1. Introduction
«Les défenseurs des droits
de l’homme, parce qu’ils témoignent d’un véritable engagement en
faveur des idéaux des droits de l’homme et des droits de la femme
et se montrent prêts à certains sacrifices personnels pour la réalisation
de ces buts, sont une source d’inspiration et méritent soutien,
sécurité et protection afin de pouvoir poursuivre leur lutte en
faveur des droits de l’homme sans avoir à craindre agressions ou
représailles» .
1. Les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle
essentiel dans l’instauration et le renforcement de l’état de droit,
de la démocratie et de la protection des droits de l’homme, ainsi
que dans la prévention des conflits. Malheureusement, dans certains
Etats membres du Conseil de l’Europe (CdE), ils sont parfois confrontés
à un environnement difficile et sont devenus la cible d’une répression
multiforme.
2. Le présent rapport, issu d’une proposition de résolution
présentée
par M. Txueka et plusieurs de ses collègues, a pour but d’examiner
les défis et les difficultés rencontrés par les défenseurs des droits
de l’homme et d’identifier les mesures concrètes que le CdE, et
en particulier l’Assemblée parlementaire, pourraient prendre pour
les soutenir et les protéger.
3. Afin de mieux cerner, à l’aide de témoignages directs, les
problèmes et les risques que rencontrent les défenseurs des droits
de l’homme sur le terrain et de recueillir l’avis des personnes
directement concernées sur les mesures éventuelles pour améliorer,
le cas échéant, la protection des défenseurs des droits de l’homme dans
les Etats membres du CdE, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme a organisé le 17 avril 2008 un échange
de vues («audition») au sujet des défenseurs des droits de l’homme
avec la participation de:
- Mme Rachel
Denber, Human Rights Watch (HRW),
directrice adjointe de la Division Europe et Asie centrale;
- Mme Ekaterina Sokirianskaya,
Centre «Mémorial» des droits de l’homme, chef du Bureau de Grozny (Fédération
de Russie);
- Mme Caitriona Rice, Front Line – Fondation internationale
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, coordinatrice
des activités de protection / chercheuse;
- Mme Delphine Reculeau, Observatoire
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, FIDH/OMCT,
coordinatrice;
- M. Johannes Heiler, Amnesty
International, conseiller;
- M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe.
4. Pour prolonger l’audition de la commission, Amnesty International
a organisé le même jour une Table ronde, que j’ai parrainée en tant
que rapporteur, avec un groupe élargi de défenseurs des droits de
l’homme.
5. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai aussi
participé à un colloque sur les défenseurs des droits de l’homme
organisé par le CdE en novembre 2006 et, plus récemment, à une table
ronde organisée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe les 3 et 4 novembre 2008 avec des défenseurs de tout
le continent. Cette table ronde a été une excellente occasion de
recueillir des informations récentes auprès des défenseurs des droits
de l’homme eux-mêmes et de discuter de leurs besoins, ainsi que des
actions de soutien qui pourraient être menées par le CdE.
6. Compte tenu du rôle essentiel attribué au Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe par la Déclaration sur
les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe en février 2008, le présent rapport
examine quelle pourrait être la plus-value qui pourrait résulter d’une
implication parlementaire à cet égard ainsi que les moyens les mieux
à même de développer les synergies dans le cadre d’un mécanisme
de protection des défenseurs des droits de l’homme opérationnel
et permanent.
2. Qu’est-ce
qu’un défenseur des droits de l’homme?
7. Selon la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs
des droits de l’homme, l’expression sert à désigner les personnes
qui, individuellement ou en association avec d’autres, agissent
pour promouvoir ou protéger les droits de l’homme.
Les «défenseurs des
droits de l’homme» sont définis avant tout par ce qu’ils font; c’est
la description de leur action et du contexte dans lequel ils œuvrent
qui permet d’en donner la meilleure définition. Il est généralement
admis qu’une définition plus précise est impossible voire indésirable car
elle risquerait d’être restrictive.
8. Les défenseurs des droits de l’homme œuvrent à la concrétisation
de tout ou partie des droits consacrés par la Déclaration universelle
des droits de l’homme de 1948 et d’autres instruments internationaux.
Ils travaillent par conséquent à promouvoir et à protéger les droits
civils et politiques ainsi qu’à promouvoir, protéger et mettre en
œuvre les droits économiques, sociaux et culturels. Les défenseurs
des droits de l’homme s’occupent en fait de toutes les questions
touchant aux droits de l’homme, c’est-à-dire de questions aussi
variées que, par exemple:
- les
exécutions sommaires;
- la torture;
- les arrestations et détentions arbitraires;
- les mutilations génitales imposées aux femmes;
- les violations de la liberté d’expression et de la liberté
de réunion et d’association;
- la discrimination;
- les questions relatives à l’emploi;
- les évictions forcées;
- l’accès aux soins de santé;
- les déchets toxiques et leur impact sur la santé et sur
l’environnement.
9. Les personnes qui doivent manifestement être reconnues comme
des défenseurs des droits de l’homme sont celles qui s’occupent
expressément, au quotidien, de la promotion et de la protection
des droits de l’homme, par exemple les «moniteurs» des droits de
l’homme travaillant pour les organisations des droits de l’homme,
les médiateurs chargés spécifiquement de la protection des droits
de l’homme ou les avocats travaillant dans le secteur des droits
de l’homme. Les journalistes qui révèlent des actes illégaux ou
des violations des droits de l’homme perpétrés par l’Etat ou des
«acteurs non étatiques» jouent également un rôle fondamental. Néanmoins,
il n’est pas nécessaire pour être un défenseur des droits de l’homme
d’être considéré comme un «militant des droits de l’homme» ou de
travailler pour une organisation dont le nom inclut explicitement
les «droits de l’homme». Encore une fois, le plus important pour
déterminer si un individu est un défenseur des droits de l’homme
n’est pas son titre ou le nom de l’organisation pour laquelle il/elle
travaille mais le fait de savoir si le travail effectué se rapporte
à la défense des droits de l’homme.
10. De nombreuses personnes travaillent à titre professionnel
comme défenseurs des droits de l’homme et reçoivent un salaire ou
des rémunérations pour ce travail. Beaucoup d’autres sont des bénévoles
qui ne reçoivent aucune rémunération.
11. La déclaration de l’ONU de 1998 indique aussi que les défenseurs
des droits de l’homme ont à la fois des responsabilités et des droits.
Les défenseurs des droits de l’homme doivent reconnaître le caractère universel
des droits de l’homme tels que définis dans la Déclaration universelle
des droits de l’homme de 1948.
12. En outre, afin de satisfaire aux conditions énoncées dans
la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, les actions
entreprises par les défenseurs des droits de l’homme doivent être
de nature pacifique, c’est-à-dire non violente.
13. Les médiateurs ou structures nationales des droits de l’homme
(investis d’une compétence nationale ou régionale/locale, générale
ou thématique) occupent également une place très importante dans
le système des droits de l’homme européen. Leur indépendance doit
être protégée par la loi et dans la pratique
(voir également
ci-dessous).
14. Les défenseurs des droits de l’homme (individus, groupes,
organisations non gouvernementales (ONG), avocats spécialisés dans
la défense des droits de l’homme, journalistes, médiateurs, etc.)
jouent un rôle crucial dans la protection et la promotion des droits
de l’homme. Ils sont souvent soutenus par des organisations intergouvernementales,
parmi lesquelles le CdE.
3. Difficultés rencontrées
par les défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe
15. Dans beaucoup de pays, les défenseurs des droits
de l’homme sont en général bien protégés en droit et en pratique.
De nombreux défenseurs des droits de l’homme mènent leurs activités
sans rencontrer d’obstacles majeurs. Malheureusement, ce n’est pas
le cas partout en Europe. Un certain nombre d’ONG expriment de graves
préoccupations sur les difficultés rencontrées par les défenseurs
des droits de l’homme dans certains Etats membres du CdE, et prétendent
même que la situation des défenseurs des droits des l’homme se détériore
dans un certain nombre de pays. L’échange de vues tenu par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme avec les défenseurs
des droits de l’homme le 17 avril 2008, ainsi que la Table ronde
des 3-4 novembre 2008, ont permis de recueillir des informations
détaillées à cet égard. Ils ont montré en particulier que certains
défenseurs des droits de l’homme se heurtent – occasionnellement
ou de façon plus systématique – à des obstacles ou à un environnement
hostile dans plusieurs Etats membres du CdE, notamment en Arménie,
en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, dans la Fédération
de Russie, en Serbie et en Turquie.
16. Les défenseurs des droits de l’homme ne forment pas une catégorie
particulière de personnes vulnérables qui devraient disposer de
droits spécifiques. Cependant, ils défendent les droits fondamentaux d’autres
personnes et sont, par conséquent, plus visibles, en première ligne.
Les prendre pour cibles est un moyen insidieux d’attaquer les personnes
dont ils défendent les droits. Réduire l’un d’eux au silence peut
aussi permettre de faire taire nombre des personnes qui comptent
sur eux. Les agressions physiques contre les défenseurs des droits
de l’homme, y compris contre les plus connus, sont fortement susceptibles
d’entretenir un climat de peur. En outre, devant la difficulté croissante
des défenseurs des droits de l’homme à se défendre eux-mêmes, le
citoyen ordinaire ne peut que s’interroger sur leur capacité de
le protéger.
3.1. Obstacles et restrictions
allant de l’usage direct de la violence à des pratiques plus insidieuses
17. Dans certains Etats membres du CdE, les défenseurs
des droits de l’homme sont confrontés à des obstacles et à des restrictions
qui vont de l’usage direct de la violence jusqu’à des pratiques
plus insidieuses. Des autorités étatiques sont encore les auteurs
les plus fréquents des violations dont sont victimes les défenseurs
des droits de l’homme, alors que la responsabilité de leur protection
leur incombe en premier lieu. Par «autorités étatiques», il faut
entendre ici diverses autorités de nature administrative et politique,
en y incluant aussi bien les autorités locales que régionales et
nationales. En outre, divers «acteurs non étatiques» (groupes armés,
crime organisé, sociétés transnationales, individus et groupes ultranationalistes
faisant l’apologie de la haine et de l’intolérance) commettent aussi
– ou sont impliqués dans – des actes à l’encontre de défenseurs
des droits de l’homme, parfois avec la complicité d’organes de l’Etat.
18. Les violations visent le plus souvent les défenseurs des droits
de l’homme eux-mêmes ou les organisations et mécanismes dans le
cadre desquels ils travaillent. Les bureaux et/ou domiciles des défenseurs
des droits de l’homme font l’objet d’attentats, de cambriolages
ou de perquisitions illégales et des pressions sont exercées à l’encontre
des personnes ou des entreprises qui soutiennent leur travail, par exemple
en leur fournissant des fonds ou des locaux. Les défenseurs des
droits de l’homme qui sont menacés craignent pour leur propre sécurité
mais aussi pour celle de leurs familles et de leur entourage professionnel. La
regrettable pratique consistant à viser les proches des défenseurs
des droits de l’homme est souvent qualifiée de «prise d’otage familiale»
(«family hostage taking»).
19. Dans les cas les plus extrêmes, les défenseurs des droits
de l’homme reçoivent des menaces de mort ou sont effectivement assassinés,
comme les journalistes Hrant Dink en Turquie en 2007, Anna Politkovskaïa en
Russie en 2006 et cette année Stanislav Markelov, célèbre avocat
défenseur des droits de l’homme, abattu à Moscou avec une journaliste
stagiaire.
20. Dans nombre d’Etats membres du CdE, les défenseurs des droits
de l’homme voient remettre en cause leur légitimité. Des acteurs
étatiques et non étatiques cherchent fréquemment à discréditer le
travail des défenseurs des droits de l’homme en les diffamant publiquement
afin d’agir sur l’opinion publique. Dans certains cas, les défenseurs
des droits de l’homme sont accusés d’être des «ennemis», des «traîtres»,
des «espions» ou des «extrémistes» pour avoir dénoncé des violations
des droits de l’homme ou communiqué avec des organisations internationales
ou des médias nationaux et étrangers
, ou ils sont
accusés d’être financièrement dépendants d’Etats étrangers ou d’organisations
internationales. Des représentants d’ONG que j’ai rencontrés dénonçaient
aussi l’action délétère des «ONG gouvernementales» (c’est-à-dire
des ONG créées et manipulées par les autorités, dites «GONGOS»),
dont le but est de remettre en cause la légitimité des véritables
ONG et des véritables défenseurs des droits de l’homme.
21. Dans d’autres cas, les défenseurs des droits de l’homme sont
victimes d’arrestations et de détentions arbitraires et de procès
inéquitables. Les atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire
et la lenteur et le fonctionnement inefficace de la justice représentent
également des obstacles majeurs au travail des défenseurs des droits
de l’homme et sont utilisés contre eux.
22. En outre, dans certains cas, les autorités exercent des pressions
illicites sur les avocats qui défendent les requérants devant la
Cour européenne des droits de l’homme
et
qui aident les victimes de violations des droits de l’homme à épuiser
les voies de recours internes avant de se tourner vers la Cour.
Dans ce contexte, l’Assemblée a insisté à plusieurs occasions sur
le devoir des Etats membres de coopérer avec la Cour européenne
des droits de l’homme et sur la nécessité de protéger les requérants,
les témoins et les personnes qui représentent les requérants en
justice
.
23. Les méthodes de persécution et de harcèlement des défenseurs
des droits de l’homme qu’emploient les auteurs de violations des
droits de l’homme gagnent en sophistication et le recours à des
mesures légales contre les personnes engagées dans la défense des
droits d’autrui est de plus en plus fréquent. Les mesures les plus
souvent employées consistent à empêcher l’enregistrement légal des
organisations et à saisir la justice pour des motifs fallacieux,
notamment à engager des poursuites pénales sur la base d’accusations
forgées de toutes pièces. Les défenseurs des droits de l’homme doivent
pouvoir accéder à des moyens de défense efficaces. Il est donc particulièrement
important de veiller à ce que de tels procès se déroulent de manière équitable.
En conséquence, les défenseurs des droits de l’homme ont souligné
combien il importe qu’un observateur indépendant puisse assister
au procès et rendre compte du caractère équitable de la procédure. La
présence d’un tel observateur peut contribuer à la transparence
du procès et attirer l’attention des médias internationaux sur le
cas du défenseur des droits de l’homme concerné.
24. La responsabilité de certains médias et autorités publiques
qui propagent, tolèrent ou soutiennent les discours de haine
à l’encontre
de certains défenseurs ou d’organisations des droits de l’homme
ne doit pas être sous-estimée.
25. Les obstacles administratifs, notamment lors des procédures
d’enregistrement des associations de défense des droits de l’homme,
et les lois restrictives, en particulier celles qui imposent des
contraintes administratives ou des obligations de déclaration ou
de traduction excessives, peuvent avoir un impact tout aussi négatif
sur la capacité des ONG et des individus à promouvoir et à défendre
les droits de l’homme.
26. Dans certains cas, en vue de rendre leur travail plus difficile,
on accuse les ONG d’infractions à la législation nationale – aux
lois fiscales par exemple – qui n’ont rien à voir avec leurs activités
essentielles. Selon l’Observatoire pour la protection des défenseurs
des droits de l’homme, un programme développé conjointement par
la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation
mondiale contre la torture (OMCT), l’utilisation abusive de la législation
nationale à des fins répressives est source de graves inquiétudes
et illustre une tendance à l’aggravation de la répression, qui prend
des formes plus subtiles. On note également des tentatives de rayer
du barreau certains avocats.
27. La poursuite de défenseurs des droits de l’homme pour violation
alléguée du secret d’Etat ou pour espionnage («espionnite») est
aussi particulièrement inquiétante. L’Assemblée parlementaire a
déjà souligné à plusieurs reprises que «l’intérêt légitime de l’Etat
de protéger les secrets officiels ne doit pas devenir un prétexte
pour restreindre indûment la liberté d’expression et d’information,
la coopération scientifique internationale et le travail des avocats
et d’autres défenseurs des droits de l’homme».
Je voudrais mentionner à cet
égard le cas de M. Grigory Pasko, un ancien officier de marine russe
qui travaillait comme journaliste: après la publication d’une série
d’articles d’investigation sur le déversement illégal de déchets nucléaires
dans l’océan par des navires militaires de la flotte du Pacifique,
M. Pasko a été arrêté en 1997 et accusé de divulgation de secrets
d’Etat. Il a été condamné pour trahison à quatre ans de travaux
forcés et a purgé les deux tiers de sa peine. En 2003, M. Pasko
a été libéré de prison sur décision d’un tribunal civil – fait extrêmement
rare – cassant le verdict du tribunal militaire. Cette affaire illustre
entre autres la nécessité d’une définition publique claire de toutes
les infractions pénales relatives au secret d’Etat.
28. Les restrictions en matière de financement et à l’accès à
l’information, aux médias et à Internet représentent également des
obstacles importants au travail des défenseurs des droits de l’homme.
Des restrictions de la liberté de mouvement
et des droits syndicaux
sont également relevées.
29. Lors de l’audition organisée par la commission de l’Assemblée
le 17 avril 2008 et de la Table ronde de novembre 2008, les ONG
ont souligné que, dans la Fédération de Russie, les défenseurs des
droits de l’homme se heurtent à de graves problèmes illustrant la
plupart des difficultés évoquées ci-dessus, en particulier depuis
deux ans (voir le chapitre suivant concernant les défenseurs des
droits de l’homme particulièrement menacés). Dans le même temps,
les ONG ont fait remarquer que certains des obstacles que rencontrent
les défenseurs des droits de l’homme en Fédération de Russie s’observent
aussi dans d’autres pays (voir ci-dessus).
30. Selon les ONG, la législation de 2006 sur les ONG dans la
Fédération de Russie
a
été utilisée, en sus des obstacles administratifs – et dans certains
cas conjointement avec la nouvelle législation antiterrorisme et la
législation sur la lutte contre l’extrémisme, telle qu’amendée en
2007
–,
pour harceler les organisations qui s’attaquent à des questions
controversées, reçoivent un financement de l’étranger ou dont les
activités risqueraient de favoriser l’opposition politique. Cette
situation a été illustrée récemment par la perquisition faite dans
les bureaux du centre pour les droits de l’homme
Memorial à Saint-Pétersbourg. Le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Présidence
de l’Union européenne (de l’époque) ont exprimé leur vive inquiétude
et demandé instamment aux autorités russes de garantir la liberté
d’action de cette organisation. L’Union européenne s’est aussi déclarée
très préoccupée par l’utilisation de la loi sur l’extrémisme contre
cette association. Dans une résolution adoptée en décembre 2008
portant sur «les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme
en Russie et le procès pour le meurtre d’Anna Politkovskaya», le
Parlement européen demande notamment aux autorités russes de restituer
sans délai à Memorial le matériel saisi lors de la descente de police.
En outre, le Parlement européen se déclare «vivement préoccupé par
l’attentat commis en octobre 2008 contre l’avocate spécialiste des
droits de l’homme Karinna Moskalenko et sa famille» et conjure «les
autorités aussi bien françaises que russes d’identifier les auteurs
et leurs motifs»
.
Mme Moskalenko est une avocate éminente
spécialisée dans le domaine des droits de l’homme qui a porté avec
succès un certain nombre d’affaires devant la Cour européenne des
droits de l’homme (voir note de bas de page n°8) et qui est également
membre du groupe de travail (
Task force)
sur les défenseurs des droits de l’homme du Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe. Sa propre organisation, le Centre
de protection internationale, aurait également été soumise à des
pressions constantes ces dernières années.
3.2. Défenseurs des
droits de l’homme particulièrement menacés
31. Certains défenseurs des droits de l’homme rencontrent
des difficultés particulières en raison de leur identité et/ou des
problèmes qu’ils traitent, en particulier ceux qui sont considérés
comme «impopulaires» ou sensibles. Sont particulièrement exposés
les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent sur les droits économiques,
sociaux ou culturels, pour la protection et la promotion des droits
des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (LGBT),
ainsi que des droits des migrants et des minorités nationales ou ethniques.
Plus généralement, il est fréquent que les défenseurs des droits
de l’homme qui luttent contre la discrimination soient en butte
à l’hostilité et soient visés par les autorités et/ou même par des
parties de la société. En particulier, ceux qui luttent contre l’impunité
des crimes graves et des pratiques de corruption sont souvent la
cible d’actes de violence, qui sont perpétrés notamment par les
personnes ou les groupes dont ils dénoncent les agissements.
32. L’activité des défenseurs des droits de l’homme œuvrant pour
les droits des personnes LGBT s’est fortement intensifiée depuis
quelques années dans les Etats membres du CdE. Cette évolution a
rencontré une très forte opposition, les militants intervenant dans
ce domaine étant fréquemment l’objet de persécutions. D’autres personnes
(militants, hommes politiques, avocats, syndicalistes, etc.) sont
aussi parfois prises pour cible parce qu’elles aident à promouvoir
ou à défendre les droits des personnes LGBT ou sont elles-mêmes «accusées»
d’homosexualité dans un but de discrédit. Ceci se produit tout particulièrement
lorsque les problèmes soulevés mettent en jeu la liberté d’expression,
d’association et de réunion, certains gouvernements interdisant
toute discussion publique de l’homosexualité, notamment dans les
médias, ainsi que les manifestations ou réunions en faveur des droits
des personnes LGBT.
33. Les femmes défenseurs des droits de l’homme sont confrontées
à des menaces particulières et à des obstacles spécifiques dans
leur travail en faveur des droits fondamentaux. Elles sont doublement
exposées: en tant que femmes et en tant que personnes actives dans
le domaine des droits de l’homme. Par conséquent, tous les mécanismes
régionaux et internationaux devraient veiller à ce que les questions
concernant les femmes, et en particulier les femmes défenseurs des
droits de l’homme, soient effectivement prises en compte afin d’assurer
la protection des femmes dans les pays où le patriarcat reste ouvertement
prédominant. Comme l’a déclaré Mme Sonja
Biserko, défenseur serbe des droits de l’homme, à propos de la campagne
médiatique lancée contre elle et d’autres femmes défenseurs des
droits de l’homme en Serbie: «La campagne que les médias ont lancée
contre nous repose uniquement sur des insultes visant à nous déshumaniser
en nous qualifiant de «femmes laides et grosses» ou de «lesbiennes»
et à diaboliser notre action. On fait de nous des effigies au lieu
d’êtres humains. La communauté internationale devrait prendre conscience
de ce qui se cache derrière cette volonté de donner de nous une
vision caricaturale et réfléchir aux raisons pour lesquelles nous sommes
perçues comme des ennemies».
Il
s’agit là d’un exemple concret de stratégie fréquemment utilisée contre
les femmes défenseurs des droits de l’homme.
34. Le discours de haine, notamment de la part des pouvoirs publics,
et l’impunité, ou l’impunité perçue, de ceux qui portent atteinte
aux droits des défenseurs des droits de l’homme augmentent les risques
auxquels ces derniers sont exposés.
35. Pour ce qui est des Etats membres du CdE, la situation des
défenseurs des droits de l’homme est jugée particulièrement critique
dans le Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie), et notamment dans
le Caucase du Nord (Fédération de Russie), puisque certains défenseurs
y subissent une répression violente, qui peut prendre la forme d’assassinats,
d’enlèvements et d’arrestations ou de détentions arbitraires
.
3.3. Manque de compréhension
de la notion de société civile
36. Dans certains cas, le rôle des défenseurs des droits
de l’homme dans une société démocratique demande à être mieux compris
afin d’être pleinement apprécié. Parfois, les autorités considèrent
à tort la société civile comme une sorte de «nid» ou de «foyer»
d’où risqueraient de surgir des menées antiétatiques et des actions
terroristes et appliquent une législation restrictive pour empêcher
l’émergence d’une société civile efficace.
37. Les activités des défenseurs des droits de l’homme englobent
souvent une critique des politiques publiques. Or, des débats libres
et ouverts sur les politiques gouvernementales sont au cœur d’une
démocratie effective. De plus, les défenseurs des droits de l’homme
peuvent aider les pouvoirs publics à promouvoir les droits de l’homme,
à élaborer la législation nécessaire et à concevoir les politiques
correspondantes. Ils devraient être considérés comme des partenaires
et des «amis critiques», et non pas comme des ennemis.
3.4. Violations de la
liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association
38. Dans ce contexte, la liberté d’expression et la liberté
de réunion et d’association sont d’une importance cruciale pour
le travail des défenseurs des droits de l’homme puisqu’elles sont
au cœur d’une société civile active.
Les
défenseurs des droits de l’homme doivent être autorisés à émettre
des critiques. Ils devraient pouvoir mener à bien leurs activités
de suivi et d’information concernant les violations des droits de
l’homme. Lors de la table ronde organisée à Strasbourg en novembre 2008,
les participants venus de Géorgie et de la République tchétchène
(Fédération de Russie) ont aussi souligné que les défenseurs des
droits de l’homme devraient notamment être autorisés à se rendre
dans les lieux de détention et dans les zones «post-conflit» et à
rendre compte des violations des droits de l’homme qui y ont été
perpétrées.
39. Or, répétons-le, il arrive bien trop souvent que les procédures
d’enregistrement, les formalités administratives, les restrictions
en matière de financement et les contrôles fiscaux servent à entraver
l’exercice de la liberté de réunion et d’association. Les autorités
tirent fréquemment prétexte de la nécessité de protéger la morale
ou la sûreté publique pour priver une organisation de la liberté
de réunion et d’association et de la liberté d’expression.
40. De toute évidence, il est grandement nécessaire de rappeler
les normes en vigueur en la matière et d’exhorter les autorités
concernées à les mettre en œuvre. En effet, la liberté d’expression
et la liberté d’association sont inscrites dans la Convention européenne
des droits de l’homme (articles 10 et 11), qui a été ratifiée par
tous les Etats membres du CdE.
41. Les restrictions apportées à l’exercice des droits à la liberté
d’expression et à la liberté de réunion doivent être prévues par
la loi et constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique,
à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, à la défense de
l’ordre ou à la prévention du crime, à la protection de la santé
ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d’autrui.
42. C’est principalement aux pouvoirs publics qu’il incombe de
faire respecter les droits des citoyens à la liberté de réunion
et à la liberté d’expression. D’où l’obligation positive, pour l’Etat,
de prévoir une protection effective des personnes qui souhaitent
se réunir et s’exprimer et de veiller à ce qu’elles soient respectées, même
si leurs opinions sont impopulaires ou ne sont pas partagées par
la majeure partie de la société.
43. Dans un arrêt fréquemment cité, celui qu’elle a rendu en l’affaire
Handyside du 7 décembre 1976, la Cour
européenne des droits de l’homme a affirmé que la liberté d’expression
s’appliquait non seulement aux informations et aux idées recevant
un accueil favorable ou considérées comme inoffensives ou neutres,
mais également à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat
ou une fraction quelconque de la population. Récemment, en 2007,
dans l’affaire
Bączkowski et autres c.
Pologne ,
qui concernait la liberté de réunion et la liberté d’expression,
la Cour des droits de l’homme a attiré l’attention sur l’obligation
positive où se trouve l’Etat de veiller au respect effectif des
droits inscrits dans la Convention et souligné que cette obligation
revêt une importance particulière pour les personnes ayant des opinions
impopulaires ou appartenant à des minorités, et ce parce qu’elles
sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination. La Cour
a aussi insisté sur le fait que, s’agissant de personnalités politiques
élues, l’exercice de la liberté d’expression comporte des responsabilités
particulières.
3.5. Manquement des
pouvoirs publics à leur obligation de protéger les défenseurs des
droits de l’homme et leurs activités
44. Les Etats ont l’obligation et la responsabilité de
protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur travail en
créant les conditions permettant à ceux-ci d’exercer pleinement
leurs activités de défense, de suivi et d’information sur les droits
de l’homme et, si nécessaire, en établissant des mécanismes de protection
afin de préserver l’intégrité physique des défenseurs des droits
de l’homme confrontés à des menaces spécifiques.
45. Dans de nombreux Etats, l’obligation de respecter, protéger
et mettre en œuvre les droits de l’homme est en général effectivement
respectée. Dans tous les Etats, en outre, il existe au sein des
diverses autorités et des forces de l’ordre des individus qui font
le maximum pour protéger les droits de l’homme et ceux qui les défendent.
46. Toutefois, comme cela a été souligné pendant l’audition organisée
par la commission de l’Assemblée en avril 2008, l’attitude à l’égard
des mouvements des droits de l’homme diffère selon les gouvernements. Certains
d’entre eux introduisent des changements institutionnels, par exemple
la mise en œuvre de politiques des droits de l’homme, qui sont ensuite
appliquées à des degrés divers; d’autres reconnaissent l’existence
de cas individuels d’abus mais ne prennent aucune mesure ou bien
des mesures insuffisantes.
47. La plupart des gouvernements coupables de telles violations
préfèrent en nier l’existence, ou bien les décrivent comme des cas
exceptionnels, ou encore défendent les actes de répression en invoquant
la sécurité de l’Etat (surtout depuis le 11 septembre 2001) ou des
raisons culturelles, religieuses, morales ou de santé publique.
Certains gouvernements réagissent aussi à la critique en serrant
les rangs puis en lançant des invectives à l’encontre de ceux qui
les critiquent au lieu de prendre effectivement des mesures contre
les violations des droits de l’homme qui sont dénoncées. Dans l’optique
des gouvernements répressifs, les personnes qui dénoncent les violations
des droits de l’homme – et non ces violations elles‑mêmes – deviennent
le problème à «résoudre».
48. Dans certains Etats membres du CdE, une protection, y compris
une protection de nature physique, devrait être assurée aux défenseurs
des droits de l’homme confrontés à des menaces.
49. De plus, il est fréquent que les agressions visant des défenseurs
des droits de l’homme ne donnent pas lieu à une véritable enquête;
beaucoup d’auteurs, d’organisateurs ou d’instigateurs de tels actes
ne sont jamais poursuivis (voir également ci-après).
4. Améliorer la situation
des défenseurs des droits de l’homme au niveau national: le rôle
clé des parlementaires
4.1. Faire de la responsabilité
des Etats une réalité
50. Ainsi que l’ont souligné des représentants du mécanisme
de l’ONU et de mécanismes régionaux en décembre 2008, à l’occasion
du dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur
les défenseurs des droits de l’homme, les Etats devraient reconnaître
que les activités des défenseurs des droits de l’homme constituent
un travail légitime en faveur des droits de l’homme, veiller à ce
que tous les obstacles soient levés et prendre des mesures proactives
pour soutenir le travail des défenseurs des droits de l’homme. Les représentants
ont ajouté que, bien souvent, si les défenseurs des droits de l’homme
reçoivent publiquement un soutien sans réserve, ils deviennent moins
vulnérables et sont alors en mesure d’agir véritablement.
51. Les attaques visant des défenseurs des droits de l’homme devraient
également être condamnées au plus haut niveau de l’Etat et faire
l’objet d’enquêtes et de poursuites résolues. A cet égard, le rapporteur
de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme a déclaré qu’il
est essentiel de briser le cercle vicieux de l’impunité pour mieux
protéger les défenseurs des droits de l’homme, et donc les droits
de l’homme.
52. C’est pourquoi la Déclaration du Comité des Ministres sur
l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs des
droits de l’homme et promouvoir leurs activités
appelle les Etats
membres:
i. à créer un environnement
propice au travail des défenseurs des droits de l’homme, en permettant
aux individus, groupes et associations d’exercer librement des activités,
légalement et conformément aux standards internationaux, afin de
promouvoir et de protéger les droits de l’homme et libertés fondamentales,
sans restrictions qui ne soient autorisées par la Convention européenne
des droits de l’homme;
ii. à prendre des mesures efficaces pour protéger, promouvoir
et respecter les défenseurs des droits de l’homme ainsi que pour
assurer le respect de leurs activités;
iii. à renforcer leurs systèmes judiciaires et veiller à ce
qu’il existe des recours efficaces pour ceux dont les droits et
libertés ont été violés;
iv. à prendre des mesures efficaces pour empêcher les attaques
et le harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de
l’homme, à assurer une enquête indépendante et efficace sur de tels
actes et à sanctionner les responsables par des mesures administratives
et/ou des procédures pénales;
v. à réfléchir à la possibilité de donner compétence et capacité
aux commissions indépendantes, médiateurs ou institutions nationales
des droits de l’homme, ou, le cas échéant, de renforcer leurs compétence
et capacité existantes de recevoir, d’examiner et de faire des recommandations
pour la résolution des plaintes de la part des défenseurs des droits
de l’homme concernant des violations de leurs droits;
vi. à veiller à ce que la législation nationale, concernant
en particulier la liberté d’association, de réunion pacifique et
d’expression, soit conforme aux standards internationalement reconnus
en matière de droits de l’homme et, le cas échéant, à solliciter
l’avis du Conseil de l’Europe à ce sujet;
vii. à garantir aux défenseurs des droits de l’homme l’accès
effectif à la Cour européenne des droits de l’homme, au Comité européen
des droits sociaux et à d’autres mécanismes de protection dans le domaine
des droits de l’homme, conformément aux procédures applicables;
viii. à coopérer avec les mécanismes de suivi des droits de
l’homme du Conseil de l’Europe, notamment avec la Cour européenne
des droits de l’homme, conformément à la CEDH, ainsi qu’avec le Commissaire
aux droits de l’homme, en facilitant ses visites, en fournissant
des réponses adéquates et en engageant un dialogue sur la situation
des défenseurs des droits de l’homme lorsqu’ils y sont invités;
ix. à étudier la possibilité de signer et ratifier la Convention
européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
organisations internationales non gouvernementales (STE n° 124);
x. à étudier la possibilité de signer et ratifier le Protocole
additionnel à la Charte sociale européenne de 1995, et à étudier
la possibilité de reconnaître le droit des ONG nationales qui remplissent
les critères mentionnés dans ledit Protocole d’introduire des réclamations
collectives auprès du Comité européen des droits sociaux.
53. A cet égard, il est aussi utile de rappeler que, dans sa Recommandation
sur le «discours de haine»
, le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe affirme qu’une responsabilité particulière incombe aux
autorités et institutions publiques, «qui devraient s’abstenir d’effectuer
des déclarations, en particulier à travers les médias, pouvant raisonnablement
être prises pour un discours de haine ou comme un discours pouvant
faire l’effet d’accréditer (…) d’autres formes de discrimination
ou de haine fondées sur l’intolérance». En outre, toute ingérence
dans la liberté d’expression devrait être «étroitement limitée et
appliquée de façon non arbitraire conformément au droit, sur la
base de critères objectifs» et «faire l’objet d’un contrôle judiciaire
indépendant».
4.2. Mesures transnationales
54. Il faudrait aussi encourager la mise en œuvre de
mesures transnationales (voir également, ci-après, «le rôle clé
des parlementaires»). La délivrance de visas d’urgence devrait être
considérée comme un outil nécessaire à la protection des défenseurs
des droits de l’homme exposés à un danger immédiat ou ayant besoin
d’un répit.
55. Dans ce contexte, la Déclaration du Comité des Ministres sur
l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs des
droits de l’homme et promouvoir leurs activités appelle également
les Etats membres:
«xi) à prévoir
des mesures rapides pour aider et protéger les défenseurs des droits
de l’homme en danger dans des pays tiers, par exemple lorsque cela
s’avère opportun, assister aux procès et les observer et/ou, si
possible, délivrer des visas d’urgence».
56. Front Line a rappelé
que la possibilité légale de délivrer des visas d’urgence aux défenseurs
des droits de l’homme menacés existe déjà. En effet, les Instructions
consulaires communes (ICC) donnent aux Parties contractantes à la
Convention de Schengen la possibilité de délivrer pour raisons humanitaires
des visas d’urgence, dont la validité territoriale est limitée,
aux défenseurs des droits de l’homme menacés. En pratique, les bureaux
consulaires peuvent aussi décider d’eux-mêmes d’accélérer le processus
normal de délivrance d’un visa uniforme (visa Schengen) mais la
nécessité de consulter l’autorité nationale centrale et les autorités d’une
ou de plusieurs autres Parties contractantes à propos de certaines
demandes de visas empêche souvent la délivrance rapide des documents.
Les pratiques informelles actuelles – qui présentent parfois même
un caractère confidentiel – relèvent de l’appréciation des autorités
consulaires du pays d’origine du défenseur des droits de l’homme.
57. Il semblerait que seules l’Irlande et l’Espagne se soient
dotées de programmes de visas humanitaires pour les défenseurs des
droits de l’homme exposés à un danger imminent ou ayant besoin d’un
répit parce qu’ils sont soumis à une persécution constante. La mise
en œuvre de tels programmes devrait être encouragée. Toutefois,
lorsqu’ils ont connaissance de la situation difficile de défenseurs
des droits de l’homme, la plupart des autres Etats membres de l’Union
européenne délivrent au cas par cas des visas, dont la validité
territoriale est limitée, aux personnes exposées à un danger immédiat.
Quant au Gouvernement norvégien, il a adopté récemment des lignes
directrices destinées à systématiser et à renforcer les actions menées
par ses services diplomatiques en faveur des défenseurs des droits
de l’homme. Ces lignes directrices prévoient explicitement la délivrance
de visas à ces personnes. En outre, le Parlement allemand a adopté
des résolutions en 2003 et 2008 qui exhortent le gouvernement allemand
et ses représentations diplomatiques, à prendre, dans les cas les
plus graves, les mesures nécessaires à la protection des défenseurs
des droits de l’homme et à les accepter sur le territoire allemand
pour une durée donnée et courte, sur la base des dispositions pertinentes
du droit des étrangers.
58. Front Line a souligné
que la délivrance d’un visa de transfert temporaire est considérée
comme une mesure de protection à utiliser dans des circonstances
extrêmes, dans le cadre d’une stratégie globale de protection des
défenseurs des droits de l’homme. Avant de transférer un défenseur,
il faudrait envisager d’autres mesures de protection, par exemple
des mesures de protection générales et des actions de défense et
de «lobbying». Le but devrait être de soutenir les défenseurs sur
le terrain, pour qu’ils puissent continuer à promouvoir et à protéger
les droits de l’homme dans la société où ils vivent. Front Line a aussi souligné que l’actuel
statut de réfugié n’est guère adapté à la situation spécifique des
défenseurs des droits de l’homme menacés, puisque ceux-ci ont l’intention
de retourner dans leur pays. En outre, un déplacement à l’intérieur
du pays d’origine ou dans un pays voisin n’est pas toujours la bonne
solution.
59. Les objectifs premiers du déplacement des défenseurs des droits
de l’homme sont les suivants: leur sauver la vie, leur éviter d’être
soumis à la torture ou à des mauvais traitements, préserver leur
santé mentale et leur donner la possibilité de travailler sereinement.
Pour atteindre ces objectifs, il peut être nécessaire de déplacer
aussi les proches du défenseur.
60. Des inquiétudes se sont exprimées au sujet de la possibilité
qu’un programme de visas temporaires délivrés à des fins humanitaires
puisse être utilisé abusivement par des demandeurs d’asile cherchant
à obtenir le statut de réfugié. Or, lors d’une réunion d’experts
organisée par Front Line sur
la question des visas humanitaires temporaires délivrés à des défenseurs
des droits de l’homme, les représentants de l’Espagne et de l’Irlande,
ainsi que des représentants des ONG et des défenseurs des droits
de l’homme, ont fait des déclarations dont il ressort que l’écrasante
majorité des défenseurs des droits de l’homme qui entrent dans l’Union
européenne pour participer à diverses manifestations ne cherchent
pas à obtenir le droit d’asile mais retournent dans leur pays afin
de poursuivre leur travail.
61. Dans cette perspective, il faudrait aussi encourager la mise
en place de centres d’hébergement, de fondations et de programmes
d’assistance pour les défenseurs des droits de l’homme, les membres
de leur famille et les personnes persécutées pour des raisons politiques;
de telles structures fonctionnent par exemple déjà en Allemagne,
dans la ville-état de Hambourg. A cet égard, Front
Line préconise également d’établir un réseau de «villes-refuges»
en Europe et suggère que Strasbourg, symbole de l’Europe, y participe
activement. Les défenseurs des droits de l’homme réunis à Strasbourg
en novembre 2008 ont souligné la nécessité de prévoir aussi l’infrastructure
correspondante (par exemple, une aide apportée par des fondations).
4.3. Le rôle clé des
parlementaires
62. Les parlementaires contribuent à façonner le contexte
politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits
de l’homme, et ils devraient suivre l’évolution de la situation
des droits de l’homme dans leurs pays respectifs.
63. Comme l’a souligné Amnesty International au cours de l’audition
sur les défenseurs des droits de l’homme organisée par la commission
en avril 2008, les parlements nationaux ont un rôle essentiel à
jouer dans l’adoption des diverses mesures prévues dans la Déclaration
de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme et dans la Déclaration
du Comité des Ministres du CdE pour assurer le maintien d’un environnement favorable
au travail des défenseurs des droits de l’homme et garantir leur
protection. Amnesty International a également appelé les membres
de l’Assemblée parlementaire à prendre la tête des efforts dans
les 47 Etats membres du CdE.
64. Selon Amnesty, lors de l’audition de la commission, la mise
en œuvre concrète des quatre mesures suivantes serait particulièrement
importante à cet égard.
- L’examen
systématique de la législation au niveau national, afin de la mettre
pleinement en conformité avec les normes internationales, notamment
en ce qui concerne la garantie du droit à la liberté d’expression
et du droit de réunion et d’association et l’incitation à modifier
les pratiques et les politiques des Etats membres du CdE, y compris
dans le domaine judiciaire. Je souligne ici, en tant que rapporteur, la
nécessité évidente d’examiner la législation en matière de sécurité
(lutte contre le terrorisme, définition des infractions pénales
relatives au secret d’Etat, par exemple) et de soutenir pleinement
le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG du CdE, qui a
été créé récemment.
- Le développement et le maintien de contacts étroits avec
les défenseurs des droits de l’homme: en effet, les défenseurs des
droits de l’homme reconnaissent que les mécanismes régionaux et
internationaux des droits de l’homme et les activités de «lobbying»
correspondantes peuvent assurer une réactivité relativement plus
satisfaisante pour ce qui concerne les mesures de protection.
- Les parlementaires pourraient procéder à l’examen minutieux
des politiques et mesures gouvernementales susceptibles d’affecter
le travail des défenseurs des droits de l’homme et leur protection.
Les membres de l’Assemblée parlementaire pourraient s’efforcer,
le cas échéant, d’obtenir la modification des politiques et mesures
en question et surtout réfléchir à la possibilité de susciter l’élaboration
de stratégies et plans d’action parlementaires nationaux afin de
créer un environnement favorable.
- Les parlementaires pourraient faciliter l’assistance et
la protection des défenseurs des droits de l’homme de leur pays
et d’autres pays quand ils sont menacés (par exemple, délivrer des
visas d’urgence aux défenseurs des droits de l’homme qui se trouvent
en situation de danger imminent).
65. Le programme du Parlement allemand «Les parlementaires protègent
les parlementaires» fait partie des mesures transnationales concrètes
visant à protéger les défenseurs des droits de l’homme dans d’autres pays.
Cette initiative
a été lancée par la commission du
Bundestag pour
«les droits de l’homme et l’aide humanitaire» afin d’aider les parlementaires
menacés ou poursuivis en justice et de développer les efforts et le
soutien en faveur des défenseurs des droits de l’homme. Grâce à
la motion «protection des défenseurs des droits de l’homme menacés»
émanant de tous les partis, tous les députés du
Bundestag sont désormais tenus de
soutenir cette initiative et d’assister leurs collègues menacés.
(voir
également le paragraphe 57 ci-dessus qui concerne les résolutions
adoptées par le Parlement allemand en 2003 et 2008 et la protection
des défenseurs des droits de l’homme en danger).
66. En Belgique, la Chambre des représentants et le Sénat ont
adopté des résolutions sur les défenseurs des droits de l’homme
demandant au gouvernement de renforcer la protection des défenseurs
des droits de l’homme dans le cadre de sa politique étrangère. En
juin 2007, une proposition à caractère non législatif sur la protection
des défenseurs des droits de l’homme a aussi été approuvée par le
Parlement espagnol. En outre, j’ai appris qu’au Royaume-Uni un groupe
parlementaire de défense des droits de l’homme, qui rassemble des représentants
de tous les partis, recueille des données sur les violations des
droits de l’homme dans différents pays, fait part de ses préoccupations
aux gouvernements concernés, établit et coordonne les contacts avec des
ONG et d’autres groupes parlementaires, organise des missions dans
des régions suscitant des inquiétudes et fournit des informations
aux parlementaires qui se rendent à l’étranger ou reçoivent des délégations.
67. D’autres initiatives pourraient être prises
, telles que:
- faire mieux connaître les déclarations de l’ONU et du
CdE sur les défenseurs des droits de l’homme, le nouveau mandat
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant
la protection des défenseurs dans les Etats membres du CdE, ainsi
que les autres mécanismes de protection des défenseurs des droits
de l’homme et leurs représentants;
- assurer le suivi du travail du CdE sur les défenseurs
des droits de l’homme;
- faire de la situation des défenseurs des droits de l’homme
l’un des grands thèmes des réunions parlementaires internationales,
telles que la réunion annuelle des commissions des droits de l’homme des
parlements des Etats membres de l’Union européenne.
5. Mécanismes de protection
des défenseurs des droits de l’homme au niveau international
68. Le rôle des organisations internationales n’est pas
de remplacer les autorités nationales en les déchargeant de leurs
responsabilités mais d’assurer une surveillance et de fournir une
assistance et, le cas échéant, d’exercer des pressions pour que
les défenseurs des droits de l’homme puissent faire leur travail correctement
et émettre des critiques en cas de violations des droits de l’homme.
5.1. Organisation des
Nations Unies
69. L’année 2008 a marqué le dixième anniversaire de
la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de
l’homme. En 1998, reconnaissant le rôle crucial des défenseurs des
droits de l’homme et les difficultés qu’ils rencontrent, l’Assemblée
générale des Nations Unies a adopté une «Déclaration
sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes
de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et
les libertés fondamentales universellement reconnus» (la
Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme).
Selon M. Kofi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, cette déclaration repose
sur le principe d’après lequel toute violation des droits des défenseurs
des droits de l’homme met en danger les droits de tous et représente
une menace pour chaque individu. La déclaration est en effet le
premier instrument de l’ONU qui reconnaît l’importance et la légitimité
des activités que mènent les défenseurs des droits de l’homme.
70. Le mandat du Représentant spécial pour les défenseurs des
droits de l’homme a été établi en 2000 par la commission des droits
de l’homme d’alors (en tant que Procédure spéciale) pour soutenir
la mise en œuvre de la déclaration. En mars 2008, le mandat de Représentant
spécial du Secrétaire général pour la question des défenseurs des
droits de l’homme a été renouvelé par consensus mais avec le nouveau
titre de rapporteur spécial pour la question des défenseurs des
droits de l’homme.
71. L’ancienne représentante spéciale, Mme Hina
Jilani, a indiqué à maintes reprises que la complémentarité entre
les mécanismes internationaux universels et les mécanismes régionaux
pouvait offrir des garanties d’efficacité desdits mécanismes à la
fois en termes de protection et de prévention.
5.2. Mécanismes régionaux
en dehors de l’Europe
72. La commission africaine des droits de l’homme et
des peuples (CADHP)
et la commission interaméricaine
des droits de l’homme (CIADH)
ont toutes deux élaboré des programmes
de protection des défenseurs des droits de l’homme. La CIADH a créé
une Unité des défenseurs des droits de l’homme en 2001 et la CADHP
a chargé un rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de
l’homme de promouvoir notamment la mise en œuvre de la Déclaration
des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme.
5.3. Europe: les mécanismes
existants et leurs limites
5.3.1. OSCE / BIDDH: le
nouveau point focal
73. En décembre 2003, le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, basé à Varsovie, a créé
un programme spécial sur la liberté d’association; depuis 2006,
ce même Bureau a établi un point focal pour les défenseurs des droits
de l’homme. Le point focal «surveille étroitement la situation des
défenseurs des droits de l’homme, identifie les problèmes préoccupants
et cherche à promouvoir et à protéger leurs intérêts».
Le BIDDH prépare également des rapports
annuels sur les défenseurs des droits de l’homme dans la région
de l’OSCE.
74. Toutefois, l’Observatoire pour la protection des défenseurs
des droits de l’homme, situé à Bruxelles, a souligné la nécessité
de développer considérablement les activités du nouveau point focal
afin de lui conférer une capacité d’alerte systématique en cas de
problème urgent dans certains pays. L’Observatoire considère que
ce mécanisme d’alerte pourrait être un bon moyen de surveiller et
de garantir l’application des engagements des Etats membres de l’OSCE
quant aux droits d’association, de réunion pacifique et d’expression
des défenseurs des droits de l’homme.
5.3.2. Union européenne:
les orientations sur les défenseurs des droits de l’homme
75. En 2004, le Conseil de l’Union européenne a adopté
des orientations concernant les défenseurs des droits de l’homme,
qui ont été légèrement révisées en décembre 2008. Ces orientations
visent à identifier les voies et moyens permettant de travailler
efficacement à la promotion et à la protection des défenseurs des droits
de l’homme dans les pays tiers, dans le cadre de la Politique étrangère
et de sécurité commune (PESC).
Elles recommandent également le
renforcement des mécanismes régionaux existants de protection des
défenseurs des droits de l’homme.
76. Le groupe de travail du Conseil sur les droits de l’homme
(COHOM) a été créé entre autres pour faire des recommandations sur
d’éventuelles actions de l’Union européenne «incluant la condamnation
des menaces et des attaques contre les défenseurs des droits de
l’homme, ainsi que des démarches et des interventions publiques
lorsque les défenseurs des droits de l’homme courent un risque immédiat
ou sérieux».
Pour marquer
le 60e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, l’Union européenne a aussi adopté
des lignes directrices sur les violences contre les femmes et la
lutte contre toutes les formes de discrimination à leur encontre,
qui présentent un intérêt pour les femmes défenseurs des droits de
l’homme.
77. Les Orientations concernant les défenseurs des droits de l’homme
constituent un outil important et prometteur. Cependant, elles ne
concernent pas les Etats membres de l’Union européenne puisqu’elles
ne s’appliquent qu’aux pays tiers. De plus, elles ne semblent pas
encore assez bien connues ni appliquées systématiquement pour l’instant.
5.3.3. Conseil de l’Europe:
une forte volonté politique de concevoir un nouveau mécanisme de protection
pour ses Etats membres
78. En février 2008, le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe a fait un grand pas vers la protection effective des
défenseurs des droits de l’homme en adoptant la Déclaration sur
l’action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection des
défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités.
Par cette déclaration, le Comité des Ministres a reconnu que les
fonctions de promotion et de protection des droits de l’homme et
des libertés fondamentales exercées par le Commissaire sont conformes
à l’engagement pris par les chefs d’Etat et de gouvernement lors
du Troisième Sommet du Conseil de l’Europe. Cette reconnaissance était
particulièrement importante eu égard au rôle du Commissaire d’intervenir
dans les cas d’urgence
. Le Commissaire
aux droits de l’homme devient donc le «mécanisme régional» de protection
des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du CdE.
Toutefois, pour que ce mécanisme devienne opérationnel, il est nécessaire
d’allouer des ressources supplémentaires au Bureau du Commissaire
(voir la partie VI ci-dessous).
6. Vers un mécanisme
de protection des défenseurs des droits de l’homme du Conseil de
l’Europe: le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme
et la contribution de l’Assemblée parlementaire
6.1. Les défenseurs
des droits de l’homme appellent le Conseil de l’Europe à concevoir
son propre mécanisme
79. Les défenseurs des droits de l’homme continuent à
subir de graves violations de leurs droits fondamentaux, d’où la
nécessité de redoubler d’efforts pour les soutenir dans leur travail
et les protéger. Cette situation est révélatrice de l’écart qui
persiste entre les normes et principes internationaux et la réalité
que vivent les défenseurs des droits de l’homme sur le terrain.
80. Toutes les ONG représentées à l’audition organisée par la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme de
l’Assemblée parlementaire en avril 2008 ont d’ailleurs insisté sur
la nécessité de renforcer la protection des défenseurs des droits
de l’homme, au niveau national, au niveau européen et au niveau
de l’ONU. Le CdE devrait jouer un rôle clé dans les actions menées
au nom des défenseurs des droits de l’homme menacés et faciliter
l’assistance à ces personnes. En conséquence, les ONG ont accueilli
favorablement la Déclaration du Comité des Ministres qui fait du
Commissaire aux droits de l’homme l’institution du CdE compétente
pour s’occuper de la situation des défenseurs des droits de l’homme
dans les Etats membres du CdE, en général et dans les cas où une
action urgente est nécessaire.
81. Tous les interlocuteurs présents à l’audition ont aussi souligné
qu’il importait d’assurer la complémentarité et la coordination
des activités engagées en ce sens afin d’éviter la duplication des
efforts et de tirer le meilleur parti des atouts comparatifs des
organes et institutions du CdE. Ils ont remercié le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire
d’avoir renforcé leur action et les ont appelés à coordonner leurs
efforts.
82. Les ONG ont fait un certain nombre de suggestions et souligné
que, dans la plupart des cas, la visibilité et la publicité contribuent
à leur protection. Elles jugent nécessaire de combiner les mécanismes
et mesures de niveau national et de niveau international, ainsi
que les actions urgentes et les actions à long terme.
83. Les ONG ont aussi insisté sur le fait que:
- les défenseurs des droits de
l’homme menacés devraient avoir accès au CdE (et ailleurs) à des personnes/numéros
de téléphone/lignes directes à contacter en cas d’urgence;
- toute initiative/réaction en cas d’incident et/ou de menace
concernant un défenseur des droits de l’homme devrait être prise
en consultation avec la personne et/ou l’ONG des droits de l’homme concernée
afin d’éviter d’aboutir à des résultats contraires à l’objectif
recherché.
6.2. Conseil de l’Europe:
vers un nouveau mécanisme régional de protection des défenseurs
des droits de l’homme?
6.2.1. La Déclaration
du Comité des Ministres de 2008: le nouveau mandat du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
84. En 2005, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont
engagés à ce que le CdE joue un rôle plus dynamique pour protéger
les droits des individus et promouvoir l’engagement inappréciable
des ONG dans la défense active des droits de l’homme.
85. En 2007, le Comité des Ministres a adopté une Recommandation
sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en
Europe
,
qui définit les normes minimales à respecter en ce qui concerne
la création, la gestion et les activités générales des ONG dans
les Etats membres du CdE, et qui rappelle que les ONG doivent jouir
de la liberté d’expression et de tous les autres droits et libertés
qui sont garantis tant universellement qu’au plan régional.
86. En février 2008, le Comité des Ministres a adopté la Déclaration
sur l’action du CdE pour améliorer la protection des défenseurs
des droits de l’homme et promouvoir leurs activités
grâce, notamment,
à l’engagement remarquable de Petter Wille, ambassadeur et Représentant
permanent de la Norvège auprès du CdE. Le Comité des Ministres a
aussi décidé de suivre la question dans la perspective de mesures supplémentaires
du CdE dans ce domaine. Il jouera un rôle essentiel dans le contrôle
de la mise en œuvre de la déclaration au niveau intergouvernemental.
87. La Déclaration invite notamment le Commissaire aux droits
de l’homme à renforcer le rôle et la compétence de son Bureau afin
d’assurer une protection forte et efficace des défenseurs des droits
de l’homme, et appelle les organes et institutions du CdE à être
particulièrement attentifs aux questions relatives aux défenseurs
des droits de l’homme dans leurs travaux respectifs.
88. La Déclaration a donc renforcé et étendu le rôle du Commissaire
aux droits de l’homme. Les tâches confiées au Commissaire relèvent
en partie de son expérience et de sa pratique actuelle. De nouveaux éléments
viennent cependant s’y ajouter, puisque le Commissaire est désormais
chargé de faire part au public de la situation des défenseurs des
droits de l’homme et d’intervenir dans les situations graves dans
lesquelles des mesures d’urgence s’imposent (pour
plus de précisions, voir la Déclaration).
89. En vertu de son mandat, le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe est aussi explicitement investi de la mission
de promouvoir la mise en place de structures nationales de défense
des droits de l’homme, de faciliter leur travail et de coopérer
avec elles. La déclaration du Comité des Ministres relie clairement
ces activités de soutien et de renforcement des structures nationales
«droits de l’homme» au rôle plus étendu que le Commissaire est invité
à jouer en matière de soutien et de protection des défenseurs des
droits de l’homme; elle appelle les Etats membres «à réfléchir à
la possibilité de donner compétence et capacité aux commissions
indépendantes, médiateurs ou institutions nationales des droits
de l’homme, ou, le cas échéant, de renforcer leurs compétence et
capacité existantes, de recevoir, d’examiner et de faire des recommandations
pour la résolution des plaintes de la part des défenseurs des droits
de l’homme concernant des violations de leurs droits» (paragraphe 2.
v de la déclaration).
6.2.2. Stratégie du Commissaire
pour mettre en œuvre la déclaration
90. A la suite de l’adoption de la déclaration, le Commissaire
a entrepris de la mettre en œuvre en intégrant la protection et
le soutien des défenseurs des droits de l’homme dans pratiquement
toutes les activités de son Bureau et en élaborant une stratégie
reposant sur cinq piliers:
- dans
le cadre de toutes les activités, suivre la
situation des défenseurs des droits de l’homme aux niveaux national
et européen, en vue de déceler, dans les législations, réglementations
et pratiques nationales, les lacunes et les insuffisances qui risquent
d’être préjudiciables à leurs conditions de travail et à leur sécurité;
- faire part au public de
la situation des défenseurs des droits de l’homme: des rapports
sur la situation des défenseurs des droits de l’homme seront publiés
chaque année, à compter de 2009;
- intervenir dans les situations
d’urgence où des défenseurs sont en danger, et notamment
appeler les gouvernements à respecter leurs obligations en matière
de droits de l’homme et les aider à trouver des solutions aux problèmes
que les défenseurs peuvent rencontrer;
- sensibiliser le public et créer
des réseaux: faire largement connaître les nouvelles
attributions du Commissaire par le biais de la participation à diverses
manifestations et publications. Le site web du Commissaire comporte
une page entièrement consacrée aux défenseurs des droits de l’homme;
- assurer la coopération, la
coordination et la complémentarité avec les partenaires
et acteurs clés, tels que le rapporteur spécial de l’ONU pour la
question des défenseurs des droits de l’homme, le BIDDH de l’OSCE,
l’Union européenne, les organisations non gouvernementales et les
structures nationales de défense des droits de l’homme. Le Commissaire
a créé une «task force» à cette fin.
91. Les 3-4 novembre 2008, le Bureau du Commissaire a organisé,
à Strasbourg, une table ronde qui devait permettre d’examiner les
principales difficultés rencontrées par les défenseurs des droits
de l’homme en Europe et de réfléchir aux mesures que le Commissaire
devrait prendre pour leur venir en aide. Cette manifestation a servi
de cadre à un débat sur les obstacles entravant l’action des défenseurs
des droits de l’homme et leurs possibilités de travailler en réseau.
Elle a contribué à mieux faire connaître le mandat renforcé du Commissaire
et la Déclaration du Comité des Ministres sur les défenseurs des
droits de l’homme. Les participants ont discuté des suites à donner
à la déclaration, des conditions de travail des défenseurs et de leurs
besoins en matière de sécurité et de protection. Une soixantaine
de participants ont adopté une déclaration dans laquelle ils appellent
de leurs vœux un engagement plus actif du Commissaire et l’affectation de
ressources supplémentaires à son Bureau. Le Commissaire a annoncé
que le Bureau organiserait de nouveau une conférence consacrée aux
défenseurs des droits de l’homme en 2009.
92. Afin de mettre en œuvre le paragraphe 4 iv) de la Déclaration
du Comité des Ministres, le Bureau du Commissaire a entrepris, en
juin 2008, de créer une task force sur les défenseurs des droits
de l’homme. Ce groupe réunit le rapporteur spécial de l’ONU pour
la question des droits de l’homme, le point focal du BIDDH de l’OSCE
pour les défenseurs des droits de l’homme, le Conseil de l’Union
européenne et la Commission européenne, ainsi que des organisations
internationales non gouvernementales œuvrant en faveur des défenseurs
des droits de l’homme et des défenseurs travaillant dans différents
pays européens et dans différents secteurs. Le premier objectif
de la task force a été de préparer la table ronde de novembre. Elle continuera
à traiter de manière coordonnée les questions qui intéressent ou
préoccupent l’ensemble des partenaires et à assurer la complémentarité
des activités menées par les divers organismes et mécanismes.
93. Le 19 novembre 2008, le Bureau du Commissaire a organisé une
réunion pour communiquer des informations aux «points de contact»
des structures nationales «droits de l’homme» sur l’actualité du
CdE concernant la protection et la promotion du travail des défenseurs
des droits de l’homme. Les participants ont manifesté un vif intérêt
pour les possibilités de synergies entre les activités des défenseurs
des droits de l’homme et les activités des structures nationales
«droits de l’homme». Ils ont approuvé le projet du Bureau d’organiser
en 2009 une réunion conjointe entre les deux acteurs.
94. Le Commissaire envisage aussi d’organiser une nouvelle table
ronde en 2009, et de présenter au Comité des Ministres un rapport
annuel sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en
mai/juin 2009. Cela dit, des ressources humaines et financières
supplémentaires sont nécessaires à la mise en œuvre effective de
ces activités. Le Commissaire a invité le Comité des Ministres et
l’Assemblée parlementaire à concevoir des modalités de coopération
renforcée, compte tenu de son nouveau mandat. L’Assemblée parlementaire
apporterait une contribution précieuse, car elle peut notamment
agir sur le contexte politique et l’environnement de travail des
défenseurs des droits de l’homme au niveau national. Le rôle politique
et de «leadership» des parlementaires au niveau européen a aussi
été souligné.
6.2.3. La contribution
de l’Assemblée parlementaire, et notamment de sa commission des
questions juridiques et des droits de l’homme
95. A cet égard, il est important de souligner que les
membres de l’Assemblée parlementaire ont différentes «casquettes»
(c’est-à-dire des mandats locaux, nationaux et internationaux),
qui leur permettent d’agir à différents niveaux, ce qui rend leur
contribution encore plus précieuse. La participation des parlementaires apporte
donc indéniablement une valeur ajoutée, qui devrait être exploitée
en étroite collaboration avec le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe. En conséquence, le groupe de travail du
Comité des Ministres sur les défenseurs des droits de l’homme a
demandé à l’Assemblée parlementaire de «continuer d’accorder une
attention spéciale à la situation et au travail des défenseurs des
droits de l’homme»
.
96. L’Assemblée, à la fois comme instance politique et comme organe
statutaire du Conseil de l’Europe, qui a concentré son action sur
la protection et la promotion des droits de l’homme, a un rôle crucial
à jouer dans le soutien et la protection des défenseurs des droits
de l’homme sur l’ensemble du continent. Ce rôle peut assurément
compléter celui du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe sans faire double emploi.
97. Ainsi que l’a souligné Lluís Maria de Puig, Président de l’Assemblée
parlementaire, «au fil des ans, les travaux de l’Assemblée parlementaire
dans ce domaine se sont de plus en plus diversifiés et ont reconnu
le rôle capital joué par les ONG et les défenseurs des droits de
l’homme dans le respect et la promotion des droits de l’homme sur
le terrain, dans des conditions souvent extrêmement difficiles et
dangereuses pour leur sécurité et leur vie.»
98. En janvier 2007, au cours d’un débat sur les menaces contre
la vie et la liberté d’expression des journalistes, l’Assemblée
a demandé la mise en place de nouveaux mécanismes de suivi spécifiques
pour identifier et analyser les attaques à l’encontre des journalistes
en Europe, ainsi que pour suivre les progrès réalisés par les autorités
nationales chargées d’appliquer la loi et par les parlements nationaux
dans leurs enquêtes sur ces attaques.
99. Par ailleurs, en avril 2007, lorsqu’elle a tenu son premier
grand débat sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie
en Europe, l’Assemblée a souligné qu’il est essentiel pour la protection
et la promotion des droits de l’homme en Europe que les défenseurs
des droits de l’homme puissent travailler sans entrave
et a décidé
de remettre un Prix annuel des droits de l’homme (de l’Assemblée
parlementaire) afin d’honorer des actions exceptionnelles de la
société civile dans la défense des droits de l’homme. Ce prix est conçu
comme un moyen de reconnaître la contribution significative de la
société civile, défenseurs des droits de l’homme inclus, à la promotion
et à la protection des droits de l’homme. Le premier prix sera décerné
lors d’une cérémonie à Strasbourg pendant la partie de session d’été
de l’Assemblée parlementaire (22-26 juin 2009).
100. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
possède notamment une longue tradition de coopération avec les défenseurs
des droits de l’homme. Cette commission, par l’intermédiaire de ses
présidents, de ses rapporteurs et/ou de sa sous-commission des droits
de l’homme, s’est toujours efforcée de soutenir les défenseurs des
droits de l’homme dans les situations difficiles en émettant des
déclarations ad hoc, des communiqués
de presse et/ou en s’adressant aux autorités compétentes par écrit.
Cependant, elle est consciente que ce type de réponse au cas par
cas n’est pas pleinement satisfaisant. La nécessité d’un mécanisme
plus systématique se fait sentir. En octobre 2005, la sous-commission
des droits de l’homme a tenu un échange de vues avec Mme Louise
Arbour, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,
et ses collaborateurs, ainsi qu’avec les ONG des droits de l’homme
présentes à Genève (commission internationale des juristes, Fédération
internationale des droits de l’homme, International Service for
Human Rights, Human Rights Watch, Association pour la prévention
de la torture, Bureau Quaker auprès de l’ONU). La sous-commission
a soulevé la question de l’assouplissement des régimes de visa pour
les défenseurs des droits de l’homme et la nécessité d’un mécanisme
efficace en cas de menace pour leur intégrité physique; les représentants
des ONG présents ont indiqué qu’ils n’étaient pas satisfaits du
texte actuel de la déclaration de l’Union européenne à cet égard.
101. Lors de l’audition organisée en avril 2008 par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, Amnesty International a salué le
rôle moteur du Commissaire et appelé les parlementaires à renforcer
leur contribution, au sein de l’Assemblée parlementaire, à la protection
des défenseurs des droits de l’homme.
102. En tant que rapporteur, j’estime que l’Assemblée devrait en
effet soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme dans
sa fonction de «mécanisme de protection régional» pour les Etats
membres du CdE, tout en jouant son rôle à elle dans le domaine du
soutien et de la protection des défenseurs des droits de l’homme
sur l’ensemble du continent, en étroite collaboration avec le Commissaire.
Le rôle de l’Assemblée devrait englober à la fois les actions à
long terme et les interventions d’urgence.
103. Il ressort de mes entretiens réguliers avec le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de mes contacts
avec ses collaborateurs que nous sommes tous d’accord pour considérer
que l’Assemblée, et plus particulièrement sa commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, a de toute évidence un rôle
complémentaire à jouer dans les situations graves, à condition que
ses réactions soient coordonnées avec celles du Commissaire. En
outre, j’ai souligné la nécessité d’assurer la continuité et la
durabilité de la coopération parlementaire.
104. A cet égard, il importe au plus haut point que l’Assemblée
et sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme/son
rapporteur disposent d’un mandat approprié et de la légitimité requise
pour pouvoir réagir à des situations d’urgence, en pleine coordination
avec le Commissaire aux droits de l’homme, et pouvoir s’associer
aux efforts des autres mécanismes de protection des défenseurs,
chaque fois que c’est nécessaire (par l’intermédiaire de la «task
force», par exemple).
105. En conséquence, l’Assemblée devrait rester saisie de la question
et continuer à soutenir le développement de sociétés civiles dynamiques
et le travail des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats
membres du CdE, notamment en mettant en œuvre ses nouvelles initiatives,
à savoir ses débats sur les droits de l’homme et son prix des droits
de l’homme, en associant les défenseurs des droits de l’homme à
ses travaux, en entretenant des contacts avec les autorités des
Etats membres et, au besoin, en utilisant le mécanisme de la diplomatie
parlementaire.
106. Concernant plus particulièrement les cas urgents et l’aide
aux défenseurs menacés, l’Assemblée, par l’intermédiaire de sa commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, devrait, en étroite coordination
avec le Commissaire aux droits de l’homme, continuer:
- à inviter les défenseurs à des
échanges de vues ou «parrainer» ces échanges de vues;
- à diffuser des informations sur l’affaire et/ou dénoncer
les propos diffamatoires et les fausses accusations dirigés contre
des défenseurs;
- à s’adresser aux autorités.
Les parlementaires,
en particulier le rapporteur, devraient alerter leurs propres réseaux
(collègues parlementaires, ministère des Affaires étrangères/ambassade
dans le pays concerné, etc.) dans les cas appropriés.
107. En tant que rapporteur de la commission chargé de la question
des défenseurs des droits de l’homme, j’ai déjà répondu à plusieurs
appels urgents d’ONG œuvrant pour les droits de l’homme ou de personnes isolées,
en adressant des lettres confidentielles aux autorités compétentes,
en coordination avec le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme.
Je considère que ce sont des exemples de diplomatie parlementaire.
108. Je tiens cependant à rappeler qu’il faudrait faire précéder
toute initiative ou réaction en cas d’incident ou de menace concernant
un défenseur des droits de l’homme de la consultation du défenseur
lui-même ou des personnes qui sont en contact direct avec lui et/ou
des ONG concernées, pour éviter d’aboutir à des résultats contraires
à l’objectif recherché.
109. S’agissant de la proposition d’Amnesty Internationald’organiser une campagne du CdE
pour promouvoir le rôle et le travail des défenseurs des droits
de l’homme, l’Assemblée ne manquera pas de soutenir une telle campagne
et d’y participer activement si elle est organisée et conduite par
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Cette
proposition ne pourra toutefois être mise en œuvre qu’à condition
que le Bureau du Commissaire se voie allouer les ressources nécessaires.
6.2.4. Renforcer l’action
du Conseil de l’Europe: mieux utiliser la panoplie unique d’instruments
et d’organes dont dispose le Conseil de l’Europe dans le domaine
des droits de l’homme
110. Le CdE dispose d’une panoplie unique d’instruments
consacrés aux droits de l’homme pour créer et promouvoir un environnement
favorable au travail des défenseurs des droits de l’homme. En outre,
les organes et organismes du CdE devraient prêter plus d’attention
à la question des défenseurs des droits de l’homme.
Mécanismes de contrôle/suivi
du Conseil de l’Europe
111. Le CdE possède notamment une panoplie unique d’instruments
juridiquement contraignants qui sont dotés de systèmes de contrôle/suivi
accessibles aux défenseurs des droits de l’homme. Ces mécanismes comprennent
la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité européen pour
la prévention de la torture (CPT), le Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales et le Comité européen
des droits sociaux, qui examine les réclamations collectives. La
commission contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui ne résulte
pas d’un traité, est aussi une instance particulièrement pertinente
pour les défenseurs des droits de l’homme.
112. Le devoir des Etats membres de coopérer avec la Cour européenne
des droits de l’homme a déjà été mentionné
.
Il faut garder à l’esprit la possibilité, pour la Cour, d’indiquer
des «mesures provisoires» (article 39 du Règlement de la Cour).
Leur application se limite normalement aux situations dans lesquelles
il y a un risque pour la vie, la santé ou l’équilibre d’un requérant.
Des mesures provisoires ont déjà été indiquées dans des cas de danger
imminent de dommage irréparable et dans des affaires relatives à
une procédure d’expulsion ou d’extradition dans lesquelles il y
avait de bonnes raisons de croire que l’intéressé risquait réellement
d’être tué ou maltraité dans le pays concerné. Il semble qu’à ce
jour l’article 39 n’ait pas encore été appliqué à des cas de militants
des droits de l’homme harcelés ou menacés.
Le Conseil de l’Europe et la
société civile
113. Les organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes
constituent un élément vital de la société européenne garantissant
la liberté d’expression et d’association, toutes deux fondamentales
pour la démocratie. Le CdE a reconnu leur rôle dès 1952, date à
laquelle il a donné la possibilité aux ONG internationales (OING)
d’acquérir un statut consultatif. Depuis 2003, ce «statut consultatif»
a été remplacé par un «statut participatif».
Les comités directeurs,
les comités d’experts gouvernementaux et les autres instances du
Comité des Ministres peuvent faire participer les OING jouissant
de ce statut à la définition des politiques, des programmes et des
actions du CdE. En outre, le CdE dispose d’une structure permanente
de coopération avec les OING: la commission de liaison avec les
ONG et la Conférence plénière annuelle des ONG.
114. Il convient encore de rappeler l’existence de la Convention
européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
ONG internationales, de 1986, qui vise à faciliter les activités
des ONG au niveau international. En 2002, un groupe d’experts du
CdE a approuvé les Principes fondamentaux sur le statut des ONG
en Europe, qui couvrent des sujets tels que la personnalité juridique,
le statut, la gestion, la collecte de fonds, la transparence et
la responsabilité des ONG. Ces principes complètent la Convention
susmentionnée et guident les Etats qui réforment actuellement leur
législation sur les ONG. Ils contribuent ainsi à l’harmonisation
européenne en la matière.
115. Par ailleurs, l’article 36 de la Convention européenne des
droits de l’homme prévoit la possibilité, pour des représentants
de la société civile ou des associations, de participer à la procédure
devant la Cour en qualité de «tiers intervenant». A ce titre, des
ONG et des associations peuvent présenter des observations écrites
à l’invitation du président d’une chambre. Les occasions pour les
ONG d’intervenir devant la Cour dans le cadre de la «tierce intervention»
sont devenues de plus en plus nombreuses ces dernières années.
116. Enfin, en janvier 2008, à la suite de l’adoption de la recommandation
du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations
non gouvernementales en Europe (voir ci-dessus), la Conférence du
CdE des organisations internationales non gouvernementales (OING)
a créé un Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG. En vertu
de son mandat, le Conseil d’experts vise à contribuer à la création
d’un environnement favorable aux ONG dans toute l’Europe par l’examen
de la législation nationale relative aux ONG et sa mise en œuvre,
et par la promotion du respect des normes du Conseil de l’Europe
et des bonnes pratiques européennes en la matière. Il conseillera
sur la manière de mettre la législation et les pratiques nationales
en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe et les bonnes
pratiques européennes et proposera des moyens de développer les
normes du Conseil de l’Europe. Le premier rapport du Conseil d’experts
a été examiné lors de la session plénière de la Conférence des OING
en octobre 2008.
6.2.5. Rôle des médias
et de la société civile
117. Les médias peuvent jouer un rôle décisif dans le
soutien à apporter aux défenseurs des droits de l’homme en faisant
connaître les violations de droits dont sont victimes ces personnes
et en favorisant le soutien public à leur travail, notamment en
s’opposant aux déclarations diffamatoires à leur encontre, y compris celles
les qualifiant à tort de terroristes, de criminels ou d’ennemis
de l’Etat.
118. La société civile devrait aussi développer ses propres réseaux
à l’échelon local, national et européen, y compris en établissant
des liens avec les acteurs internationaux pertinents comme les OING
des droits de l’homme.
119. L’ONG
Protection International propose
aussi de mettre en place sur un site Internet un forum interparlementaire
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme qui recueillerait
l’ensemble des instruments et mécanismes de protection, émanant
d’ONG ou d’institutions intergouvernementales, ainsi que les bonnes
pratiques en ce domaine
.
_________________
Commission chargée du rapport:
commission des questions juridiques et des droits de l’homme
Renvoi en commission: Doc. 10985, Renvoi n° 3281 du 6 octobre 2006
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés
à l’unanimité par la commission le 27 janvier 2009
Membres de la commission:
Mme Herta Däubler-Gmelin (Présidente),
M. Christos Pourgourides,
M. Pietro Marcenaro, M. Rafael Huseynov (Vice-présidents), M. José
Luis Arnaut, Mme Meritxell Batet Lamaña, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, Mme Anna Benaki, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrīda Circene, Mme Ann
Clwyd, Mme Alma Čolo, M. Joe Costello,
Mme Lydie Err, M. Renato Farina, M. Valeriy Fedorov, M. Joseph Fenech Adami,
Mme Mirjana Ferić-Vac,
M. György Frunda, M. Jean-Charles
Gardetto, M. Jószef Gedei, Mme Svetlana
Goryacheva, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Serhiy Holovaty,
M. Johannes Hübner, M. Michel Hunault,
Mme Fatme Ilyaz, M. Kastriot Islami,
M. Želiko Ivanji, Mme Iglica Ivanova, Mme Kateřina
Jacques, M. András Kelemen, Mme Kateřina
Konečná, M. Franz Eduard Kühnel,
M. Eduard Kukan, Mme Darja
Lavtižar-Bebler, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger,
M. Aleksei Lotman, M. Humfrey
Malins (remplaçant: M. Christopher Chope),
M. Andrija Mandic, M. Alberto Martins, M. Dick Marty, Mme Ermira
Mehmeti, M. Morten Messerschmidt, M. Akaki Minashvili, M. Philippe
Monfils, M. Alejandro Muñoz Alonso, M. Felix Müri,
M. Philippe Nachbar (remplaçant: M. René Rouquet),
M. Tomislav Nikolić, M. Valery Parfenov, Mme Maria
Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Valeriy
Pysarenko (remplaçant: M. Hryhoriy Omelchenko),
M. Janusz Rachoń, Mme Marie-Line
Reynaud, M. François Rochebloine, M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan,
M. Kimmo Sasi, M. Ellert
Schram, M. Dimitrios Stamatis (remplaçant: M. Emmanouil Kefaloyiannis), M. Fiorenzo Stolfi, M. Christoph Strässer,
Lord John Tomlinson, M. Mihai
Tudose, M. Tuğrul Türkeş,
Mme Özlem Türköne, M. Viktor Tykhonov,
M. Øyvind Vaksdal, M. Giuseppe Valentino, M. Hugo Vandenberghe,
M. Egidijus Vareikis, M. Luigi
VItali, M. Klaas de Vries (remplaçant: M. Pieter Omtzigt), M. Dimitry Vyatkin, Mme Renate
Wohlwend, M. Jordi Xuclà I Costa (remplaçant: M. Arcadio Díaz Tejera)
N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont
indiqués en gras.
Secrétariat de la commission:
M. Drzemczewski, M. Schirmer, Mme Maffucci-Hugel,
Mme Heurtin