention de faire en sorte qu’aucun Géorgien ne
dispose plus d’aucun bien pour pouvoir regagner ces villages. Selon
votre rapporteur, peu importe si cette action a été accomplie suivant
les instructions des autorités de facto ou
par des personnes isolées sans qu’interviennent ni l’armée de la Fédération
de Russie ni les autorités de facto. Au
bout du compte, on a fait en sorte qu’aucun Géorgien ne puisse regagner
ces villages et ce résultat corrobore l’accusation selon laquelle
ces villages ont fait l’objet d’un «nettoyage ethnique» contre les
Géorgiens.
30. Le rapporteur est fortement préoccupé par l’absence de responsabilité
en Ossétie du Sud concernant des actes comme la destruction de biens
et le pillage. Elle croit comprendre qu’une ligne de conduite plus sévère
est désormais adoptée sur cette question et que sept procédures
pénales et 70 procédures administratives (affaires moins graves
portant sur le recel de biens volés ou pillés) ont été ouvertes.
31. Etant donné la nature et l’étendue des dégâts et du pillage
des biens, le nombre de procédures engagées est extrêmement faible
et décevant. Le rapporteur insiste pour que les autorités de facto exercent fermement leur
action pénale dans le cadre des quelques procédures existantes et
qu’elles s’efforcent activement d’engager de nouvelles poursuites
lorsqu’elles disposent d’éléments, afin de punir les personnes impliquées
et de faire passer le message que les personnes seront tenues responsables
de leurs actes.
3.4. Retours
32. Le rapporteur a soulevé la question du retour des
personnes d’origine ethnique géorgienne avec le Président de facto, M. Kokoity. Celui-ci a
expliqué que les retours auraient lieu conformément aux principes
du droit international et dépendraient de trois conditions. La première
condition est que la sécurité doit être garantie. La deuxième condition
est que le retour doit être volontaire et la troisième que des conditions
de vie adéquates puissent être offertes. Il a expliqué en outre
que certaines personnes, qui avaient déjà été mises sous enquête
par le ministère public, ne seraient jamais autorisées à retourner
chez elles au vu de leurs activités criminelles avant et pendant
le conflit. Ce message a aussi été repris par le médiateur de facto de l’Ossétie du Sud, M.
Sanakoev.
33. Il semblerait que le retour des personnes originaires de certains
villages placés sous le contrôle géorgien avant le conflit, comme
ceux situés immédiatement au nord de Tskhinvali dans la vallée de
Didi Liakhvi, où était installée l’administration locale géorgienne,
soit accueilli moins favorablement. Pourtant, à titre d’anecdote,
l’un des villageois sud-ossètes d’un village géorgien de la vallée
de Proné a déclaré: «Ce serait bien de voir les gens revenir. J’ai
passé ma vie avec eux. Mes voisins géorgiens n’ont jamais rien fait
de mal».
34. Les autorités de facto se
sont déclarées prêtes à indemniser les personnes qui retourneront
chez elles et ont indiqué que le retour des personnes ayant été
déplacées ou ayant demandé asile en Ossétie du Nord pendant le dernier
ou les précédents conflits serait également organisé.
3.5. Géorgiens en Ossétie
du Sud
35. Le rapporteur s’est intéressé à évaluer le nombre
de personnes d’origine ethnique géorgienne qui se trouvaient encore
en Ossétie du Sud. Elle a rencontré deux personnes de souche géorgienne
ayant contracté des mariages mixtes dans deux des villages qu’elle
a visités. Elle a également rencontré quatre autres personnes de
souche géorgienne dans les centres d’accueil pour les personnes
déplacées qu’elle a visités. Elle a été informée par une source
indépendante que 2 000 à 3 000 Géorgiens de souche (principalement
des personnes ayant contracté des mariages mixtes ou des personnes
âgées) vivaient à Tskhinvali. Personne, parmi les quelques Géorgiens
de souche qu’elle a rencontrés, ne s’est plaint de sa situation.
Le rapporteur ne dispose pas d’informations suffisantes pour tirer
des conclusions sur le traitement des Géorgiens de souche restés
en Ossétie du Sud. La situation des Géorgiens de souche dans la
région d’Akhalgori est examinée plus loin dans ce rapport.
3.6. Sécurité
36. La sécurité est l’une des premières préoccupations
non seulement des autorités de facto mais
aussi de nombreux gens dans la rue avec qui le rapporteur a parlé.
Ils craignent une nouvelle attaque de l’armée géorgienne. Ils s’inquiètent
également des incidents autour de la frontière administrative. Ils
pensent que les troupes géorgiennes sont en train de se concentrer
à nouveau dans les zones proches de cette frontière et affirment
que la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) ferme
les yeux sur ce renforcement militaire.
37. Le rapporteur estime qu’il convient de se pencher sur ces
préoccupations dès que possible, notamment dans l’intérêt de l’ensemble
de la population d’Ossétie du Sud. Une plus grande transparence
de la MSUE sur les résultats de son action de surveillance serait
utile et d’autres mesures doivent être prises pour démontrer que
la MSUE agit de façon impartiale. Les propositions de mécanismes
conjoints de signalement des incidents adoptées en février lors
des pourparlers de Genève représentent une possibilité pour améliorer
la sécurité mais, à la connaissance du rapporteur, pratiquement
aucune mesure n’a été prise pour les mettre en pratique.
38. Le rapporteur est d’avis que le problème de la sécurité est
lié à celui de la surveillance internationale. Elle estime que tant
qu’un mécanisme de surveillance et de maintien de la paix acceptable
pour toutes les parties n’aura pas été adopté, peu de progrès pourront
être réalisés dans les deux camps sur le plan de la sécurité.
3.7. Personnes disparues,
personnes emprisonnées et regroupement familial
39. Le rapporteur a été informé du fait que le problème
des personnes disparues restait une préoccupation majeure pour la
population en général en Ossétie du Sud. D’après le CICR, plusieurs
dizaines de personnes géorgiennes et ossètes sont toujours portées
disparues. Un officier russe a disparu au combat et des efforts sont
actuellement entrepris pour établir son identité à l’aide d’échantillons
d’ADN.
40. Le problème des personnes disparues dans tous les camps fait
l’objet d’un suivi par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, le médiateur de facto sud-ossète
et le défenseur public de Géorgie. Le rapporteur encourage toutes
les parties concernées à poursuivre leurs efforts pour résoudre
le problème des personnes disparues, qui tient particulièrement
à cœur aux familles concernées mais qui touche aussi profondément
la population en général.
41. S’agissant des personnes emprisonnées, le rapporteur a été
informé par le médiateur de facto sud-ossète
que 15 Sud-Ossètes étaient actuellement détenus par les autorités
géorgiennes (quatre personnes ayant été emprisonnées pendant les
hostilités et les autres après la fin du conflit). D’après lui,
les autorités géorgiennes auraient admis qu’elles détenaient huit
de ces personnes mais indiqué qu’elles ne possédaient aucune information
concernant les sept autres personnes. Les informations récentes
indiquant que trois des sept prisonniers non identifiés auraient
été repérés dans une prison géorgienne n’ont pas été confirmées
par les autorités géorgiennes. Votre rapporteur croit savoir que
l’on est encore en train d’essayer de faire la lumière sur les déplacements
des trois personnes qui auraient été retrouvées, avec la participation
également du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
et elle espère que ces personnes et les autres personnes non identifiées,
dans chaque camp, finiront par être identifiées.
42. Le rapporteur en déduit également que le problème de la prise
d’otages
et
de la détention privée subsiste et renouvelle son appel pour que
cette pratique soit abolie et punie.
43. Le rapporteur est conscient que tant le camp géorgien que
le camp sud-ossète sont en désaccord sur les motifs pour lesquels
nombre de ces personnes sont détenues (terrorisme, prise d’otage,
erreurs de passage de la frontière administrative, etc.). Elle n’est
pas en mesure de se prononcer sur cette question et estime qu’il
est extrêmement important que les médiateurs respectifs et le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe continuent à se pencher
sur ce problème.
44. Le rapporteur a évoqué avec le Président de facto, M. Kokoity, la question
de deux personnes d’Akhalgori récemment arrêtées pour trahison:
une institutrice, Mme Tamar Charaeva,
et un membre de l’administration locale, M. Givi Chigoev. Le rapporteur
a été informé que ces deux personnes feraient l’objet de mesures
de clémence et que les chefs d’accusation ne seraient pas retenus
contre elles. Ces personnes ont été libérées une semaine après la
visite du rapporteur.
45. Le rapporteur croit comprendre que le CICR a été en mesure
de rendre visite à ces personnes et continue à suivre leur cas.
Il est fondamental que les autorités de
facto de l’Ossétie du Sud reconnaissent au CICR la possibilité
de rendre visite librement et conformément aux modalités du CICR
à toutes les personnes emprisonnées. Le rapporteur croit savoir
que des discussions sont en cours à ce sujet et elle encourage les autorités de facto à conclure ce dialogue
avec le CICR dès que possible et de façon positive.
46. De la même manière, le rapporteur considère que le Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) a également un rôle important à jouer
en ce qui concerne les visites aux personnes emprisonnées en Ossétie
du Sud et elle encourage les autorités de
facto à collaborer pleinement avec le CPT en lui permettant
d’accéder pleinement et librement à tous les lieux de détention.
3.8. Méfiance à l’encontre
de la communauté internationale
47. En Ossétie du Sud, on remarque clairement une forte
méfiance à l’encontre de la communauté internationale. Elle est
invoquée comme étant la cause des problèmes rencontrés par les organisations internationales
pour accéder à la région. Cette méfiance se manifeste tant au niveau
des autorités de facto que dans
la rue. Pendant sa visite, on a constamment rappelé au rapporteur
que les troupes géorgiennes avaient attaqué Tskhinvali et que la
communauté internationale n’aurait rien fait pour empêcher ces attaques,
en dépit des divers avertissements reçus. La communauté internationale
et la communauté européenne sont visiblement considérées comme progéorgiennes,
antirusses et anti-sud-ossètes.
48. Le rapporteur considère que les autorités de facto sud-ossètes endossent,
en tout cas partiellement, la responsabilité de cette méfiance actuelle
parmi la population en général (par exemple, elles ne se sont pas engagées
avec la communauté européenne et internationale), mais le fait est
que la population continue à se montrer profondément méfiante vis-à-vis
de la communauté européenne et internationale.
49. La communauté européenne et internationale doit faire le nécessaire
pour instaurer la confiance. Elle peut s’y prendre à sa manière,
mais pour que ce processus ait lieu, le problème de l’isolation
de l’Ossétie du Sud doit être examiné et tant les autorités sud-ossètes
que les autorités géorgiennes doivent faire preuve d’une plus grande
souplesse à cet égard.
3.9. Accès à l’Ossétie
du Sud par le nord et par le sud
50. Les autorités de facto en
Ossétie du Sud ne donnent aucun signe d’assouplissement de leurs restrictions
d’accès à l’Ossétie du Sud par le sud. De même, la Géorgie ne donne
aucun signe d’assouplissement de ses restrictions d’accès à l’Ossétie
du Sud par le nord. Si cette situation stationnaire persiste, elle
aura des conséquences néfastes sur l’assistance humanitaire et les
camps de chaque côté de la frontière administrative se retrancheront
davantage sur leurs positions sans rien faire pour lutter contre
la méfiance qui se manifeste de part et d’autre.
3.10. Le district occupé
d’Akhalgori
51. Le rapporteur n’a pas été en mesure de se rendre
dans le district d’Akhalgori (strictement parlant district de Leningori
pour les autorités de facto d’Ossétie
du Sud) pour les raisons mentionnées dans l’introduction. Elle a
cependant pu s’entretenir de la situation y existant avec un certain
nombre de sources, dont certaines indépendantes. Elle a donc pu
se faire une idée de l’état des choses mais elle pense qu’il sera
indispensable de se rendre dans la région dans un proche avenir
afin d’avoir une vision plus précise de la situation.
52. Avant le déclenchement du conflit, on estimait à quelque 7
700 le nombre des personnes vivant dans le district. On estime maintenant
qu’il en reste entre 2 000 et 3 000, originaires tant d’Ossétie
du Sud et que de Géorgie. Selon les autorités géorgiennes, 5 348
personnes auraient quitté le district d’Akhalgori.
53. Beaucoup des Géorgiens de souche restants sont vieux. Beaucoup
de personnes préfèrent ne pas rester dans la région et elles ne
font qu’y entrer et en sortir: la frontière administrative est ouverte
pour les habitants du district et un bus et cinq minibus la traversent
chaque jour.
54. Les écoles sont ouvertes et tous les élèves doivent apprendre
la langue ossète, et l’enseignement de l’histoire se fait en ossète.
55. L’infrastructure médicale est rudimentaire et les services
médicaux limités: les personnes qui pouvaient facilement aller à
Gori pour y recevoir un traitement (y compris de nombreuses personnes
natives d’Ossétie du Sud venant de villages comme Tsingari) ont
maintenant des difficultés à s’y rendre et doivent compter sur les
services médicaux limités disponibles dans le district d’Akhalgori
ou se rendre à Tskhinvali par une longue petite route traversant
les montagnes ou essayer de se faire traiter en Russie.
56. Selon les autorités de facto d’Ossétie
du Sud et des sources indépendantes, les Ossètes du Sud ne veulent
pas que les Géorgiens de souche quittent la région et la désertent.
Ils aimeraient que les ressortissants reviennent et ils ne veulent
pas administrer une région déserte.
57. Selon des sources indépendantes, s’il y a eu des problèmes
de sécurité et paramilitaires après l’occupation du territoire et
s’il reste encore des préoccupations sécuritaires, y compris des
cas de pillage signalés par les autorités géorgiennes, la population
géorgienne de souche restant dans la région n’est plus menacée physiquement
ni obligée de partir.
58. Des procès au pénal ont été ouverts sur le passage à tabac
de deux personnes de souche géorgienne, dont l’une est morte. Le
rapporteur demande instamment aux autorités de
facto de veiller à ce que les responsables de ces attaques
ou d’autres soient punis. Il est important que les forces d’occupation
russes présentes dans la région et que les autorités de facto de l’Ossétie du Sud prennent
les mesures voulues pour assurer la sécurité des résidents.
59. Les autorités de facto d’Ossétie
du Sud cherchent à faire en sorte que l’administration locale soit
aux mains de personnes de la région d’Akhalgori d’origine ethnique
ossète du Sud plutôt que de personnes venant de Tskhinvali et elles
ont soumis un nouveau budget pour la région.
60. Selon des informations reçues par le rapporteur, au nombre
des grandes préoccupations de la population de souche géorgienne
restant dans la région il faut citer les incertitudes concernant
de futures restrictions sur le passage de la frontière administrative
(contacts avec la famille, perception des pensions, commerce, etc.).
Le système éducatif (programmes, langue de l’enseignement, etc.),
la politique actuelle des passeports (les individus sont obligés
de prendre des passeports d’Ossétie du Sud et manquent d’informations sur
les implications de cette obligation), le système de santé, etc.,
sont aussi sources de préoccupations. Des cas de discrimination
ont été signalés mais, selon des sources indépendantes, il ne s’agit
pas d’un mouvement organisé par les autorités mais d’actions menées
par des particuliers.
61. Le rapporteur est d’avis que si les autorités de facto d’Ossétie du Sud ne veulent
pas que les ressortissants continuent de quitter le territoire mais
qu’ils y reviennent, elles doivent prendre d’urgence des mesures
pour calmer les inquiétudes de la population locale.
62. Selon certains rapports, de nombreux soldats russes sont stationnés
dans le district d’Akhalgori. Certains seraient mal nourris et se
comportent de manière indisciplinée, mendiant de la nourriture.
Bien que ces soldats ne menacent pas directement la population,
leur mendicité constitue une expérience dérangeante et vaguement
menaçante.
63. Il est difficile d’entrer dans le district. Le CICR y a accès
et vient régulièrement y apporter assistance et aide humanitaire.
Le rapporteur croit savoir que des discussions sont en cours pour
permettre au CICR d’ouvrir un bureau à Akhalgori et demande instamment
au CICR et aux autorités de facto de
convenir de cela.
64. Des enquêteurs de Human Rights Watch ont pu entrer dans le
district à la fin de 2008 pour y recueillir des informations mais
les autorités les ont obligés de le quitter au milieu de leur travail.
Le rapporteur estime qu’il est indispensable que les organisations
non gouvernementales soient autorisées à travailler dans le domaine
des droits civiques en toute liberté dans la région et à fournir
des informations de première main sur la situation y existant.
65. De l’avis du rapporteur, la situation dans le district d’Akhalgori
reste préoccupante et c’est pour cette raison qu’elle aimerait avoir
l’occasion de s’y rendre bientôt. Elle envisage, avec l’accord de
la commission des migrations, des réfugiés et de la population et
de l’Assemblée parlementaire, d’y retourner mais pour cela, elle devra
aussi obtenir l’accord des autorités appropriées.
3.11. Perevi
66. Le rapporteur croit savoir que la situation à Perevi
n’a pas changé et que les forces d’occupation russes sont toujours
stationnées à l’extérieur du village et contrôlent la route et le
pont y menant, rendant ainsi difficile le retour des villageois
à une vie normale. Elle ne s’est pas personnellement rendue à Perevi.
3.12. Réfugiés et personnes
déplacées en Ossétie du Nord
67. Pendant sa visite, le rapporteur a aussi pu recueillir
des informations en Ossétie du Nord sur la situation des réfugiés
et des personnes déplacées dans cette région tant pendant le récent
conflit que pendant les conflits antérieurs.
68. Selon le ministère des migrations d’Ossétie du Nord, on y
trouve 12 490 personnes déplacées lors de conflits antérieurs et
70 personnes qui ont obtenu le statut de réfugiés.
69. Après le conflit du mois d’août 2008, entre 33 000 et 38 000
personnes d’Ossétie du Sud ont cherché refuge en Ossétie du Nord
et ont été enregistrées par les autorités. Environ 1 200 d’entre
elles y restent encore dans des résidences privées; ce sont avant
tout des personnes âgées, des personnes dont les maisons ont été
détruites, des enfants ou des personnes qui restent pour des raisons
économiques.
70. Outre ces personnes déplacées, on trouve aussi un groupe de
quelque 1 500 personnes qui, selon le ministère, ont demandé le
statut de réfugiés après avoir fui la Géorgie. Parmi elles, on compte
990 Ossètes de souche, 221 Géorgiens de souche (dont un certain
nombre a refusé la conscription dans l’armée géorgienne et des déserteurs)
et 30 Russes de souche. Des décisions ont été prises concernant
887 d’entre elles et 22 ont obtenu le statut de réfugiés. On trouve
aussi 446 Kistes tchétchènes qui ont fui la Géorgie pour se réfugier
en Ossétie du Nord.
71. Le rapporteur est très préoccupé par les conditions dans lesquelles
vivent les personnes déplacées et les réfugiés de longue date en
Ossétie du Nord. Les autorités de l’Ossétie du Nord reconnaissent
elles-mêmes que leurs conditions de vie ne sont pas décentes. Il
existe 39 centres d’accueil pour ces personnes qui sont alors logées
dans d’anciens hôtels, des entrepôts et des fermes. Dix mille d’entre
elles attendent toujours un logement. A cela il faut ajouter que
certaines d’entre elles sont apatrides et que d’autres ont perdu
leur statut de personnes déplacées et que leur accès à l’aide est
donc limité. Le rapporteur ne dispose pas de suffisamment d’information
pour ajouter d’autres commentaires sur la situation de ces personnes
mais elle est d’avis que leur sort et celui des autres personnes
déplacées dans le Caucase du Nord devraient être examinés par l’Assemblée
et la commission des migrations, des réfugiés et de la population
dans un proche avenir.
72. S’agissant des personnes que les autorités d’Ossétie du Nord
disent avoir fui la Géorgie après ou pendant le récent conflit,
le rapporteur s’efforce de mieux comprendre les raisons de leur
départ en aussi grand nombre.
4. Partie 2 – Mise
au point sur certaines des questions les plus importantes soulevées
dans le rapport de novembre 2008 sur les conséquences humanitaires
de la guerre entre la Géorgie et la Russie (Doc. 11789)
4.1. Personnes déplacées
à l’intérieur et aide humanitaire dans les régions sous contrôle
de la Géorgie
73. Sur les 130 000 Géorgiens enregistrés comme personnes
déplacées dans leur propre pays (ou personnes déplacées internes,
PDI) après le conflit d’août, 104 000 sont retournés dans leurs
résidences permanentes après le retrait des troupes russes des districts
de Gori et Kareli, laissant 26 000 d’entre elles dans les centres
collectifs de Tbilissi et d’autres régions de Géorgie
.
74. En plus de ces personnes récemment déplacées, les autorités
géorgiennes font état de 225 000 PDI de conflits antérieurs, en
provenance notamment d’Abkhazie. Le manque de logements convenables
reste la question la plus préoccupante pour ces PDI de longue date.
On estime que les conditions de vie dans 70 % des centres collectifs
sont inférieures aux normes acceptables ce qui peut avoir des conséquences
négatives sur la santé et le bien-être des PDI, notamment des enfants
et des personnes âgées.
75. En février 2007, le Gouvernement géorgien a adopté une Stratégie
d’Etat pour les PDI afin de satisfaire leurs principaux besoins;
il a adopté le Plan d’action sur la stratégie pour les PDI le 30
juillet 2008. En décembre 2008, une annexe y a été ajoutée pour
prendre en compte la situation de l’après-guerre d’août. Le principal objet
de cette stratégie est d’offrir des solutions durables de logement
et d’accroître l’autonomie des PDI. Elle s’attache principalement
au processus d’autoprivatisation des unités de vie dans les centres
collectifs par les PDI elles-mêmes. Bien que la communauté internationale
se félicite de cette initiative (envisagée comme l’une des possibilités
de solutions durables dans le plan d’action sur les PDI qui a été
annulé par le même décret qui a fait adopter l’annexe à la stratégie),
l’approche du processus global demeure un sujet de préoccupation. L’autoprivatisation
a été lancée rapidement et indépendamment de la réhabilitation des
centres collectifs. Comme il n’y a pas eu de campagne d’information
accompagnant l’élaboration des dispositions relatives à la privatisation
ou informant de l’existence d’autres solutions, les PDI ne sont
pas en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause
quant à cette privatisation. Compte tenu du fait que cette approche (autoprivatisation
des centres collectifs) ne propose pas un espace suffisant ou adapté
par famille, il faut continuer à rechercher des solutions durables
pour les PDI résidant actuellement dans des centres collectifs.
76. Selon les autorités géorgiennes, des bâtiments résidentiels
ont été construits dans diverses régions de la Géorgie, surtout
dans celles de Shida Qartli, Qvemo Qartli et Mstkheta-Mtianet, et
des bâtiments existants ont été aménagés en résidences. A l’heure
actuelle, 18 000 PDI habitent dans 38 nouvelles zones de peuplement.
Quelque 1 000 familles ont reçu une aide financière et les autres
PDI sont toujours dans des centres collectifs ou des familles d’accueil
autour de Tbilissi en attendant la reconstruction de leurs logements détruits
ou la possibilité d’emménager dans les nouvelles zones ou de recevoir
des indemnisations. Le groupe des PDI qui vivent dans des logements
temporaires et pour lesquels la question de logement n’a pas encore été
réglée est particulièrement vulnérable et a besoin d’aide.
77. Le rapporteur salue les efforts que fait le gouvernement pour
fournir des logements et des abris aux PDI, et pour les faire rentrer
dans leurs foyers; elle est cependant préoccupée par des rapports
faisant état de personnes forcées de rentrer dans leurs foyers.
4.2. La loi sur les
territoires occupés
78. Le rapporteur se félicite de ce que la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise)
ait présenté ses commentaires avertis sur cette loi et sa conformité
avec les normes des droits de l’homme et du droit international
humanitaire. La loi limite l’entrée des étrangers et des apatrides en
Ossétie du Sud et en Abkhazie. Elle s’applique aux résidents des
pays tiers, y compris au personnel des organisations internationales
et des ONG et aux citoyens russes. Il n’est pas certain qu’elle
s’applique aux personnes vivant dans les régions concernées ou qui
ont récemment acquis la citoyenneté russe. La Commission de Venise
note que si elle est appliquée au personnel des organisations internationales
et des ONG, il faudra veiller qu’elle ne freine ni ne complique
la fourniture de l’aide humanitaire. La Commission de Venise note
également que si la Russie est considérée comme une puissance occupante,
elle est tenue de fournir aide et abri et ne doit pas être empêchée
de remplir son devoir.
79. La loi interdit un large éventail d’activités économiques
et tente d’imposer une responsabilité pénale sur ceux qui les pratiquent.
Cette disposition a été critiquée par la Commission de Venise tout
comme l’ont été celles restreignant la fourniture d’aide humanitaire
et les clauses précises portant sur la liberté de circulation, les
droits fonciers, les activités économiques et la non-reconnaissance
des lois d’Etat des Etats non reconnus. Le rapporteur demande instamment
aux autorités géorgiennes de prendre acte des commentaires de la Commission
de Venise et de modifier la loi en conséquence, et de veiller à
ce que, lors de sa mise en œuvre, les mises en garde de la Commission
soient prises en compte.
4.3. La situation dans
la zone dite «tampon» avec l’Ossétie du Sud
80. La sécurité dans la zone proche de la frontière administrative
reste aléatoire même si la fréquence des incidents a diminué pendant
les mois d’hiver. Certaines personnes ne sont toujours pas revenues
dans la région et beaucoup continuent de ne pas se sentir en sécurité,
craignant les tirs des snipers, les
enlèvements et les milices errantes de l’Ossétie du Sud. La collecte
de bois de feu pose problème pour certaines familles. Le 10 février
2009, un groupe d’observateurs militaires de l’OSCE a été arrêté
par la milice d’Ossétie du Sud. Le 16 janvier un policier a été
tué par balles et le 27 février deux Géorgiens de souche ont été
enlevés par des séparatistes d’Ossétie du Sud. Les autorités de facto de l’Ossétie du Sud affirment
que ces personnes ont été arrêtées alors qu’elles traversaient illégalement
la frontière administrative. Le rapporteur pense que la question doit
être résolue en priorité par le médiateur concerné avec l’aide du
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, selon
les besoins.
81. Le rapporteur pense qu’elle doit rappeler les inquiétudes
qu’elle avait exprimées dans son dernier rapport sur le danger réel
de confrontations à la frontière administrative, et sur la facilité
avec laquelle elles pourraient dégénérer. A de nombreux postes de
contrôle, la police géorgienne armée et les forces de l’Ossétie du
Sud sont en face à face et à courte distance. A l’évidence, d’autres
solutions s’imposent, comme l’envoi d’une force internationale de
maintien de la paix et la création d’une zone démilitarisée à la
frontière administrative.
82. Le rapporteur se dit aussi préoccupé par les progrès qui restent
à faire sur les propositions de mécanismes conjoints de prévention
et de réaction aux incidents qui avaient été avancées lors des discussions des
17 et 18 février 2009 à Genève.
4.4. La situation en
Abkhazie et dans la vallée de Kodori
83. Le Commissaire aux droits de l’homme s’est rendu
en Abkhazie du 9 au 11 février 2009. Après sa visite, il a conclu
qu’une présence internationale était de la plus haute importance
et que la reconduction technique du mandat des Nations Unies au
15 juin 2009 ne suffirait pas à garantir la sécurité dans l’ancienne
zone de conflit. A son avis, la présence internationale doit être
plus significative et plus importante pour garantir la sécurité
et la protection humanitaire et les droits de l’homme de la population.
Il a également rappelé qu’il importait de renforcer les mesures
de sécurité et d’informer les personnes déplacées de leurs droits
et de leurs options.
84. Le rapporteur est complètement d’accord avec le Commissaire
aux droits de l’homme. Elle estime aussi que les grands sujets de
préoccupation qu’elle avait mentionnés dans son rapport précédent
– notamment sur la libre circulation à la frontière administrative,
la protection des doits des minorités y compris des droits à l’éducation
pour les Géorgiens de souche de la région de Gali, et les questions
de passeports et de citoyenneté – restent d’actualité et doivent
être examinés d’urgence.
85. Le rapporteur continue de demander instamment au Conseil de
l’Europe de s’impliquer pleinement en Abkhazie et de soutenir une
présence internationale négociée dans la région. Elle salue la visite
du Commissaire aux droits de l’homme dans la région en février 2009
et attend avec impatience la publication de son rapport.
86. S’agissant de la vallée de Kodori, 180 civils y vivraient
encore selon les autorités abkhazes de
facto (130 selon le CICR et 150 selon les autorités géorgiennes).
La situation humanitaire y a été particulièrement difficile du fait
de la rigueur de l’hiver en haute altitude. Les services publics,
y compris les pharmacies, etc., ont été détruits et n’ont pas été
reconstruits. La route qui relie la vallée aux territoires contrôlés
par le gouvernement central de Géorgie est toujours fermée et le
rapporteur demande instamment sa réouverture pour assurer un accès
plus facile de l’aide humanitaire et la libre circulation des citoyens.
87. Le rapporteur estime que le retour des personnes qui avaient
fui la région devrait être une priorité maintenant que le printemps
est de retour. A son avis, il faudrait faire pression sur les autorités
abkhazes de facto et russes
pour qu’elles garantissent un retour dans la sécurité et la dignité.
88. Le rapporteur condamne un incident récent au cours duquel
50 familles géorgiennes ont été expulsées du village d’Otobaia,
dans le district de Gali, par des milices abkhazes. Selon le ministère
géorgien de l’Intérieur, dont la version des faits est contestée
par les autorités abkhazes de facto, ces
familles se seraient vu interdire de revenir dans leurs foyers tant
qu’elles n’auraient pas livré un jeune dissident qui avait refusé
de servir dans la soi-disant armée abkhaze. Le rapporteur croit
savoir que les familles sont maintenant revenues mais que les débats
se poursuivent concernant le retour du jeune résident en cause dans
l’affaire.
4.5. Le rôle de la Mission
de surveillance de l’Union européenne (MSUE)
89. Le rapporteur note que les observateurs de la MSUE
ne peuvent toujours pas traverser la frontière administrative pour
entrer en Ossétie du Sud ou en Abkhazie. Elle regrette également
que les observateurs aient uniquement un mandat de surveillance
et pas un mandat de protection. Vu les incertitudes quant à l’avenir
de la MONUG et la fermeture en cours de la mission de l’OSCE en
Géorgie, le rôle de la MSUE ne peut que devenir plus important.
90. Il importe de surveiller la situation dans et autour des zones
de l’ex-conflit et d’offrir une protection aux populations civiles
des deux côtés des frontières administratives.
91. Le rapporteur est frustré et contrarié par le fait que la
MSUE ne partage toujours pas ses rapports. A l’heure actuelle, ce
travail se fait hors de tout contexte et les rapports ne sont communiqués
qu’à quelques rares privilégiés à Bruxelles. Une plus grande ouverture
de la part de la MSUE n’aiderait pas seulement les acteurs internationaux
comme le Conseil de l’Europe à suivre la situation sécuritaire,
mais pourrait aussi aider les personnes de la région à mieux comprendre
les réalités sur le terrain et à avoir plus confiance dans le travail de
la MSUE.
92. Le rapporteur croit savoir que des observateurs de la MSUE
ont récemment été remplacés, le mandat d’un certain nombre d’entre
eux étant arrivé à expiration. Beaucoup de nouveaux observateurs
ne sont pas formés aux techniques de suivi des droits de l’homme
et le rapporteur estime qu’il est indispensable qu’ils reçoivent
une formation appropriée dispensée par le Conseil de l’Europe, comme
cela a été le cas jusqu’à présent, ou par d’autres acteurs internationaux.
4.6. Le rôle de l’OSCE
93. Le rapporteur se réjouit de ce que les Etats membres
de l’OSCE soient convenus de proroger la présence des observateurs
militaires non armés de l’organisation jusqu’au 30 juin 2009. Elle
regrette cependant que l’on n’ait pas pu trouver de consensus sur
la poursuite de la présence de la mission de l’OSCE en Géorgie,
puisque la Russie n’a pas accepté la proposition de bureaux parallèles
sur le terrain à Tbilissi et à Tskhinvali, demandant plutôt des
présences séparées de l’OSCE en Géorgie et à Tskhinvali.
94. Le rapporteur se réjouit de la disponibilité des rapports
quotidiens de l’OSCE et des rapports hebdomadaires fournis par les
observateurs de l’OSCE et souligne le rôle important qu’a joué l’OSCE
dans la reprise de l’approvisionnement en gaz de la population de
Tskhinvali. Elle espère que la mission de surveillance de l’OSCE
sera encore prorogée.
5. Conclusions
95. Les conséquences humanitaires de la guerre entre
la Géorgie et la Russie continuent de se faire sentir. Les tensions
persistent ainsi que la peur des différentes parties en présence
quant à une reprise des hostilités.
96. Si les besoins d’aide humanitaire d’urgence ont pu être satisfaits
pendant les mois d’hiver, il faut maintenant trouver des solutions
au problème des personnes déplacées et des réfugiés qui ne peuvent
pas rentrer chez eux prochainement. Le retour volontaire doit constituer
une priorité à chaque fois qu’il pourra se faire dans le respect
des normes du droit international.
97. L’avenir de l’aide internationale, du suivi et du maintien
de la paix dans la région n’est pas clair et il faut, en priorité,
trouver des solutions pour maintenir une présence internationale
effective dans la région garantissant la sécurité, les droits de
l’homme et les besoins humanitaires de tous.
98. Un des plus grands dangers réside dans la fermeture complète
des frontières administratives. Elle ne créerait pas seulement un
isolement complet, mais amènerait en outre l’exode des Géorgiens
de souche des régions de Gali et d’Akhalgori.
99. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont des régions isolées politiquement
et géographiquement. Cela a des répercussions sur l’aide et l’assistance
mais aussi sur les informations y entrant et en sortant: le reste
du monde ne sait pas exactement ce qui se passe dans les deux régions
et leurs habitants ne savent pas non plus quelle est la position
de la communauté internationale ni ce qu’elle pense.
100. Il faut trouver de nouvelles manières d’ouvrir le dialogue
entre la communauté internationale et les autorités de facto et les ressortissants de
l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. La responsabilité de ce faire incombe
à la Géorgie et à la Russie.
___________
Commission chargée du rapport: commission
des migrations, des réfugiés et de la population.
Renvoi en commission: Renvoi
no 3326 du 30 janvier 2009.
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés par la commission le 27 mars
2009, avec une abstention.
Membres de la commission: Mme Corien
W.A. Jonker (Présidente),
M. Hakki Keskin (1er Vice-Président),
M. Doug Henderson (2e Vice-Président),
M. Pedro Agramunt (3e Vice-Président),
Mme Tina Acketoft, M. Francis Agius,
M. Ioannis Banias, M. Alexander van der Bellen, M. Márton Braun,
M. André Bugnon, M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher
Chope (remplaçant: M. Bill Etherington),
M. Boriss Cilevičs, M. Telmo Correia, Mme Claire Curtis-Thomas, M. David Darchiashvili, M. Arcadio Díaz Tejera, M. Mitko Dimitrov,
M. Vangjel Dule, M. Tuur Elzinga (remplaçant: M. Pieter Omtzigt), M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman,
Mme Doris Fiala,
M. Bernard Fournier, M. Paul Giacobbi, Mme Gunn
Karin Gjul, Mme Angelika Graf, M. John Greenway, M. Andrzej Grzyb, M.
Michael Hagberg, Mme Gultakin Hajibayli,
M. Davit Harutyunyan, M. Jürgen Herrmann, M. Bernd Heynemann, M.
Jean Huss, M. Tadeusz Iwiński,
M. Mustafa Jemiliev (remplaçante: Mme Oksana Bilozir), M. Tomáš Jirsa, M. Reijo
Kallio, M. Ruslan Kondratov (remplaçant: M. Ivan Savvidi), M. Franz Eduard Kühnel,
M. Andros Kyprianou, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Younal Loutfi,
M. Arminas Lydeka, M. Andrija
Mandić, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan,
Mme Ana Catarina Mendonça, M. Gebhard Negele, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Alexey Ostrovsky,
M. Grigore Petrenco, M. Jørgen Poulsen,
M. Cezar Florin Preda, M. Milorad Pupovac, Mme Mailis Reps, M. Gonzalo Robles, M. Branko Ružić,M.
Giacomo Santini, M. André Schneider, M. Samad Seyidov, M. Steingrímur
J. Sigfússon, Mme Miet Smet, M. Dimitrios
Stamatis, M. Fiorenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi, M. Vilmos Szabó,
M. Dragan Todorović, M. Tuğrul Türkeş,
Mme Özlem Türköne,
M. Michał Wojtczak, M. Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski, ZZ. (remplaçant: M.
Frank Fahey).
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Secrétariat de la commission: M.
Neville, Mme Odrats, M. Ekström.