Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 11726 | 30 septembre 2008

Réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe pour des raisons substantielles

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Andreas GROSS, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi. n° 3488 du 29 septembre 2008 2008 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission de suivi considère que la guerre récente entre deux Etats membres de l’Organisation constitue en soi une grave violation du Statut du Conseil de l’Europe.

Néanmoins, la commission estime qu’il est essentiel, à ce stade, d’assurer que le dialogue et l’établissement de la confiance mutuelle se poursuivent entre les deux parties, mais également entre chacune d’entre elles et notre Assemblée. Pour que ce dialogue puisse être constructif et avoir du sens, il est essentiel que la Russie applique l’accord de cessez-le-feu conclu sous les auspices de l’Union européenne et notamment retire ses troupes jusqu’aux positions d’avant la guerre et autorise le déploiement des observateurs de l’Union européenne et de l’OSCE.

Le présent rapport propose ainsi à l’Assemblée de confirmer la ratification des pouvoirs de la délégation russe, étant entendu que l’Assemblée peut, à tout moment, être saisie à nouveau de cette question, conformément à son Règlement.

A. Projet de résolution

(open)
1. Le 12 septembre 2008, 24 membres de l’Assemblée parlementaire ont signé une proposition de résolution demandant le réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe pour des raisons substantielles, conformément à l’article 9 du Règlement de l’Assemblée et, en particulier, «au motif de violations graves des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés dans le préambule de son Statut» dans le contexte du «conflit opposant, dans le Sud du Caucase, deux Etats membres du Conseil de l’Europe».
2. L’Assemblée considère que la guerre récente entre la Russie et la Géorgie, deux Etats membres de l’Organisation, constitue en soi une grave violation du Statut du Conseil de l’Europe et a conduit à d’autres violations par la Russie, ainsi que par la Géorgie, de leurs obligations et engagements en tant qu’Etats membres du Conseil de l’Europe.
3. Néanmoins, l’Assemblée estime qu’il est essentiel, à ce stade, d’assurer que le dialogue et l’établissement de la confiance mutuelle se poursuivent entre les deux parties, mais également entre chacune d’entre elles et notre Assemblée. Pour que ce dialogue puisse être constructif et avoir du sens, il est essentiel que la Russie applique l’accord de cessez-le-feu conclu sous les auspices de l’Union européenne et notamment retire ses troupes jusqu’aux positions d’avant la guerre et autorise le déploiement des observateurs de l’Union européenne et de l’OSCE.
4. L’Assemblée, ayant examiné la question et, étant entendu qu’elle peut être saisie à nouveau de cette question à tout moment, conformément à son Règlement, décide de confirmer la ratification des pouvoirs de la délégation russe.

B. Exposé des motifs par M. Gross, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 12 septembre 2008, 24 membres de l’Assemblée ont signé une proposition de résolution demandant le réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe à l’Assemblée, pour des raisons substantielles selon l’article 9 du Règlement de l’Assemblée. En particulier, les signataires ont exprimé leur vive préoccupation «concernant le conflit opposant, dans le Caucase du Sud, deux Etats membres du Conseil de l’Europe» et ont demandé le réexamen des pouvoirs de la délégation russe «au motif des violations graves des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés dans le préambule de son Statut».
2. Conformément à l’article 9.2, le Bureau de l’Assemblée, lors de sa réunion du 29 septembre 2008 au matin, a renvoyé cette proposition de résolution à la Commission de suivi pour rapport et à la Commission du règlement pour avis. L’Assemblée a ratifié ce renvoi à l’ouverture de sa quatrième partie de session le même jour.
3. La Commission de suivi m’a désigné comme rapporteur lors de sa première réunion deux heures plus tard et m’a demandé de rédiger un rapport dans les vingt-quatre heures concrètement pour adoption lors de sa réunion le 30 septembre 2008 à 14 heures, afin d’organiser un débat à l’Assemblée le 1er octobre 2008. Cette procédure accélérée a été décidée conformément à l’article 9.2 appelant à un débat «dans les meilleurs délais» sur la question des pouvoirs d’une délégation.
4. Dans le même temps, l’Assemblée, à l’ouverture de sa quatrième partie de session, le 29 septembre 2008, a ratifié la proposition faite par le Bureau, lors de sa réunion du 5 septembre 2008, d’organiser un débat selon la procédure d’urgence sur «les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie” et a également renvoyé cette affaire à la Commission de suivi pour rapport et à d’autres commissions pour avis.
5. La Commission de suivi, lors de sa réunion du 11 septembre, a désigné, en anticipation de la décision de l’Assemblée, comme corapporteurs pour ce rapport M. Mátyás Eörsi, l’un des corapporteurs pour le suivi de la Géorgie, et M. Luc van den Brande, l’un de ses corapporteurs pour la Russie. MM. Eörsi et Van den Brande ont été chargés de rédiger un rapport également pour la réunion de la Commission de suivi du 30 septembre. Leur rapport, ainsi que les avis préparés par d’autres commissions de l’Assemblée sur des questions plus spécifiques, constituent la base d’un débat plus large sur les conséquences de la guerre pour les deux Etats concernés et la région toute entière ainsi que pour les actions de suivi demandées par le Conseil de l’Europe et la communauté internationale dans son ensemble afin de mettre un terme à cette guerre inacceptable et aux souffrances humaines qu’elle provoque. Je n’ai donc pas l’intention de répéter dans le présent rapport ce qui se trouve dans le rapport de MM. Eörsi et van den Brande ou dans les avis d’autres commissions sur cette question.
6. Ma tâche est facilitée par le fait que j’ai eu l’occasion de me rendre en Russie et en Géorgie, y compris dans la zone dite «tampon» et en Ossétie du Sud, du 21 au 26 septembre 2008 en tant que membre de la Commission ad hoc mise en place par le Bureau pour examiner la situation sur le terrain dans les deux pays dans le contexte de la guerre qui les oppose. J’ai participé à cette Commission ad hoc en ma qualité de président du Groupe socialiste à l’Assemblée. M. Van den Brande a rédigé une note sur la visite de la Commission ad hoc que le Bureau a examinée et déclassifiée lors de sa réunion du 29 septembre et qui reflète dans une large mesure mon propre avis sur la question.
7. Mon mandat spécifique de rapporteur sur la question des pouvoirs de la délégation russe est limité à apporter une réponse à la question qui nous est posée quant à décider si la ratification des pouvoirs de nos collègues russes doivent être confirmée, annulée ou soumise à des restrictions, en application de l’article 9.4.

2. Les engagements et obligations remis en question

8. J’aimerais tout d’abord dire que l’escalade de ce que d’aucuns appelaient un «conflit gelé» jusqu’à une guerre entre deux Etats membres de l’Organisation est tout simplement inacceptable.
9. Depuis le début des années 1990, les différentes parties au conflit ont eu de nombreuses occasions de désamorcer le conflit et mettre un terme aux souffrances humaines. Au lieu de cela, elles se sont livrées à diverses formes de provocation conduisant à une détérioration de la situation de la sécurité.
10. Il est clair que la guerre récente entre deux Etats membres de l’Organisation constitue en soi une violation grave du Statut du Conseil de l’Europe et a conduit à d’autres violations des obligations et engagements que la Russie et la Géorgie ont pris lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe.
11. Mon mandat se limite, certes, à l’examen des pouvoirs de la délégation russe. Toutefois, puisque cet examen a été fait dans le contexte de la guerre avec la Géorgie, je ne peux faire référence aux violations commises par la Russie sans évoquer celles qui ont été commises par la Géorgie.
12. En premier lieu, et dans l’attente d’une enquête exhaustive visant à faire la lumière sur les faits exacts et les circonstances précises qui ont conduit au déclenchement de la guerre, il est tout à fait clair que le déclenchement de la guerre a été le résultat d’une grave escalade des tensions qui avait commencé bien avant le 7 août 2008. Toutefois, l’attaque indiscriminée de Tskhinvali par les troupes géorgiennes le 7 août 2008 a marqué une nouvelle escalade: il s’agissait désormais d’une véritable guerre ouverte. De son côté, la contre-attaque russe sur le territoire géorgien, le 8 août, est allée bien au-delà de ce qui était nécessaire pour arrêter les hostilités et protéger les civils. J’ai personnellement été le témoin du degré de destruction d’un village géorgien en Ossétie du Sud, où deux bombes sont tombées sur de pauvres paysans et ont tué huit personnes innocentes. Des centaines de civils ont perdu la vie, ont été gravement blessés ou ont été contraints de quitter leur foyer. Quelque 31 000 personnes ne pourront sans doute pas retourner chez elles à court ou moyen terme. En outre, le bombardement de Poti, ainsi que la destruction de ponts et liaisons ferroviaires, constituaient des attaques visant les infrastructures économiques et stratégiques de la Géorgie.
13. C’est pourquoi les deux Etats sont, à des degrés différents, responsables de l’utilisation disproportionnée de la force militaire, y compris dans les zones civiles. Cela constitue une violation des principes du droit international et de l’obligation et l’engagement des deux Etats en leur qualité d’Etats membres du Conseil de l’Europe à résoudre les conflits par des moyens pacifiques.
14. A cet égard, je soutiens totalement la proposition faite par MM. Eörsi et Van den Brande selon laquelle les faits entourant le déclenchement de la guerre doivent être établis, de façon objective, par une enquête internationale indépendante. Je salue également le fait que la Géorgie et la Russie semblent avoir exprimé leur soutien à cette proposition.
15. En ce qui concerne les actions de la Russie dans le contexte de la guerre, l’intervention militaire de grande envergure qui a conduit à l’occupation d’une partie considérable de la Géorgie, ainsi que la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie qui s’est ensuivie, ont clairement bafoué les principes du droit international, également énoncés dans le Statut du Conseil de l’Europe, de souveraineté des Etats, droit à, et respect de, l’intégrité territoriale ainsi que l’inviolabilité des frontières.
16. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, la Russie s’est plus précisément engagée «à résoudre les différends existants relatifs aux frontières conformément aux principes du droit international» et à «dénoncer comme erroné le concept de deux catégories différentes de pays étrangers, certains étant traités comme une zone d’influence spéciale appelée ‘l’étranger proche’». Ces deux engagements spécifiques pris au moment de l’adhésion ont été bafoués par l’action des forces russes sur le territoire géorgien.
17. Par ailleurs, les deux parties ont commis des atteintes aux droits de l’homme et des violations du droit humanitaire dans le contexte de la guerre, telles que les blessures ou meurtres intentionnels ou évitables de civils, ainsi que la destruction de biens. Il apparaît en outre que la Russie n’a pas respecté l’obligation qui lui incombe, en vertu du droit international d’empêcher le pillage, de maintenir l’ordre et de protéger les biens dans les zones sous le contrôle de facto de ses forces. La Russie porte la responsabilité dans ces zones des actes commis également sur l’ordre des autorités de facto de Tshkinvali.

3. Proposition d’action et conclusions

18. Au vu des considérations qui précèdent, il semble qu’il y ait de bonnes raisons de sanctionner à la fois la Russie et la Géorgie, cette dernière tout au moins eu égard au déclenchement d’une guerre ouverte.
19. Toutefois, est-ce véritablement ce à quoi nous voulons aboutir dans le présent débat? Souhaitons-nous punir rapidement les parlementaires russes afin de démontrer notre détermination et prouver l’efficacité de notre système de sanctions? Ou voulons-nous examiner plus attentivement la situation et tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé avant et pendant le déclenchement de la guerre, quelles étaient les causes sous-jacentes du conflit, et plus précisément comment nous pouvons empêcher, à l’avenir, une escalade des conflits existant partout ailleurs jusqu’à la guerre ouverte?
20. Je pense qu’il est primordial pour l’heure de mettre un terme à cette guerre, ainsi qu’aux atteintes aux droits de l’homme et violations du droit humanitaire. Nous devons arrêter les souffrances humaines dans l’attente des résultats d’une enquête internationale indépendante, qui pourrait faire la lumière sur les circonstances exactes entourant le déclenchement de la guerre.
21. La valeur ajoutée du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée en particulier est que la Russie et la Géorgie en sont toutes deux membres. En sanctionnant l’une des deux délégations à ce stade, nous nous amputerions et priverions purement et simplement de la possibilité d’un dialogue. A mon sens, il serait plus important de faire en sorte que ce dialogue puisse avoir lieu entre les deux parties, mais aussi entre chacune d’entre elles et notre Assemblée.
22. Dans le même temps, nous devons élaborer une feuille de route pour surmonter la crise à court, moyen et long terme. C’est la tâche qui incombait aux corapporteurs sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie et je souscris totalement aux propositions concrètes qu’ils ont faites.
23. Toutefois, les deux parties doivent à présent faire preuve de la volonté politique de respecter cette feuille de route. A cet égard, il est de la plus haute importance que la Russie applique l’accord de cessez-le-feu et notamment retire ses troupes jusqu’aux positions d’avant le conflit, autorise le déploiement des observateurs de l’UE et de l’OSCE en Ossétie du Sud et en Abkhazie et revienne sur sa décision de reconnaître l’indépendance des deux régions, car cela empêche actuellement la mise en oeuvre de l’accord de cessez-le-feu et la fourniture d’aide humanitaire à ces régions.
24. Je souscris totalement à la proposition de MM. Eörsi et Van den Brande selon laquelle l’Assemblée doit convoquer une conférence internationale pour réfléchir à la mise en place et l’amélioration des systèmes existants d’alerte rapide afin d’éviter l’escalade des conflits jusqu’à de véritables guerres ouvertes.
25. A ce propos, je voudrais également souligner que nous attendons maintenant de la Russie qu’elle joue un rôle constructif et qu’elle démontre sa volonté de contribuer au règlement pacifique des autres conflits sur le territoire des ex-républiques soviétiques. C’est notamment le cas de Sébastopol et du Nagorno-Karabakh. L’Assemblée doit examiner très attentivement les mesures prises par la Russie à cet égard et soutenir toute approche qui est dans l’intérêt mutuel de tous les acteurs concernés.
26. Compte tenu de ce qui précède, je propose à l’Assemblée qu’elle confirme dès à présent la ratification des pouvoirs de la délégation parlementaire russe, étant entendu que, à tout moment, les membres peuvent, conformément au Règlement, saisir l’Assemblée au sujet de la question des pouvoirs, si, selon les informations reçues, les mesures destinées à mettre en oeuvre les actions attendues des autorités russes dans le cadre de la feuille de route ne sont pas prises ou que les progrès sont trop lents ou insuffisants.

Commission chargée du rapport: commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi)

Renvoi en commission: Renvoi. n° 3488 du 29 septembre 2008

Projet de résolution adopté à l'unanimité par la commission le 30 septembre 2008

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-président), M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, Mr Aleksandër Biberaj, Mr Luc Van den Brande, Mr Jean-Guy Branger, Mr Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia Jivkova, M. Hakki Keskin, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea Rigoni, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona Staponkienė, M. Christoph Strässer, M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin S. Woldseth, M. Boris Zala, M. Andrej Zernovski.

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou, M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko