1. Introduction
1. L’union d’état de Serbie-Monténégro
a adhéré au Conseil de l’Europe le 3 avril 2003. En tant que successeur
de l’union d’état de Serbie-Monténégro, la Serbie a maintenu son
adhésion au Conseil de l’Europe. Conformément à l’
Avis no 239 (2002) de l’Assemblée parlementaire sur la demande d’adhésion
de la République fédérale de Yougoslavie au Conseil de l’Europe,
le pays a contracté un certain nombre d’engagements spécifiques
en sus des obligations générales entraînées par l’adhésion à l’Organisation.
La procédure de suivi a été ouverte et un premier bilan de la mise
en œuvre des obligations et engagements a été effectué dans la
Résolution 1397 (2004) de l’Assemblée parlementaire sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Serbie-Monténégro.
2. Au cours des deux années suivantes, les corapporteurs se sont
rendus deux fois en Serbie, du 17 au 20 avril 2005 pour une mission
d’étude portant particulièrement sur la situation des minorités
nationales et sur certains aspects du fonctionnement des institutions
de l’union d’état de Serbie-Monténégro, et du 8 au 11 avril 2006
pour une mission d’étude concernant la préparation du référendum
sur l’indépendance du Monténégro.
3. Plusieurs événements sont intervenus depuis lors: les plus
importants sont le référendum sur l’indépendance qui a eu lieu au
Monténégro le 21 mai 2006 et l’adoption par l’Assemblée nationale
du Monténégro de la Déclaration d’indépendance le 3 juin 2006, qui
a ensuite conduit à la dissolution de l’union d’état de Serbie-Monténégro.
4. A la lumière de ces évolutions, l’Assemblée, dans sa
Résolution 1514 (2006), a chargé la commission de suivi «de revoir et de redéfinir
les engagements initiaux de l’union d’état de Serbie-Monténégro,
de les rendre applicables à la République de Serbie». La commission
de suivi a désigné Charles Goerens (Luxembourg, ADLE) et Andreas
Gross (Suisse, SOC) comme corapporteurs de cette mission. Les corapporteurs
se sont rendus trois fois en Serbie pour préparer le présent rapport,
du 3 au 5 septembre 2007 (Belgrade), du 26 au 28 novembre 2007 (Belgrade
et Vojvodine) et les 1er et 2 septembre 2008 (Belgrade).
5. Un avant-projet de rapport sur le respect des obligations
et engagements par la Serbie a été présenté à la commission de suivi
le 18 décembre 2007. Le rapport a ensuite été transmis aux autorités
serbes qui devaient y apporter leurs commentaires dans un délai
de trois mois. Après avoir tenu compte des commentaires des autorités,
les corapporteurs ont établi un projet de rapport que la commission
de suivi devait adopter le 18 mars 2008 en vue d’un débat à l’Assemblée
à la partie de session d’avril 2008. Cependant, après la crise gouvernementale
et la dissolution de l’Assemblée nationale de Serbie le 10 mars
2008, le Bureau de l’Assemblée a décidé de reporter le débat sur
le respect des obligations et engagements de la Serbie après les
élections législatives anticipées. Dans ce contexte, à la demande
des corapporteurs, la commission de suivi a rendu public le projet
de rapport des corapporteurs le 18 mars 2008. Le présent projet
est une version actualisée de ce dernier.
2. Evolution de la situation
politique depuis l’adoption de la Résolution 1514 (2006) de l’Assemblée
2.1. Elections législatives de
janvier 2007 et formation du gouvernement
6. Ces dix-huit derniers mois,
la vie politique serbe a connu des évolutions importantes. Après
l’adoption de la nouvelle Constitution par l’Assemblée nationale
de Serbie le 30 septembre 2006, entérinée par le référendum des
28 et 29 octobre 2006, le parlement a promulgué le 10 novembre 2006
une loi constitutionnelle sur la mise en œuvre de la Constitution
de la République de Serbie. Entre autres choses, cette loi constitutionnelle
ouvrait la voie à la tenue d’élections législatives générales, à
l’élection du Président de la République et à l’élection des membres
de l’Assemblée de la province autonome de Vojvodine et des conseils municipaux.
7. Les élections législatives ont eu lieu le 21 janvier 2007.
Comme ce fut le cas lors des élections précédentes, le Parti radical
serbe (SRS) a obtenu le plus fort pourcentage de voix, gagnant 81
sièges sur un total de 250 (juste un siège de moins que dans la
précédente législature). Le Parti démocratique (DS) du président
Boris Tadic a considérablement amélioré sa position et obtenu 60
sièges (contre 37 dans la législature précédente). Le parti démocratique
de Serbie (DSS) a obtenu 33 sièges (contre 53 dans la législature
précédente) et G17+ a obtenu 19 sièges (contre 34 dans la législature
précédente). Les 57 sièges restants ont été répartis entre le Parti
socialiste de Serbie (SPS, 14 sièges), Nouvelle Serbie (NS, 10 sièges), le
Parti libéral démocratique (6 sièges), la Ligue des sociaux-démocrates
de Vojvodine (4 sièges), l’Alliance des Hongrois de Vojvodine, l’Alliance
civique et le Parti démocratique du Sandžak (9 sièges), le Parti démocratique
serbe du renouveau et Serbie unie (4 sièges) et l’Union sociale
démocrate (1 siège). L’Union des Roms de Serbie, le Parti rom, le
Parti démocrate-chrétien de Serbie, l’Alliance démocratique des
Croates de Vojvodine, le Parti démocratique bosniaque du Sandjak,
le Parti de l’action démocratique, le Mouvement des anciens combattants
de Serbie, le Parti social libéral de Serbie et les listes «sans
parti» ont obtenu 1 siège chacun
.
8. Aucun parti représenté à l’Assemblée nationale n’a obtenu
une majorité suffisante pour pouvoir désigner à lui seul le gouvernement.
La formation de coalitions est donc devenue une nécessité. Des pourparlers
longs et difficiles ont été engagés à cette fin. Immédiatement après
la confirmation des résultats électoraux, le président Tadic a ouvert
des consultations afin de constituer un «Bloc démocratique» comprenant
le DS, le DSS et le G17+. Lors de ces pourparlers, le G17+ cherchait
principalement à s’assurer le contrôle des principaux ministères
économiques; le DS ambitionnait d’obtenir le poste de Premier ministre
et les ministères compétents en matière d’intégration européenne,
tandis que la plate-forme mise en avant par le DSS était axée en
priorité sur le statut du Kosovo
.
9. Dans l’intervalle, l’ancien gouvernement a continué à assurer
la gestion quotidienne du pays. Comme la législature précédente
n’avait pas approuvé de budget pour 2007, le gouvernement a adopté
un décret de financement intérimaire valable pour trois mois (janvier
à mars 2007) qui a ensuite été prorogé jusqu’en juin 2007. Aucune
activité législative n’a pu avoir lieu pendant cette période, ce
qui a retardé l’élaboration de la législation requise par la loi
constitutionnelle.
10. Le 7 mai 2007, huit jours seulement avant l’expiration du
délai prévu pour la formation d’un gouvernement, le parlement a
ouvert la discussion sur l’élection du chef adjoint du Parti radical
serbe, M. Tomislav Nikolić, à la présidence du parlement. Le DSS/NS,
le SPS et le SRS ont unanimement soutenu l’élection de Nikolić,
formant ainsi une coalition majoritaire de 145 députés (sur un total
de 250). Dans ces conditions, le président Tadic a été contraint
de demander à la coalition nouvellement formée de proposer dès que
possible un candidat au poste de Premier ministre afin de respecter
le délai prévu par la Constitution
. Entre-temps,
le 9 mai 2007, le nouveau président du parlement, Tomislav Nikolić,
a évoqué en termes vigoureux la possibilité de déclarer l’état d’urgence
au cas où le Kosovo deviendrait indépendant
. On notera cependant
qu’il est revenu sur cette déclaration le jour suivant, en indiquant
que cette éventualité était seulement «théorique»
.
Ces soubresauts inquiétants ont sans doute incité le DS, le DSS/NS
et le G17+ à finaliser un accord sur la composition du futur cabinet.
Tomislav Nikolić a démissionné de la présidence du parlement le
13 mai et, après deux jours de débat, le nouveau gouvernement a
été approuvé par le parlement une demi-heure seulement avant l’expiration
du délai prévu par la Constitution.
11. Sous la conduite du Premier ministre Koštunica, du DSS, le
gouvernement était constitué de façon assez équilibrée. Le DS détenait
la plupart des ministères importants, notamment le ministère des
Finances, le ministère de la Défense, le ministère des Affaires
étrangères, le ministère de la Justice, le ministère de l’Administration
publique et de l’Autonomie locale, ainsi que le poste de Vice-Premier
ministre pour l’intégration européenne. Le DSS gardait sous son
contrôle le ministère de l’Intérieur, le ministère du Commerce,
le ministère de l’Education et le ministère du Kosovo-Metohija.
Le G17+ dirigeait le ministère de l’Economie et du Développement
régional, le ministère de la Santé, le ministère des Sports ainsi
que le ministère des Sciences.
12. Un accord a été obtenu sur le partage de la fonction de chef
de l’Agence de l’information et de sécurité (services de sécurité)
entre le DS et le DSS, mais le directeur en fonction de l’agence,
Rade Bulatović (apparemment fidèle au DSS) a conservé son poste.
13. Lors de nos visites de septembre et novembre 2007, nous avons
pu rencontrer presque tous les ministres importants, y compris le
Premier ministre Koštunica et le Vice-Premier ministre chargé de
l’intégration européenne, Delic. L’enthousiasme et l’engagement
personnel manifestés par les ministres du Parti démocratique, notamment
le Vice-Premier ministre, M. Delic, le ministre de la Justice, M. Petrović,
et le ministre des Affaires étrangères, M. Jeremić, nous ont laissé
une impression nettement favorable. Les aspirations démocratiques
et européennes de ces hommes politiques jeunes et très compétents,
qui sont fortes et authentiques, méritent tout particulièrement
d’être notées. Les discussions que nous avons eues avec les membres
du gouvernement appartenant au DSS, bien qu’un peu moins chaleureuses
et de caractère plus technique, nous ont laissé une impression généralement
positive. La réunion avec le Premier ministre Koštunica était ouverte
et constructive.
14. Nous avons noté que les premiers résultats obtenus par le
gouvernement nouvellement formé étaient encourageants: nous saluons,
en particulier, la reprise des négociations au sujet de l’Accord
de stabilisation et d’association ainsi que l’amélioration de la
coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY). Nous nous réjouissons également de la ratification de l’Accord
de libre-échange centre-européen (ALECE) et de la ratification de
la Charte européenne de l’autonomie locale, l’une des conventions du
Conseil de l’Europe qui avaient été signées – mais non ratifiées
– par l’union d’état avant sa dissolution. Enfin, comme nous le
verrons plus tard dans ce rapport, nous accueillons favorablement
le lancement de la rédaction de plusieurs lois-cadres essentielles
en matière de réforme du système judiciaire et du parquet.
15. Cela étant, peu après sa formation, le gouvernement a été
confronté à des difficultés politiques, concernant en premier lieu
les négociations sur le statut du Kosovo et l’organisation des élections présidentielles
et locales. Nous regrettons que le débat politique sur ces questions
entre les différentes forces politiques formant la coalition ait
empêché le gouvernement d’achever son programme de réformes et ait finalement
conduit à une crise gouvernementale et à la dissolution de l’Assemblée
nationale.
2.2. Négociations sur le statut
futur du Kosovo
16. La question du statut du Kosovo
domine l’agenda politique en Serbie depuis deux années. L’adoption de
la nouvelle Constitution, qui indique dans son préambule que «la
province du Kosovo-Metohija est partie intégrante du territoire
de la Serbie» et dispose que «l’autonomie substantielle de la province
autonome (…) sera régie par une loi spéciale adoptée conformément
à la procédure requise pour amender la Constitution», est apparue
comme un pas important sur la voie de l’établissement du statut
définitif du Kosovo au sein de la Serbie.
17. Tous les représentants de partis politiques que nous avons
rencontrés au cours de nos visites de 2007 (à l’exception des «partis
minoritaires») ont indiqué que le statut du Kosovo était l’un des
problèmes les plus difficiles et les plus brûlants que devait résoudre
la Serbie, parallèlement aux enjeux de l’intégration européenne
et du développement économique et social. Le nouveau cycle de négociations
a été ouvert en août 2007 après plusieurs tentatives infructueuses
de faire adopter par le Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies une nouvelle résolution sur la base du plan proposé
par l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Marti
Ahtisaari. Des pourparlers supplémentaires ont été organisés avec
la médiation d’une «troïka» composée de représentants de l’Union
européenne, des Etats-Unis et de la Russie. La troïka a consulté
de façon approfondie les dirigeants serbes et kosovars jusqu’à fin
novembre 2007. Six réunions ont eu lieu avec la participation des
deux parties. Le cycle de négociations supplémentaire s’est achevé
avec la réunion du 26 au 28 novembre 2007 et la troïka a présenté
un rapport sur les résultats des négociations au Secrétaire général
des Nations Unies le 10 décembre 2007.
18. Dans sa déclaration sur la réunion finale des parties, la
troïka a noté que «malheureusement, les parties n’ont pu parvenir
à un accord sur le futur statut du Kosovo».
19. Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pu aboutir à un accord
sur le statut futur du Kosovo sur la base du rapport présenté par
le Secrétaire général d’après les conclusions de la troïka. En conséquence,
le 17 février 2008, l’Assemblée du Kosovo a adopté une déclaration
unilatérale d’indépendance. Le Gouvernement serbe a immédiatement
adopté une décision spéciale pour «annuler les actes et actions
des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo-Metohija
par lesquels l’indépendance unilatérale est proclamée (…) étant
donné qu’ils violent la souveraineté et l’intégrité territoriale
de la République de Serbie garanties par la Constitution de la République
de Serbie, la Charte des Nations Unies, la Résolution 1244 (1999)
du Conseil de sécurité, les autres résolutions pertinentes du Conseil
de sécurité ainsi que le droit international en vigueur»
.
20. Néanmoins, peu après l’adoption de la déclaration unilatérale
d’indépendance, plusieurs Etats, y compris un certain nombre d’Etats
membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, ont reconnu l’indépendance
du Kosovo. Les autorités serbes ont transmis aux ministres des Affaires
étrangères des Etats concernés des notes de protestation et ont
rappelé leurs ambassadeurs dans ces pays pour consultation
. Le Président
Tadic et le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremić,
ont fait des déclarations devant le Conseil de sécurité des Nations
Unies, le Conseil permanent de l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE), le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe et le Parlement européen exprimant leurs positions sur
la déclaration unilatérale d’indépendance.
21. Sur le front politique intérieur, les partis de la coalition
en place ont vigoureusement condamné la déclaration unilatérale
d’indépendance. Un rassemblement massif de protestation a eu lieu
à Belgrade le 22 février 2008. Il fut suivi de violents incidents,
notamment d’attaques contre les ambassades des Etats-Unis, du Canada,
du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Croatie. Les autorités serbes
enquêtent sur ces attaques. Tous les acteurs politiques ont condamné
les incidents violents qui, apparemment, ont été menés par des groupes
isolés de voyous. Toutefois, certains hauts fonctionnaires du Gouvernement
serbe ont fait des déclarations qui pourraient être interprétées
comme légitimant ces attaques. Des actes isolés contre des représentants
de minorités nationales ont également été signalés.
22. Par ailleurs, la presse a fait état du harcèlement par certains
acteurs politiques des militants des droits de l’homme et des hommes
politiques qui exprimaient des points de vue sur l’évolution du
Kosovo différents de la position officielle des autorités. En particulier,
le Parti socialiste de Serbie a annoncé qu’il recueillerait des signatures
pour déposer plainte contre une militante notoire des droits de
l’homme, Nataša Kandić, directrice exécutive du Centre de droit
humanitaire, pour «ses agissements contre l’ordre constitutionnel
et ses menaces contre l’indépendance et l’intégrité de l’Etat».
Une campagne massive contre Nataša Kandić a été lancée dans les
médias. B92 également – un des principaux médias du pays – a reçu
des menaces et ses bureaux ont été attaqués dans la soirée qui a
suivi le rassemblement du 22 février.
23. Nous condamnons vigoureusement les protestations violentes
ainsi que les attaques contre les militants des droits de l’homme,
les minorités et les médias. Nous sommes fortement préoccupés par
les attaques contre les ambassades étrangères à Belgrade. Ces attaques
sont totalement inacceptables dans un pays qui adhère aux principes
démocratiques et au droit international. Nous saluons la condamnation
de ces attaques par l’ensemble des acteurs politiques et les mesures
prises par les autorités pour enquêter sur les responsables de violence,
d’attaques et de harcèlement à l’encontre des militants des droits
de l’homme, des représentants des minorités et des politiciens,
et pour les poursuivre. Nous espérons que les responsables seront
traduits en justice.
24. De la même façon, nous condamnons les violentes protestations
des Serbes dans le nord du Kosovo survenues après la déclaration
unilatérale d’indépendance. La violence ne résoudra pas les inquiétudes
de la communauté serbe pas plus qu’elle ne contribuera à instaurer
la confiance entre les représentants des différentes communautés
ethniques qui vivent au Kosovo.
25. Nous nous félicitons du fait que, jusqu’à présent, les autorités
serbes ont défendu leur position vis-à-vis du Kosovo uniquement
par des voies légales et pacifiques. Nous appelons la Serbie à continuer
à coopérer avec la présence civile internationale au Kosovo en vue
de promouvoir les droits culturels, linguistiques et religieux de
toutes les communautés qui y vivent.
26. Indépendamment des développements au Kosovo, nous encourageons
les autorités serbes à poursuivre le cours de leur stratégie en
vue de l’intégration européenne tout en continuant à mettre en œuvre les
importantes réformes démocratiques nécessaires aux niveaux économique,
social et institutionnel afin d’améliorer les conditions de vie
en Serbie. Les nombreux fonctionnaires et représentants d’ONG que
nous avons rencontrés durant nos visites ont parlé de la nécessité
de s’attaquer plus efficacement aux problèmes socio-économiques
urgents en réduisant le chômage, en renforçant les institutions
démocratiques et en créant un environnement favorable aux investissements
étrangers. Nous pensons qu’il est temps maintenant pour les autorités
serbes de se concentrer sur ces questions importantes tout en reconnaissant
leur volonté de continuer à défendre leur position en ce qui concerne
l’évolution du Kosovo.
2.3. Election présidentielle
de février 2008 et élections provinciales et locales de mai 2008
27. La loi sur la mise en œuvre
de la Constitution dispose que la date d’organisation des élections présidentielle,
provinciales et locales doit être fixée par le président du parlement
avant le 31 décembre 2007 et dans les soixante jours suivant l’adoption
d’un certain nombre de textes de loi essentiels.
28. Tout au long du mois d’octobre 2007, les partenaires de la
coalition ont mené d’intenses consultations sur la date des élections.
Le DS semblait favorable à la tenue de l’élection présidentielle
avant la fin 2007 (juste avant l’achèvement du cycle de négociations
en cours sur le statut du Kosovo-Metohija), tandis que le DSS était
d’avis que les élections devraient avoir lieu après la définition
du statut final de la province et M. Miloš Aligrudić, chef du groupe
parlementaire du DSS et président de la délégation serbe à l’Assemblée parlementaire,
a déclaré que «des élections n’étaient pas nécessaires dans la phase
actuelle de définition du statut futur du Kosovo»
.
29. A l’issue des consultations, les principaux partenaires de
la coalition sont parvenus à un accord le 3 novembre 2007. Cet accord
prévoyait que l’élection présidentielle serait organisée au terme
du cycle supplémentaire de négociations sur le Kosovo, c’est-à-dire
après le 10 décembre, sauf en cas de menaces immédiates sur l’intégrité
territoriale du pays (par exemple, en cas de proclamation ou de
reconnaissance unilatérale de l’indépendance du Kosovo). L’accord
incluait apparemment un calendrier détaillé pour l’adoption de la
législation nécessaire à la tenue de l’élection. Cette législation
a été adoptée le 11 décembre 2007 et le président de l’Assemblée
nationale a annoncé l’organisation de l’élection présidentielle
pour le 20 janvier 2008.
30. L’Assemblée a observé le deuxième tour de l’élection présidentielle
qui s’est tenu le 3 février 2008. A cet égard, nous renvoyons à
son rapport sur l’observation de l’élection présidentielle qui contient
une description détaillée des modalités de vote
. Nous nous rallions
aux conclusions de la mission d’évaluation de l’élection en ce que
«le deuxième tour du scrutin de l’élection présidentielle de la
Serbie s’est déroulé conformément aux engagements envers le Conseil
de l’Europe pour des élections démocratiques». Cette élection a
confirmé une fois de plus la voie stratégique de la Serbie en faveur
de l’intégration européenne. Elle a cependant montré que «le projet
d’intégration européenne» n’est pas partagé par tous les secteurs
de la société. Il incombe maintenant aux dirigeants de la Serbie
de collaborer avec tous les acteurs concernés pour établir des passerelles
sociales fort nécessaires afin que l’intégration européenne devienne
une vision partagée de l’avenir du pays.
31. La législation nécessaire pour la tenue des élections provinciales
et locales, à savoir la loi sur l’organisation territoriale, la
loi sur la ville-capitale, la loi sur les élections locales et la
loi sur l’autonomie locale, a été adoptée le 29 décembre 2007 et
les élections ont, en conséquence, été fixées au 11 mai 2008. Le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a observé
les élections et conclu que le scrutin était conforme aux normes
internationales
.
2.4. Elections législatives anticipées
du 11 mai 2008 et récente évolution politique
32. Après l’élection présidentielle
de février 2008 et l’adoption de la déclaration unilatérale d’indépendance par
l’Assemblée du Kosovo, les tensions au sein de la coalition au pouvoir
se sont exacerbées. Bien que les ministres du DS et du DSS aient
semblé mettre en œuvre conjointement le plan d’action gouvernemental
sur les mesures à prendre en cas d’adoption d’une déclaration unilatérale
d’indépendance par le Kosovo, le Premier ministre Koštunica et les
ministres du DSS ont adopté une position bien plus radicale. L’intégration européenne
semblait être le point essentiel de désaccord entre les parties:
tandis que DS et le G17+ se prononçaient en faveur d’un rapprochement
plus étroit avec l’Union européenne et de la signature de l’Accord de
stabilisation et d’association, les ministres du DSS appelaient
à l’annulation de l’accord, affirmant que la déclaration unilatérale
d’indépendance et la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo
par plusieurs Etats membres de l’Union européenne modifiaient la
finalité et l’objet de l’accord. L’échauffement du débat politique a
totalement bloqué le gouvernement: sans avoir la majorité, le Premier
ministre Koštunica a refusé à plusieurs occasions d’organiser les
sessions gouvernementales sachant que les représentants de son parti
seraient mis en minorité sur des questions relatives à l’intégration
européenne.
33. La crise a culminé avec la démission du gouvernement le 10
mars 2008 et avec l’adoption d’une proposition de dissolution de
l’Assemblée nationale de la République de Serbie et de tenue d’élections législatives
anticipées le 11 mai 2008. Dans cette proposition, le gouvernement
reconnaît l’absence d’unité sur des points essentiels l’empêchant
de concevoir et de mener une politique commune à tout le pays. Le Président
Tadic a accepté la proposition, dissous l’Assemblée nationale puis
annoncé la tenue d’élections anticipées le 11 mai 2008.
34. Une commission ad hoc de l’Assemblée a observé les élections
du 11 mai 2008. Nous ne reproduirons pas dans le présent rapport
les conclusions de cette dernière, auxquelles nous adhérons en tous
points
. Nous notons que,
en s’appuyant sur le succès de l’élection présidentielle, le bloc
pro-européen s’est rallié autour du DS, a obtenu une victoire retentissante
et est devenu avec 102 sièges la plus grande force parlementaire.
Le SRS a réussi à garantir 78 sièges (contre 81 lors de la précédente
législature). Le DSS a été le grand perdant de l’élection avec seulement
21 sièges. Les résultats des autres partis sont plus ou moins comparables
à ceux des élections législatives de janvier 2007.
35. Tout comme en janvier 2007, aucun parti n’a pu former seul
une majorité et les négociations de coalition ont été ardues. Au
début, il a semblé que le «bloc patriotique» du SRS et du DSS-NS
pouvait former une coalition avec le Parti socialiste serbe (SPS)
et constituer un gouvernement majoritaire. L’accord de coalition majoritaire
au niveau local a été conclu entre les partis du «bloc patrio tique»
et le SPS dans la plupart des assemblées locales, y compris celle
de la ville de Belgrade, où le candidat SRS Aleksandar Vučić était
en bonne place pour remporter les élections municipales. Plusieurs
jours après les élections, la coalition menée par le SPS, comprenant
20 députés du SPS, du Parti uni des retraités (PUPS) et du Parti
uni serbe (JS), n’était cependant plus disposée à former une alliance
avec le SRS et le DSS-NS, en grande partie parce que les partenaires
du SPS (PUPS et JS) ont vivement rejeté toute action pouvant ralentir
le processus d’intégration européenne. Le «bloc patriotique» a affirmé
que l’Accord de stabilisation et d’association devait être annulé dans
le nouveau contexte établi après la reconnaissance de l’indépendance
du Kosovo par la majorité des Etats membres de l’Union européenne
.
36. Par la suite, la coalition du SPS a annoncé qu’elle brisait
l’accord de coalition avec le SRS et le DSS-NS pour entamer de nouvelles
négociations avec le bloc pro-européen du DS. Les négociations ont
culminé avec la signature d’un accord de coalition et la formation
d’un nouveau gouvernement, également soutenu à l’Assemblée nationale
par les partis des minorités nationales et par le Parti démocrate
libéral (LDP)
.
37. La composition politique du nouveau gouvernement est révélatrice.
Avec 24 ministères, 1 premier Vice-Premier ministre (Ivica Dačić,
leader du SPS), 3 Vices-Premiers ministres et 1 ministre sans portefeuille, l’effectif
du nouveau gouvernement est plus important que les précédents. Ses
priorités politiques semblent conformes au parcours stratégique
vers l’intégration européenne lancé par l’ancien gouvernement de
coalition. Comme l’a souligné le Premier ministre Mirko Cvetković
dans son discours d’ouverture devant l’Assemblée nationale, les
éléments clés du programme de son gouvernement seront «l’engagement
pour l’intégration européenne, la non-acceptation de l’indépendance
de la province autonome du Kosovo-Metohija, la nécessité de consolider
l’économie, le renforcement de la responsabilité sociale du gouvernement
et des efforts pour combattre le crime et la corruption et pour
faire respecter le droit international»
.
38. Nous félicitons les acteurs politiques serbes d’avoir procédé
rapidement aux négociations de coalition de façon ordonnée et démocratique.
Nous accueillons favorablement les aspirations européennes du pays
et nous nous tenons prêts à soutenir l’évolution stratégique du
gouvernement vers l’intégration européenne. Toutefois, nous notons
que le nouveau gouvernement se trouve actuellement dans une position
difficile. Face à une opposition forte et relativement consolidée,
il devra nouer le dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques
pour faire de l’intégration européenne une vision partagée de l’avenir
du pays. Il devra également tenir ses promesses électorales, en
mettant notamment l’accent sur les programmes sociaux et l’amélioration du
niveau de vie des citoyens. Cette mission est extrêmement complexe,
en particulier vu que l’opposition semble se servir des lacunes
du règlement existant de l’Assemblée nationale pour paralyser le
débat.
39. Nous condamnons fortement l’obstructionnisme et exhortons
les partis politiques de l’opposition à adopter une attitude constructive
dans l’action parlementaire. L’obstruction ne saurait être utilisée
comme instrument du processus politique. Au lieu de cela, tous les
représentants de la majorité et de l’opposition devraient s’engager
dans un dialogue constructif sur des réformes fort nécessaires,
en attente depuis trois ans à cause de rivalités politiques. A cet
égard, nous invitons la coalition majoritaire à n’épargner aucun
effort pour nouer une relation de travail constructive avec l’opposition.
Comme cela est indiqué plus bas, nous considérons que l’adoption
d’un nouveau règlement du parlement peut aider à surmonter ce problème
(voir le paragraphe 104).
40. Nous suivrons de près les activités du nouveau gouvernement,
en particulier celles concernant la mise en œuvre des obligations
et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe. Comme nous le verrons
plus tard dans le présent rapport, nous attendons des autorités
qu’elles lancent rapidement des réformes d’envergure pour consolider
les institutions démocratiques, l’Etat de droit et les droits de
l’homme. Nous sommes d’avis que le nouveau gouvernement dispose
de la volonté politique et des capacités nécessaires à la réussite
de ce programme de réformes. Pour notre part, nous apporterons un
soutien politique total à ces réformes, essentielles à l’avenir
de la démocratie en Serbie et, d’une manière générale, dans les
Balkans occidentaux.
2.5. Les relations avec l’Union
européenne
41. La Serbie est un candidat potentiel
à l’adhésion à l’Union européenne. Les négociations en vue d’un Accord
de stabilisation et d’association (ASA) ont été officiellement ouvertes
en octobre 2005. Toutefois, elles ont été suspendues en mai 2006
en raison de l’échec de la coopération des autorités serbes avec
le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Les
discussions ont repris en juin 2007 après la formation du nouveau
gouvernement de coalition et ont été conçues pour garantir une coopération
totale avec le TPIY.
42. Des progrès dans la coopération avec le tribunal ont été constatés
et signalés à la Commission européenne par le procureur du TPIY
à l’automne 2007. Afin de prendre en compte cette dynamique positive, l’Accord
de stabilisation et d’association entre la Serbie et l’Union européenne
a été approuvé le 6 novembre 2007. L’ensemble des acteurs concernés,
aux niveaux tant national qu’international, considère l’approbation de
l’ASA comme un pas important sur la voie de l’intégration de la
Serbie à l’Union européenne.
43. Entre-temps, le 13 novembre 2007, la Commission européenne
a publié son rapport de suivi de la Serbie pour 2007. Tout en reconnaissant
les progrès réalisés par la Serbie dans la mise en œuvre des critères politiques
de Copenhague, ce rapport relève un certain nombre de points faibles
et de dysfonctionnements des institutions démocratiques. En particulier,
la Commission européenne se fait l’écho de l’avis de la Commission de
Venise selon lequel la nouvelle Constitution de Serbie contient
plusieurs dispositions qui ne sont pas conformes aux normes européennes,
notamment le contrôle exercé par les partis sur le mandat de chaque député
et le rôle démesuré accordé au parlement dans les nominations judiciaires.
44. La Commission note également que «des progrès limités ont
été réalisés dans la lutte contre la corruption. La corruption est
largement répandue et reste un problème grave en Serbie»
. Il y a également de graves problèmes en
ce qui concerne la réforme judiciaire; en particulier, «les dispositions
de la nouvelle Constitution sur les nominations judiciaires n’ont
pas été mises en œuvre, les nouvelles lois sur les tribunaux et
les poursuites judiciaires n’ayant pas été adoptées. Il n’a pas
été établi de critères et procédures bien définis pour les nominations
judiciaires. Le degré d’influence du parlement sur la magistrature
est source de préoccupations. Le parlement, en effet, est chargé
de nommer les juges et les procureurs pour la période probatoire
initiale sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature
ou du Conseil des procureurs. Plusieurs membres de ces deux conseils
sont aussi élus par le parlement»
.
45. La Serbie a ratifié l’Accord révisé de libre-échange centre-européen
(ALECE) en septembre 2007 et les accords de simplification des formalités
de délivrance des visas et de réadmission des personnes en séjour irrégulier
sur le territoire de l’Union européenne en novembre 2007.
46. En février 2008, l’Union européenne a nommé M. Peter Feith
représentant spécial au Kosovo et a autorisé le déploiement de la
mission «Etat de droit» menée par l’Union européenne (EULEX) pour
reprendre les compétences de la MINUK. Les autorités serbes ont
contesté la légalité du déploiement de la mission en l’absence de
décision du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il était prévu
que l’Assemblée nationale de Serbie nouvellement élue lance un débat
sur une nouvelle résolution concernant la situation au Kosovo comme l’un
des points prioritaires de la session de septembre 2008, qui a débuté
le 2 septembre 2008. Si nous comprenons que les députés serbes tiennent
à prendre une position politique sur la question du Kosovo, nous espérons
cependant que ce débat ne nuira pas à l’unité des partenaires de
la coalition au sujet de l’intégration européenne, ni ne creusera
de fossé dans la société. Nous estimons que les autorités serbes
peuvent défendre leurs intérêts légitimes à l’égard du Kosovo tout
en poursuivant leur chemin stratégique vers l’intégration européenne.
Nous nous tenons prêts à soutenir nos collègues serbes dans l’accomplissement
de cette tâche au niveau de l’Assemblée parlementaire.
2.6. Contexte international et
relations avec les pays voisins
47. 47. La Serbie a présidé le
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de mai à novembre 2007.
Cette présidence a été préparée dans un contexte particulièrement
difficile, parallèlement à l’adoption de la nouvelle Constitution,
à la tenue des élections législatives et à la formation du nouveau
gouvernement. Néanmoins, le travail préparatoire a été bien mené
par le ministère des Affaires étrangères: un groupe de travail intersectoriel regroupant
l’ensemble des acteurs concernés a été mis en place et le programme
de la présidence a été établi en temps voulu. Les priorités de la
présidence serbe au Comité des Ministres étaient les suivantes:
- la promotion des valeurs fondamentales
du Conseil de l’Europe: les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat
de droit, et notamment le renforcement des mécanismes conventionnels
et de contrôle, et la consolidation de la démocratie et de l’Etat
de droit dans toute l’Europe;
- le renforcement de la sécurité des personnes, en particulier
par la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et la
corruption;
- la construction d’une Europe plus humaine, notamment grâce
à une participation plus active de l’ensemble des citoyens, la promotion
de l’identité et de l’unité européennes sur la base des valeurs fondamentales
communes, le respect du patrimoine commun et de la diversité culturelle
de l’Europe, et le développement des capacités des collectivités
locales et des individus;
- le renforcement de la coopération et des relations de
bon voisinage dans le plein respect des valeurs du Conseil de l’Europe
et la mise en œuvre de ses normes dans les pays d’Europe du Sud-Est
afin de favoriser les perspectives d’intégration européenne de la
région.
48. Les résultats de la présidence serbe ont été jugés très positifs
par le Conseil de l’Europe et les milieux politiques nationaux et
internationaux. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a déclaré
que le pays s’était révélé un «leader européen capable» qui «mérite
de porter les couleurs européennes». Nous félicitons les autorités
serbes d’avoir réussi à mener à bien cette tâche importante.
49. La Serbie a pris une part active aux initiatives de coopération
régionale. De novembre 2006 à mai 2007, elle a présidé le Conseil
de coopération de la mer Noire. Elle a aussi participé activement
au Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est et à sa transformation
en un cadre de coopération mieux implanté dans la région, le processus
de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP). Dans le cadre de
la présidence du Comité des Ministres, la Serbie a facilité les
contacts entre le Conseil de l’Europe et le Conseil de coopération
régionale récemment mis en place. La Serbie a participé de façon
constructive aux négociations sur l’Accord révisé de libre-échange
centre-européen (ALECE), accord qu’elle a ratifié en septembre 2007.
50. L’attitude de la Serbie est moins encourageante en ce qui
concerne la mise en œuvre de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
de l’ONU sur le Kosovo. Les autorités serbes ont appelé les populations
serbes du Kosovo à boycotter les élections du 17 novembre 2007.
Il n’est pas surprenant que la participation des électeurs dans
les municipalités où vivent les Serbes ait été très faible. Cela
n’a cependant pas gêné l’organisation des élections qui ont été
considérées comme valides.
51. Depuis l’indépendance du Monténégro et la dissolution de l’union
d’état, la Serbie a établi de bonnes relations de coopération avec
son nouveau voisin indépendant. Les deux pays ont signé un accord
sur la sécurité sociale. Le Monténégro a aussi chargé la Serbie
d’assurer la protection des ressortissants monténégrins à l’étranger.
Toutefois, les relations entre les Eglises orthodoxes serbe et monténégrine demeurent
tendues. La question de la double nationalité a aussi suscité une
réaction négative au Monténégro. Les amendements de septembre 2007
à la loi serbe sur la nationalité qui mettent en place une procédure simplifiée
d’octroi de la nationalité serbe aux ressortissants monténégrins
résidant sur le territoire de la Serbie à la date de l’indépendance
ont été perçus comme une ingérence dans les affaires intérieures
du Monténégro. Nous espérons que les autorités des deux pays parviendront
à résoudre ce problème dans un esprit constructif.
52. Les relations avec la Croatie sont bonnes. Un accord de coopération
sur la poursuite des crimes de guerre a été signé en 2007. Cependant,
les deux pays n’ont pas encore signé d’accord sur le tracé de la frontière.
La Croatie maintient en outre la procédure pour génocide engagée
contre la Serbie devant la Cour internationale de justice.
53. En février 2007, la Cour internationale de justice a rendu
un arrêt dans l’affaire Bosnie-Herzégovine
c. Serbie. La Cour a conclu que des actes de génocide
avaient été commis à Srebrenica. Toutefois, la Cour a jugé que la
Serbie n’avait pas commis de génocide contre la Bosnie-Herzégovine.
Néanmoins, la Cour a considéré que la Serbie n’avait pas pris toutes
les mesures nécessaires pour prévenir le génocide commis à Srebrenica
et livrer les responsables à la justice.
54. La Serbie maintient de bonnes relations avec «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», bien que certaines tensions persistent
entre les Eglises orthodoxes serbe et macédonienne.
55. Les relations avec la Roumanie, la Bulgarie et la Slovénie
sont généralement bonnes.
3. Fonctionnement des institutions
démocratiques
3.1. Réforme constitutionnelle
3.1.1. Adoption de la Constitution
56. Le travail sur la nouvelle
Constitution serbe a commencé dès le renversement du régime Milošević,
mais la version finale a, en fait, été élaborée en un temps très
court. Le texte définitif, qui a été préparé très rapidement, est
apparemment le résultat d’un compromis entre les dirigeants des
quatre principaux partis politiques (DSS, DS, G17+ et SPS). Les
autres forces politiques et les experts semblent avoir été exclus
du processus d’élaboration de la Constitution.
57. La Constitution a été approuvée le 30 septembre 2006 par les
quelque 242 membres de l’Assemblée nationale réunie en session spéciale.
Elle a été adoptée à l’unanimité et soumise à un référendum dont
la date a été fixée aux 28 et 29 octobre 2006 (moins d’un mois après
l’adoption de la Constitution). Le référendum a été étalé sur deux
jours afin d’assurer que le taux de participation requis de 50 %
soit atteint.
58. Etant donné ce délai très court, la Commission de Venise n’a
pu analyser la Constitution avant son approbation par référendum
. Le texte
n’a pas non plus fait l’objet d’un véritable débat avec les citoyens.
La préparation de la nouvelle Constitution n’est pas un bon exemple
de processus constitutionnel.
59. Dans les semaines qui ont suivi l’adoption de la Constitution,
les médias électroniques et la presse écrite ont organisé une campagne
massive en sa faveur. Certains avançaient que la Constitution apporterait
une solution définitive au statut du Kosovo-Metohija. D’autres étaient
d’avis que la Constitution aiderait la Serbie à rompre avec son
passé et à mettre les distances avec l’ère Milošević pour entrer
dans un futur plus prometteur. Les activités du Premier ministre
et du Président visant à promouvoir la Constitution ont largement
été diffusées dans tous les bulletins d’information télévisés. Mais,
d’une façon générale, aucune émission de télévision n’a offert de
tribune pour un débat sérieux.
60. Bien que, selon la délégation de l’Assemblée chargée d’observer
le vote, «le référendum constitutionnel (…) [se soit] globalement
déroulé dans le respect des engagements démocratiques de la Serbie
à l’égard du Conseil de l’Europe»
, l’organisation du scrutin semble
avoir été entachée de graves irrégularités. Les observateurs de
l’Assemblée en ont identifié quelques-unes dont, entre autres, des
inexactitudes dans les listes électorales, un mauvais scellage des
urnes, un bourrage des urnes, etc. Des problèmes spécifiques liés à
l’étalement du scrutin sur deux jours ont également été identifiés:
les protocoles n’ont pas été correctement signés et scellés à la
fermeture des bureaux de vote le premier jour, ni vérifiés le matin
du jour suivant à la réouverture des bureaux de vote.
61. Une remarque générale s’impose ici: la délégation de l’Assemblée
n’a visité que 318 bureaux de vote sur 8 600 dans tout le pays,
ce qui représente environ 3,7 % des bureaux. L’OSCE/BIDDH (Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l’homme) n’a pas
observé le référendum, apparemment parce qu’elle n’avait pas été
invitée à envoyer une mission d’observation. Seuls deux partis représentés
au parlement et opposés à la Constitution ont été autorisés à déployer
des observateurs (l’Alliance civique de Serbie a déployé 670 observateurs
et l’Union sociale-démocrate 335). Le Centre pour les élections
libres et la démocratie (CeSID) de Belgrade a observé le déroulement
du scrutin dans 600 bureaux de vote seulement
.
62. La délégation de l’Assemblée a été informée qu’un groupe d’ONG
(Comité Helsinki des droits de l’homme, Comité des juristes pour
les droits de l’homme, Initiative des jeunes pour les droits de
l’homme et Centre pour le droit humanitaire) avait produit une «Analyse
des irrégularités survenues lors du référendum». Selon cette analyse,
le processus de confirmation de la Constitution a été marqué par
les irrégularités suivantes: des Albanais du Kosovo ne figuraient
pas sur le registre des électeurs et n’ont reçu qu’une invitation tout
juste officielle à le signer; les autorités responsables du processus
électoral n’ont inclus que les représentants des partis en faveur
de l’adoption de la Constitution; ce processus s’est accompagné
d’une campagne très agressive et négative à l’encontre d’un groupe
de partis politiques et d’ONG ayant appelé au boycott; le niveau
de participation était très faible jusqu’à l’après-midi du deuxième
jour, où il a étonnamment augmenté; le plus grand nombre d’incidents
s’est produit durant les dernières heures avant la fermeture des bureaux
de vote, etc. La mission d’observation de l’Assemblée n’a pas pris
position sur ces faits dans la mesure où elle ne rendait compte
que de la situation des bureaux de vote qu’elle observait.
63. Cela dit, bien que le vote apparaisse avoir été entaché de
plusieurs irrégularités, l’adoption de la nouvelle Constitution
serbe tant attendue serait bienvenue, sous réserve que cette nouvelle
Constitution respecte les normes européennes et crée les fondements
juridiques pour que le pays avance dans la voie de l’intégration
européenne. Ces conditions, toutefois, ne sont pas entièrement satisfaites
dans le texte adopté.
3.1.2. Analyse des dispositions
de la nouvelle Constitution à la lumière des normes du Conseil de l’Europe
64. Dans l’avis sur la Constitution
de la République de Serbie qu’elle a rendu après le référendum,
la Commission de Venise note que «la Constitution comprend de nombreux
éléments positifs, notamment le choix d’un système parlementaire
fonctionnel et une liste détaillée des droits fondamentaux. Il aurait
été préférable que les restrictions aux droits fondamentaux soient
réglementées de façon plus claire, à l’aide de dispositions moins
compliquées, mais les tribunaux et en particulier la Cour constitutionnelle
auront la possibilité d’appliquer ces droits d’une manière pleinement
conforme aux normes européennes»
.
Elle note également que la nouvelle Constitution tient compte de
nombreuses critiques formulées par la Commission de Venise dans
son avis de 2005
.
65. Néanmoins, certaines parties essentielles de la Constitution
devront encore être améliorées afin de satisfaire aux normes européennes
du droit constitutionnel. Dans le présent rapport, nous aborderons spécifiquement
six questions: l’influence démesurée des partis politiques sur les
députés, le statut de la magistrature, le statut du ministère public,
l’autonomie provinciale et l’autonomie locale, la place du droit international
dans l’ordre juridique interne et les modalités de révision de la
Constitution.
3.1.2.1. Le «mandat impératif» des
membres du parlement
66. Il s’agit là à notre avis de
l’une des dispositions les plus inquiétantes de la nouvelle Constitution
car elle met directement en danger le développement d’une démocratie
parlementaire efficace et qui fonctionne en Serbie. L’article 102,
paragraphe 2, dispose que «selon les termes de la loi, un député
est libre de mettre irrévocablement son mandat à la disposition
du parti politique sur proposition duquel il/elle a été élu(e)».
La Commission de Venise considère que cette disposition vise à lier
le député à la position du parti sur toute question et en toutes
circonstances. C’est là une grave violation de la liberté des députés
d’exprimer leur opinion sur toute question débattue au parlement.
67. Cette disposition, en outre, si on l’envisage sous l’angle
de la réglementation électorale (qui permet aux partis de choisir
les candidats qui siégeront effectivement au parlement, quel que
soit le choix des électeurs; voir infra la
section 3.2), confère aux partis politiques un rôle excessif dans
le processus politique. Il s’agit là d’un danger majeur pour le
fonctionnement des institutions démocratiques, compte tenu en particulier
du rôle démesuré reconnu au parlement dans les nominations judiciaires
(voir infra, paragraphe 3.1.2).
68. Lors de nos visites en Serbie, certains de nos interlocuteurs
ont défendu l’idée que le rôle important accordé aux partis politiques
est justifié dans la situation actuelle afin de prévenir la corruption
et d’empêcher certains milieux d’affaires ou des réseaux criminels
d’exercer une influence indue sur la vie politique. Cependant, nombre
des personnes que nous avons rencontrées ont condamné cette pratique
comme s’opposant à la transparence du processus politique et empêchant
les citoyens d’exercer un contrôle effectif sur leurs élus.
69. Tout en reconnaissant les bonnes intentions de ceux qui cherchent
à lutter contre la corruption politique, nous ne pensons pas que
le fait de lier pieds et poings les députés élus aux dirigeants
des partis politiques représente une solution appropriée à ce problème.
D’autres moyens peuvent être envisagés pour construire une démocratie
parlementaire forte, transparente et réellement démocratique. Il
est contraire aux normes européennes de la démocratie parlementaire
de soumettre entièrement les membres du parlement au bon vouloir
de la direction des partis politiques. Au contraire, les membres
du parlement doivent être libres et doivent pouvoir s’opposer aux
directions des partis politiques. Le manque de liberté détruit le
dialogue politique et empêche la société d’apprendre et d’évoluer
avec les changements démocratiques.
70. Cette disposition de la Constitution doit être modifiée.
3.1.2.2. L’indépendance de la justice
71. Aux termes de l’article 147,
les juges sont élus par l’Assemblée nationale. Dans son avis sur
la Constitution de la République de Serbie, la Commission de Venise
condamne cette pratique en reprenant les remarques formulées dans
son avis précédent sur les dispositions relatives à la magistrature
dans le projet de Constitution de la Serbie approuvé par le gouvernement
en 2004. Selon la Commission de Venise, «la participation du parlement
aux nominations judiciaires emporte le risque de les politiser.
S’agissant plus particulièrement des juges des tribunaux inférieurs,
on voit mal ce que pourrait apporter une procédure de nomination
parlementaire. (…) l’élection par un parlement est un acte discrétionnaire
dans lequel les considérations politiques ont toujours leur rôle».
72. Selon la Recommandation no R (94)
12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’indépendance,
l’efficacité et le rôle des juges, «toute décision concernant la
carrière professionnelle des juges devrait reposer sur des critères
objectifs, et la sélection et la carrière des juges devraient se
fonder sur le mérite, eu égard à leurs qualifications, leur intégrité,
leur compétence et leur efficacité. L’autorité compétente en matière
de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante
du gouvernement et de l’administration. Pour garantir son indépendance,
des dispositions devraient être prévues pour veiller, par exemple,
à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire et
que l’autorité décide elle-même de ses propres règles de procédure».
Par conséquent, au vu des normes européennes, les nominations judiciaires
devraient s’effectuer hors de toute considération politique. La
Commission de Venise suggère à cet égard que les juges soient nommés
par le Président sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
73. Le Conseil supérieur de la magistrature est créé par la Constitution
à l’article 153. Sa composition semble à première vue équilibrée
puisqu’il comprend trois membres d’office (le président de la Cour
de cassation, le ministre de la Justice et le président de la commission
parlementaire pertinente), six juges, un avocat en exercice et un
professeur de droit. Cependant, dans son Avis no 405/2006,
la Commission de Venise a affirmé que la composition de ce conseil
était en fait trompeuse car «tous les membres du Haut Conseil judiciaire
sont élus, au suffrage direct ou indirect, par l’Assemblée nationale».
La Commission de Venise a conclu sur cette base qu’il y avait un
risque de politisation du processus de nomination. Le projet de
loi sur le Haut Conseil judiciaire de la République de Serbie, élaboré
par le ministère de la Justice en coopération avec le Conseil de
l’Europe et évalué par la Commission de Venise
,
a tenté de résoudre ces problèmes en proposant que l’Assemblée nationale
se voie soumettre pour chaque poste vacant le nom d’un candidat unique,
élu par les personnes habilitées à voter (c’est-à-dire les juges,
le barreau ou les facultés). Evidemment, cette procédure réduit
au minimum l’influence des partis politiques sur le processus électoral.
Toutefois, elle n’élimine pas totalement le risque de politisation
et nous considérons que, à l’avenir, la Constitution devrait être modifiée,
à la suite des recommandations émises par la Commission de Venise
en 2006.
74. La loi constitutionnelle sur la mise en application de la
Constitution introduit un élément d’inquiétude supplémentaire. En
fait, l’article 7, paragraphe 2, dispose que «les juges et présidents
des autres tribunaux [à l’exclusion de la Cour suprême] doivent
être élus dans l’année qui suit la date de constitution du Conseil supérieur
de la magistrature». Cette disposition est susceptible d’interprétations
différentes. Dans son avis sur la Constitution de la Serbie, la
Commission de Venise interprète cette disposition comme devant servir
de base légale au processus de confirmation des juges dans l’ensemble
du pays. Cette approche est peut-être motivée par la volonté de
se débarrasser de certains juges nommés dans le passé sur la base
de critères politiques et dont l’impartialité est gravement compromise.
Certains de nos interlocuteurs, en effet, ont cité des exemples de
juges nommés à l’époque où Milošević était au pouvoir qui, dans
le passé, ont rendu des décisions entachées de considérations politiques
ou qui seraient impliqués dans des affaires de corruption. Nous approuvons
en principe cet objectif qui est légitime. Cependant, nous joignons
notre voix à celle de la Commission de Venise pour déclarer que
le processus de confirmation des juges doit reposer sur des critères clairs
et transparents, et garantir le droit de recours des personnes concernées.
Nous approuvons également l’avis de la Commission de Venise à propos
du Conseil supérieur de la magistrature qui, totalement dépendant du
parlement, n’est pas un organe apte à conduire cette procédure dans
les conditions requises d’équité, d’impartialité et de transparence.
75. Indépendamment du choix politique qui sera celui des autorités
serbes à propos des (re-)nominations judiciaires, nous considérons
que le processus de nomination devrait être en toutes circonstances
à l’abri de l’ingérence des organes politiques. C’est pourquoi nous
recommandons vivement de renforcer le statut de la magistrature
dans la législation ordinaire, comme on le verra en détail plus
bas (voir infra, section 4.1),
et de réviser la Constitution à moyen terme afin de l’aligner sur
les normes européennes relatives à l’indépendance de la magistrature
en éliminant les dispositions à la formulation incertaine pouvant
donner lieu à différentes interprétations.
3.1.2.3. Statut des parquets
76. Dans son avis sur la Constitution
de la Serbie, la Commission de Venise a noté que le sens donné à
la fonction du parquet de «prendre des mesures pour protéger l’ordre
constitutionnel et légal» n’était pas clair. La délégation serbe
à l’Assemblée a expliqué dans ses commentaires sur le présent rapport
que cette disposition concernait «la mise en œuvre de moyens juridiques
extraordinaires en application des dispositions de la loi sur la
procédure pénale». Conformément à cette loi, le parquet ne fait
qu’engager une procédure où la décision finale sera rendue par la
juridiction compétente, respectant ainsi pleinement le principe
de sécurité juridique. Il est ajouté que «le parquet de la République
de Serbie (…) a le droit de mettre en œuvre des moyens juridiques,
et notamment d’introduire une demande en protection de la légalité,
même à l’encontre la procédure judiciaire précédant le jugement
effectif s’il se trouve que le droit a été violé (article 419 de
la loi sur la procédure pénale), la décision finale appartenant
à la Cour suprême de Serbie. Il est à noter que la juridiction compétente,
au moment de rendre sa décision, est liée par l’interdiction de reformatio in pejus, de sorte que
si la demande en protection de la légalité a été introduite contre
l’inculpé et que la juridiction la juge recevable, elle se limitera
à décider qu’il y a eu violation de la loi sans toucher à la décision
effective (article 423, paragraphe 3, et article 425, paragraphe
3, de la loi sur la procédure pénale). Les dispositions de l’article
22 de la loi sur la procédure pénale établissent clairement que
«la juridiction chargée de rendre une décision sur une demande en
protection de la légalité peut, en tenant compte du contenu de la
requête, décider de différer, c’est-à-dire de suspendre l’exécution
de la décision effective. Il est évident que seul le parquet a le
droit de soumettre une proposition, alors que la décision est rendue
par la juridiction compétente».
77. Nous prenons note de cette explication détaillée. Notre méconnaissance
du droit serbe en matière de procédure pénale ne nous permet pas
d’analyser les dispositions ci-dessus tirées hors de leur contexte.
Nous espérons que les «moyens juridiques» décrits ne permettent
pas aux parquets d’exercer un «contrôle» sur les décisions judiciaires
en remettant en cause des décisions finales des tribunaux au motif
d’illégalité. Si c’était le cas, il pourrait y avoir un risque d’insécurité
juridique qui pourrait donner lieu à la violation du droit à un procès
équitable, tel que protégé par la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales. Nous étudierons l’avis
des experts du Conseil de l’Europe sur la législation régissant
le fonctionnement des parquets et en tiendrons compte dans le processus
de suivi.
78. En outre, nous partageons les préoccupations de la Commission
de Venise concernant l’éventuelle ingérence du parlement dans le
travail des procureurs généraux du fait de leur double responsabilité
envers le procureur de la République et l’Assemblée nationale.
79. La procédure d’élection des procureurs généraux et des substituts
des procureurs généraux par l’Assemblée nationale sur proposition
du Conseil des parquets de l’Etat (qui, à l’instar du Conseil supérieur
de la magistrature, est composé de membres élus directement ou indirectement
par l’Assemblée nationale) est également dérangeante en raison de
l’ingérence du parlement.
80. Ces carences doivent être supprimées de la législation ordinaire,
tel que cela sera indiqué ci-après (veuillez vous reporter à la
section 4.2 ci-dessous), en vue de garantir l’indépendance des procureurs
et d’éviter l’ingérence politique. De même, nous recommanderions
également la modification à moyen terme de la Constitution en vue
de mettre en œuvre les normes européennes relatives aux ministères
publics au niveau constitutionnel.
3.1.2.4. Autonomie provinciale et
autonomie locale
81. En fait, le chapitre de la
Constitution consacré à l’autonomie provinciale et à l’autonomie
locale (chapitre sept) comporte un certain nombre de déclarations
de principes. Le fond réel de ces principes devra toutefois être
défini dans une législation spécifique. Les dispositions constitutionnelles
relatives au Kosovo-Metohija sont particulièrement intéressantes
à cet égard. Bien que l’un des buts de la Constitution ait été de
définir l’autonomie de la province, elle n’est pas parvenue à le
faire, en énonçant simplement à l’article 182 que «l’autonomie substantielle
de la province autonome du Kosovo-Metohija sera régie par une loi
spéciale qui sera adoptée conformément à la procédure prévue pour
la modification de la Constitution».
82. Du point de vue de la technique juridique, il aurait été plus
sage de prévoir, dans la Constitution, un cadre réglementaire fondé
sur les principes de la Charte européenne de l’autonomie locale
(STE no 122), signée et ratifiée par
la Serbie, et applicable à toutes les provinces autonomes (en tenant
compte du fait que la Constitution autorise expressément, au paragraphe
3 de l’article 182, la création de nouvelles provinces autonomes).
83. Il pourrait en aller de même pour le statut des municipalités.
3.1.2.5. Place du droit international
dans l’ordre juridique interne
84. L’article 16, paragraphe 3,
dispose que «les traités internationaux ratifiés doivent être conformes
à la Constitution». Cela n’est, en principe, pas gênant car de nombreux
Etats membres du Conseil de l’Europe accordent à la Constitution,
dans la hiérarchie des normes, un rang supérieur par rapport au
droit international. Cependant, en pratique, si un traité signé
et ratifié par la Serbie est jugé incompatible avec la Constitution,
les autorités devront soit dénoncer le traité, soit modifier la
Constitution (ce qui donne lieu à une procédure particulièrement
complexe, tel que cela ressort ci-après) car, selon la Convention
de Vienne sur le droit des traités internationaux, les dispositions
du droit interne ne peuvent servir de justification pour ne pas
appliquer un traité.
85. Nous approuvons la recommandation de la Commission de Venise
selon laquelle, pour éviter ces problèmes, il est nécessaire d’introduire
une procédure spéciale de vérification de la constitutionnalité
du traité avant sa ratification devant la Cour constitutionnelle.
3.1.2.6. Complexité de la procédure
de modification de la Constitution
86. Comme nous l’avons constaté
précédemment, la Constitution de Serbie contient un certain nombre
de dispositions problématiques qui doivent être mises en conformité
avec les normes européennes. Cependant, cela donnera lieu à une
procédure plutôt complexe car la Constitution prévoit à l’article
203 une procédure à deux niveaux pour confirmer les modifications.
Tout d’abord, la «proposition de modification de la Constitution» doit
être approuvée par une majorité des deux tiers du nombre total des
membres du parlement. Si la proposition est approuvée, «un texte
de loi de modification de la Constitution» doit être rédigé et approuvé
à nouveau par une majorité des deux tiers des membres du parlement.
87. Il existe une troisième garantie procédurale complémentaire:
les modifications du préambule de la Constitution et des chapitres
relatifs aux «principes de la Constitution, aux droits de l’homme
et des minorités et aux libertés, au système de pouvoir, à la proclamation
de l’état de guerre et de l’état d’urgence, à la restriction des
droits de l’homme et des minorités dans le cadre de l’état d’urgence
et de guerre ou à la procédure de modification constitutionnelle»
doivent être approuvées par la majorité des votants dans le cadre d’un
référendum.
88. Nous comprenons l’intention du législateur de préserver une
certaine stabilité dans l’ordre constitutionnel. Cependant, la Constitution,
comme toute autre loi, doit évoluer au fil du temps, étant donné que
de nouveaux défis juridiques apparaissent (par exemple, l’intégration
européenne). La procédure de modification de la Constitution doit,
sans aucun doute, être rigide. Mais elle ne doit pas rendre pratiquement impossible
l’introduction de modifications dans l’ordre constitutionnel.
89. En termes pratiques, dans le contexte politique actuel de
la Serbie, il sera extrêmement difficile pour la coalition majoritaire
d’introduire des modifications de la Constitution, nécessaires pour
mettre ses dispositions en conformité avec les normes européennes.
Nous espérons que cet obstacle sera finalement surmonté.
3.2. Législation électorale
90. Comme nous l’avons indiqué
précédemment, la législation électorale serbe ne respecte pas complètement
les normes européennes.
91. La loi relative à l’élection des représentants de la République
de Serbie adoptée en 2000 et modifiée en dernier lieu en 2004 a
été sensiblement améliorée à la lumière des recommandations conjointes
de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH
. Désormais, elle «prévoit d’importantes
garanties visant à promouvoir des pratiques électorales démocratiques,
notamment des mesures destinées à renforcer la transparence dans
l’organisation et la conduite des élections et à protéger le secret
du vote»
.
92. Elle comporte toutefois un certain nombre de points problématiques,
en particulier en ce qui concerne la composition des listes électorales
(tout en autorisant le dépôt de listes par les partis politiques
et d’autres organisations politiques et groupes de citoyens, elle
ne définit pas précisément quelles organisations peuvent être qualifiées
de «politiques»; bien que la loi n’interdise pas la présentation
de listes avec un candidat unique, elle ne prévoit pas expressément
l’autodésignation d’un candidat indépendant individuel) et l’attribution
des sièges.
93. Le problème précité est particulièrement gênant.
94. Premièrement, la loi introduit un seuil de 5 % pour que les
listes électorales puissent faire l’objet d’une répartition des
sièges (il est cependant renoncé à cette exigence pour les «partis
des minorités ethniques», ce qui représente une évolution positive).
Pourtant, elle ne définit pas exactement le mode de calcul du seuil
de 5 %. En vertu de l’article 81, les listes électorales qui obtiennent
les suffrages de «5 % des votants» se voient attribuer des sièges.
Elle ne dit pas si ces 5 % sont calculés par référence au nombre
de signatures sur la liste électorale ou en décomptant le nombre
total de bulletins de vote se trouvant dans les urnes (valides ou
non) ou par tout autre moyen. La Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH
ont recommandé la modification de cet article de manière à préciser
que les 5 % doivent être calculés par référence au nombre total
de bulletins valides. Dans le cas contraire, les électeurs qui signent
le registre électoral sans exprimer un vote valide pourraient influencer
le scrutin, comme c’était le cas lors des élections précédentes
parce que la Commission électorale centrale calculait le seuil de
5 % sur la base du nombre de signatures figurant sur les listes électorales.
95. Deuxièmement, comme nous l’avons indiqué précédemment, l’article
84 autorise les partis à choisir arbitrairement sur leurs listes,
après l’élection, les candidats qui deviendront membres du parlement
au lieu de déterminer l’ordre des candidats au préalable. Nous partageons
l’opinion de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH selon laquelle
«cette procédure limite la transparence du système et confère aux
partis politiques une position de force disproportionnée vis-à-vis
des candidats»
. Envisagée conjointement avec la disposition
constitutionnelle sur le mandat impératif des députés, cette disposition
constitue une violation grave des normes européennes et une menace
pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
96. Nous avons aussi constaté que pratiquement la même procédure
d’attribution de sièges s’appliquait au sein des assemblées municipales
(à l’exception du fait qu’un tiers des sièges sont attribués aux
candidats en fonction de leur place sur la liste et l’attribution
des sièges restants est laissée à la discrétion du parti politique, de
l’organisation politique ou du groupe de citoyens ayant présenté
la liste). Bien que cette procédure soit un peu plus appropriée
que le système d’attribution de sièges à l’Assemblée nationale,
elle affecte la transparence et accroît de manière disproportionnée
l’influence des partis politiques sur la politique au niveau local.
97. Nous recommandons vivement que ces problèmes ainsi que d’autres
problèmes identifiés dans l’avis commun de la Commission de Venise
et de l’OSCE/BIDDH soient éliminés dans les plus brefs délais et,
en tout état de cause, avant les prochaines élections législatives.
98. Dans le cas contraire, les membres du parlement et les conseillers
municipaux seront toujours «prisonniers» des orientations de la
direction de leurs partis et le parlement ne pourra pas jouer son
rôle de forum central du débat politique et d’acteur clé du processus
législatif.
3.3. Fonctionnement du parlement
99. Lors de nos visites, nous avons
rencontré les représentants de tous les partis politiques présents
à l’Assemblée nationale en 2007 et en 2008 (à l’exception du SRS,
dont les représentants ont refusé de nous rencontrer, malgré nos
demandes). Ils nous ont communiqué des informations détaillées sur
le fonctionnement du parlement.
100. Après l’adoption de la nouvelle Constitution, une nouvelle
loi sur l’Assemblée nationale doit être élaborée et un nouvel arsenal
de règles de procédure doit être adopté. Nous avons appris que la
législature 2007 travaillait sur une nouvelle législation concernant
l’Assemblée nationale, qui n’a toutefois pas remporté l’accord de
tous les partis politiques. Apparemment, le projet de loi n’a pas
réglé l’un des problèmes clés que nous avons mentionné précédemment,
à savoir la nature impérative du mandat des députés. On nous a dit que
le projet définit les mandats des députés comme «libres conformément
à la Constitution», ce qui confirme en fait la pratique des partis
politiques consistant à lier les députés par les instructions que
leur donnent les directions des partis. Cette pratique est manifestement
contraire aux normes européennes de la démocratie parlementaire
.
L’avenir du pays ne saurait dépendre du bon vouloir de trois ou
quatre personnes. Le parlement se doit d’être un forum de dialogue
politique où les parlementaires discutent d’options et d’alternatives
politiques diverses en tant que représentants libres élus par les
citoyens.
101. Encore une fois, nous devons souligner le fait que la Constitution
actuelle de Serbie contient un certain nombre de dispositions problématiques
représentant un obstacle à d’autres réformes. Une révision complète de
la Constitution est nécessaire pour mettre la législation ordinaire/le
projet de nouvelle législation en conformité avec les normes européennes.
Nous espérons que l’Assemblée nationale nouvellement élue reprendra
prochainement ses travaux sur le projet de loi sur l’Assemblée nationale
ainsi que sur son nouveau règlement.
102. En l’absence de nouveau règlement de procédure, les débats
au parlement sont régis par les règles révisées de procédure de
l’Assemblée nationale de la République de Serbie, dans leur version
modifiée du 28 juin 2005
. Les règles de procédure actuelles
ne permettent pas un débat parlementaire très efficace et rationalisé.
Le rôle des commissions, dans le cadre de la procédure parlementaire,
est particulièrement faible, ce qui signifie qu’en pratique tous
les projets de loi et toutes les décisions sont discutés en détail
par l’Assemblée nationale en séance plénière. En juillet 2007, l’adoption
de la loi sur la ratification de la Charte européenne de l’autonomie
locale a été un exemple particulièrement frappant: nous avons appris
que le projet de loi avait été débattu en séance plénière durant
plusieurs jours, alors que, dans les systèmes parlementaires, la
législation sur la ratification des instruments internationaux est
promulguée très rapidement si des travaux ont été réalisés en amont
par le gouvernement et si la commission compétente du parlement
publie un avis favorable.
103. Les lacunes affectant les règles de procédure parlementaire
ne sont pas la seule raison de la faiblesse des commissions parlementaires.
Qui plus est, le parlement souffre cruellement d’un manque de personnel
qui pourrait apporter aux députés une expertise non seulement en
matière procédurale, mais également sur le fond des propositions
débattues. Nous recommandons vivement que le personnel de l’Assemblée
nationale soit renforcé en vue de permettre au parlement de devenir
un acteur à part entière du processus législatif.
104. Dans le même temps, nous sommes prêts à apporter notre soutien
à nos collègues serbes dans la rédaction des nouvelles règles de
procédure, en nous servant des connaissances au niveau de l’Assemblée et
de modèles de règles de procédure conçus par d’autres parlements
de la région avec l’appui d’experts internationaux. Nous saluons
la volonté du nouveau président de l’Assemblée nationale d’œuvrer
avec l’Assemblée sur ce point.
3.4. Fonctionnement de l’Institution
nationale chargée des droits de l’homme (bureau du défenseur des
droits des citoyens)
105. Nous avons été agréablement
surpris par la discussion que nous avons eue avec le nouveau défenseur des
droits des citoyens (médiateur) Saša Janković, qui a été élu par
l’Assemblée nationale le 29 juin 2007 par 143 voix sur un total
de 250. Sa nomination a été bien accueillie par les principaux acteurs
concernés; nous avons donc eu l’impression qu’il existait un vaste
consensus sur la nécessité d’établir une institution nationale des
droits de l’homme en Serbie, sachant que toutes les tentatives précédentes
de désignation d’un médiateur se sont soldées par un échec depuis
l’adoption de la loi en 2005.
106. La nomination du médiateur doit être saluée. M. Janković semble
être plein de nouveaux projets et d’idées sur la façon d’organiser
son bureau. Nous nous félicitons notamment de son intention de collecter
des données sur les violations des droits de l’homme, en mettant
l’accent en priorité sur les cas de discriminations et de violations
des droits des minorités nationales. Nous félicitons le nouveau
médiateur pour son intention d’exercer pleinement son droit d’initiative
législative afin de travailler sur des lois attendues de longue
date et dont le besoin se fait cruellement sentir, par exemple en
ce qui concerne le code de conduite des fonctionnaires.
107. Ces projets bienvenus ne seront toutefois pas mis en œuvre
si le bureau du médiateur ne dispose pas de moyens appropriés pour
fonctionner correctement.
108. A la date de notre réunion avec le médiateur (septembre 2007),
son bureau n’était pas encore pleinement opérationnel. M. Janković
occupait à titre provisoire des locaux dans le bâtiment de l’Assemblée nationale.
De même, le médiateur ne disposait pas alors de personnel suffisant
pour exercer ses fonctions légales. Nous avons été informés que
le projet d’organigramme prévoyant 62 membres du personnel et quatre adjoints
pour seconder le médiateur avait été transmis à la commission compétente
de l’Assemblée nationale au début du mois de septembre 2007 et inscrit
à l’ordre du jour du parlement parmi les derniers points à examiner
lors de la session en cours. Nous avons été particulièrement surpris
de constater que la commission parlementaire souhaitait demander
l’avis du gouvernement concernant l’organigramme. Cela semble complètement
inopportun car le médiateur est essentiellement une institution
parlementaire.
109. Toutefois, par la suite, la délégation serbe à l’Assemblée
nous a informés que le gouvernement et l’Assemblée nationale avaient
adopté le budget proposé par le médiateur, d’un montant de 92 millions
de dinars (environ 1,1 million d’euros) pour l’année 2008. L’Assemblée
nationale a aussi adopté la loi sur la création de l’institution
du médiateur. Le bureau du médiateur a commencé à fonctionner le
24 décembre 2007 avec 15 employés empruntés à d’autres services
publics pour une durée déterminée afin de mener les activités élémentaires
de l’institution. En même temps, un concours pour recruter 22 personnes
supplémentaires a été ouvert et 5 autres employés ont été engagés
en dehors de la procédure normale de recrutement. Une fois la procédure
terminée, 27 personnes supplémentaires viendront renforcer le bureau
du médiateur qui a déjà reçu un grand nombre de plaintes écrites
et orales des citoyens ainsi que des demandes d’aide et de conseils.
110. Toutefois, même si elle est importante, la mise en place de
conditions matérielles appropriées n’est pas le seul défi que l’institution
du médiateur ait à relever en Serbie. A moyen terme, la législation
régissant le fonctionnement du médiateur pourrait être améliorée
à la lumière des normes européennes.
111. Dans son avis sur la Constitution de Serbie, la Commission
de Venise a fait remarquer qu’il était regrettable que le médiateur
ne soit pas protégé contre une révocation injustifiée par l’Assemblée
nationale avant la fin de son mandat. Si le médiateur doit, en effet,
remettre des rapports à l’Assemblée nationale, il semble contestable
d’affirmer que l’Assemblée nationale contrôle le médiateur (article
99) et que le médiateur rend compte de son travail à l’Assemblée
nationale
.
112. D’autres aspects préoccupants ressortent de la loi sur le
défenseur des droits des citoyens (médiateur), laquelle a été adoptée
en 2005 puis modifiée en juin 2007. Cette loi a été examinée conjointement
par la Commission de Venise et par le bureau du Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2004
. Nous saluons
le fait que plusieurs recommandations importantes des experts du
Conseil de l’Europe ont été intégrées à la version définitive de
la loi.
113. Néanmoins, il nous semble que trois aspects de la loi pourraient
être améliorés.
114. Premièrement, le médiateur est désigné par l’Assemblée nationale
à travers un vote à la majorité absolue (article 4). Cela constitue,
de fait, une amélioration par rapport à la version précédente de
la loi qui prévoyait la majorité simple. Cette procédure ne suit
toutefois pas la recommandation des experts du Conseil de l’Europe
selon laquelle le médiateur doit être désigné à la majorité qualifiée
des membres du parlement (deux tiers ou trois cinquièmes). Nous
sommes d’accord avec les experts du Conseil de l’Europe sur le fait
que le choix du médiateur doit recueillir un large consensus pour
garantir la confiance du public en son indépendance. Nous rejoignons
aussi la Commission de Venise sur le fait qu’il est important de
prévoir des garanties contre sa révocation injustifiée par l’Assemblée
nationale avant la fin de son mandat. Selon la loi, le médiateur
peut être révoqué par une majorité absolue des votes sur la base
d’un certain nombre de critères dont certains sont plutôt vagues
(par exemple, l’article 12, paragraphe 12, sous-paragraphe 1, qui
dispose qu’un médiateur peut être révoqué «pour incompétence ou
négligence dans l’exercice de ses fonctions»). Une procédure impliquant
un vote à la majorité qualifiée serait bien plus appropriée.
115. Deuxièmement, nous sommes préoccupés par le fait que les critères
de sélection du médiateur soient quelque peu restrictifs. Selon
l’article 5, un candidat doit être titulaire d’un «diplôme en droit;
[justifier] d’au moins dix ans d’expérience dans des emplois liés
au domaine de compétence du [médiateur], [posséder] une haute moralité
et de hautes qualifications; une expérience significative en matière
de protection des droits civils». Nous sommes d’accord avec les
experts du Conseil de l’Europe pour dire que l’obligation de détenir
un diplôme en droit ne devrait pas être une condition requise pour
être médiateur et que l’obligation d’une expérience professionnelle
semble vague et pourrait être interprétée de manière restrictive.
Elle pourrait décourager des candidats compétents de postuler, faute
d’expérience professionnelle spécifique. Nous aurions aimé que les
deux premiers critères soient supprimés de la loi; les deux autres
critères semblent largement conformes aux conditions de la plupart
des mandats nationaux et internationaux de défenseurs des droits
de l’homme.
116. Troisièmement, nous sommes préoccupés par la rigidité de la
procédure d’introduction des plaintes qui est trop semblable à celle
des tribunaux (article 27). Bien que la procédure ait été améliorée
(et, en particulier, nous saluons le fait que le personnel du médiateur
soit désormais tenu d’apporter une aide technique au plaignant pour
rédiger sa plainte si le plaignant en fait la demande), nous pensons
que des conditions trop strictes pour le dépôt des plaintes sont
contraires à la nature même de l’institution.
3.5. Fonctionnement du bureau
du commissaire chargé de l’accès aux informations d’intérêt général
117. Le commissaire chargé de l’accès
aux informations d’intérêt général doit faire globalement face aux mêmes
problèmes que ceux qui se posent au médiateur. M. Rodoljub Šabić
a été nommé commissaire par l’Assemblée nationale le 12 décembre
2004, mais son bureau n’est devenu pleinement opérationnel qu’à
la fin du mois de mai 2005, près de six mois après sa nomination.
Actuellement, M. Šabić travaille avec seulement six employés alors
que l’organigramme approuvé par le parlement ne prévoit pas moins
de 21 personnes pour le seconder dans sa mission de commissaire.
118. Nous avons été particulièrement impressionnés par l’engagement
personnel de M. Šabić dans son travail. En tant que praticien du
droit, au cours des six premiers mois, il s’est personnellement
investi dans son travail en vue d’accélérer le fonctionnement de
son bureau. L’OSCE lui a fourni une aide appréciable en termes de
formation de son personnel.
119. Le bureau du commissaire a été créé sur la base de la loi
sur le libre accès aux informations d’intérêt général, adoptée le
2 novembre 2004 et modifiée le 13 juin 2007. La loi définit la notion
«d’information d’intérêt général» et réglemente le mode d’exercice
par les citoyens de leur droit d’obtenir des informations d’intérêt général
et l’obligation des organismes publics de fournir ces informations
aux citoyens. Le bureau du commissaire a été mis en place pour contrôler
le respect de l’obligation des pouvoirs publics de fournir des informations
d’intérêt général aux citoyens et d’examiner les recours contre
les décisions des organismes publics concernant la fourniture d’informations
d’intérêt général. Le commissaire est nommé et révoqué par l’Assemblée
nationale à la majorité absolue des votes. Les critères de nomination
et de révocation du commissaire sont très semblables à ceux applicables
au médiateur. Pour être nommé, le candidat doit détenir un diplôme
en droit, posséder au moins dix ans d’expérience professionnelle
et jouir d’une bonne réputation et de compétences démontrées dans
le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme.
Le commissaire peut être révoqué par l’Assemblée nationale sur l’initiative
d’un tiers des membres du parlement et, notamment, pour un exercice
de ses «fonctions de manière non professionnelle et non consciencieuse».
120. Bien que nous comprenions que la fonction du commissaire exige
une certaine compétence professionnelle, nous doutons que les obligations
de détenir un diplôme de droit, de posséder dix ans d’expérience
et de démontrer des compétences en matière de droits de l’homme
soient justifiées. Comme dans le cas du médiateur, ces obligations
semblent restrictives et sont susceptibles de décourager des candidats
compétents de postuler pour le poste.
121. De même, nous sommes préoccupés par le fait que les décisions
de nomination et de révocation soient prises à la majorité absolue.
Cela signifie que le commissaire peut en pratique être nommé et
révoqué par une coalition majoritaire sans consulter l’opposition
et sans un accord éventuel avec celle-ci. Le commissaire exerce
une fonction très importante de protection et de promotion de la
transparence dans le travail de l’administration publique et de
protection du droit des citoyens à l’information. La nomination
et la révocation du commissaire doivent découler du consensus de
tous les acteurs politiques représentant la majorité et l’opposition.
122. En conséquence, nous recommandons de modifier la loi en y
introduisant une obligation de majorité qualifiée pour la nomination
et la révocation du commissaire.
123. Cela étant dit, les résultats du travail du commissaire sont
méritoires. Toutes les informations sur les activités du commissaire
peuvent être facilement consultées sur le site web du commissaire
(http://www.poverenik.org.yu/) en serbe et en anglais. Les formulaires
de demande d’informations et de plainte peuvent également être téléchargés
en serbe et en anglais. Des statistiques ainsi que des rapports
mensuels et annuels sont également disponibles.
124. Nous saluons, en particulier, la présence sur le site web
du «Guide relatif à la loi sur la liberté d’accès aux informations
d’intérêt général» qui est publié non seulement en serbe mais également
en anglais ainsi que dans plusieurs langues minoritaires (albanais,
bulgare, hongrois, roumain, ruthène et slovaque).
125. Parmi les exemples positifs récents du travail du commissaire,
on peut citer son rôle dans le scandale concernant la publication
de l’octroi du marché de construction et d’entretien de l’autoroute
Horgoš-Požega. Le contrat relatif à la construction de l’autoroute
a été signé en mars 2007 avec le consortium hispano-autrichien FCC-Alpina.
Immédiatement après la signature du marché, des rumeurs ont circulé
concernant certains accords financiers prétendument préférentiels
accordés au consortium en termes de perception et d’utilisation
des droits de péage. Les autorités de Vojvodine se sont plaintes,
au plus haut niveau, auprès du Gouvernement de Serbie en alléguant
que les conditions du marché violaient les intérêts de la province autonome
et elles ont demandé son annulation. Parallèlement, le gouvernement
a refusé de rendre public le marché en invoquant une clause particulièrement
confidentielle qui l’empêchait de ne plus classer comme confidentiel
le marché sans l’accord exprès des partenaires étrangers. Le commissaire
chargé de la liberté d’accès aux informations publiques a fait une
déclaration publique dans laquelle il soulignait que ces règles
de confidentialité étaient contraires à la Constitution serbe et
à la loi sur la liberté d’accès aux informations publiques qui garantissent
le droit des citoyens d’avoir accès aux informations publiques et
qui n’autorisent des restrictions dans l’exercice de ce droit qu’«aux
fins de protéger des intérêts supérieurs contre un grand danger dans
le cadre d’une société démocratique». Il a également fait remarquer
que les pouvoirs publics avaient l’obligation de garantir que ces
principes constitutionnels et légaux sont appliqués par toutes les
institutions, notamment les partenaires étrangers qui opèrent dans
le cadre du droit serbe. Le non-respect de cette obligation fondamentale
serait particulièrement dommageable dans le contexte actuel d’harmonisation
de l’ordre juridique serbe avec l’acquis de l’Union européenne
.
126. A la suite de l’intervention du commissaire, le gouvernement
a finalement décidé de divulguer les conditions du marché, en restreignant
toutefois l’accès à certaines annexes du contrat qui régissent apparemment
les aspects financiers de l’application du contrat et qui concernent
des garanties bancaires.
127. Nous n’avons pas pour mission d’enquêter sur les aspects techniques
et financiers de la concession de marchés pour la construction d’autoroutes
en Serbie. Nous nous abstiendrons donc de faire des commentaires sur
ce point. Nous ne pouvons toutefois pas nous empêcher de souligner
que, dans une société démocratique régie par le principe de la primauté
du droit, toutes les institutions publiques doivent se conformer
aux règles et que les citoyens doivent avoir la possibilité de contrôler
des dépenses publiques afin que les responsables politiques rendent
des comptes. Nous espérons donc que la question de l’accès à toutes
les informations relatives à la construction de l’autoroute sera
finalement réglée en toute transparence et conformément au droit.
3.6. La démocratie locale
128. La ratification de la Charte
européenne de l’autonomie locale (STE no 122)
est un événement dont on peut se féliciter. En effet, elle faisait
partie des vieux engagements non remplis que l’union d’état avait
pris et omis de satisfaire avant sa dissolution. Nous félicitons
les autorités serbes pour la ratification de la charte qui constitue
désormais le fondement juridique du renforcement de la démocratie
locale.
129. Cependant, il importe de consolider plus avant la démocratie
locale.
3.6.1. Accords institutionnels
130. Le statut des municipalités
est régi par la Constitution et la nouvelle loi sur l’autonomie
locale adoptée le 29 décembre 2007. Cette loi ainsi que la loi sur
l’organisation territoriale, la loi sur les élections locales, la
loi sur la ville-capitale ont introduit quelques changements dans
le système d’autonomie locale. En particulier, la loi sur l’organisation
territoriale a donné le statut de ville à 19 municipalités supplémentaires;
actuellement, la Serbie est divisée en 150 municipalités, 23 villes
et la ville-capitale (Belgrade). L’Assemblée nationale de la République
de Serbie a compétence pour décider de la création de nouvelles
municipalités et villes ainsi que pour modifier les limites ou dissoudre
les entités locales autonomes existantes. Tout changement territorial
ne peut être mis en place qu’à la suite d’un référendum consultatif
demandé par l’assemblée municipale ou par 10 % des habitants de
la municipalité.
131. Selon la nouvelle législation, l’assemblée municipale est
l’organe de plus haut niveau de l’unité locale autonome; les maires
sont élus à bulletin secret parmi les membres de l’assemblée pour
un mandat de quatre ans. Les élections locales sont organisées sur
la base du système proportionnel avec un seuil électoral de 5 %
(qui est supprimé pour les partis et coalitions de partis des minorités
nationales). Ces changements semblent en accord avec les normes
de la Charte européenne de l’autonomie locale. Toutefois, les accords institutionnels
et financiers relatifs aux collectivités locales nécessitent certaines
améliorations de fond.
3.6.2. Attribution de nouvelles
compétences
132. A compter du 1er janvier 2007,
les municipalités sont autorisées à assumer de nouvelles missions
dans le domaine de l’administration et de la collecte des impôts
locaux, de l’achat et de l’entretien d’équipements de soins de santé
de base, du transport des enfants d’âge préscolaire et de la gestion
de centres d’action sociale. Le transfert de nouvelles missions
se fait de manière progressive; le processus devrait s’achever en
2009.
133. Alors que le transfert de la responsabilité consistant à organiser
le transport des enfants d’âge préscolaire n’a pratiquement aucune
incidence sur les budgets municipaux, le transfert d’autres responsabilités
nécessite le développement de mécanismes financiers complexes et
efficaces. Cela ne s’applique toutefois pas à la collecte et à l’administration
des impôts locaux. Cette mission est hautement lucrative et peut
augmenter le potentiel de ressources propres au niveau local.
134. Le transfert de missions dans le domaine de la santé de base
et dans le secteur social peut éventuellement accroître les complications
pour les municipalités. En plus de la conception de nouveaux mécanismes
financiers pour couvrir les coûts de ces nouvelles missions, la
décentralisation exige un transfert de matériel et de personnel
utilisés pour le moment par les ministères au sein de l’administration
centrale pour effectuer les mêmes missions. C’est délicat, car le
processus de transfert doit être étroitement coordonné en révisant
l’ensemble des stratégies de fourniture de services publics et des
plans directeurs du réseau.
135. Dans ce contexte, nous pensons que le développement d’une
stratégie complètement intégrée de transfert des missions de services
du niveau central vers les municipalités, sous la direction énergique
du ministère de la Fonction publique et de l’Autonomie locale, des
ministères sectoriels et du ministère des Finances, est nécessaire
pour garantir un processus de transfert harmonieux et efficace.
3.6.3. Décentralisation fiscale
136. Le développement de la décentralisation
fiscale est étroitement lié à l’attribution de nouvelles responsabilités
sectorielles aux municipalités. Le transfert de nouvelles missions
ne doit pas être mis en œuvre aux frais des autorités locales. Le
financement doit correspondre à la compétence et de nouveaux mécanismes financiers
doivent être conçus pour couvrir les frais liés aux nouvelles responsabilités
incombant aux municipalités (par exemple, subventions en bloc, subventions
compensatoires, etc.).
137. La loi adoptée en 2007 sur les finances des collectivités
locales a introduit un nouveau système de péréquation financière
fondé sur des critères objectifs. Les simulations réalisées au stade
de l’élaboration de la loi laissent présager une amélioration substantielle
de la péréquation fiscale horizontale entre municipalités. Mais
les effets à long terme du nouveau système de péréquation doivent
être contrôlés au fil du temps, au fur et à mesure de l’accroissement
des responsabilités (et des dépenses) des collectivités locales.
138. La nouvelle loi sur les finances locales a fait de l’impôt
foncier l’une des principales ressources propres des municipalités.
L’administration de cet impôt est toutefois problématique en raison
du manque de données cadastrales à jour et de l’absence de système
moderne et efficace d’évaluation des biens. Certaines municipalités
tentent de concevoir leur propre système avec l’aide de donateurs
étrangers. Un système national complet doit encore être développé.
139. Nous estimons que la nouvelle Commission pour le financement
intercollectivités doit jouer un rôle moteur dans le contrôle de
la mise en œuvre des nouveaux accords financiers pour les collectivités
locales, en faisant des recommandations sur d’éventuelles améliorations,
le cas échéant.
3.6.4. Attribution des biens
140. Après l’adoption en 1995 de
la loi sur le patrimoine de la République de Serbie qui avait nationalisé
tous les biens des collectivités locales, les municipalités ont
souffert, des années durant, d’une ingérence systématique des autorités
centrales dans toutes les transactions immobilières réalisées au
niveau local. Cela a créé d’importants obstacles au développement
économique local et découragé des investisseurs potentiels de lancer
des projets avec les autorités locales.
141. La nouvelle Constitution semble autoriser les municipalités
à détenir des biens, mais elle laisse à la législation ordinaire
le soin de définir les règles régissant les droits de propriété
des autorités locales. Une loi sur la délimitation des biens de
l’Etat et des collectivités locales est donc nécessaire. Parallèlement,
une législation régissant l’utilisation des biens régis par le régime
du droit public et des biens régis par le régime du droit privé
doit être adoptée. L’attribution des biens est étroitement liée
à la question de la restitution des biens nationalisés lors de l’instauration
de la Yougoslavie socialiste.
142. Nous estimons que l’élaboration d’un arsenal complet de lois
sur les biens et les droits de propriété doit être l’une des toutes
premières priorités du gouvernement, afin de permettre aux municipalités
(et aux autorités centrales) de disposer librement de leurs biens,
dans les limites du droit, de manière à promouvoir le développement
local et régional, en particulier dans le cadre des programmes de
préadhésion à l’Union européenne.
3.6.5. Relations entre les autorités
centrales et locales
143. Le système de contrôle administratif
de l’action des autorités locales établi par la loi sur l’autonomie locale
semble assez complexe. Il n’existe pas de contrôle automatique des
actes des collectivités locales mais le gouvernement, par l’intermédiaire
du ministère responsable de l’autonomie locale, peut engager une procédure
devant la Cour constitutionnelle s’il considère qu’un acte donné
d’une municipalité contrevient à la Constitution ou à la loi, crée
un préjudice irréparable ou porte atteinte aux droits et libertés
des citoyens. Dans l’attente de la décision de la Cour constitutionnelle,
l’acte contesté est suspendu sur décision du gouvernement.
144. Le ministère chargé de l’autonomie locale peut également attaquer
un acte d’une collectivité locale devant la Cour suprême s’il estime
que l’acte en question viole les statuts de la municipalité.
145. Le ministère est habilité à annuler des actes administratifs
de faible importance, pris par des municipalités, à la suite d’une
«procédure de conciliation». La décision du ministère devrait pouvoir
être attaquée en justice bien que la loi ne le prévoie pas expressément.
146. Bien qu’ils soient formellement conformes aux normes européennes,
les accords juridiques en vigueur ne semblent pas offrir de protection
adéquate aux municipalités car les Cours constitutionnelle et suprême peuvent
ne pas être en mesure d’examiner toutes les affaires de manière
efficace et dans des délais raisonnables. Une procédure plus efficace
et rationalisée de contrôle de légalité, garantissant une intervention efficace
et dans des délais raisonnables de l’autorité judiciaire, est nécessaire
pour satisfaire aux principes de la Charte européenne de l’autonomie
locale.
147. Les autorités locales peuvent aussi contester la constitutionnalité
de la légalité d’une loi ou d’un acte général de la république ou
de la province autonome devant la Cour suprême. Les actes individuels
des organes d’Etat peuvent aussi faire l’objet de recours devant
la Cour suprême.
3.6.6. Autonomie provinciale
148. Lorsque Milošević était au
pouvoir, la large autonomie traditionnellement accordée à la province autonome
de Vojvodine a été sensiblement réduite. La nouvelle Constitution
de 2006 n’est pas parvenue à remédier à la situation et les compétences
actuelles de la province ne sont, en réalité, pas différentes de
celles exercées sous le régime de l’ancienne Constitution. C’est,
de fait, la raison pour laquelle les autorités provinciales étaient
contre la Constitution et ont appelé au boycott du référendum. Il
ressort de nos réunions avec les autorités provinciales que, bien
qu’elles n’aient pas été satisfaites des dispositions de la nouvelle Constitution,
elles ont accepté de travailler dans le cadre de celle-ci en proposant
des modifications et une nouvelle législation visant à accroître
l’autonomie de la province. Nous saluons cette attitude positive
et constructive.
149. Cela étant dit, la nouvelle Constitution comporte certaines
garanties majeures concernant les «droits acquis» de la province,
en particulier en matière financière. L’article 184, notamment,
garantit que le budget de la province autonome de Vojvodine doit
représenter au moins 7 % du budget de la République de Serbie. Nous
ne sommes pas favorables à de tels seuils relativement volatils
en ce qui concerne les ressources financières des autorités régionales
ou locales et nous aurions préféré une formulation différente reposant éventuellement
sur le principe de proportionnalité des ressources financières par
rapport aux compétences décentralisées, conformément à la Charte
européenne de l’autonomie locale. Cependant, nous reconnaissons qu’il
s’agit d’un élément positif qui représente une garantie majeure
et qui doit être renforcé au fur et à mesure des progrès de la décentralisation.
150. Les autorités de la province autonome de Vojvodine travaillent
actuellement sur le nouveau projet de statut de la province qui,
en vertu de la loi relative à l’application de la Constitution,
doit être soumis à l’Assemblée nationale de Serbie dans un délai
maximal de quatre-vingt-dix jours à compter de la constitution de
la nouvelle Assemblée provinciale. Nous invitons les autorités de
la province autonome et les autorités de Belgrade à travailler en
étroite coordination sur le projet de statut. Il serait souhaitable
de demander des conseils au Conseil de l’Europe pour la rédaction
de cet important document juridique.
151. En outre, nous avons appris que des discussions se tiennent
à différents niveaux en ce qui concerne la possibilité d’instaurer
d’autres provinces en Serbie, ce qui créerait ainsi un nouveau niveau
intermédiaire de gouvernement entre Belgrade et les autorités locales.
Nous nous félicitons de ces décisions, la régionalisation étant
une bonne façon d’améliorer les règles de la démocratie.
152. La régionalisation améliorera la capacité des pouvoirs publics
à gérer des compétences décentralisées de manière plus rentable
et efficace, conformément au principe de subsidiarité. Elle créera,
en outre, un fondement approprié pour la gestion des réformes structurelles,
en renforçant ainsi la capacité des autorités serbes à absorber
le financement de préadhésion à l’Union européenne. Nous encourageons
tous les acteurs concernés à continuer d’examiner cette question.
Sans préjudice de la place particulière occupée par Vojvodine, son
statut actuel pourrait être utilisé comme modèle pour encourager
d’autres discussions.
4. Prééminence du droit
4.1. Réforme de la justice
153. La réforme du système judiciaire
est régie par la Stratégie nationale de réforme judiciaire adoptée
en avril 2006. La stratégie semble complète et constituer un document
bien écrit qui fixe des objectifs prioritaires de réforme pour la
période 2006-2011. Elle prévoit la mise en place d’une Commission
de mise en œuvre de la stratégie réunissant les représentants du
ministère de la Justice, de la Cour suprême, de l’Assemblée nationale,
du parquet, du Centre de formation judiciaire ainsi que des associations
professionnelles de juges, de procureurs et de praticiens du droit
.
154. La stratégie est axée sur quatre principaux piliers du système
judiciaire: l’indépendance, la transparence, la responsabilité et
l’efficacité. Elle vise à renforcer le rôle du Conseil supérieur
de la magistrature en vue de le transformer en une structure puissante
et indépendante chargée, à moyen terme, de la gestion du système
judiciaire, le ministère de la Justice n’assumant que les missions
qui ne peuvent pas être déléguées au Conseil supérieur de la magistrature.
155. Tout en nous félicitant de ces buts légitimes, nous sommes
préoccupés par leur mise en œuvre dans la pratique. L’efficacité
de la mise en œuvre des stratégies de réforme dépend, dans une large
mesure, de la disponibilité de plans d’action concrets et bien articulés
et de la bonne coopération entre les principaux acteurs concernés
dans le cadre de petites commissions opérationnelles de mise en
œuvre (à savoir des groupes d’action chargés de surveiller des éléments
spécifiques de la stratégie, des groupes de travail sur les projets de
loi, des équipes d’experts pour proposer des options alternatives).
Certains de nos interlocuteurs se sont plaints de la lenteur du
rythme de mise en œuvre des réformes en affirmant que la commission
de mise en œuvre de la stratégie était paralysée depuis sa création.
4.1.1. Cadre législatif
156. Lors de nos visites, nous avons
eu l’occasion d’évoquer longuement avec l’ex-ministre de la Justice
et son équipe la mise au point d’une nouvelle législation sur le
système judiciaire et les parquets. Nous sommes ravis de noter que
la nouvelle ministre de la Justice, Mme Snežana
Marković, s’est pleinement investie dans le processus d’élaboration
de cette législation sur le système judiciaire et le parquet lorsqu’elle
était vice-ministre. Nous espérons qu’elle-même et son équipe mèneront
rapidement à bien la réforme législative, en faisant plein usage
des projets de lois et évaluations d’experts déjà au point. Cela
s’applique en particulier à la rédaction de la législation sur l’organisation
des tribunaux, le statut des juges et du Conseil supérieur de la
magistrature, l’organisation du ministère public, le statut des
procureurs et le Conseil national des procureurs.
157. Nous nous félicitons de la qualité de la coopération instaurée
entre le ministère de la Justice et les experts du Conseil de l’Europe
dans le cadre d’une initiative conjointe du Conseil de l’Europe
et de l’AER (Agence européenne pour la reconstruction) sur l’application
de la stratégie nationale de réforme du système judiciaire. Dans
le cadre de ce programme conjoint, le ministère et le Conseil de
l’Europe ont élaboré des principes fondamentaux de la réforme du
système judiciaire et du ministère public ainsi que plusieurs projets de
lois que nous examinerons plus bas.
158. Dans cette partie de notre rapport, nous nous intéresserons
principalement à l’analyse de la législation relative à la réforme
du système judiciaire; quant à la réforme des parquets, elle sera
abordée plus en détail dans la section 4.2.
159. Les Principes fondamentaux de la réforme de la justice forment
un long document complet visant à jeter les fondements du processus
d’élaboration de la législation sur le statut de la magistrature.
Ce texte exhaustif décrit les grands principes sur lesquels le système
judiciaire doit être fondé, les caractéristiques essentielles du
statut des juges, l’organisation des tribunaux, le statut et le
mandat du Conseil supérieur de la magistrature, les principes régissant
l’élection des juges et des présidents de tribunaux, les droits
et les devoirs des juges et des présidents de tribunaux, les principes
applicables à l’évaluation du travail des juges et des présidents
de tribunaux, la responsabilité des juges en matière disciplinaire,
ainsi que les modalités relatives à la fin de leur mandat.
160. Ces principes fondamentaux visent à renforcer davantage un
certain nombre de garanties constitutionnelles afférentes à l’indépendance
du pouvoir judiciaire conformément à quelques normes internationales
inscrites dans diverses conventions et recommandations internationales.
Ils servent de base à l’élaboration des projets de loi sur la magistrature,
l’organisation des tribunaux en Serbie et le Conseil supérieur de
la magistrature, qui ont été évalués par la Commission de Venise
.
161. Si elle se félicite de la qualité de certaines dispositions
de ces lois, la Commission de Venise a considéré que l’ensemble
des lois sur la réforme du système judiciaire tendait à affaiblir
l’indépendance judiciaire. Certaines de ces dispositions accroissent
le risque de politisation de ce dernier en exigeant que, pour chaque élection
de juge, le Conseil supérieur de la magistrature propose deux candidats
à l’Assemblée nationale; de plus, le projet n’instaure aucun modèle
susceptible de préserver la continuité des fonctions des juges en
place, même en l’absence de toute allégation d’incompétence ou de
manquement à leur devoir d’indépendance à leur encontre. Comme cela
est indiqué précédemment au paragraphe 73, nous ne sommes pas totalement convaincus
par la solution proposée dans le projet de loi sur le Conseil supérieur
de la magistrature relatif à l’ingérence du parlement dans le processus
de désignation des membres du conseil. L’application de la loi devra
être analysée minutieusement après son adoption.
162. Nous invitons les autorités serbes à étudier avec attention
l’avis de la Commission de Venise et à reformuler les lois, conformément
aux recommandations des experts. Nous examinerons la législation
dès son adoption au cours des étapes ultérieures du processus de
suivi.
163. Nous saluons l’adoption par le parlement, le 24 novembre 2007,
de la loi sur la Cour constitutionnelle. L’adoption de ce projet
de loi est déterminante, puisque la Cour constitutionnelle a cessé
de fonctionner à l’automne 2006, avec le départ à la retraite du
président de la cour. Depuis cette date, le président n’avait pas été
remplacé et la cour ne s’était pas réunie une seule fois étant donné
que le règlement prévoit que les sessions de la cour ne peuvent
être convoquées que par son président. Au cours de la même séance,
le parlement a élu 5 juges de la cour à partir de la liste de 10
candidats soumise par le Président. En même temps, le parlement
a approuvé une liste de 10 candidats devant être soumise au Président
pour la nomination de 5 juges faisant partie du «quota» présidentiel.
A la suite de quoi, le Président a nommé cinq membres de la cour sur
son quota et la cour a repris ses activités
.
164. Dans l’ensemble, la loi sur la Cour constitutionnelle soumise
à la Commission de Venise est un texte sérieux et exhaustif, qui
aborde la quasi-totalité des aspects du fonctionnement de la Cour
constitutionnelle. Il devrait favoriser la mise en place d’une Cour
constitutionnelle forte et équilibrée dans sa composition. Il répond,
partiellement du moins, aux préoccupations des membres de la Commission
de Venise quant au droit de l’Assemblée nationale de révoquer les
juges de la Cour constitutionnelle. Cette révocation ne peut en
effet intervenir que dans certaines circonstances exceptionnelles
(c’est-à-dire lorsque le juge enfreint les principes relatifs aux
conflits d’intérêts, perd définitivement la capacité d’exercer ses
fonctions de juge, est condamné à une peine d’emprisonnement ou
reconnu coupable d’une infraction pénale qui le/la rend inéligible
au poste de juge à la Cour constitutionnelle), et la cour se réserve
le droit de décider si ces conditions sont ou non réunies.
165. Certaines dispositions de la loi pourraient toutefois être
améliorées. Cette remarque vaut notamment pour certaines normes
de procédure, liées à l’application de la législation en matière
de procédure par analogie, aux parties à la procédure, aux modalités
du contrôle abstrait des normes, à l’examen des cas de conflit de
compétences, aux délais judiciaires, ainsi qu’au rôle des institutions
d’Etat chargées de surveiller le respect des droits de l’homme dans
le cadre du dépôt de recours constitutionnels. Nous espérons que
cette loi sera améliorée à l’avenir, conformément aux recommandations
de la Commission de Venise.
4.1.2. Pratique judiciaire et fonctionnement
des tribunaux
166. Les réformes législatives ne
sont pas l’unique défi auquel le système judiciaire soit confronté
en Serbie. La corruption du pouvoir judiciaire est en effet perçue
comme étant l’un des principaux obstacles à une administration efficace
de la justice. Même si, d’après nos interlocuteurs, les juges ayant
compromis leur impartialité et leur indépendance ne constituent
qu’une minorité, il faudra des efforts à grande échelle pour assainir
l’ensemble du corps judiciaire composé d’environ 2 400 juges.
167. D’après les statistiques de la justice pénale, les juges ont
tendance à prononcer des peines a minima. Pour
ne citer que deux exemples, dans 58 % des affaires de meurtre, les
criminels sont condamnés à cinq ans d’emprisonnement (alors que
la loi prévoit des peines allant de cinq à quinze ans) et, dans
52 % des cas de meurtre avec circonstances aggravantes, les criminels
sont condamnés à dix ans d’emprisonnement (soit une peine inférieure
au minimum prévu par la loi, qui va de trente à quarante ans); si,
en vertu de la loi, les trafiquants de drogue sont passibles de
peines de deux à douze ans d’emprisonnement (de cinq à quinze ans s’ils
agissent dans le cadre d’un réseau organisé), en pratique cependant,
dans 70 % des cas, les tribunaux prononcent des peines avec sursis
et, dans 30 % des cas restants, on enregistre 48 % de peines d’un
an et 43 % de peines allant de un à trois ans d’emprisonnement.
Cette situation peut indubitablement relever d’une certaine pratique
judiciaire (afin d’éviter la surpopulation carcérale), mais elle
peut également être un indice de corruption, en particulier dans
les cas de meurtre avec circonstances aggravantes et de trafic de
drogue.
168. Dans la pratique, le ministère de la Justice ne dispose d’aucun
outil pour combattre efficacement la corruption au sein du système
judiciaire. En vertu de la législation actuelle, le ministre de
la Justice ne peut pas entamer de poursuites pour révoquer un juge.
Cette compétence est réservée au seul Conseil supérieur du personnel
de la Cour suprême, composé de neuf juges. A ce jour, un seul juge
de la Cour suprême a été condamné pour avoir accepté des pots-de-vin
de la part de groupes criminels organisés, tandis qu’un autre juge
reconnu coupable de corruption continue d’exercer ses fonctions.
169. Tout en reconnaissant l’existence d’un phénomène de corruption
au sein du pouvoir judiciaire, les représentants de la justice admettent
ne pas se sentir en sécurité. De nombreux juges se plaignent des pressions
qu’ils subissent de la part de milieux politiques et du monde des
affaires. Beaucoup de juges compétents quittent la fonction judiciaire
afin d’aller travailler pour des organismes publics ou exercer en cabinet
privé. Aux dires mêmes des premiers intéressés, les juges travaillent
depuis des années dans une situation de flou juridique dans la mesure
où leur nomination et leur révocation sont décidées par l’Assemblée nationale
composée de membres élus représentant les divers intérêts des partis
politiques. Il faudrait absolument réformer le pouvoir judiciaire
et renforcer les garanties d’indépendance des juges.
4.2. Réforme du ministère public
170. A l’heure actuelle, le statut
du ministère public est régi par la nouvelle Constitution de Serbie.
La législation sur l’organisation des parquets, la nomination et
la cessation des fonctions des procureurs et de leurs substituts,
ainsi que sur le statut du Conseil supérieur de la magistrature,
n’a pas encore été adoptée.
171. Entre-temps, le ministère de la Justice a rédigé un ensemble
de principes fondamentaux sur la réforme du ministère public afin
de jeter les bases du processus d’élaboration d’une législation
spécifique. Par la suite, deux projets de loi sur le ministère public
et sur le Conseil national des procureurs ont été préparés et adressés au
Conseil de l’Europe pour évaluation. Les experts du Conseil de l’Europe
ont examiné ces deux textes dans le cadre de l’Initiative commune
entre le Conseil de l’Europe et l’AER sur la mise en œuvre de la
Stratégie nationale de réforme de la justice.
172. Si les deux projets semblent correctement rédigés, ils suscitent
un certain nombre d’inquiétudes par rapport aux normes européennes
sur le statut des parquets codifiées en particulier par la Recommandation Rec(2000)19
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère
public dans le système de justice pénale et la
Recommandation 1604 (2003) de l’Assemblée sur le rôle du ministère public dans
une société démocratique régie par le principe de la primauté du
droit. Ces inquiétudes proviennent des dispositions de la nouvelle
Constitution qui, comme nous l’avons déjà mentionné, devraient être
mises en conformité avec les normes européennes.
173. Nous avons déjà pris note de l’explication donnée par la délégation
serbe à l’Assemblée concernant la fonction du ministère public en
matière de protection de la constitutionnalité, de la légalité,
des droits de l’homme et des libertés civiles. Nous espérons que
les «moyens juridiques» conférés au ministère public ne lui permettent
pas d’exercer un «contrôle» des tribunaux en contestant des décisions
finales au motif d’illégalité. Si c’était le cas, il pourrait y
avoir un risque d’insécurité juridique qui pourrait donner lieu
à la violation du droit à un procès équitable, tel que protégé par
la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.
174. Les projets de loi proposés n’ont pas complètement résolu
les inquiétudes exprimées par la Commission de Venise concernant
les modalités d’élection du procureur général, des procureurs et
des substituts (pour une période initiale de trois ans toutefois,
avec la possibilité de confirmer la nomination pour une durée indéfinie par
le Conseil national des procureurs). Conformément à la Constitution,
ces différentes personnes devraient être élues par l’Assemblée nationale
sur proposition du gouvernement et après consultation de la commission compétente
de l’Assemblée nationale. Le gouvernement fait une proposition à
partir d’une liste de candidats établie par le Conseil national
des procureurs. Si le rôle de l’Assemblée nationale était strictement
honorifique, cette procédure ne poserait aucun problème. Toutefois,
la loi semble indiquer que l’Assemblée nationale peut faire un choix
entre les candidats proposés par le gouvernement ou refuser d’élire
l’un ou l’autre des candidats proposés par le gouvernement, auquel
cas une nouvelle «élection» est organisée. Cette procédure confère
à l’Assemblée nationale le pouvoir discrétionnaire de prendre une
décision politique sur la nomination des procureurs, ce qui crée
une relation de «dépendance» des procureurs à l’égard du parlement.
Cette situation s’applique tout particulièrement au cas du procureur
général et aux procureurs qui sont élus pour six ans et rééligibles.
La procédure de réélection constitue pour l’Assemblée nationale
l’occasion de faire pression sur les procureurs, qui seront inévitablement
soumis à l’influence de considérations politiques dans le cadre
de leur action s’ils souhaitent être réélus. Par ailleurs, la majorité
à l’Assemblée nationale pourrait «mettre à la porte» un procureur
dont les décisions ne correspondent pas à ses intérêts politiques.
175. En ce qui concerne l’élection par l’Assemblée nationale des
six membres au Conseil national des procureurs, nous avons appris
par la délégation serbe à l’Assemblée que le projet de loi sur le
Conseil national des procureurs dispose que le conseil devrait proposer
au Gouvernement de la République de Serbie trois candidats pour
chaque poste de membre du conseil pourvu par élection et que le
gouvernement a l’obligation de proposer à l’Assemblée nationale
deux candidats sur les trois proposés pour chaque poste de membre
élu du conseil. L’Assemblée nationale a l’obligation d’élire une
seule personne sur la liste des candidats et elle n’est pas autorisée
à renvoyer la liste des candidats au gouvernement et au Conseil
national des procureurs pour qu’ils fassent de nouvelles propositions.
Evidemment, cette procédure réduit au minimum l’influence des partis
politiques sur le processus électoral. Toutefois, elle n’élimine
pas complètement le risque de politisation du processus dans la
mesure où il est difficile d’établir les motifs qui ont guidé le
choix de l’Assemblée nationale en faveur de l’un ou l’autre candidat
proposé par le gouvernement.
176. Tout comme nous l’avons fait au sujet des modalités d’élection
des membres du Conseil supérieur de la magistrature, nous recommandons
que les propositions du Conseil national des procureurs soient contraignantes
pour le gouvernement et l’Assemblée nationale, celle-ci n’ayant
plus alors qu’un simple rôle de confirmation formelle des désignations.
Cette réforme serait de nature à contribuer à l’émergence en Serbie d’un
ministère public solide et autonome.
4.3. Poursuite des crimes de
guerre
177. La poursuite des crimes de
guerre et la coopération avec le TPIY faisaient partie des engagements essentiels
de l’union d’état de Serbie-Monténégro, repris par la suite par
la Serbie. En particulier, les autorités se sont engagées à: «faire
le maximum pour découvrir les (...) personnes inculpées toujours
en fuite et les livrer au TPIY (…); réviser la loi sur la coopération
avec le TPIY, conformément au statut de ce dernier et à la résolution
applicable du Conseil de sécurité de l’ONU; mettre les documents
et les archives, y compris militaires, à la disposition du TPIY
sans plus tarder»
.
La mise en œuvre de cet engagement n’est toutefois pas aussi avancée
qu’elle devrait l’être.
178. Si la nouvelle Constitution serbe n’interdit plus l’extradition
des ressortissants serbes, cette interdiction n’a pas été retirée
de la législation. Cette situation continue de préoccuper vivement
l’Assemblée, qui a recommandé, dans sa
Résolution 1564 (2007) relative aux poursuites engagées pour les crimes relevant
de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY)
,
que l’interdiction d’extrader les ressortissants nationaux inculpés
de crimes de guerre soit levée immédiatement. Sur un plan pratique,
le rapporteur a suggéré que l’application des traités internationaux
sur l’extradition pouvait éliminer les obstacles créés par la législation
nationale puisque le droit international prévaut sur le droit national
.
En effet, comme nous l’avons mentionné précédemment, les traités
internationaux signés et ratifiés par la Serbie ont primauté sur
le droit national pour autant qu’ils respectent la Constitution
(ce qui paraît être le cas pour l’extradition). A cet égard, l’Assemblée
a recommandé que la Serbie retire la déclaration restrictive qu’elle
a formulée au moment de la ratification de la Convention européenne
d’extradition (STE no 24) afin d’interdire
l’extradition de ses ressortissants
. Nous soutenons fermement cette recommandation
de l’Assemblée.
179. Au chapitre des conventions, nous nous félicitons que la Serbie
ait récemment signé et ratifié la Convention européenne sur la valeur
internationale des jugements répressifs (STE no 70)
et
le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide
judiciaire en matière pénale (STE no 182)
. Toutefois,
la Serbie n’est pas encore partie à la Convention européenne sur
l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes
de guerre (STE no 82) ni à la Convention
européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions
violentes (STE no 116).
180. Par ailleurs, sur un plan pratique, très récemment encore,
la coopération avec le TPIY était lente et insuffisante, situation
qui a conduit la Commission européenne à suspendre en mai 2006 les
négociations relatives à un Accord de stabilisation et d’association
avec la Serbie. Les pourparlers ont toutefois repris en juin 2007
après la formation d’un nouveau gouvernement. Depuis, on a observé
un mieux dans la coopération. En particulier, grâce à une bonne
coopération entre les services de sécurité de Serbie, de Bosnie-Herzégovine et
du Monténégro, deux inculpés ont été remis au Tribunal de La Haye:
le chef des services de sécurité de Milošević, le général Zdravko
Tolimir, qui a été appréhendé le 30 mai 2007, et le général Vlastimir
Đorđević, un haut fonctionnaire de police serbe inculpé de crimes
contre l’humanité et de crimes de guerre commis à l’encontre des
Albanais du Kosovo en 1999, qui a été transféré au tribunal le 17
juin 2007.
181. Plus important encore, ces six derniers mois, deux inculpés
supplémentaires (Stojan Župljanin et Radovan Karadžić) ont été arrêtés
et extradés vers le tribunal. Nous considérons ces arrestations
comme une amélioration indéniable de la coopération de la Serbie
avec le TPIY. Le fait que deux des quatre inculpés les plus recherchés
aient été arrêtés prouve que les fugitifs sont à portée des autorités.
Nous pensons que les autorités serbes ne ménagent pas leurs efforts
pour parvenir à une coopération fructueuse avec le tribunal en vue
d’arrêter et d’extrader le général Ratko Mladić, ancien commandant
de l’état-major principal de l’armée de la République serbe de Bosnie
(«VRS»), et Goran Hadžić, ancien Premier ministre de la «république
de Srpska Krajina». Nous attendons des autorités qu’elles arrêtent
rapidement ces criminels de guerre.
4.4. La lutte contre la corruption
et le blanchiment d’argent
4.4.1. Le cadre législatif et institutionnel
182. Les divers gouvernements serbes
qui se sont succédé ces six dernières années ont indiqué avoir fait de
la lutte contre la corruption l’une de leurs priorités. Plusieurs
mesures législatives et pratiques importantes ont été adoptées dans
ce contexte. Sur le plan législatif, la lutte contre la corruption
est régie par la loi sur la prévention des conflits d’intérêts adoptée
en 2004, la loi sur le financement des partis politiques adoptée
en 2003, la loi sur les marchés publics adoptée en 2002 et modifiée
en 2004, la loi sur la fonction publique adoptée en 2005, la loi
sur l’Institut suprême d’audit adoptée en 2005, la loi sur le défenseur
des droits des citoyens adoptée en 2005, la loi sur le libre accès
à l’information d’intérêt général adoptée en 2004, ainsi que le
Code pénal
et le Code de procédure pénale.
La mise en application de ce vaste ensemble de textes de loi est coordonnée
dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption,
adoptée en 2005.
183. Un plan de mise en œuvre de la stratégie a été adopté en 2006.
L’application des mesures anticorruption avance relativement bien,
et plusieurs nouveaux dossiers de corruption de fonctionnaires,
de policiers et de douaniers ont été ouverts au cours de l’année
2006. Toutefois, il manque au plan de lutte contre la corruption, des
délais précis, des actions concrètes et les moyens nécessaires à
sa mise en œuvre.
184. D’après Transparency International, la Serbie a enregistré
en 2007 un indice de perception de la corruption (IPC) de 3,4, ce
qui place le pays au 79e rang
, avant les autres pays d’Europe
du Sud-Est sauf la Croatie, dont l’IPC est de 4,1. Toutefois, il
est généralement admis que la corruption reste répandue en Serbie et
pose un grave problème
. Bien que la législation ait
jeté de solides bases à l’élaboration d’une politique anticorruption,
des améliorations supplémentaires s’imposent à plusieurs égards.
La loi sur le financement des partis politiques contient un certain
nombre de principes sains, mais les mesures de surveillance et de
contrôle sont insuffisantes: par exemple, les rapports sur le financement
de la campagne électorale de janvier 2007 étaient en grande partie
incomplets et insatisfaisants
.
La loi sur la prévention des conflits d’intérêts n’englobe pas l’ensemble
des fonctionnaires appelés à prendre part au processus de décision;
sa mise en application pose par ailleurs certaines difficultés,
puisque les sanctions prévues par la loi sont assez limitées (c’est-à-dire l’avertissement
confidentiel et l’annonce publique en cas de violation de la loi
par un fonctionnaire, avec recommandation de démission). La loi
sur les marchés publics met en place des procédures d’achat complexes
et l’organisme chargé des marchés publics ne joue pas un rôle suffisamment
important. Les vérificateurs de l’Institut suprême d’audit n’ont
été nommés qu’en septembre 2007. Les dispositions de fond et de
procédure de la législation pénale pourraient être encore améliorées,
conformément aux recommandations des experts du Conseil de l’Europe.
185. Sur le plan du droit international, la Serbie est partie aux
conventions suivantes du Conseil de l’Europe: la Convention pénale
sur la corruption (STE no 173), la Convention
civile sur la corruption (STE no 174),
le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption
(STE no 191), la Convention relative
au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime (STE no 141), la Convention européenne
d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30)
et son Protocole additionnel (STE no 99). Toutefois,
elle n’a pas encore ratifié la Convention relative au blanchiment,
au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime
et au financement du terrorisme (STCE no 198)
ni la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
186. Au niveau institutionnel, la lutte contre la corruption est
assurée principalement par le Conseil de lutte contre la corruption.
Cet organisme de 13 membres a été mis sur pied par une décision
du gouvernement en 2001. Il s’agit d’une instance consultative ayant
pour mandat de soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre de
politiques anticorruption. Il examine les différentes activités
de lutte contre la corruption, propose les mesures à prendre pour
améliorer l’efficience des politiques anticorruption et suit leur
mise en œuvre. Le conseil peut également proposer de nouvelles législations,
programmes et autres activités de lutte contre la corruption
.
187. Le conseil a pris un certain nombre de bonnes initiatives
de lutte contre la corruption au cours des dernières années. Il
s’est principalement concentré sur la «corruption politique». Les
cas de «corruption administrative», c’est-à-dire de corruption de
fonctionnaires, comme la corruption dans le secteur de la santé, de
la justice, de l’administration fiscale et des douanes, semblent
avoir été négligés par le conseil
.
188. Afin que les enquêtes et poursuites des infractions pénales
présentant des éléments de corruption et de blanchiment d’argent
soient menées plus efficacement, un Département de lutte contre
la corruption a été créé dans le cadre du programme et du plan annuel
2008 du ministère public de la République de Serbie. Le département
a pour tâche de coordonner les activités avec les parquets de district
ainsi qu’avec les autres organes de l’Etat (le ministère de l’Intérieur,
la brigade fiscale et d’autres services d’inspection). Il doit aussi,
si nécessaire, prendre part aux procédures pénales en première instance.
L’expérience d’un certain nombre de pays européens est prise en
compte pour la constitution de ce département. La mission de l’OSCE
en Serbie a aussi annoncé qu’elle était prête à apporter son savoir-faire
et son soutien matériel. Cela dit, il conviendrait de créer une
structure plus opérationnelle afin de renforcer la mise en application
des mesures de lutte contre la corruption et d’assurer une meilleure
coordination entre les différents mécanismes et politiques anticorruption.
4.4.2. Les recommandations du GRECO
189. Le Groupe d’Etats contre la
corruption (plus connu sous le nom de GRECO) du Conseil de l’Europe
a adopté un rapport d’évaluation sur la République de Serbie en
juin 2006. Le groupe a formulé un certain nombre de recommandations
concrètes et a invité les autorités serbes à rendre compte de la
mise en œuvre de ces recommandations d’ici à la fin de 2007.
190. Un total de 25 recommandations a été adressé aux autorités
serbes. Pour résumer, elles pourraient être classées selon les catégories
suivantes
:
- aspects institutionnels (améliorer
la transparence de la nomination des juges et des procureurs, et supprimer
les influences politiques auxquelles elle est soumise afin de bâtir
la confiance dans la justice et dans les autorités de poursuite
pénale, pérenniser le mandat des procureurs adjoints, consolider
le mandat du procureur spécial pour la criminalité organisée, améliorer
la coopération entre la police et le ministère public, renforcer
la formation continue pour les policiers et les procureurs appelés
à traiter des affaires de corruption et de criminalité organisée,
mettre en place des mécanismes efficaces de suivi du Plan de mise
en œuvre de la stratégie anticorruption, etc.);
- enquêtes (instituer des techniques d’enquête spéciales
et assurer des actions de formation, élaborer un programme complet
de protection des témoins, instaurer le gel temporaire des transactions
suspectes, saisir et confisquer les biens illicites transférés à
des tierces parties, etc.);
- blanchiment de capitaux (élaborer des lignes directrices
comportant des indicateurs de blanchiment de capitaux, sensibiliser
davantage à la nécessité de signaler les opérations suspectes et
de suivre les progrès accomplis, etc.);
- prévention de la corruption (former des fonctionnaires
à la lutte contre la corruption, mettre en place le bureau du médiateur
à l’échelon national, appliquer la loi sur les conflits d’intérêts
à tous les fonctionnaires assurant des fonctions d’administration
publique, adopter des codes de conduite pour les fonctionnaires,
etc.);
- renforcement de la mise en œuvre de la loi sur les marchés
publics, par une formation adaptée dispensée aux fonctionnaires;
- simplification des procédures et des règlements régissant
l’octroi des licences et des permis;
- renforcement du contrôle financier par la mise en place
d’une institution publique d’audit.
191. Nous devons étudier minutieusement les conclusions du GRECO
sur la mise en œuvre de ces recommandations et en tenir compte dans
le processus de suivi.
4.4.3. Perspectives
192. Le précédent gouvernement serbe
a préparé une loi sur l’Agence de lutte contre la corruption. En
vertu de ce projet de loi, la future agence remplacera les organes
actuels: le Conseil de lutte contre la corruption et le Comité républicain
pour la prévention des conflits d’intérêts. Elle exercera également
un contrôle sur le financement des partis politiques et mettra en
œuvre la stratégie anticorruption conformément au plan d’action adopté.
L’agence aurait également des fonctions «normatives» et serait chargée
de rédiger des avis sur les lois et les règlements, ainsi que de
veiller à la détection des «risques de corruption» dans les projets
législatifs.
193. Nous nous félicitons de l’élaboration de cette loi et encourageons
les autorités serbes à l’adopter rapidement en prévision de la réforme
des institutions actuellement chargées de la lutte contre la corruption
et de la rationalisation de l’application des politiques anticorruption.
4.4.4. Blanchiment de capitaux
194. Les politiques de lutte contre
le blanchiment des capitaux en Serbie et au Monténégro ont été évaluées fin2003
par le Comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux (MONEYVAL).
Un rapport d’évaluation détaillé a été préparé et approuvé à la réunion
plénière du comité le 21 janvier 2005. Un résumé de ce rapport a
par la suite été préparé et publié sur le site internet du MONEYVAL
.
195. Depuis l’adoption du premier rapport sur la Serbie et le Monténégro,
la situation en Serbie a évolué. Une nouvelle loi contre le blanchiment
des capitaux a été adoptée en 2005. Ce texte visait à améliorer
l’efficience de la détection et de la prévention du blanchiment
des capitaux. Dans la pratique, cette nouvelle loi a introduit une
nouvelle définition du blanchiment de capitaux, l’obligation d’obtenir
l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs lors de l’ouverture
d’un compte bancaire, ainsi que l’obligation de signaler à la Cellule
de renseignement financier (CRF) (Agence de lutte contre le blanchiment
de capitaux) toute transaction en espèces d’au moins 15 000 euros.
Il existe également une obligation générale de déclarer à la CRF
les opérations financières suspectes, quel qu’en soit le montant.
Les autorités douanières sont désormais tenues de signaler les mouvements
transfrontaliers d’espèces, de chèques et de valeurs mobilières
à partir des montants précisés par les règlements régissant les
mouvements financiers transfrontaliers en monnaies locales et en
devises. L’obligation de déclaration a été étendue aux fonds d’investissement,
aux marchands de biens de valeur, aux agences de voyages, aux casinos,
etc. Une unité de renseignement financier dotée d’un budget indépendant
a été créée au sein du ministère des Finances.
196. Certains changements relatifs à l’incrimination du blanchiment
de capitaux ont également été introduits dans le Code pénal et dans
le Code de procédure pénale. La législation sur les banques, les
assurances, les jeux de hasard, les valeurs mobilières et les instruments
financiers, les fonds d’investissement, les opérations de change,
la formation des juges, des procureurs généraux et des procureurs
adjoints a été modifiée, afin d’aligner les règlements sur la nouvelle
loi de lutte contre le blanchiment des capitaux.
197. Un changement important a été apporté au Code de procédure
pénale, qui devrait renforcer le rôle des procureurs généraux dans
le cadre des enquêtes. En vertu du nouveau code (adopté en juin
2006), l’enquête sera menée par le procureur. Cette nouveauté devrait
accélérer la procédure. Le nouveau Code de procédure pénale n’entrera
toutefois en vigueur que le 31 décembre 2008 (et non le 1er juin
2007 comme prévu dans la première mouture de la loi).
198. Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme ont
par ailleurs été renforcées dans la législation pénale.
199. Bien que la nouvelle loi contre le blanchiment de capitaux
ait été favorablement accueillie par tous les acteurs concernés,
certains de ses éléments ont été critiqués par des organisations
nationales et internationales. Nous avons été informés que le Conseil
de lutte contre la corruption avait fait une évaluation plutôt critique
de la loi, soulignant en particulier que le concept de blanchiment
aurait pu être mieux défini et contestant l’indépendance de l’Agence
de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui fonctionne comme
un organe du ministère des Finances. De même, le rôle du ministère
des Finances dans la définition de la méthodologie et des procédures
de lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que le droit du
ministère d’octroyer des exceptions à l’obligation d’information
à certaines entités assujetties ont été critiqués. Les sanctions
prévues par la loi sont considérées comme faibles et le nombre de
transactions devant être contrôlées par l’agence, excessivement
élevé, ce qui pourrait dans la pratique empêcher l’agence de réagir efficacement
dans les affaires de blanchiment de capitaux
.
200. L’OSCE et l’UNICRI (Institut interrégional de recherche des
Nations Unies sur la criminalité et la justice) ont fait une évaluation
un peu plus équilibrée de la loi, relevant cependant, au nombre
des lacunes de la loi et du régime juridique actuel en matière de
prévention du blanchiment:
a. le
manque de clarté dans la liste des entités assujetties à des obligations
de déclaration;
b. le manque de clarté eu égard au blanchiment de capitaux
en cas de privatisation;
c. les problèmes liés au rôle de la Cellule de renseignement
financier, en particulier son manque d’indépendance, un manque de
clarté dans ses relations avec les autres institutions et une qualité problématique
de l’information recueillie; et
d. le manque d’harmonisation des sanctions prévues en cas
de blanchiment de capitaux et d’infractions analogues .
201. Cela dit, nous avons été informés que le MONEYVAL procéderait
sous peu à une évaluation de la conformité du cadre et de la pratique
législatifs serbes avec les normes européennes en matière de lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Nous invitons
les autorités serbes à coopérer pleinement avec le MONEYVAL à l’organisation
de cette évaluation, ainsi qu’à la mise en œuvre des recommandations.
De notre côté, nous allons étudier attentivement les conclusions
du MONEYVAL dès qu’elles seront disponibles, et nous en tiendrons
compte dans le processus de suivi.
5. Droits de l’homme
5.1. Réforme de l’armée, des
services de police et de sécurité, et des établissements pénitentiaires
5.1.1. Contrôle démocratique
202. Nous nous félicitons de l’ensemble
complet de dispositions relatives au contrôle démocratique des activités
de la police, des services de sécurité et de l’armée de Serbie établis
par la Constitution et la législation sectorielle. Nous sommes dans
l’attente de plus amples informations sur le fonctionnement réel
de ces procédures dans le cadre du processus de suivi.
203. Les modalités de contrôle sont définies dans la loi sur l’organisation
de fond des services de sécurité de la République de Serbie adoptée
le 11 décembre 2007. Selon la loi, l’Assemblée nationale vérifie
notamment la constitutionnalité et la légalité des opérations des
services de sécurité; l’harmonisation du fonctionnement de ces services
avec la stratégie de sécurité nationale, la stratégie de défense,
la politique de renseignement et de sécurité de la République de
Serbie; la légalité de la mise en œuvre de procédures et mesures particulières
pour la collecte clandestine de renseignements, etc. L’Assemblée
nationale adopte les rapports sur les opérations des services de
sécurité en s’appuyant sur les rapports présentés par le chef des
services de sécurité au moins une fois par an. L’Assemblée nationale
peut aussi examiner les propositions, pétitions et demandes des
citoyens concernant les activités des services de sécurité et prendre
les mesures appropriées pour trouver une solution. Le chef des services
de sécurité est tenu, sur demande de la commission compétente de
l’Assemblée nationale, de permettre aux membres de la commission
d’accéder aux locaux des services et à la documentation, de leur
fournir des données et des informations sur le fonctionnement des services
et de répondre à leurs questions.
204. Le contrôle démocratique de l’armée de Serbie est réglementé
par la nouvelle Constitution et la loi sur l’armée de Serbie adoptée
le 11 décembre 2007. Le contrôle civil démocratique sur l’armée
de Serbie comprend, en particulier, le contrôle du recours à l’armée
et de son développement, le contrôle interne et externe des dépenses
militaires, le suivi de l’état de préparation de l’armée de Serbie
et l’information du public à ce sujet, le libre accès aux informations
d’intérêt général et la définition des responsabilités pour l’exercice des
obligations militaires conformément à la loi. Le contrôle civil
démocratique sur l’armée de Serbie est exercé par l’Assemblée nationale
de Serbie, le Bureau du médiateur et d’autres organes de l’Etat
dans le cadre de leurs compétences, ainsi que directement par les
citoyens.
205. De la même manière, les activités de la police sont soumises
au contrôle démocratique. La nouvelle loi sur la police, adoptée
en 2005, a accordé l’autonomie administrative à la Direction de
la police au sein de l’organisation du ministère de l’Intérieur.
Le directeur de la police est un fonctionnaire nommé sur la base
d’un concours, écartant ainsi toute ingérence politique dans le
processus de désignation. Chaque semestre, le directeur de la police
soumet à la Commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée
nationale des rapports sur les activités de ses services. Cette
pratique est positive. Il nous a été indiqué que la commission organisait
des débats publics dans le cadre du processus d’examen des rapports.
5.1.2. Action de la police
206. En ce qui concerne son organisation,
la police est divisée en 15 branches. Elle est organisée en 26 districts
dont la capitale, Belgrade. Les traitements des fonctionnaires de
police ont été augmentés ces dernières années. Il nous a été indiqué
qu’un policier à Belgrade touchait en moyenne jusqu’à 30 000 dinars (environ
385 euros), ce qui est plus élevé que la moyenne des rémunérations
nationales (qui s’établit entre 26 000 et 28 000 dinars). Les conditions
d’emploi des fonctionnaires de police restent cependant mauvaises et
les risques de corruption élevés.
207. Le directeur de la police est globalement satisfait du travail
de ses services. La coopération entre le parquet et les services
de police est bonne. La police a placé la lutte contre la corruption
et le crime organisé parmi les grandes priorités de son action.
Dans ce domaine, elle coopère étroitement avec le procureur spécial chargé
de combattre le crime organisé et le tribunal de première instance
de Belgrade qui est compétent pour juger les affaires liées à la
corruption et au crime organisé. Le Service du crime organisé et
la Direction de la police criminelle s’occupent quotidiennement
d’enquêter sur les affaires de corruption. Des équipes de fonctionnaires
de police spécialement formés sont déployées dans les services régionaux
de la police pour enquêter sur les affaires de corruption et de
crime organisé; elles ont recours à des techniques d’investigation spéciales
(y compris à des agents infiltrés). Au nombre des affaires récentes
et graves de corruption évoquées par le directeur de la police figure
le cas de l’université de Kragujevac dont 18 professeurs font actuellement l’objet
d’une instruction pour avoir accepté des pots-de-vin.
208. Selon M. Milorad Veljović, la police serbe participe activement
à diverses formations sur les droits de l’homme organisées par le
Conseil de l’Europe et l’OSCE. Des contacts directs ont été établis
avec la police et les forces de l’ordre des pays de la région dans
le cadre de relations de travail quotidiennes.
209. Le renforcement des mécanismes de contrôle interne est une
tâche importante de la Direction de la police. Le Secteur de contrôle
interne de la police veille à la légalité des opérations de police,
particulièrement en ce qui concerne le respect et la sauvegarde
des droits de l’homme. En tant qu’organe de contrôle interne, le
secteur veille à ce que les droits discrétionnaires des policiers
soient strictement contrôlés et limités, et qu’ils s’appuient sur
le droit, le code de conduite et les conventions internationales
ratifiées par la Serbie. Le Secteur de contrôle interne est dirigé
par un ministre adjoint de l’Intérieur nommé par le gouvernement
sur concours public. Le chef du secteur dépend du ministre de l’Intérieur
et soumet à celui-ci des rapports périodiques sur l’activité du
secteur. Au cours de l’année 2007, le Secteur de contrôle interne
de la police a procédé à plus de 122 inculpations et apporté des
éléments de preuve supplémentaires dans 12 affaires à l’encontre
de 159 membres de la police et de 80 citoyens. La majorité des inculpations
portaient sur l’abus de fonction officielle, la contrefaçon de documents
officiels, la corruption et la subornation. Il est à noter qu’au
cours de l’année 2007, le Secteur de contrôle interne s’est considérablement
investi dans la mise au jour d’actes délictueux graves et plus complexes.
Outre ces opérations indépendantes, le secteur a pris part aux activités des
administrations de district de la police. Le Secteur de contrôle
interne de la police accorde une attention particulière à la formation
professionnelle de ses membres, qui leur est dispensée sous différentes
formes dans le pays et à l’étranger. La formation est largement
centrée sur la lutte contre la corruption.
5.1.3. Prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
210. Le Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) traite séparément la question des actes de violence
commis par les fonctionnaires de police et les conditions de détention
dans les établissements pénitentiaires. Une délégation du comité
s’est déplacée en Serbie le 19 novembre 2007 pour une deuxième visite
périodique de deux semaines. La délégation a examiné les mesures
prises par les autorités serbes pour améliorer le traitement des
personnes détenues par la police et le fonctionnement dans la pratique
des garanties mises en place. Le traitement et le régime des prisonniers
placés dans les quartiers fermés, les quartiers de haute sécurité
ainsi que les quartiers de détention provisoire dans trois prisons
(à Belgrade, Požarevac et Sremska Mitrovica) ont également été examinés.
La délégation du CPT a, par ailleurs, effectué une visite de suivi
dans l’unique hôpital carcéral de Serbie.
211. L’équipe du CPT a, en outre, examiné la situation des patients
psychiatriques de l’hôpital spécialisé de neuropsychiatrie de Kovin.
De plus, la délégation s’est rendue pour la première fois dans un
établissement pour personnes souffrant de déficiences intellectuelles,
l’Institution spéciale pour enfants et mineurs de Stamnica.
212. Nous recommandons aux autorités serbes de publier le rapport
du CPT dès qu’il sera disponible pour faciliter la mise en œuvre
de ses recommandations en coopération avec le Conseil de l’Europe.
5.1.4. Traite des êtres humains
213. La Serbie n’a pas encore ratifié
la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197). Nous
recommandons vivement à la Serbie de ratifier cette convention dans
les meilleurs délais.
214. Du côté de la législation nationale, le Code pénal érige en
infraction pénale la traite des êtres humains. La mise en œuvre
de la stratégie nationale visant à combattre la traite des êtres
humains, adoptée en décembre 2006, avance sans contretemps. Selon
les informations fournies par les autorités serbes à la délégation
du secrétariat du Conseil de l’Europe qui a préparé le deuxième
rapport concernant le respect des obligations et engagements et
la mise en œuvre du programme de coopération postadhésion, de nombreuses arrestations
ont été effectuées au cours du premier semestre 2007 en relation
avec la traite des êtres humains et plusieurs affaires sont en cours
d’instruction
.
215. Nous encourageons les autorités serbes à poursuivre leurs
efforts en vue de combattre la traite des êtres humains et le trafic
d’organes humains.
5.2. Jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme
216. En 2006-2007, la Cour européenne
des droits de l’homme a prononcé 13 jugements contre la Serbie. Les
violations les plus régulières de la Convention ayant été constatées
par la Cour concernent la durée excessive des procédures et l’inefficacité
des recours nationaux, contrevenant à l’article 6, paragraphes 1
et 13, de la Convention (droit à un procès équitable et droit à
un recours effectif devant une instance nationale). Il a été relevé
également deux cas de violation de l’article 10 de la Convention
relatif à la liberté d’expression. Deux autres cas concernaient
la violation de l’article 1 du Protocole no 1
à la Convention (droit de propriété).
217. Nous comptons que les autorités serbes combleront les failles
de l’ordre juridique interne, notamment en ce qui concerne les procédures
judiciaires et les recours effectifs contre les violations des droits
de l’homme. Ce problème particulier doit être traité dans le cadre
de la réforme du système judiciaire.
5.3. Ratification de la Charte
sociale européenne (révisée)
218. La Serbie a signé la Charte
sociale européenne (révisée) le 22 mars 2005. Cependant, elle n’a
pas encore procédé à la ratification de ce texte, qui reste l’un
des principaux engagements qu’elle doit honorer.
219. Nous avons appris que le Conseil de l’Europe avait organisé,
le 20 novembre 2007, un séminaire sur la Charte sociale européenne
en coopération avec le ministère du Travail et des Affaires sociales.
Les discussions entre les experts participant au séminaire ont montré
que rien dans le droit serbe ne s’opposait à la ratification de
ce texte.
220. En marge du séminaire, le ministre du Travail et des Affaires
sociales, M. Rasim Ljajić, a informé la délégation du Conseil de
l’Europe que la préparation de la ratification était en cours. Au
cours de cette préparation, le Conseil de l’Europe sera sollicité
pour ses conseils et des consultations seront menées avec les partenaires
sociaux.
221. Nous saluons cette démarche positive et nous nous réjouissons
à l’idée, dans un avenir proche, de féliciter la Serbie pour la
ratification de la Charte.
5.4. Liberté d’expression et
pluralisme des médias
5.4.1. Contexte général
222. Les dispositions de la nouvelle
Constitution régissant la liberté d’expression et la liberté des
médias sont globalement conformes aux normes européennes. L’article
46 garantit la liberté d’opinion et la liberté d’expression en spécifiant
que ces libertés, dans une société démocratique, ne peuvent être
limitées par la loi qu’afin de protéger les droits et la réputation
d’autrui, garantir l’autorité et l’impartialité des tribunaux et
protéger la santé et la morale publiques ainsi que la sécurité nationale
de la république. De la même manière, l’article 50 garantit à tout
un chacun la liberté de créer des journaux et de communiquer des
informations au public sous d’autres formes sans autorisation préalable
et dans le cadre prévu par la loi. La liberté de créer des médias
électroniques est également garantie. Conformément au paragraphe
3 de l’article 50, la liberté des médias ne peut être limitée que
par une décision de justice et «quand la situation l’exige dans
une société démocratique afin de prévenir les appels à renverser
de manière violente le régime constitutionnel, d’empêcher la violation
de l’intégrité du territoire national, de s’opposer à la propagation
de la guerre ou aux incitations directes à la violence, ou de prévenir
les appels à la haine raciale, ethniqueou religieuse qui constituent
une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence».
223. Pourtant, malgré le cadre protecteur qu’offre la Constitution,
les journalistes ne se sentent pas en sécurité. L’Association serbe
des journalistes indépendants (NUNS) s’est dite préoccupée par la
montée de la violence contre, notamment, les journalistes qui se
livrent à des travaux d’investigation
. La tentative d’assassinat
perpétrée contre un rédacteur du magazine
Vreme,
Dejan Anastasijević, cas récent le plus connu, illustre bien ce
climat d’insécurité général
.
M. Anastasijević a beaucoup écrit sur les crimes de guerre, le crime
organisé et les activités des services de sécurité. Il a témoigné
devant le TPIY dans le procès de Milošević. Le 13 avril 2007, une
grenade à main explosait sous les fenêtres de son appartement situé
au rez-dechaussée. L’agression contre M. Anastasijević a été vivement
condamnée par toutes les personnalités de l’Etat, et en particulier
par le Président Tadic et le Premier ministre Koštunica. Toutefois,
l’affaire fait toujours l’objet d’une enquête et les auteurs de
l’agression n’ont pas été retrouvés.
224. En 2007, l’association NUNS s’est enquise, à 17 reprises,
auprès des autorités des progrès de l’enquête concernant les décès
de trois journalistes (Radislava «Rada» Vujasinović, Slavko Ćuruvija,
et Milan Pantić) sans recevoir de réponse claire. Il n’a apparemment
pas été répondu à la plupart des lettres ou bien les réponses n’étaient
pas jugées satisfaisantes et n’arrivaient qu’après l’intervention
du commissaire chargé de l’accès aux informations d’intérêt général,
Rodoljub Šabić
.
225. Nous condamnons vivement les actes de violence à l’encontre
de journalistes. Les agressions contre les journalistes ne sont
pas tolérables dans une société démocratique. Nous demandons aux
autorités serbes d’enquêter sur ces actes de violence dans les meilleurs
délais et les invitons à fournir un complément d’information concernant
les progrès réalisés s’agissant des enquêtes sur les affaires de
meurtre les plus notoires, mentionnées plus haut, dans le cadre
du processus de suivi.
5.4.2. Concentration des médias
226. Bien que la situation des médias
soit relativement diversifiée sur le plan du nombre de moyens d’information
de masse écrits et électroniques, l’absence de pluralisme et la
monopolisation de ces moyens par les groupes politiques et les dirigeants
d’affaires suscite de graves préoccupations. Selon l’Association serbe
des journalistes indépendants (NUNS) «aujourd’hui, tous les grands
médias en Serbie sont contrôlés par les partisans de Milošević»
. Cela a été démontré par
une enquête récemment conduite par NUNS. Bien que les médias les
plus influents soient la propriété de dirigeants d’affaires et de
magnats locaux, l’emprise de l’Etat sur les médias reste très forte.
L’étude indique qu’il n’y a que deux médias entièrement contrôlés
par des intérêts étrangers (
Blic et
24 sata, propriété de Ringier, Suisse,
et TV Fox, propriété d’American News Corporation).
227. Nous encourageons vivement les autorités serbes à prendre
les mesures qui conviennent afin d’accroître le pluralisme des médias,
notamment, en favorisant la privatisation des médias existants et
la création de nouveaux.
5.4.3. Médias électroniques: les
activités de l’Office républicain de radiodiffusion
228. L’Office républicain de radiodiffusion
a été créé en 2002 en tant qu’autorité de régulation de l’audiovisuel.
Il a été créé à partir de la loi sur l’audiovisuel adoptée en 2002
et modifiée par la suite en 2005. Conformément à la loi, l’office
est chargé:
- de contrôler et
d’assurer la bonne application des dispositions de la loi sur l’audiovisuel;
- d’octroyer les licences de radiodiffusion et d’en déterminer
les termes;
- de superviser les activités des radiodiffuseurs sur le
territoire de la république;
- d’imposer les sanctions appropriées à l’encontre des radiodiffuseurs,
conformément à cette loi;
- de prescrire les règles engageant les radiodiffuseurs
qui assurent la mise en œuvre de la politique audiovisuelle de la
république.
229. Le Conseil de l’Office de radiodiffusion n’a pas été élu lors
de la création de l’office en 2003 en raison de la controverse suscitée
par les nominations litigieuses de trois de ses neuf membres. Après
une modification de la loi, un nouveau conseil a été élu début 2005,
à la quasiunanimité des 200 membres du parlement ayant pris part
au scrutin. De nombreux observateurs nationaux et internationaux
soutiennent que l’accord sur l’élection des membres du conseil est
le fruit d’un pacte entre les principaux partis politiques.
230. Les activités de l’Office de radiodiffusion en matière d’octroi
des licences sont particulièrement controversées. Les experts nationaux
et étrangers, les associations professionnelles, les radiodiffuseurs
et les organisations internationales se sont déclarés sérieusement
préoccupés par les décisions du Conseil de la radiodiffusion en
matière d’octroi des licences de radiodiffusion nationales. A la
suite d’un appel d’offres public pour les fréquences nationales
et régionales de Belgrade, l’office a accordé des licences à cinq
radiodiffuseurs: TV Avala, Television B92, TV Pink, TV Fox, et TV
Happy et TV Košava, pour l’usage en commun d’une seule fréquence.
231. Au total, 13 radiodiffuseurs ont participé à l’appel d’offres.
Les fréquences ont été accordées dans une proportion de trois pour
deux à des radiodiffuseurs entièrement nationaux. Nous avons appris
qu’une des raisons de cette distribution de fréquences était la
protection des radiodiffuseurs nationaux, conformément à la stratégie
de développement de la radiodiffusion en Serbie qui court jusqu’en
2013.
232. Certains des diffuseurs qui n’ont pas été retenus par l’appel
d’offres ont fait appel de la décision de l’office. La Cour suprême
de Serbie a relevé certaines irrégularités de procédure dans les
décisions prises, irrégularités qui, de l’avis de la Cour, pourraient
avoir influencé le processus de décision. Nous avons été informés
que l’office avait remédié aux irrégularités de procédure tout en
confirmant ses décisions sur le fond. Apparemment, le seul recours
au fond qui est toujours pendant devant la Cour suprême est celui
déposé par RTL. Lors de notre réunion avec l’Office de radiodiffusion,
nous n’avons pas obtenu d’informations claires sur la situation
juridique concernant les irrégularités de procédure et les recours
déposés en conséquence.
233. Nous sommes ressortis de nos réunions avec les représentants
des médias et des ONG avec l’impression que la procédure d’octroi
des fréquences était loin d’être complètement transparente. Si nous approuvons
l’aspiration légitime de l’Office de radiodiffusion à mettre de
l’ordre dans l’affectation des fréquences et à soutenir les radiodiffuseurs
nationaux, nous considérons que ce travail doit être fait en toute transparence
et dans le respect de la législation. Nous lançons un appel aux
autorités serbes pour qu’elles poursuivent leurs efforts dans ce
sens.
234. Enfin, nous avons appris que le Conseil de la radiodiffusion
avait publié, en septembre 2007, une instruction contraignant la
RTS (Radio Televizija Srbije – société nationale de radiodiffusion)
à retransmettre en direct les séances du parlement sur sa deuxième
chaîne, en semaine, de 10 heures à 18 heures. Si la retransmission
en direct des débats parlementaires ne pose pas de problème de principe,
le fait que l’autorité de réglementation du secteur de l’audiovisuel
oblige le service public de la radiodiffusion à accomplir certaines activités
peut, à notre avis, porter atteinte à l’indépendance éditoriale
et à l’autonomie institutionnelle d’un radiodiffuseur qu’exige la
Recommandation no R (1996) 10 du Comité
des Ministres concernant la garantie de l’indépendance du service
public de la radiodiffusion.
235. La presse a cependant rapporté que le Conseil de la radiodiffusion
avait décidé, le 20 novembre 2008, de modifier l’instruction contraignante
relative à la retransmission directe des séances du parlement par
la RadioTélévision serbe (RTS), la transformant en recommandation.
Pourtant, le Conseil de la radiodiffusion «continue apparemment
de penser que cette retransmission devrait être poursuivie, car
elle est pratiquée depuis seize ans».
236. De telles instructions représenteraient, à notre avis, une
ingérence inappropriée de l’autorité de réglementation dans les
activités du service public de la radiodiffusion. Nous recommandons
à l’Office de radiodiffusion d’éviter d’émettre des instructions
de ce type et de laisser le service public de radiodiffusion décider
de ses programmes quotidiens.
5.5. La liberté d’association
237. Le ministère serbe de l’Administration
publique et de l’Autonomie locale, en coopération avec le groupe de
travail des organisations non gouvernementales, a rédigé une nouvelle
loi sur les associations. Cette loi a été approuvée par le gouvernement
et présentée au parlement le 15 octobre 2007. Elle a vocation à
remplacer les lois en vigueur concernant les organisations et associations
de la société civile, l’adhésion des citoyens aux associations ainsi
que les organisations sociales et politiques. Plusieurs versions
du projet de loi ont été préparées au cours des deux années écoulées
et soumises au Conseil de l’Europe pour examen.
238. La version finale du projet de loi a été étudiée par les experts
du Conseil de l’Europe en octobre 2006
. Selon ces derniers, les auteurs de la loi
ont tenu compte des remarques du Conseil de l’Europe et procédé
à une nouvelle rédaction de la quasi-totalité des dispositions posant
problème. Elle est maintenant conforme aux différentes normes européennes
sur la liberté d’association.
239. Le projet de loi a été examiné en détail avec les principaux
acteurs concernés lors de séminaires et de tables rondes organisés,
pour certains, avec la participation du Conseil de l’Europe. Il
a été étudié par la commission de l’Assemblée nationale de Serbie
chargée de l’intégration européenne le 30 octobre 2007. Nous espérons
que le parlement sera en mesure d’adopter prochainement la loi afin
de mettre en place un nouveau cadre juridique national applicable
aux associations qui soit conforme aux normes européennes.
5.6. Situation des réfugiés,
des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et procédures
d’asile
240. Selon les informations fournies
par M. Dragiša Dabetić, commissaire serbe pour les réfugiés, et
le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) en Serbie, depuis juillet 2007, on compte 97 701 réfugiés
et 206 607 personnes déplacées qui vivent en Serbie. La plupart
des réfugiés et des personnes déplacées ont un hébergement privé
tandis qu’un petit nombre est installé dans 79 centres collectifs et
89 institutions spécialisées.
241. Au cours des deux dernières années, les autorités serbes se
sont efforcées d’améliorer la situation des réfugiés et des personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) en levant plusieurs
obstacles aux solutions durables. Le nombre de réfugiés dans le
pays a, de ce fait, été considérablement réduit
. Il
convient toutefois de déployer des efforts supplémentaires afin
d’instaurer des conditions favorisant un retour durable et pour
permettre la pleine intégration des réfugiés qui choisissent de
rester. Huit années après la fin de la guerre du Kosovo, les PDI
n’ont d’autre option que la perspective incertaine de rapatriement
et l’absence de possibilité d’intégration locale; elles rencontrent
de nombreuses difficultés pour faire respecter l’intégralité de leurs
droits civiques de base. Depuis la fin de la guerre, le nombre total
de personnes rapatriées de Serbie au Kosovo reste peu élevé (depuis
2002, il y a eu environ 7 500 rapatriements
).
5.6.1. Situation des réfugiés
242. Le rapatriement volontaire
des réfugiés en Croatie pose encore problème. Il nous a été indiqué
que le HCR aidait les rapatriés, notamment en leur fournissant une
assistance juridique pour les questions de restitution des biens
et de naturalisation. S’ils sont très nombreux à être retournés
en Croatie de manière organisée ou spontanément, les problèmes non
réglés de propriété entravent encore le processus de rapatriement
et les dissuadent de regagner leur pays.
243. La mise en œuvre de la Déclaration de Sarajevo (dite initiative
«3 x 3», devenue processus «3 x 4» après l’indépendance du Monténégro)
n’a pas avancé aussi bien qu’elle l’aurait pu. L’absence de consensus sur
les «questions ouvertes» restantes – notamment la restitution aux
réfugiés croates des droits de bail ou leur indemnisation – a ralenti
le processus et empêché de finaliser les «feuilles de route».
244. Cela étant, nos discussions avec le commissaire serbe aux
réfugiés et les responsables du HCR nous ont donné à penser que
des progrès avaient été réalisés dans l’élaboration de solutions
durables pour les réfugiés en Serbie. Leur nombre décroît et, comme
nous l’avons mentionné précédemment, ils sont en ce moment encore
97 701 dans le pays. Pourtant, malgré des efforts significatifs
de la part du gouvernement, l’intégration locale des réfugiés les
plus vulnérables continue d’être un processus difficile (notamment
dans le secteur du logement) en raison, principalement, de l’absence
de capacité institutionnelle adéquate, de l’inefficacité des mécanismes
de mise en œuvre des stratégies nationales de développement (à savoir
la stratégie de réduction de la pauvreté) et de la pénurie de financement.
5.6.2. Situation des personnes
déplacées à l’intérieur du Kosovo
245. La situation générale au Kosovo
dans le domaine de la sécurité, l’absence de liberté de circulation
et les conditions peu favorables à une réintégration durable (accès
limité à l’emploi et aux services publics, règlement des questions
relatives au logement, aux terres et aux biens) ont continué à peser
sur les perspectives de retour durable et sûr des personnes déplacées.
On a observé une très faible (voire inexistante) progression des
retours en 2005 et une baisse en 2006.
246. Dans cette situation, les efforts déployés par le HCR afin
de faciliter les retours individuels de ceux qui le souhaitent et
de fournir assistance et protection aux PDI les plus vulnérables
demeurant en Serbie sont dignes d’éloges. Le HCR s’est, notamment,
attaché à fournir aux PDI des renseignements fiables afin de les aider
à opter, de manière éclairée et libre, pour une solution durable,
en leur apportant une aide juridique par le biais de ses partenaires
sur le terrain et en les encourageant à prendre une part active
aux processus institutionnels. Les discussions se poursuivent entre
Belgrade et Pristina depuis la signature, en juin 2006, du Protocole
sur le rapatriement volontaire durable et dans le cadre du groupe
de travail sur le dialogue direct présidé par le HCR, mais aucun
progrès notable n’a été constaté dans la mise en œuvre des rapatriements. Un
sous-groupe technique a, cependant, été formé en vue de faciliter
le processus de retour et d’aplanir les obstacles. Le groupe s’est
réuni à trois reprises, obtenant quelques avancées dont le soutien
conjoint des délégations de Belgrade et de Pristina à des projets
particuliers. Il reste toutefois beaucoup à faire pour que le sous-groupe
technique soit réellement efficace.
247. La situation des droits fondamentaux des PDI en Serbie reste
un sujet de préoccupations, bien que le gouvernement, aidé du HCR,
se soit considérablement investi afin de l’améliorer. Les Roms déplacés représentent
une fraction particulièrement marginalisée, défavorisée et vulnérable
de la population déplacée interne qui rencontre d’énormes difficultés
pour avoir accès à une protection juridique, se faire inscrire sur
les registres d’état civil, obtenir des papiers et jouir de ses
droits socio-économiques de base.
248. L’absence de papiers d’identité est un problème particulièrement
grave pour les PDI. Toutefois, ce problème est en voie d’être résolu.
Selon les autorités serbes, l’enquête menée vers la fin 2007 en
coopération avec le HCR et le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) a révélé que le nombre de PDI sans carte d’identité
avait considérablement diminué par rapport à 2000. Actuellement,
10,6 % des PDI ont des difficultés pour se procurer des papiers
d’identité.
5.6.3. Citoyenneté et apatridie
249. Si la République de Serbie
est partie à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides,
elle n’a pas encore signé la Convention de 1961 sur la réduction
des cas d’apatridie, ni la Convention européenne sur la nationalité
(STE no 166). La nouvelle loi sur la
citoyenneté est conforme aux normes juridiques internationales et
comporte des dispositions en faveur de l’octroi de la nationalité
serbe à un grand nombre de réfugiés de Bosnie-Herzégovine et de
Croatie
.
250. Il est à noter que des amendements à la loi sur la nationalité
ont été adoptés par le Parlement serbe en septembre 2007. Selon
ces amendements, la nationalité serbe peut être «accordée à toute
personne de plus de 18 ans, capable de travailler et de signer une
déclaration indiquant qu’elle considère la Serbie comme son pays»
.
Une procédure spéciale permet également d’accorder la nationalité
serbe aux citoyens du Monténégro qui étaient enregistrés comme résidant
sur le territoire serbe le 3 juin 2006. Ils doivent, pour ce faire,
présenter une demande et une déclaration écrite indiquant qu’ils
se considèrent comme des citoyens serbes.
251. Il n’y a actuellement aucune donnée officielle sur le nombre
d’apatrides vivant en Serbie. Le HCR estime qu’ils sont environ
17 000 dans ce cas.
252. La principale difficulté pour prévenir les cas d’apatridie
semble être la complexité, la lenteur et, parfois, l’échec des procédures
administratives d’inscription sur les registres d’état civil et
d’enregistrement de résidence. Les citoyens ne peuvent jouir pleinement
de leurs droits civiques, politiques et socio-économiques que lorsqu’ils
détiennent une carte d’identité (lična
karta) valide. Pour obtenir une lična
karta, une personne doit être inscrite sur les registres
d’état civil et avoir enregistré un lieu de résidence officiellement
reconnu. Cette question difficile a un impact important sur l’accès
des citoyens à la protection de l’Etat. Elle est particulièrement
importante pour les PDI qui, pour accomplir les procédures d’inscription
sur les registres d’état civil et/ou pour faire enregistrer leur
résidence, ont besoin de papiers d’identité devant être extraits
de registres. Ces registres peuvent être détruits ou manquants et,
quand ils existent, avoir été transférés dans l’une des sept municipalités
situées dans le centre ou le sud de la Serbie. Toutefois, selon
les autorités serbes, des travaux sont en cours pour restaurer les
registres détruits ou manquants, et, jusqu’à présent, on compte
105 195 entrées récupérées avec les données appropriées. Une autre
mesure louable est la décision du ministère serbe de l’Education
d’assurer à chaque enfant une éducation primaire, quelle que soit
sa nationalité.
253. Il apparaît que les personnes déplacées appartenant aux communautés
rom, ashkalie et égyptienne sont encore plus exposées car un grand
nombre d’entre elles n’ont jamais été inscrites dans les registres
de naissance et de nationalité. Toutefois, nous avons appris que
la loi sur les registres d’état civil et les directives sur la tenue
de ces registres permettaient d’enregistrer les naissances a posteriori.
254. Si ces efforts de la part des autorités sont louables, nous
pensons qu’il est nécessaire de revoir systématiquement la législation
qui régit les procédures d’enregistrement de l’état civil et de
la résidence. Nous encourageons les autorités serbes à entreprendre
cette révision dans les meilleurs délais.
5.6.4. Procédures d’asile
255. Le 24 novembre 2007, l’Assemblée
nationale de la République de Serbie a adopté la loi sur l’asile.
Selon les autorités serbes, cette loi a mis en conformité la législation
nationale avec les normes internationales.
256. Cette loi prévoit une procédure détaillée d’octroi d’asile
adaptée à la situation particulière et aux besoins des personnes
concernées. Elle permet aussi à l’Etat de se protéger contre d’éventuels
abus massifs du droit d’asile. La loi prévoit la création de trois
organes spéciaux intervenant dans le processus d’octroi du droit d’asile.
Le premier est le Bureau d’asile au sein du ministère de l’Intérieur
qui a autorité pour décider en première instance. Le deuxième est
la Commission d’asile établie par le Gouvernement de la République
de Serbie, qui a compétence pour trancher en deuxième instance.
Le troisième organe est le Centre d’asile au sein du bureau du commissaire
pour les réfugiés, qui offre un hébergement, de la nourriture et
d’autres services aux demandeurs d’asile pendant toute la durée
de la procédure.
257. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er avril 2008.
5.6.5. Réadmission
258. En plus de la signature de
l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne,
la Serbie a ratifié le 7 novembre 2007 un accord avec l’Union sur
la réadmission des personnes en situation irrégulière. La plupart
des analystes estiment que, dans les prochains mois, un nombre important
de personnes seront rapatriées d’Europe occidentale vers la Serbie.
259. Nous recommandons aux autorités serbes d’élaborer une stratégie
globale pour régler la question des rapatriés. Nous les félicitons
d’avoir mis au point un manuel d’instructions pour l’intégration
des rapatriés. Ce document pourrait servir de base pour élaborer
une stratégie et un plan d’action.
5.7. Lutte contre le racisme
et l’intolérance
260. Nous avons été informés que
les autorités serbes avaient élaboré une loi antidiscrimination,
qui a été transmise au Conseil de l’Europe et évaluée par la Commission
de Venise
.
Nous invitons les autorités serbes à tenir vraiment compte des recommandations
de cette dernière et d’adopter la loi dès que possible.
261. Par ailleurs, nous suivrons attentivement les travaux de la
Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (plus connue
sous l’appellation ECRI), qui a récemment établi son premier rapport
sur la Serbie
. Ce rapport fait observer
que la Constitution serbe consacre les principes de non-discrimination
et de protection des droits des minorités, et prévoit que l’Etat
encourage la compréhension, la reconnaissance et le respect de la
diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse. Le nouveau
Code pénal de 2006 interdit les crimes racistes et la discrimination
raciale. Les autorités ont pris plusieurs mesures pour améliorer
la situation des Roms, notamment dans le domaine de l’accès aux
soins de santé, qui commencent à porter leurs fruits. Nous sommes
très satisfaits de ces mesures encourageantes.
262. Par ailleurs, notons que des domaines problématiques persistent.
Le projet de loi sur la lutte contre la discrimination n’a toujours
pas été adopté et la Serbie doit encore promulguer des dispositions
exhaustives contre la discrimination raciale dans le droit civil
et administratif. La loi sur les Eglises et les communautés religieuses
et son application ne permettent pas à toutes les communautés religieuses
présentes en Serbie d’exercer pleinement leur droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion consacré par l’article 9
de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Code pénal
demeure trop rarement appliqué aux personnes qui commettent des
infractions racistes à l’encontre des minorités nationales ou ethniques,
et des minorités religieuses, ou des crimes antisémites. La situation
des Roms, des Ashkalis et des Egyptiens déplacés à l’intérieur du
pays demeure précaire. Qui plus est, nous sommes inquiets au sujet
des informations transmises par les ONG et les défenseurs des droits
de l’homme concernant des cas de discrimination à l’encontre de
personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres/transsexuelles.
263. Il importe que nous suivions de près la mise en œuvre des
recommandations de l’ECRI durant les prochaines étapes de la procédure
de suivi.
5.8. Droits des minorités nationales
5.8.1. Cadre constitutionnel et
législatif
264. Les droits des minorités nationales
sont protégés par la nouvelle Constitution serbe. La Constitution protège
«les droits individuels ou collectifs spéciaux» des minorités, «outre
les droits garantis à tous les citoyens» de Serbie (article 75,
paragraphe 1). De plus, la Constitution octroie aux représentants
des minorités nationales le droit de participer aux processus décisionnels
ou de prendre eux-mêmes des décisions en toute indépendance sur
certaines questions ayant trait à la culture, l’éducation, l’information
et l’usage officiel de leur langue minoritaire parlée et écrite
(article 75, paragraphe 2). La discrimination à l’égard des minorités nationales
est interdite (article 76). Des mesures spéciales visent à assurer
que les représentants des minorités nationales sont convenablement
représentés dans les organes de l’Etat, la fonction publique et
les administrations autonomes provinciales et locales (article 77,
paragraphe 3).
265. Une autre disposition importante de la Constitution est l’interdiction
de toute assimilation forcée (article 78). En particulier, la Constitution
interdit «strictement les mesures qui entraîneraient des changements artificiels
de la structure ethnique de la population dans les régions où vivent
traditionnellement en grand nombre les membres de minorités nationales»
.
266. L’article 79 énonce la liste complète des droits garantis
aux minorités en vue de préserver leur spécificité. Nous nous félicitons
de cette liste étendue des droits. Leur mise en application est
définie par la loi sur la sauvegarde des droits et libertés des
minorités nationales ainsi que par plusieurs lois et règlements sectoriels
des provinces autonomes, comme la loi sur l’éducation primaire,
la loi sur l’enseignement secondaire, la loi sur les fondements
du système éducatif, la loi sur l’usage officiel de la langue et
de l’alphabet, la loi sur l’élection de représentants, la loi sur
les activités d’intérêt général dans le domaine de la culture, la
loi sur la radiodiffusion, la loi sur l’information publique, la
décision de l’Assemblée provinciale de la province autonome de Vojvodine
sur la réglementation détaillée des questions relatives à l’usage
officiel des langues et alphabets, la décision de l’Assemblée provinciale
de Vojvodine sur l’élection des membres de l’assemblée, etc.
267. La participation des minorités nationales à la vie politique
est facilitée par la suppression du seuil électoral de 5 % aux élections
législatives. En conséquence, un certain nombre de représentants
des minorités ont été élus au parlement et ont constitué leur propre
groupe. En ce qui concerne les assemblées locales et provinciales,
l’article 180, paragraphe 4, de la Constitution dispose que «dans
les provinces autonomes et les entités de l’autonomie locale où
la population est constituée de diverses nationalités, une représentation proportionnelle
des minorités nationales dans les assemblées doit être prévue conformément
à la loi». Cette disposition est à saluer.
268. Le rapporteur de la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme, M. Jürgen Herrmann (Allemagne, PPE/DC), a
préparé un rapport qui examine tout particulièrement la situation
des minorités nationales en Serbie (et notamment en Vojvodine, ainsi
que la situation de la minorité ethnique roumaine en Serbie), qui
sera examiné prochainement par l’Assemblée. Nous sommes d’accord
avec les conclusions de M. Herrmann et invitons les autorités à
mettre en œuvre les recommandations contenues dans son rapport.
5.8.2. Rôle des conseils nationaux
des minorités
269. Aux termes de l’article 75,
paragraphe 3, de la Constitution, les personnes qui appartiennent
à des minorités nationales peuvent élire leurs propres conseils
afin d’exercer leur droit à l’autonomie dans le domaine de la culture,
de l’éducation, de l’information et de l’usage officiel de leur
langue parlée et écrite, conformément à la législation. Les conseils
nationaux des minorités fonctionnent en Serbie depuis quelque temps
déjà. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales a souligné, dans son avis de 2003, l’intérêt
potentiel de ces conseils pour améliorer la participation des minorités
aux processus de décision. Il a également appelé l’attention des
autorités sur la nécessité de leur garantir un niveau de financement
approprié et d’éviter leur politisation excessive.
270. Le Département des droits de l’homme et des minorités du Gouvernement
serbe a élaboré un projet de loi sur les élections et les pouvoirs
des conseils nationaux des minorités, qui a ensuite été évalué par
les experts du Conseil de l’Europe. Une table ronde a été organisée
le 27 mai 2007 pour examiner ce projet de loi. A cette occasion,
les experts du Conseil de l’Europe ont avancé que certaines dispositions
du projet de loi n’étaient pas suffisamment explicites et que le
texte insistait trop sur les obligations incombant aux conseils alors
que l’obligation faite aux autorités de l’Etat de faire participer
les conseils aux processus décisionnels n’était pas formulée avec
suffisamment de clarté. De plus, les experts ont contesté le fait
que la loi impose un critère de citoyenneté pour devenir membre
des conseils et y participer. Ce critère est susceptible d’avoir
un effet négatif sur la défense des droits des Roms et des apatrides,
qui peuvent ainsi se voir privés de participer aux activités des
conseils. Les autorités serbes nous ont informés que le critère
de citoyenneté avait été introduit dans le projet de loi à partir
de la définition de minorité nationale contenue dans la loi sur
la sauvegarde des droits et libertés des minorités nationales. Nous
comprenons la position des autorités serbes, mais nous recommandons
de réfléchir à des solutions juridiques de remplacement pour donner
la possibilité aux représentants des communautés ethniques qui n’ont
pas la citoyenneté serbe, mais qui vivent sur le territoire de la
Serbie, de participer aux travaux des conseils.
271. Nous avons été informés que le ministère de l’Administration
publique et de l’Autonomie locale se chargeait de l’élaboration
de la loi préalablement confiée au département et en préparait une
version révisée. Nous espérons que les experts du ministère tiendront
compte des recommandations du Conseil de l’Europe dans ce processus
et présenteront une version révisée de la loi aux experts du Conseil
de l’Europe pour évaluation.
272. L’adoption d’une nouvelle loi sur les conseils nationaux des
minorités est essentielle, car les mandats des conseils actuels
vont bientôt expirer. Certes, tous les conseils que nous avons rencontrés
ont reçu l’assurance que leurs mandats resteraient valides jusqu’à
l’adoption d’une nouvelle loi et la tenue de nouvelles élections,
mais il est très important d’achever l’élaboration du cadre législatif
au plus tôt afin de confirmer et de légitimer le rôle des conseils,
de façon à rassurer les minorités.
273. Il existe aussi un Conseil républicain des minorités nationales
qui travaille à Belgrade sous la présidence du Premier ministre.
Cependant, selon les informations qui nous ont été fournies, ce
conseil ne s’est pas réuni une seule fois au cours des deux années
écoulées. Cette situation préoccupe les représentants des communautés
minoritaires qui en déduisent que leurs intérêts ne sont pas pris
en compte à Belgrade. En outre, les représentants des minorités
estiment que la législation de protection n’est pas très bien appliquée
et que, dans la pratique, il faudrait que le gouvernement central
redouble d’efforts pour leur permettre d’exercer pleinement leurs
droits. Il nous a été dit que la part du budget allouée au fonctionnement
des conseils nationaux des minorités avait été retirée de la première
proposition de budget présentée par le gouvernement au parlement.
Selon les autorités serbes, cela n’a pas été le cas et le Département
des droits de l’homme et des minorités du Gouvernement serbe a proposé
une augmentation significative des crédits budgétaires affectés
au fonctionnement des conseils nationaux en 2008 (les crédits ont
été augmentés de 138 %, passant de 63 millions de dinars en 2007
à 150 millions de dinars en 2008). Nous nous félicitons de cette
mesure positive de soutien aux activités des conseils nationaux
et espérons une bonne coopération entre le gouvernement et les conseils
en 2008 de sorte que les crédits budgétaires pour 2009 ne donnent
pas lieu à des rumeurs et des spéculations.
274. De la même façon, la mise en œuvre des accords bilatéraux
sur la protection des minorités nationales serbes que la Serbie
a conclus avec les Etats voisins
ne
s’est pas déroulée aussi bien qu’elle aurait dû parce que les représentants
de la Serbie et des Etats concernés dans les commissions mixtes
établies par les accords n’ont pas encore été désignés. Nous recommandons
aux autorités serbes et aux autorités des Etats concernés d’engager
promptement des consultations pour rendre ces commissions mixtes
opérationnelles dans les plus brefs délais.
275. De nos réunions avec les représentants des minorités nationales,
nous avons très largement retiré l’impression que les minorités
avaient une perception tout à fait différente de celle des autorités
de l’application de leurs droits spéciaux garantis par la Constitution.
Nous reconnaissons que les autorités serbes font des efforts louables
pour protéger et promouvoir les droits des communautés minoritaires.
Toutefois, le fait que ces communautés ne soient pas pleinement
satisfaites de ces mesures indique qu’il faut améliorer le dialogue entre
Belgrade et les minorités. Dans la situation actuelle, à la suite
de l’adoption par l’Assemblée du Kosovo de la déclaration unilatérale
d’indépendance, les inquiétudes des minorités seront probablement
aggravées par la crainte d’une montée des sentiments nationalistes
dans la société. Plusieurs incidents violents à l’encontre des minorités
sont déjà survenus dans les jours qui ont suivi l’adoption de la
déclaration unilatérale d’indépendance. Il est extrêmement important
dans ce contexte d’envoyer un message rassurant aux minorités en
condamnant la violence clairement et sans équivoque et en ouvrant
des enquêtes sur les cas d’agression violente. Nous appelons les
autorités serbes à prendre des mesures positives à cet égard.
276. Nous reconnaissons que les autorités serbes ont déjà pris
un certain nombre de mesures positives pour assurer pleinement l’application
des droits des minorités. Ce sont l’adoption de la Constitution
de Serbie, l’abrogation du seuil électoral de 5 % pour les partis
des minorités nationales qui participent aux élections législatives,
l’adoption des conclusions du Gouvernement serbe relatives à une
plus grande participation des minorités dans l’administration publique,
qui sont actuellement mises en œuvre en partenariat avec les conseils
nationaux (une des mesures prévues est la traduction des avis de
concours publics dans les langues des minorités et leur publication
dans les médias des minorités sélectionnés par les conseils nationaux),
les mesures spéciales qui sont prises par les autorités pour augmenter
la participation des minorités dans le corps judiciaire, le transfert
des droits d’administration de certains médias aux conseils nationaux,
le financement public des médias des minorités ainsi que leur exclusion
du processus de privatisation obligatoire.
277. Nous recommandons aux autorités de continuer à travailler
avec les minorités nationales et leurs conseils nationaux pour mettre
en œuvre ces mesures dans un esprit de dialogue et de partenariat.
5.8.3. Mise en œuvre de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales
278. Un premier avis du comité consultatif
sur ce qui était alors la Serbie-Monténégro a été adopté en 2003. Le
deuxième rapport étatique était attendu pour le 1er septembre
2007. Le comité consultatif espère qu’il sera présenté rapidement
afin de lancer le deuxième cycle de suivi. Le secrétariat du comité
consultatif a reçu le rapport du deuxième cycle le 4 mars 2008.
Des rapports parallèles établis par des ONG ont aussi été publiés.
279. Nous suivrons attentivement les travaux du Comité consultatif
de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales
dans le cadre du processus de suivi.
5.8.4. Mise en œuvre de la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires
280. Depuis mars 2005, la Serbie
est partie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Après
ratification en février 2006, la charte est entrée en vigueur le
1er juin 2006.
281. En ratifiant la charte, la Serbie a décidé d’appliquer les
mesures de protection spéciale prévues dans la partie III de la
charte, aux langues suivantes: albanais, bosniaque, bulgare, hongrois,
romani, roumain, ruthène, slovaque, ukrainien et croate.
282. Par ailleurs, la Serbie a émis une réserve précisant que l’expression
«territoire dans lequel une langue régionale ou minoritaire est
pratiquée» se réfère aux régions dans lesquelles l’usage des langues
régionales et minoritaires est officiel, en accord avec la législation
nationale
. La loi sur la sauvegarde des droits
et libertés des minorités nationales introduit l’obligation de l’usage
officiel des langues et alphabets des minorités nationales qui représentent
plus de 15 % de la population totale. De plus, elle introduit l’obligation
de l’usage officiel des langues et alphabets des minorités nationales
dans les entités autonomes où l’usage officiel de la langue était
reconnu au moment de l’adoption de cette loi, même si le pourcentage
des membres des minorités nationales était inférieur à 15 %.
283. Le 11 juillet 2007, les autorités ont présenté le premier
rapport périodique sur la mise en œuvre de la charte, qui compte
environ 400 pages. Un «contre-rapport» a été préparé par le Centre
des droits de l’homme de Vojvodine. Le rapport a été rendu public
et est disponible sur le site web du Centre des droits de l’homme
.
284. Le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires est en train d’examiner le rapport des autorités.
Nous étudierons attentivement les conclusions du comité d’experts
et en tiendrons compte dans le cadre du processus de suivi.
5.9. Réforme de l’éducation
285. La réforme du secteur de l’éducation
est une tâche particulièrement complexe dont la Serbie doit s’acquitter.
Selon les autorités, le processus de réforme ne devrait pas se limiter
aux seuls enjeux structurels (notamment la délégation des responsabilités
aux autorités locales quant à la gestion des établissements scolaires,
les investissements dans les infrastructures, l’élaboration de nouveaux
programmes et la formation des enseignants). Il importe également
de revoir complètement l’héritage difficile lié aux conflits qu’a
connus l’ex-Yougoslavie et avec lequel la Serbie est bien obligée
de vivre. Dans ce contexte, l’élaboration d’une stratégie de réforme
globale de l’éducation s’impose.
286. Malheureusement, nous n’avons pas obtenu d’informations sur
les mesures prises par les autorités pour enseigner les principes
de tolérance, le respect d’autrui et des différences à l’école.
Nous espérons pouvoir examiner ces mesures dans la suite du processus
de suivi. Entretemps, nous recommandons que les autorités continuent
la réforme de l’éducation et prennent leurs dispositions pour enseigner
les principes de tolérance, le respect d’autrui, le dialogue interculturel
et la réconciliation.
6. Conclusions et suite de
la procédure de suivi
287. Ces dernières années, la Serbie
a traversé une période de turbulences et de mutation. Dans ce contexte,
la mise en œuvre des obligations et engagements contractés au titre
de l’adhésion au Conseil de l’Europe s’est ralentie, principalement
du fait du dysfonctionnement institutionnel de l’union d’état de
Serbie-Monténégro.
288. Toutefois, avec l’indépendance du Monténégro et la dissolution
de l’union d’état, la Serbie a dû relever de nouveaux défis en matière
de réformes démocratiques. L’adoption de la nouvelle Constitution
a modifié le cadre politique et institutionnel. Les autorités doivent
maintenant engager une restructuration complète des principales
institutions démocratiques. Deux élections législatives en deux
années civiles, suivies des élections présidentielle, provinciales
et locales, ainsi que les négociations laborieuses sur la coalition
gouvernementale, ont empêché le pays de mettre en œuvre rapidement
les réformes démocratiques nécessaires. Enfin, dernier point important,
l’adoption par le Kosovo de la déclaration unilatérale d’indépendance
constitue pour les autorités un important défi à relever.
289. Malgré cette situation, nous sommes convaincus que la Serbie
progresse sur la voie de l’intégration européenne. Les perspectives
européennes du pays ont été clairement confirmées lors des élections présidentielles
du 20 janvier et du 3 février 2008, et par la victoire retentissante
du bloc proeuropéen aux élections législatives du 11 mai. Le temps
est venu de transformer les aspirations démocratiques et européennes
du pays en actions concrètes afin de mettre en œuvre des réformes
trop longtemps différées et de mener à bien les transformations
démocratiques indispensables. Ces réformes doivent être mises en
place en coopération étroite avec l’ensemble des acteurs politiques
pour faire de l’intégration européenne une vision de l’avenir du
pays partagée par tous.
290. Aujourd’hui, comme jamais auparavant, notre Assemblée se tient
prête à soutenir ce processus. Dans ce but, nous adressons aux autorités
plusieurs recommandations qui les aideront à mener à bien la coopération
avec le TPIY, à consolider les institutions démocratiques et l’Etat
de droit ainsi qu’à renforcer la protection des droits de l’homme
et des minorités.
291. En attendant que ces recommandations soient mises en application,
l’Assemblée doit continuer à suivre la mise en œuvre des obligations
et engagements de la Serbie, en apportant tout le soutien politique nécessaire
aux réformes engagées.
Commission chargée du rapport: commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(commission de suivi).
Renvoi en commission: Résolution
1115 (1997) et Avis no
239 (2002).
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité par la commission le 11 septembre 2008.
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président),
M. György Frunda (1er Vice-Président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-Président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-Président), M. Aydin
Abbasov, M. Avet Adonts,
M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Aleksandër Biberaj, M. Luc Van den Brande, M. Jean-Guy Branger,
M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej
Chelemendik, Mme Lise Christoffersen,
M. Boriss Cilevičs, M. Georges
Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta
Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette
Durrieu, M. Mátyás Eörsi,
Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles
Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener,
M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach,
Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot
Islami, M. Miloš Jevtić,
Mme Evguenia Jivkova,
M. Hakki Keskin, M. Ali Rashid Khalil, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine
Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad,
M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov,
M. Bernard Marquet, M. Dick Marty,
M. Miloš Melčák, Mme Assunta
Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria
Postoico, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea
Rigoni, M. Dario Rivolta,
M. Armen Rustamyan, M. Indrek
Saar, M. Oliver Sambevski,
M. Kimmo Sasi, M. Andreas
Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona
Staponkienė, M. Christoph Strässer,
Mme Elene Tevdoradze,
M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis,
M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė,
M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, M. Boris Zala,
M. Andrej Zernovski.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Ce texte sera débattu ultérieurement.