1. Introduction
1. Le Bélarus est le seul Etat européen à n’être pas
membre du Conseil de l’Europe. Il est souvent considéré comme une
exception, en ce sens qu’il n’a pas suivi la même voie vers la démocratie
que les autres pays européens issus de la dissolution de l’Union
soviétique.
2. Ces dernières années, le Conseil de l’Europe a lui aussi traité
le Bélarus comme une exception: alors qu’il a aidé 47 Etats européens
à progresser vers la démocratie par le dialogue politique en faisant
preuve d’une grande patience et qu’il a toujours fait le choix de
ne pas les ignorer politiquement, même lorsqu’ils ne respectent
pas totalement leurs engagements et leurs obligations, il n’en a
pas fait de même pour le Bélarus.
3. L’Assemblée a fait le choix d’isoler le Bélarus. D’aucuns
diront peut-être que les autorités du Bélarus se sont isolées elles-mêmes
en foulant aux pieds les droits de l’homme et les normes démocratiques.
Ce n’est pas faux, mais on se place là sur un plan théorique. En
réalité, l’Assemblée avait décidé que la situation avait assez duré
et voulait voir s’il serait possible, en isolant les dirigeants
du Bélarus, de faire changer les choses. Il s’avère que nous avons
eu tort. Il n’est pas possible d’isoler les autorités du Bélarus
sans isoler en même temps la population. En outre, l’évolution constatée
ces derniers mois montre qu’il est possible d’obtenir des résultats
en conjuguant subtilement dialogue, critique constructive et pression.
4. Dans ce rapport, j’ai l’intention d’appeler à une révision
de l’attitude du Conseil de l’Europe à l’égard du Bélarus ces dernières
années: si, contrairement aux autres organisations européennes,
le Conseil de l’Europe s’en tient à sa façon d’agir actuelle, il
laissera passer l’occasion d’influer sur la situation au Bélarus.
5. Il est possible de rester fidèle à ses valeurs et principes
tout en dialoguant avec l’opposition et les autorités du Bélarus.
C’est, me semble-t-il, le seul moyen d’aller de l’avant pour assurer
le développement de la démocratie au Bélarus.
2. Relations
entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus
2.1. Relations avec
l’APCE
6. Au fil des années, l’APCE a oscillé entre dialogue
et isolement, comme le montre le tableau suivant:
Année
|
Etat des relations APCE-Bélarus
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1992
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L’Assemblée accorde au
Parlement du Bélarus le statut d’invité spécial, comme à tous les
autres pays d’Europe centrale et orientale ou du Caucase qui aspirent
à adhérer au Conseil de l’Europe
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1993
|
Le Bélarus présente une
demande d’adhésion au Conseil de l’Europe
|
1996
|
Au Bélarus, un référendum
débouche sur une réforme constitutionnelle qui renforce les pouvoirs
du Président. Le 13e Conseil Suprême, premier et dernier parlement
élu par le biais d’un scrutin libre et équitable, est dissous et
un nouveau parlement est formé.
|
1997
|
Le Bureau de l’Assemblée
suspend le statut d’invité spécial accordé au Parlement du Bélarus
en avançant deux arguments: a) la manière dont la nouvelle législature
a vu le jour le prive de toute légitimité démocratique; b) les amendements
constitutionnels apportés par voie de référendum sont illégaux,
ne respectent pas les normes démocratiques minimales et violent
les principes de la séparation des pouvoirs et de la prééminence
du droit.
|
1998
|
Le Bureau suspend la
demande d’adhésion du Bélarus au Conseil de l’Europe.
|
1998-2004
|
Les relations entre l’Assemblée
et les autorités du Bélarus se poursuivent, même hors d’un cadre
de coopération formel: en 2000, l’Assemblée est présente pour observer
les élections parlementaires, et l’année suivante, elle envoie une
délégation pour observer les élections présidentielles, les deux
missions d’observation se situant dans le cadre de la Troïka parlementaire
sur le Bélarus .
|
Janvier 2004
|
Considérant que les raisons
l’ayant entrainée restent d’actualité, le Bureau de l’Assemblée
confirme la suspension du statut d’invité spécial suite à une demande
du Bélarus de réexaminer la décision.
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avril 2004
|
Dans sa Résolution 1371 (2004), l’Assemblée estime inopportune la présence, même informelle,
de parlementaires du Bélarus à ses sessions ou à tout autre événement,
tant qu’une enquête sur la question des personnes disparues n’est
pas diligentée en bonne et due forme . Au cours du
débat, deux groupes distincts de parlementaires ont déposé des amendements
visant à supprimer cette clause, en invoquant des arguments différents ,
mais les amendements ont été rejetés.
|
2004-2006
|
Pas de contacts entre
l’Assemblée et les autorités du Bélarus, malgré un débat suivi au
sein de la commission des questions politiques sur l’utilité de
cette pratique d’isolement
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2006
|
Vladimir Konoplev, alors
Président du Parlement du Bélarus, et Alexandre Milinkevich, candidat d’opposition
à l’élection présidentielle sont invités à prendre la parole devant
l’Assemblée, dans le cadre du débat sur la situation au Bélarus
à la veille de l’élection présidentielle
|
2007
|
M. van der Linden, ancien
Président de l’APCE, et moi-même, en ma qualité de rapporteur, nous
rendons au Bélarus en des occasions distinctes.
|
2008
|
A deux reprises, des
représentants du Parlement du Bélarus sont invités de pair avec
des représentants de l’opposition, à intervenir devant la commission
des questions politiques dans le cadre de discussions sur la situation
au Bélarus
|
2009
|
Une sous-commission ad
hoc de la commission des questions politiques présidée par M. Lindblad, Président
de la commission, Mme Hurskainen, Présidente
de la sous-commission sur le Bélarus, et moi-même en ma qualité
de rapporteur, s’est rendue à Minsk.
|
7. L’année 2004, au cours de laquelle l’APCE engage
sa pratique d’isolement, marque un tournant dans ses relations avec
le Bélarus. L’emploi du terme «pratique» de préférence à «politique»
est délibéré: l’isolement des autorités n’a jamais été une politique
clairement formulée de l’APCE, il n’a été que la conséquence d’une
interprétation de la
Résolution
1371 (2004) sur les personnes disparues.
8. En effet, lors de la même réunion au cours de laquelle il
décide de ne pas rétablir le statut d’invité spécial, le Bureau
exprime également le souhait d’observer les élections législatives
de 2004 au Bélarus, et d’envoyer une mission préélectorale peu de
temps avant le scrutin, il autorise la sous-commission sur le Bélarus
à se rendre dans le pays après la partie de session d’avril 2004
et confirme même sa volonté de poursuivre le dialogue avec l’ensemble
des forces politiques du Bélarus. Rien de cela n’aura lieu, vu le
climat de défiance mutuelle régnant après le débat du mois d’avril
à l’Assemblée.
9. Cela commence à changer en 2007, lorsque le Président en exercice
de l’Assemblée, M. van der Linden, se rend au Bélarus, avant que
je ne m’y rende à mon tour quelques mois plus tard; puis, suite
à ces visites, des représentants du Parlement du Bélarus sont invités
à participer à des échanges de vues sur la situation au Bélarus
dans le cadre de la commission des questions politiques et de sa
sous-commission sur le Bélarus. En février 2009, une sous-commission
ad hoc de la commission des questions politiques présidée par M. Lindblad,
Président de la commission, accompagné de Mme Hurskainen,
Présidente de la sous-commission sur le Bélarus, et de moi-même,
en ma qualité de rapporteur, s’est également rendue à Minsk.
2.2. Visite de la Présidence
espagnole du Comité des Ministres
10. Le 30 mars 2009, le Ministre Miguel Angel Moratinos
s’est rendu en visite officielle à Minsk en sa qualité de Président
du Comité des Ministres. Durant sa visite, dont le but était d’évaluer
le degré d’engagement du Bélarus envers les principes du Conseil
de l’Europe et d’encourager les réformes internes qui permettraient
de consolider les relations de ce pays avec l’Organisation, il a
rencontré des représentants de la société civile et de personnalités
politiques de haut rang, dont le Ministre des Affaires étrangères
et le Président Loukachenko.
2.3. Conventions du
Conseil de l’Europe
11. Même si sa demande d’adhésion au Conseil de l’Europe
demeure suspendue, le Bélarus est partie à un certain nombre d’instruments
du Conseil de l’Europe, ouverts à la signature et à la ratification
des États non membres. Ainsi le Bélarus est partie à la Convention
culturelle européenne et membre associé de la Commission de Venise
et il peut, par conséquent, prendre part, à un niveau technique,
aux activités du Conseil de l’Europe s’y rapportant. Il a également
ratifié la Convention européenne dans le domaine de l’information sur
le droit étranger et son protocole additionnel (en 1997), la Convention
sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement
supérieur dans la région européenne (en 2002), la Convention contre le
dopage (en 2006), la Convention civile sur la corruption (en 2006)
et la Convention pénale sur la corruption (en novembre 2007).
12. Les autorités du Bélarus ont exprimé le souhait d’adhérer
à d’autres instruments du Conseil de l’Europe; cette question a
été examinée d’une manière générale au sein du Groupe de rapporteurs
sur la démocratie (GR-DEM) des Délégués des Ministres. Cependant,
le Bélarus devrait réviser certains domaines de sa législation afin
de la rendre compatible avec les instruments du Conseil de l’Europe.
Le Conseil de l’Europe pourrait jouer son rôle traditionnel en facilitant
ce processus, afin de rendre l’adhésion possible.
2.4. Le Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux
13. En décembre 2008, la Commission permanente du Congrès
des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a décidé
d’accorder le statut d’observateur au Conseil pour la coopération
des collectivités locales rattaché au Conseil de la République de
l’Assemblée nationale de la République du Bélarus. Ce statut permettra
à ses représentants de participer aux manifestations organisées
par le Congrès.
14. En mars 2009, lors de la première session du Congrès à laquelle
participait une délégation d’observateurs du Bélarus, Ian Micallef,
Président a.i. du Congrès, a déclaré combien il appréciait cette participation
et a annoncé qu’une table ronde serait organisée sur la conformité
de la législation du Bélarus avec la Charte européenne de l’autonomie
locale; le Congrès établira également un avis d’expert sur le projet de
loi relatif à l’autonomie locale au Bélarus
.
2.5. Le Point d’Information
sur le Conseil de l’Europe à Minsk
15. J’attends enfin l’ouverture d’un Point d’Information
sur le Conseil de l’Europe à Minsk, une initiative sur laquelle
j’ai grandement insisté lors de ma visite en 2007. Comme l’a fort
justement fait observer l’Assemblée dans sa
Recommandation 1734 (2006) sur le Bélarus à la veille de l’élection présidentielle
du 19 mars 2006, l’ouverture d’une structure d’information sur le
Conseil de l’Europe dans ce pays pourrait permettre d’établir un premier
contact avec la population et contribuer à la diffusion des valeurs
européennes.
16. En acceptant d’ouvrir un Point d’Information dans les locaux
de l’Université d’État de Minsk, les autorités du Bélarus prouvent
qu’elles sont disposées à laisser entendre à la population le discours
du Conseil de l’Europe. Je suis heureux de dire que cette occasion
a été saisie et que, grâce aux efforts de la Présidence slovaque
du Comité des Ministres, un accord en ce sens a été conclu en mai
2008. La sous-commission ad hoc qui s’est rendue à Minsk en février
2009 a pu visiter les locaux mis à disposition par l’Université
d’Etat à la Faculté de journalisme.
17. Je me félicite que le gouvernement du Bélarus ait finalement
approuvé, le 3 mars 2009, l’ouverture du Point d’Information; dorénavant,
il appartient au Conseil de l’Europe et à l’Université de régler
les aspects techniques. Le Conseil de l’Europe sélectionne actuellement
le personnel du Point d’Information dont la cérémonie d’ouverture
est prévue en juin 2009.
3. La situation de
la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme au Bélarus
18. Depuis ma visite au Bélarus en 2007, la situation
dans le pays a connu plusieurs améliorations majeures, objectives
et tangibles.
- Ces améliorations
ont trait à des domaines relevant des missions essentielles du Conseil
de l’Europe;
- elles répondent à des demandes formulées par notre Assemblée
ainsi que par l’Union européenne;
- elles s’accompagnent de déclarations concordantes de la
part des autorités, qui témoignent de leur volonté d’engager un
processus de progrès, pour un rapprochement progressif et mutuel
avec l’Europe.
3.1. Libération des
prisonniers politiques
19. Entre janvier et août 2008, neuf personnalités
de
l’opposition du Bélarus purgeant des peines de prison suite à des
accusations mensongères et à des procès à motivation politique ont
été libérées.
20. Parmi elles se trouvait Alexandre Kozouline, leader du parti
social-démocrate du Bélarus et candidat à l’élection présidentielle
de 2006, qui avait été condamné à cinq ans et demi de prison pour
hooliganisme et incitation au désordre public au cours d’une manifestation
de protestation contre le déroulement et les résultats du scrutin
présidentiel de 2006.
21. L’importance de cette libération ne doit pas être sous-estimée:
M. Kozouline est une personnalité très charismatique de l’opposition
considérée par beaucoup comme pouvant être un rival dangereux pour
le Président Loukachenko. Ce dernier aurait, en outre, des griefs
personnels contre lui. M. Kozouline a, par ailleurs, refusé, à plusieurs
reprises, de solliciter la grâce présidentielle et a finalement
été gracié sans ne l’avoir jamais demandée.
22. Ces neuf libérations ont conduit un certain nombre d’organisations
et de pays connus pour critiquer les autorités du Bélarus – dont
les États-Unis d’Amérique – à déclarer qu’il n’y avait plus de prisonniers
politiques au Bélarus.
23. L’amélioration de la situation dans ce domaine est, me semble-t-il,
une avancée décisive qui doit être prise en compte par l’Assemblée.
Elle se doit d’autant plus de réagir, si l’on considère que, malheureusement, certains
États membres du Conseil de l’Europe, en dépit de l’engagement qu’ils
ont pris lors de leur adhésion de régler le problème des prisonniers
politiques, n’y sont pas encore parvenus.
24. Cependant, les allégations formulées par des représentants
de l’opposition bélarusse, selon lesquels à l’heure actuelle, un
certain nombre de personnes qui se trouvent en détention ou sont
sujettes à d’autres formes de privation de leur liberté personnelle,
sont des prisonniers politiques, devraient être examinées avec la
plus grande attention.
A mon avis, dans le cadre d’un
dialogue avec les autorités du Bélarus, le Secrétaire Général du
Conseil de l’Europe devrait charger un groupe d’experts indépendants
d’enquêter sur ces cas et de déterminer si ces personnes sont des
prisonniers politiques, en s’appuyant sur les critères précis déjà instaurés
par le Conseil de l’Europe.
3.2. Libertés politiques
25. En ce qui concerne les libertés politiques dont jouissent,
en général, les citoyens du Bélarus, la situation est peu encourageante.
26. D’importants progrès sont à relever du côté des autorités,
tels que:
- en décembre 2008,
l’enregistrement du mouvement «Pour la
Liberté», dirigé par l’ancien candidat unique de l’opposition
aux élections présidentielles de 2006, après plusieurs tentatives
et des querelles juridiques qui ont duré plus d’un an; et
- une attitude quelque peu moins répressive à l’égard de
la tenue et du déroulement de certaines manifestations telles que
celle qui a suivi les élections parlementaires de septembre 2008.
27. Cependant, les obstacles aux activités des partis et mouvements
d’opposition et des ONG subsistent et le climat général est tel
que l’expression d’opinions politiques s’écartant de la ligne officielle
est stigmatisée, réprimée et sanctionnée non seulement par le biais
de mesures prises par les représentants du pouvoir judiciaire et
des forces de l’ordre, mais également par le biais de licenciements
et d’expulsions des universités.
28. Même s’il n’y a plus de prisonniers politiques, le harcèlement
et l’intimidation de militants de l’opposition, en particulier de
jeunes, se poursuivent par le biais de différentes mesures telles
que les perquisitions injustifiées de domiciles privés, la confiscation
illégale d’équipements, les brutalités policières au cours de manifestations
et les conscriptions forcées malgré les déclarations précédentes
d’incapacité d’effectuer un service militaire. En outre, un certain
nombre de militants politiques sont assignés à domicile et les casiers judiciaires
des prisonniers politiques libérés n’ont pas été effacés, ce qui
fait que ces personnes ne peuvent exercer pleinement certains de
leurs droits, y compris celui de se présenter aux élections.
29. Le principal obstacle à l’exercice de la liberté d’association
reste l’application des dispositions relatives à l’enregistrement
des partis politiques et des organisations. Les conditions à remplir
pour pouvoir se faire enregistrer par le ministère de la Justice
sont excessivement restrictives, ce qui fait qu’en l’absence d’enregistrement,
l’organisation en question est considérée comme étant illégale et
ses membres peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Le principal
facteur qui fait obstacle à l’enregistrement est l’obligation de
trouver des locaux pouvant servir d’adresse légale, ce qui se révèle
extrêmement difficile non seulement en raison du prix élevé des
loyers, mais aussi et surtout parce que l’écrasante majorité des
bâtiments appartient à l’Etat et que, dans tous les cas, les immeubles
d’habitation sont considérés comme inappropriés pour un tel usage. Quelques
jours seulement avant la rédaction du présent rapport, les autorités
ont une nouvelle fois refusé d’enregistrer l’organisation non gouvernementale
de droits de l’homme NachaViasna qui, depuis des années, ne
cesse d’effectuer des tentatives dans ce sens.
30. Pour ce qui est de la liberté de réunion, même si au cours
de l’année 2008, plusieurs manifestations ont pu avoir lieu sans
entraves particulières ou sans qu’elles soient suivies d’arrestations
massives, certaines ont été violemment réprimées, notamment celles
organisées par des entrepreneurs, des journalistes et des organisations
de jeunesse.
3.3. Elections
31. Les élections législatives de septembre 2008 ont
aussi suscité une vive déception, puisqu’elles n’ont pas été conformes
aux normes européennes en matière de liberté et d’équité. Bien que
l’APCE ait décidé de ne pas envoyer de mission d’observation, faute
d’avoir reçu une invitation officielle, j’ai pu me forger une opinion personnelle
en observant le scrutin en ma qualité de parlementaire italien attaché
à la mission de l’OSCE/BIDDH.
32. Il est absolument invraisemblable, me semble-t-il, que sur
110 circonscriptions électorales, aucun candidat de l’opposition
n’ait pu être élu.
33. Certaines améliorations sont effectivement à noter, dont:
- la possibilité pour des représentants
de l’opposition de siéger dans les commissions électorales;
- l’inscription comme candidats d’un nombre de représentants
de l’opposition plus élevé que les années précédentes;
- la diminution du pourcentage d’électeurs utilisant le
système de vote anticipé, qui est passé de 31,5% en 2006 à 26,2%
et l’apposition immédiate de scellés sur les urnes servant au vote
anticipé .
34. En revanche, ces améliorations perdent de leur importance,
si l’on considère que:
- les
représentants de l’opposition siégeant au sein des commissions électorales
à divers niveaux étaient très peu nombreux et n’ont joué qu’un rôle
consultatif, sans pouvoir véritablement influer sur la prise de décisions;
- la phase la plus délicate de la procédure est le décompte
des voix qui manque de transparence et durant laquelle les observateurs
internationaux ont été tenus à l’écart.
35. Malheureusement, l’évaluation globale de ces élections montre
que «l’environnement électoral au Bélarus n’a toujours pas permis
une véritable confrontation politique ni garanti l’égalité de traitement
entre les candidats de la part des autorités; que de vives inquiétudes
subsistent au sujet de droits fondamentaux, tels que la liberté
de réunion et d’expression, et de l’accès à une pluralité de points
de vue offrant aux électeurs les informations sérieuses leur permettant
de faire un choix éclairé; que le cadre législatif continue d’entraver
la tenue d’élections conformes aux engagements de l’OSCE. Les inquiétudes
suscitées par le Code électoral (CE), précédemment exprimées dans
les rapports et avis juridiques de l’OSCE/BIDDH et de la Commission pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de
l’Europe restent d’actualité»
.
36. Il convient toutefois de saluer le fait que, à la suite de
l’évaluation finale de l’OSCE/BIDDH, les autorités du Bélarus ont
accepté de travailler avec l’OSCE/BIDDH sur la réforme de la loi
et de la pratique électorales en vue d’améliorer, conformément à
leurs engagements avec l’OSCE, l’environnement dans lequel se tiennent les
élections. Une première table ronde a eu lieu à cette fin en janvier
2009.
37. J’espère que, dans le cadre d’une reprise du dialogue et surtout
dans l’hypothèse d’un rétablissement du statut d’invité spécial
du Parlement du Bélarus, l’APCE sera invitée à observer les futures
élections.
3.4. Médias
38. Il ne peut y avoir de démocratie sans liberté des
médias. Malheureusement au Bélarus, certains éléments rendent l’accès
à une information pluraliste particulièrement difficile aux citoyens
ordinaires:
- l’impression et
la distribution de publications indépendantes traitant de questions
politiques sont entravées par des obstacles d’ordre juridique et
pratique;
- en revanche, la distribution de publications officielles
ou pro-gouvernementales dans le grand public est vivement encouragée;
- de même, des ressources considérables sont investies dans
la publication de médias imprimés ou la production de programmes
TV soutenant très clairement les dirigeants du Bélarus ou présentant
les institutions et les démocraties européennes sous un jour peu
favorable;
- les cas de harcèlement de journalistes indépendants sont
fréquents, de sorte que bon nombre d’entre eux préfèrent pratiquer
l’autocensure.
39. Il serait naïf de croire que ces problèmes «endémiques» puissent
être réglés rapidement ou facilement. Cependant, la décision prise
par les autorités du Bélarus en novembre 2008 d’autoriser l’impression
et la distribution dans le pays via le réseau public de trois journaux
indépendants, Narodnaya, Nashe Niva et Ouzgorak, marque un premier pas
important dans la bonne direction.
40. De plus, également en novembre 2008, le ministère de l’information
du Bélarus en coopération avec le Représentant de l’OSCE sur la
liberté des médias et le Bureau de l’OSCE à Minsk, ont organisé
une table ronde sur la législation du Bélarus sur le média Internet.
41. Malgré ces améliorations, il reste encore beaucoup à faire
pour renforcer la liberté des médias au Bélarus et pour briser le
monopole de l’Etat en matière d’information. A cette fin, il convient,
entre autres, de prendre les mesures suivantes:
- inclure les autres publications
indépendantes restantes dans le réseau de distribution national;
- lever les obstacles qui entravent l’accréditation des
journalistes étrangers et l’enregistrement des médias étrangers,
à commencer par la chaîne par satellite BELSAT, dont la demande
d’enregistrement a été refusée le 3 mars 2009 au motif qu’elle avait
présenté un dossier inapproprié;
- s’assurer que la nouvelle loi sur les médias n’est pas
appliquée d’une manière qui porte atteinte à la liberté des médias,
notamment en ce qui concerne l’obligation de réenregistrement;
- garantir le plein respect de la liberté d’expression et
s’abstenir de prendre prétexte de la loi sur la lutte contre l’extrémisme
pour limiter ou pour mettre fin aux activités des publications indépendantes,
comme cela a été le cas pour le magazine culturel Arche, dont la publication a été
suspendue de façon temporaire en février 2009.
3.5. Peine capitale
42. Bien que le recours à la peine capitale ait été limité
à quelques cas de crimes particulièrement graves, jusqu’à il y a
peu des sentences de mort continuaient d’être prononcées et des
condamnés d’être exécutés, à raison de quatre ou cinq par an en
moyenne, la dernière exécution remontant à février 2008. Pour que
les choses soient claires, je précise, qu’à ma connaissance, la
peine capitale n’a jamais été infligée à des prisonniers politiques,
mais uniquement à des personnes condamnées pour des crimes particulièrement graves
et atroces.
43. Lorsque je me suis rendu à Minsk en 2007, ainsi que durant
la récente visite de la sous-commission ad hoc de la commission
des questions politiques, nous avons abordé la question de la peine
capitale avec plusieurs responsables, dont les plus hautes autorités
judiciaires, ainsi qu’avec d’autres spécialistes et des ONGs. Les
autorités du Bélarus avaient alors souligné que, comme le montre
le référendum organisé en 1996 au cours duquel les électeurs s’étaient
prononcés en faveur du maintien de la peine capitale, l’opinion
publique du Bélarus n’était pas prête à accepter l’abolition de
la peine de mort. D’autre part, l’introduction de la peine capitale
dans la Constitution est envisagée comme une mesure temporaire,
susceptible d’être abolie le moment venu et aucune contrainte juridique
n’empêche le Président ou le Parlement de décréter un moratoire sur
les exécutions.
44. En avril 2008, j’ai lancé un appel public au Parlement du
Bélarus pour demander à son Président de prendre l’initiative de
l’adoption d’un moratoire sur les exécutions, à titre d’étape intermédiaire
vers l’abolition de la peine de mort. Cet appel a été publié dans
le journal
Narodnaya Gazeta .
Tout en saluant le fait que, depuis ma lettre ouverte, aucune exécution
capitale n’ait eu lieu et qu’aucune sentence capitale n’ait été prononçée,
je regrette qu’à ce jour, en dépit des quelques discussions tenues
par les Iégislateurs du Bélarus, aucune suite législative n’ait
été donnée à ma proposition. J’espère toutefois que, dans le contexte
du renforcement du dialogue avec les autorités, le parlement actuel
retiendra cette idée. L’adoption d’un moratoire est selon moi, un
objectif accessible qui permettrait au Bélarus de se rapprocher
des valeurs et normes du Conseil de l’Europe. Cela donnerait aussi
un signal clair que, même si en ce moment il y a un moratoire de
fait, les autorités sont prêtes à introduire un changement formel
dans la législation.
4. L’opposition
45. En dépit de sa participation aux élections législatives
de 2008, l’opposition démocratique au Bélarus n’est qu’extraparlementaire.
46. Elle se compose d’une multitude de partis et groupes politiques,
de l’extrême gauche à l’extrême droite. La plupart de ceux-ci sont
toutefois unis et rassemblés au sein des Forces démocratiques unifiées
du Bélarus (FDU), un groupement qui est parvenu à présenter aux
élections présidentielles de 2006 un candidat unique, M. Alexandre
Milinkevitch.
47. Cela étant, bien qu’elles s’attachent à préserver leur unité,
les Forces démocratiques unifiées n’ont pas de chef unique ou de
leader charismatique et les membres sont divisés sur de nombreuses
questions politiques, excepté leur opposition commune au pouvoir
en place
. Les désaccords sont
fréquents sur des questions stratégiques, par exemple, sur la participation
aux élections ou sur leur boycott ou sur l’engagement ou non d’un
dialogue avec les autorités – et à quel niveau.
48. Au cours des dernières années, les Forces démocratiques unifiées
ont adopté plusieurs documents programmatiques, dont un projet de
constitution parallèle pour le Bélarus et de plate-forme économique.
Après les élections de 2008, elles sont convenues d’un certain nombre
de mesures, «les priorités des FDU pour réformer la législation
et démocratiser le pays au cours des six prochains mois», portant
sur la législation électorale, la liberté d’expression et la liberté
des médias, les libertés politiques et la liberté d’action des ONG.
49. Outre les FDU, il existe un certain nombre de partis et de
groupes politiques tels que le mouvement Pour la
liberté! et le Parti chrétien démocrate, qui comptent
dans leurs rangs des dirigeants politiques connus et réputés et
qui reflètent assurément les points de vue et représentent les intérêts
de la population du Bélarus.
50. Personnellement, j’admire le courage et la détermination dont
font preuve les représentants de l’opposition du Bélarus dans le
combat qu’ils mènent dans des conditions extrêmement difficiles.
La réussite du processus de démocratisation au Bélarus dépend, me
semble-t-il, dans une large mesure du renforcement de l’opposition
démocratique, de son unité, de sa vision commune, de sa stratégie
et de ses actions, en un mot, de sa crédibilité en tant que force
politique aux yeux du peuple du Bélarus.
51. Je pense qu’à ce stade, l’opposition au Bélarus doit principalement
s’attacher à obtenir un large soutien de la population du Bélarus,
car elle ne touche à ce jour qu’un public limité. Cela peut s’expliquer
en partie par la mainmise des autorités sur les médias et la manipulation
des résultats électoraux, comme l’affirme l’opposition. A mon sens,
toutefois, cela est également dû aux erreurs stratégiques commises
par l’opposition elle-même ainsi qu’à ses propres limites liées
à son stade actuel de développement.
52. L’opposition démocratique doit redoubler d’efforts:
- pour dépasser ses divisions
internes;
- pour moderniser le fonctionnement de ses partis politiques
et envisager d’en moderniser les structures et la direction pour
gagner en crédibilité et en visibilité;
- pour énoncer un message clair, fixer des objectifs précis,
concrets et accessibles et accroître la visibilité de la direction;
- pour ne pas perdre de vue les besoins, les aspirations
et les doléances de la population et leur donner une expression
politique: certains des documents programmatiques de l’opposition
sont trop ambitieux et trop théoriques pour le citoyen moyen du
Bélarus qui, même s’il y avait accès, ne comprendrait pas en quoi
ces documents pourraient améliorer sa vie;
- pour accepter les changements que le monde des affaires
serait susceptible d’apporter;
- pour élaborer une stratégie de dialogue avec la classe
dirigeante.
53. S’agissant de ce dernier point, l’opposition a tenté, avant
les élections, d’engager un dialogue avec les autorités sans toutefois
susciter de réaction positive de leur part. Après ces dernières,
toutefois, un certain nombre de Conseils consultatifs ont été mis
en place sous l’égide de l’administration présidentielle et d’autres organes
de l’Etat, en vue de traiter différentes questions allant des droits
de l’homme aux médias ou aux questions sociales. Des représentants
de la société civile, des ONG, des experts et des dirigeants de l’opposition
ont été invités à y siéger, à titre personnel. J’espère que cette
occasion d’engager un dialogue constructif sera mise à profit et
que les autorités tiendront compte du résultat des discussions qui
se tiennent au sein des Conseils consultatifs.
5. La nouvelle stratégie
de dialogue de l’Union européenne
54. Encouragée par les mesures positives prises par les
autorités du Bélarus dans un certain nombre de domaines, l’Union
européenne a récemment décidé de rétablir les contacts avec celles-ci,
qui s’étaient raréfiés depuis novembre 2004
.
Elle a entrepris une normalisation progressive des relations avec
les autorités, tout en continuant de soutenir les forces démocratiques
d’opposition, les ONG et la société civile
.
55. La première démonstration de la volonté de l’Union européenne
d’engager avec les dirigeants du Bélarus un processus progressif
sur la base de la réciprocité a été la suspension de l’interdiction
de visa à l’encontre d’un certain nombre de hauts responsables du
Bélarus, dont le Président Loukachenko, pour une période renouvelable
de six mois
.
La mesure de suspension a d’ailleurs été récemment reconduite pour
neuf mois, jusqu’à décembre 2009.
56. Le fait que le Parlement européen, qui a toujours critiqué
sans détours la situation au Bélarus et ses dirigeants, ait également
soutenu à une large majorité la décision du Conseil du l’Union européenne
est révélateur de l’unité de vues des institutions de l’Union européenne
au sujet de la nouvelle stratégie envers ce pays
.
57. De même, en réaction aux mesures positives prises par le Bélarus
et conformément à la nouvelle stratégie de l’Organisation, la Commission
européenne a engagé un dialogue suivi avec le Bélarus dans des domaines
tels que l’énergie, l’environnement, les questions douanières, les
transports et la sécurité alimentaire et confirmé qu’elle était
prête à étendre le champ de ces activités de coopération technique.
Elle étudie par ailleurs les moyens d’adapter des instruments tels
que la Politique européenne de voisinage et le nouveau programme
de «Partenariat oriental» à la situation spécifique du Bélarus.
Le Bureau de la délégation de la Commission européenne à Minsk,
ouvert en mars 2008, sera très utile à cet égard.
58. La volonté de l’Union européenne de normaliser les relations
avec le Bélarus, qui peut être un partenaire stratégique et économique
clé pour l’Europe, a été concrétisée par la visite à Minsk de Javier
Solana et par la réunion qu’il a tenue avec le Président Lukachenko
le 19 février 2009.
59. Le Bélarus est, également, l’un des six pays qui participeront
au Partenariat oriental, un nouvel instrument visant à renforcer
la coopération politique et économique entre l’Union européenne
et ses voisins d’Europe orientale et du Caucase, en vue de favoriser
leur stabilité et de soutenir leurs réformes en faveur de la démocratie
et de l’économie de marché. Le niveau de participation du Bélarus
dépendra de l’évolution générale de ses relations avec l’UE. Dans
ce contexte, le Bélarus a participé au Sommet du Partenariat oriental qui
s’est tenu à Prague le 7 mai 2009. L’Union européenne a également
l’intention d’établir un Dialogue sur les Droits de l’Homme avec
le Bélarus.
60. Le rôle dominant que l’Union européenne va maintenant assumer
aussi en ce qui concerne la promotion des standards en matière de
démocratie et de droits de l’homme, offre également de nouvelles
opportunités d’action aussi au Conseil de l’Europe: la compétence
de notre Organisation pourrait être précieuse dans le cadre du Partenariat
oriental, notamment dans sa dimension multilatérale.
61. Désormais la balle est dans le camp du Bélarus: l’Union européenne
a besoin de constater d’autres progrès tangibles, afin de poursuivre
en toute confiance la voie qu’elle a décidé de suivre avec la suspension de
l’interdiction de visa. En particulier, ce progrès devrait être
irréversible et garanti dans la législation ou dans des changements
du système.
62. Selon le Parlement européen, pour améliorer significativement
les relations avec l’Union européenne, le Bélarus doit:
- rester un pays sans prisonniers
politiques,
- garantir la liberté d’expression des médias,
- continuer à coopérer avec l’OSCE sur la réforme de la
loi électorale,
- améliorer les conditions de travail des ONG, et
- garantir la liberté de réunion et d’association politique.
63. Avec ce changement de politique, l’Union européenne rejoint
l’OSCE, qui a toujours été pour une stratégie de dialogue avec les
autorités du Bélarus. Le Bélarus est membre de l’OSCE depuis 1992.
Les relations entre l’OSCE et le Bélarus ont parfois été tendues,
en raison des critiques sans détours formulées par l’Organisation
concernant la situation du pays. Cependant, le dialogue n’a jamais
été rompu: l’OSCE dispose d’un bureau à Minsk qui joue un rôle essentiel
dans la fourniture d’informations de première main sur la situation
au Bélarus. Par ailleurs, des députés du Bélarus siègent à l’Assemblée
parlementaire de l’OSCE. A l’heure actuelle, la coopération bilatérale
entre l’OSCE et le Bélarus s’est intensifiée, notamment au sujet
de la réforme électorale, et les représentants de l’OSCE se disent
satisfait par la disponibilité montrée par les autorités.
64. Je suis convaincu qu’en restaurant ses relations avec les
autorités du Bélarus l’Union européenne a pris une sage décision
et j’espère que l’Assemblée suivra une orientation similaire.
6. Pourquoi le dialogue
avec les autorités est-il nécessaire?
65. Le Bélarus est le seul pays européen qui n’ait pas
opéré de transition vers des institutions démocratiques, le pluralisme
politique et l’économie de marché: il s’est brièvement engagé dans
cette voie lorsqu’il est devenu indépendant en 1990, pour revenir
ensuite à une économie contrôlée par l’Etat et à un système de pouvoir
centré sur la personne du Président après l’accession à la présidence
d’Alexandre Loukachenko en 1994, à l’issue d’élections libres.
66. Cette spécificité s’observe également dans la société: en
ce qui concerne la conscience politique de la population et le niveau
de développement de la société, le Bélarus n’est comparable à aucun
autre pays européen, même issu de l’Union soviétique. Selon les
résultats d’enquêtes et études menées par des observateurs et des
centres de recherche indépendants, le Bélarus se caractérise objectivement
par une apathie politique généralisée de la population dans son
ensemble – qui explique pour partie son soutien au régime en place
– et la faiblesse d’une opposition pâtissant quant à elle de l’absence
de soutien.
67. La situation particulière du Bélarus ne saurait excuser les
politiques non démocratiques et les violations des droits de l’homme.
Il faut cependant en tenir compte lors de l’élaboration d’une stratégie
visant à promouvoir le développement de la démocratie et le respect
des droits de l’homme dans ce pays.
68. Ces dernières années, les activités du Conseil de l’Europe
ont essentiellement consisté à soutenir les forces démocratiques
d’opposition, les ONG et la société civile. Cette stratégie n’a
toutefois donné que de minces résultats, car ces groupes sont complètement
exclus du régime actuel et ne reçoivent qu’un soutien limité de
la population et n’ont donc guère d’influence réelle sur la situation.
69. Le Conseil de l’Europe doit continuer à apporter son soutien
aux forces démocratiques et encourager leur développement et leur
modernisation. Les groupes politiques de l’APCE doivent, pour leur
part, jouer un rôle plus important dans ce domaine; ils ont été
encouragés à le faire, mais – à l’exception notable de quelques-uns
– ils ne l’ont pas fait ou ne l’ont pas fait systématiquement. De
plus, bien que ce soit indispensable, il ne suffit pas de faire
participer les forces d’opposition du Bélarus aux discussions concernant
leur pays: elles doivent grandir politiquement, développer des structures
et des programmes solides et parfaitement adaptés à leur électorat
potentiel, elles ont besoin d’être au fait et de participer aux
principaux débats politiques qui se tiennent en Europe.
70. Cependant, c’est faire preuve d’optimisme, pour ne pas dire
manquer de réalisme, que de croire que le processus de démocratisation
au Bélarus pourrait être mené exclusivement par l’opposition.
71. Compte tenu de la spécificité du pays, il est nécessaire d’amorcer
un dialogue avec la classe dirigeante afin de pouvoir entrer en
contact avec la population et de faire mieux connaître les valeurs
démocratiques, notamment parmi la jeune génération. Par ailleurs,
la classe dirigeante du Bélarus ne se réclame pas d’une «pensée
unique»: beaucoup de membres de l’élite politique
sont ou pourraient être réceptifs au message du Conseil de l’Europe
et c’est précisément parce qu’elles font partie du pouvoir en place
qu’elles pourraient influer sur la situation du pays.
72. Au cours de mes visites à Minsk, les autorités du Bélarus
m’ont assuré de leur volonté d’engager un dialogue progressif avec
notre Organisation et son Assemblée. Il m’a été dit qu’elles se
rendent parfaitement compte que, dans ce processus, le Bélarus devra
prendre des mesures convaincantes pour se rapprocher des normes
du Conseil de l’Europe, dans les domaines de compétence de notre
Organisation. Elles y sont disposées, à condition que le Conseil
de l’Europe accepte également d’engager avec elles un dialogue progressif.
De la même manière, elles sont prêtes à accepter les critiques,
à condition qu’elles soient formulées dans le cadre d’un dialogue.
73. Cette position a été confirmée à plusieurs reprises par les
parlementaires et les représentants diplomatiques du Bélarus qui
se sont exprimés lors des discussions sur le Bélarus au sein de
la commission des questions politiques de l’APCE.
74. De plus, la démission récente du ministre de l’Intérieur,
M. Vladimir Naumov, doit être considérée dans le contexte des remaniements
qui ont écarté du pouvoir toutes les personnalités proches du Président Lukachenko
au début de la décennie, qui, d’après les organisations européennes,
avaient participé à l’élaboration et à l’application des politiques
les plus répressives du régime.
7. Conclusions
75. Le statut d’invité spécial a été instauré par l’Assemblée
en 1989 pour forger des liens plus étroits avec les parlements d’Europe
centrale et orientale et aider ces pays à remplir les conditions
requises pour devenir membres du Conseil de l’Europe. Aux termes
du Règlement de l’Assemblée, le Bureau peut octroyer le statut d’invité
spécial au parlement d’un État non membre, à condition que l’État
concerné remplisse quatre critères:
- être européen;
- avoir signé l’Acte final d’Helsinki du 1er août 1975 et
la Charte de Paris pour une nouvelle Europe du 21 novembre 1990;
- avoir accepté les autres instruments adoptés au cours
des conférences de l’OSCE;
- avoir signé et ratifié les deux Pactes des Nations Unies
du 16 décembre 1996 relatifs aux droits civils et politiques et
aux droits économiques, sociaux et culturels.
76. Le statut d’invité spécial du parlement du Bélarus a été suspendu
il y a plus de douze ans. A présent, il est temps pour l’Assemblée
de procéder à une évaluation honnête de la situation au Bélarus
et de l’efficacité de sa politique:
- la pratique d’isolement des autorités et le soutien à
l’opposition démocratique n’ont pas permis de faire progresser la
démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit au Bélarus;
- au cours des derniers mois et comme jamais auparavant,
les autorités du Bélarus au plus haut niveau ont donné des signes
tangibles de leur volonté de se rapprocher de l’Europe et ont répondu
positivement à toute une série de demandes formulées par les Institutions
européennes, dont l’Assemblée;
- l’avancée la plus significative est le fait que plus aucun
prisonnier politique au sens où l’entend la communauté internationale
ne soit incarcéré au Bélarus depuis août 2008; les autorités se
sont engagées à ne pas faire marche arrière sur cette question;
- des progrès ont également été réalisés dans le domaine
des médias, avec la publication de trois grands journaux indépendants
et leur distribution via le réseau national de distribution;
- des améliorations sont observées également dans les domaines
de la liberté d’association et de la liberté de réunion ainsi qu’en
ce qui concerne la volonté des autorités d’engager le dialogue avec
la société civile.
77. Parallèlement, l’Assemblée doit comparer son attitude envers
le Bélarus à celle qu’elle avait adoptée à l’égard d’autres pays:
- parmi les États membres du Conseil
de l’Europe, certains pays détiennent encore des prisonniers politiques,
entravent l’exercice de la liberté d’association et de la liberté
de réunion, et organisent des élections ne répondant pas aux normes
européennes; et
- l’Assemblée établit –patiemment- des contacts avec ces
pays et tente de relever leurs normes en matière de démocratie,
de droits de l’homme et d’État de droit, par le biais du dialogue
et de la procédure de suivi.
78. Enfin, l’Assemblée doit garder à l’esprit que les deux autres
Organisations européennes dont elle partage les valeurs – l’Union
européenne et l’OSCE – ont abandonné ou n’ont jamais mis en œuvre
une politique d’isolement. Une position commune de ces organisations
ne peut qu’avoir un impact plus fort sur les autorités du Bélarus.
8. Principales
recommandations
8.1. Relations avec
les autorités du Bélarus
79. A la lumière de ces considérations et par souci de
cohérence des politiques de l’Assemblée, je n’hésite pas à proposer
que l’Assemblée rétablisse un dialogue structuré et formel avec
les autorités du Bélarus.
80. Il me semble que le rétablissement du statut d’invité spécial
du Parlement du Bélarus constitue le meilleur moyen de reprendre
le dialogue. Cette mesure permettrait aux parlementaires du Bélarus
d’assister aux sessions de l’Assemblée ainsi qu’aux réunions de
commissions, lors desquelles ils auraient le droit de participer
aux débats sans toutefois être autorisés à prendre part aux votes.
81. De plus, le rétablissement du statut d’invité spécial permettrait
au Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation, d’étendre ses activités
au Bélarus, notamment dans les domaines essentiels de la démocratie,
des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
82. Bien que cette décision relève du Bureau, qui peut l’adopter
à la majorité des deux tiers, il me semble que l’Assemblée devrait
faire sentir son poids politique derrière cette mesure. Il s’agit
en effet d’une décision courageuse, mais aussi nécessaire si l’Assemblée
veut jouer un rôle et influer sur la situation au Bélarus.
83. De leur côté, les dirigeants du Bélarus doivent prendre conscience
du fait que le rétablissement du statut d’invité spécial constitue
un point de départ plutôt qu’une destination finale: il marque le
début d’un dialogue plus étroit qui ne pourra se poursuivre que
grâce aux progrès et aux améliorations qui interviendront dans les domaines
de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l’homme,
et à la condition que les responsables soient prêts à accepter des
critiques constructives dans un esprit de coopération et d’ouverture.
84. C’est pourquoi, après le rétablissement du statut d’invité
spécial, l’Assemblée devrait continuer à suivre la situation au
Bélarus pour savoir si les progrès enregistrés et l’attitude adoptée
permettent d’avancer sur la voie d’un dialogue structuré.
85. Par conséquent, dans un an au plus tard, le Bureau devrait,
en tenant compte de l’avis de la commission des questions politiques,
être invité à évaluer si les autorités du Bélarus ont accompli des
progrès tangibles et irréversibles vers le respect des normes du
Conseil de l’Europe, indiquant leur détermination à faire leurs
ses valeurs, et à examiner les nouvelles mesures à prendre. Dans
son évaluation, le Bureau devra accorder une attention particulière
aux développements intervenus dans les domaines suivants:
- prisonniers politiques,
- droit et pratique électorales,
- libertés d’association et de réunion,
- liberté des médias et
- peine de mort.
86. Dans ce contexte, les activités de la sous-commission sur
le Bélarus devraient être orientées pour soutenir le rapporteur
sur la situation au Bélarus dans l’évaluation de la situation dans
le pays, par le biais de l’organisation de visites sur le terrain
et d’échanges de vues avec la participation d’invités du Bélarus.
8.2. Soutien de l’opposition
démocratique, des ONG et de la société civile
87. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée doivent non
seulement poursuivre, mais aussi développer leurs contacts avec
l’opposition démocratique du Bélarus et leur soutien au renforcement
de la société civile et des ONGs au Bélarus.
88. En vue, notamment, d’associer plus étroitement ces groupes
aux travaux de l’Assemblée et de garantir qu’une grande variété
de points de vue seront pris en compte, une délégation de l’opposition extraparlementaire
du Bélarus devrait être invitée à toutes les sessions de l’Assemblée
ainsi qu’à toutes les réunions de commissions à l’ordre du jour
desquelles sera inscrite la question du Bélarus.
89. Cette invitation aurait une grande portée politique, car pour
la première fois des personnes n’exerçant aucun mandat parlementaire
seraient très étroitement et systématiquement associées aux activités
de l’Assemblée. On peut espérer que cette initiative atténuerait
par ailleurs les craintes de certains groupes d’opposition qui redoutent
d’être marginalisés dans le cadre de la reprise du dialogue entre
les organisations européennes et les dirigeants du Bélarus, dans
la mesure où elle soulignerait que les forces démocratiques doivent
demeurer des interlocuteurs incontournables pour l’Assemblée.
8.3. Coopération avec
les autres organisations européennes
90. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée doivent renforcer
leur coopération avec les organes et institutions appropriés de
l’Union européenne et de l’OSCE afin d’améliorer les normes de démocratie,
de droits de l’homme et de primauté du droit au Bélarus. L’Assemblée
doit poursuivre sa coopération avec le Parlement européen et l’Assemblée
parlementaire de l’OSCE, notamment via la Troïka parlementaire sur
le Bélarus. L’organisation d’activités conjointes et la formulation
de recommandations et de déclarations communes doivent être vivement
encouragées.
***
Commission chargée du rapport: Commission
des questions politiques
Renvoi en commission: Décision
du Bureau de l’Assemblée du 17.12.98, Dir. 562 (2000), Doc 8544,
Renvoi 2444, 04.11.99, Rés. 1306 (2002)
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité le 26 mai 2009
Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David
Wilshire (Vice-Président) remplaçant: M. Nigel Evans), M. Björn Von Sydow (Vice-Président),
Mme Kristina Ojuland (Vice-Présidente), Mme Fátima Aburto Baselga
(remplaçant: M. Pedro Agramunt),
M. Françis Agius (remplaçant: M. Joseph Debono
Grech), M. Alexandre Babakov, M. Viorel Badea, M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Andris
Bērzinš, Mme Gudfinna Bjarnadottir, M. Pedrag Boškovic, M. Luc Van
den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, M. Titus Corlătean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, M. Dumitru
Diacov, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Joan Albert Farré
Santuré, M. Piero Fassino (remplaçant: M. Andrea Rigoni), M. Per-Kristian Foss, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto,
M. Marco Gatti, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hancock, M. Davit Harutiunyan,
M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński,
M. Bakir Izetbegović, M. Michael Aastrup Jensen, Mr Miloš Jevtić, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov, M. Konstantion
Kosachev, M. Jean-Pierre Kucheida,
Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński, M. Juan Fernando López
Aguilar, M. Younal Loutfi, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty, M. Frano
Matušić, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova,
M. Aydin Mirzazada, M. Joāo Bosco MotaAmaral, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nemcova, M. Zsolt Németh, M. Fritz
Neugebauer, M. Hryhoriy Omelchenko,
M. Theodoros Pangalos, M. Aristotelis Pavlidis, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides,
M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin),
M. Gabino Puche, M. Ilir
Rusmali, M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt,
M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke,
Lord Tomlinson (remplaçant: M. Denis MacShane),
M. Petré Tsiskarishvili, M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov, M. José
Vera Jardim, M. Luigi Vitali,
M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm (remplaçant: M. Albrect Konečný), M. Boris Zala, M. Emanuelis
Zingeris.
Ex-officio: MM. Mátyás
Eörsi, Tiny Kox
N.B.:Les noms des membres
qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras
Secrétariat de la commission:
Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner, Mme Alleon