1. Introduction
1. Le rapport de la Task force de haut niveau sur la
cohésion sociale au 21e siècle, créée
par décision du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement,
a été adopté par le Comité des Ministres le 17 décembre 2007. Il
souligne que la promotion de la cohésion sociale doit être «l’un
des principaux éléments de l’activité du Conseil de l’Europe, pour
lequel la cohésion sociale est un concept stratégique étroitement
lié à la réalisation des principaux objectifs de l’Organisation
que sont les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du
droit».
2. Le 18 avril 2008, le Bureau de l’Assemblée a approuvé la proposition
de résolution présentée entre autres par Mme Maria
de Belém Roseira, qui précise que «pour diffuser les recommandations
de la Task force de haut niveau auprès des parlementaires aussi
largement que possible, celles-ci devraient être examinées et débattues
par l’Assemblée parlementaire»; il a chargé à cette fin la Commission
des questions sociales d’établir un rapport de suivi à ce sujet.
3. Le rapport de la Task force de haut niveau porte essentiellement
sur cinq éléments principaux: (1) la mondialisation; (2) les changements
démographiques; (3) la migration et la diversité culturelle; (4)
les changements politiques/le fonctionnement de la démocratie; et
(5) les changements socioéconomiques et touchant à la santé. Il
a énoncé quatre objectifs prioritaires pour la cohésion sociale:
3.1. réinvestir dans les droits sociaux
(promotion plus vigoureuse des droits sociaux et développement de
la santé et de l’éducation en tant que droits);
3.2. améliorer le partage des responsabilités entre les autorités
publiques, les citoyens et les partenaires sociaux;
3.3. consolider les mécanismes de représentation et le dialogue
social et civique pour améliorer la participation aux processus
démocratiques;
3.4. renforcer la confiance dans un avenir commun et sûr, en
mettant en particulier l’accent sur un nouveau contrat social, qui
comprendrait aussi la conciliation des responsabilités professionnelles
et familiales.
4. La rapporteuse estime que les recommandations de la Task force
de haut niveau reflètent l’approche spécifique de la cohésion sociale
adoptée par le Conseil de l’Europe, qui consiste à considérer l’accès
aux droits pour tous comme la référence essentielle d’une société
cohésive. Elle souhaiterait toutefois formuler quelques observations
en vue d’ajouter une nouvelle dimension à l’objectif de la cohésion
sociale. Ces observations se fondent également sur l’audition tenue
à ce sujet par la Commission des questions sociales le 27 octobre
2008 au Parlement portugais; la rapporteuse remercie d’ailleurs
tous les participants pour leur contribution aux débats.
5. Lors de sa réunion du 12 mars 2009 à Paris, la commission
a approuvé la proposition du Bureau de modifier le titre du rapport
pour évoquer «les répercussions sociales et la dimension humaine
de la crise financière et économique dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe» (renvoi n° 3527 du Bureau, le 30 janvier 2009). La
rapporteuse a modifié la structure du rapport en conséquence.
2. Le modèle
social européen et les changements démographiques
6. Selon la rapporteuse, le modèle social européen correspond
à un ensemble commun de valeurs, fondé sur la préservation de la
paix, de la justice sociale, de l’égalité et de la solidarité, et
sur la promotion de la liberté, de la démocratie et du respect des
droits de l’homme. Au cours des 60 dernières années, cet ensemble
de valeurs communes a permis à une Europe en expansion de devenir
une zone de plus grande prospérité économique et de plus grande
justice sociale. On ne peut donc pas considérer les politiques sociales
comme étant coûteuses, lorsqu’elles sont élaborées de manière appropriée,
mais plutôt comme étant favorables à la croissance économique. Bien
que les Etats européens possèdent différents systèmes sociaux et
appliquent ces valeurs de différentes manières, ils visent le but
commun de parvenir à un équilibre entre la croissance économique
et la solidarité sociale; cette situation transparaît dans le modèle
social européen, sous la forme de valeurs communes dans une diversité
de systèmes.
7. Malgré le fait que ces systèmes sociaux soient appliqués de
manières différentes, ils ont un certain nombre de points en commun:
ils impliquent tous l’intervention gouvernementale en vue de réduire
la pauvreté et l’exclusion sociale, d’assurer une meilleure redistribution
des revenus et des systèmes de santé et de sécurité sociale de haut
niveau et de promouvoir l’égalité des chances – le financement de
ces politiques impliquant des impôts relativement élevés. On peut
dire (il est important de le rappeler à l’heure actuelle) que le
modèle social européen s’est également affirmé comme une méthode
de gestion des conflits sociaux.
8. Dans le même temps, il est évident qu’il faut aujourd’hui
envisager d’une manière nouvelle l’objet de la politique sociale.
La société connaît en effet de profonds bouleversements. Le vieillissement
de la population accroît la pression qui pèse sur la main d’œuvre.
D’ici à 2050, l’Europe pourrait avoir perdu près de 55 millions de
personnes en âge de travailler. Le déclin démographique n’est donc
pas un événement abstrait et lointain. Il est déjà en train de transformer
la société, l’économie et les relations entre les individus et les
générations. Si l’on ne fait rien, la main d’œuvre va considérablement
diminuer dans bon nombre de pays de l’OCDE dans les années à venir.
Les entreprises et les travailleurs devront s’adapter aux changements
entraînés par la mondialisation et les progrès technologiques, d’autant
plus que de grands pays riches en main d’œuvre, comme la Chine et
l’Inde, s’intègrent de mieux en mieux dans l’économie mondiale.
9. Il devient donc urgent de définir une approche commune pour
relever les trois grands défis que sont la mondialisation, l’évolution
technologique et les changements démographiques. Le nœud du problème
est évident: le modèle social européen doit prouver qu’il est capable
de relever efficacement ces défis.
10. Avec le déclin du taux de natalité et l’allongement de l’espérance
de vie, la part des personnes âgées dans la population a considérablement
augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE sur les trente dernières années.
La tendance risque de s’accélérer brutalement au cours de la prochaine
décennie, vu que la génération du baby boom commence à atteindre
l’âge de la retraite. Ces changements démographiques pourraient
avoir de lourdes conséquences fiscales et économiques, et poser
des difficultés dans les pays concernés en termes de politique des
pouvoirs publics.
11. Sans changements politiques majeurs (par exemple un rééquilibrage
des politiques sociales et des dépenses entre les générations),
l’augmentation du nombre de retraités par rapport à la population
active va réduire la croissance du niveau de vie matériel et faire
peser une pression énorme sur les budgets publics.
12. Dans les pays européens, on prévoit que, d’ici à 2050, il
n’y aura pour chaque retraité qu’une seule personne en activité.
Cette situation va fragiliser les retraites et accroître les pressions
fiscales sur la population active. Tous les pays se heurtent aux
mêmes problèmes, mais les solutions doivent naturellement tenir
compte des circonstances nationales. A cet égard, la rapporteuse
est d’avis qu’une immigration contrôlée peut aider l’Europe à combler
la pénurie de main d’œuvre qui risque de survenir dans certaines
régions ou certains secteurs. Mais il ne peut s’agir que d’une partie
d’une solution beaucoup plus globale.
13. Il devient également primordial d’adopter une nouvelle approche
de la politique de conciliationdes responsabilités
professionnelles et familiales. Le congé parental, le travail à
temps partiel et la flexibilité du temps de travail ont tous une
valeur limitée si les mères de famille sont les seules à en bénéficier.
L’Europe devra «passer la vitesse supérieure» en encourageant les
femmes et les hommes à travailler et en renforçant la position des
enfants dans la société. En outre, les pays européens doivent adopter
des politiques sociales plus actives, ce qui signifie en substance
faire sortir les gens du système des prestations sociales et leur redonner
un emploi, au lieu de les maintenir dans une situation de dépendance.
Nous devons relever le défi démographique en aidant les jeunes à
entrer sur le marché du travail, en donnant une nouvelle dimension
à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes et en encourageant
davantage le partage des responsabilités familiales et domestiques.
3. Le paradoxe de
la mondialisation
14. La rapporteuse est d’avis que le débat actuel sur
l’impact social de la mondialisation tient du paradoxe. D’une part,
la plupart des économistes attirent l’attention sur les enseignements
du passé économique, à savoir que l’ouverture accrue des marchés
a tendance à s’accompagner d’une plus grande prospérité. En effet, la
liberté accrue des échanges et l’investissement étranger direct
permettent d’obtenir les gains de bien-être associés à l’exploitation
de l’avantage comparatif. D’autre part, dans de nombreux pays, l’opinion
publique est préoccupée par les risques que la mondialisation peut
poser pour l’emploi et les salaires.
15. La promesse de la mondialisation est d’augmenter le niveau
de vie de chacun par une spécialisation et une productivité accrue,
des biens et des services moins chers, un meilleur accès au crédit
et au capital et une diffusion plus rapide des innovations technologiques.
Dans le même temps, une idée très répandue dans bon nombre de pays
est que la mondialisation, sous sa forme actuelle, ne fonctionne
pas. En effet, on la soupçonne de plus en plus de ne bénéficier
qu’à une petite partie de la population, alors que la majorité n’en
retire que peu de choses, à part une anxiété et une précarité accrues.
16. Pour la rapporteuse, ce paradoxe peut s’expliquer, d’abord,
par l’ampleur inédite de la mondialisation. Les pays concernés par
ce phénomène sont beaucoup plus nombreux que lors de précédentes
périodes d’intégration économique internationale. En particulier,
le Brésil, la Fédération de Russie, l’Inde et la Chine (les pays
que l’OCDE appelle les «BRIC») deviennent des partenaires majeurs
du commerce et de l’investissement
.
17. A la base, une spécificité du processus actuel de mondialisation
est qu’il concerne aussi beaucoup de services à forte intensité
de main d’œuvre – et pas uniquement l’industrie comme c’était principalement
le cas dans le passé. En effet, la mondialisation s’accompagne de
l’adoption rapide des technologies de l’information et de la communication.
Les nouvelles technologies et la baisse des frais de transport ainsi
que des coûts dus à l’absence de système de protection sociale facilitent
la fragmentation de la production à la fois des biens et des services,
et la délocalisation de certaines tâches à l’étranger.
18. D’autre part, le paradoxe de la mondialisation peut également
s’expliquer par le fait que l’intégration économique a lieu dans
un contexte d’inégalités salariales accrues accompagné d’un sentiment
d’insécurité dans le domaine de l’emploi (pour plus de renseignements,
voir la partie suivante sur le contexte international actuel). Le
défi politique est donc de prendre les dispositions nécessaires
pour encourager l’emploi, l’apprentissage et l’investissement, tout
en prévenant les disparités salariales qui nuisent à la société
et qui sont inefficaces sur le plan économique.
19. D’après la rapporteuse, il est essentiel de répondre aux inquiétudes
relatives à la durabilité du régime actuel de la mondialisation:
l’aide publique qui vise à développer l’intégration économique internationale
(et dans une plus large mesure le programme de réformes structurelles)
pourrait diminuer si l’impression que de nombreux travailleurs n’en
bénéficient pas se généralise. Il semble en effet que le conflit
social s’intensifie quand les inégalités sont perçues comme étant
en augmentation excessive. L’acceptation sociale des politiques
de mondialisation sera réduite si les groupes à faible revenu et
la classe moyenne sont convaincus que ces politiques font peu pour
améliorer leur situation ou celle de leurs enfants. Il est par conséquent primordial
que les responsables politiques fassent en sorte que les inégalités
salariales ne s’accentuent pas de manière excessive.
20. Plus généralement, durant les années qui ont suivi la Grande
Dépression et qui ont précédé la seconde guerre mondiale, la première
vague de mondialisation de l’économie internationale a entraîné
non seulement le protectionnisme économique mais aussi, et c’est
plus grave, des régimes fascistes et autoritaires dans certains
pays. Cet échec peut notamment s’expliquer par l’incapacité des
gouvernements à résoudre ce qu’on a appelé le «problème de Polanyi»,
à savoir comment gérer les perturbations sociales entraînées par
une libre concurrence économique et une économie mondiale de marché
. Dans les circonstances actuelles,
ce «problème» se pose à nouveau avec pertinence.
21. A cet égard, il est essentiel que les responsables politiques
sachent qu’ils peuvent jouer un rôle majeur en tirant le meilleur
parti de la mondialisation et en réduisant les difficultés liées
à l’ajustement de la main d’œuvre. En d’autres termes, la rapporteuse
est d’avis que «la mondialisation commence chez soi», c’est-à-dire
que les politiques et les actions nationales gardent toute leur
utilité. Il est primordial d’établir au niveau national un code
de bonne gouvernance économique et sociale pour les politiques privées
et publiques si l’on veut pouvoir tirer parti de la mondialisation
tout en limitant ses effets pervers.
22. La rapporteuse souhaite également souligner dans ce contexte
l’importance de «l’Agenda pour un travail décent» de l’Organisation
Internationale du Travail (OIT). Cette notion va au delà de la simple
dignité. Elle recoupe quatre objectifs: les normes minima du travail,
le salaire minimum, la sécurité sociale et le dialogue social entre
les représentants des travailleurs et les employeurs. L’Agenda pour
un travail décent inclut en effet les «normes fondamentales de travail»
qui constituent le socle minimum des droits sociaux établis par
la communauté internationale. En tant que cadre légal international
des normes sociales, il vise à définir une harmonisation des règles
de l’économie mondiale. D’après la Déclaration récemment adoptée
par l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable,
les «quatre objectifs stratégiques sont indissociables, interdépendants
et se renforcent mutuellement … Pour avoir un impact optimal, les
efforts visant à les promouvoir devraient s’inscrire dans une stratégie
globale et intégrée de l’OIT en faveur du travail décent» (OIT,
2008).
4. Le contexte international
actuel et ses conséquences
23. Depuis 2007, la cohésion sociale a été frappée par
un certain nombre d’événements mondiaux, en particulier la crise
financière, la montée du prix des denrées alimentaires et la pénurie
de matières premières. Ce phénomène a mis un terme à la croissance
rapide et à la vigueur de l’emploi dont fait preuve l’économie mondiale
presque sans interruption depuis le milieu des années 1990.
24. En effet, la crise financière qui s’est développée l’année
dernière et qui a éclaté en août 2008 représente l’une des plus
grandes menaces pour l’économie mondiale. Le resserrement du crédit
et l’effondrement des marchés boursiers ont affectéles décisions des sociétés en matière
d’investissement, ainsi que les salaires et les emplois des travailleurs.
Plusieurs grandes économies européennes sont pratiquement entrées
en récession en 2008 et enregistrent une hausse du chômage. Les
plans de sauvetage sont très importants, mais il est indispensable
de s’attaquer aussi aux dimensions structurelles de la crise. Alors
que les coûts des plans de sauvetage financiers seront supportés
par tous, les bénéfices de la période d’expansion passée ont été inégalement
répartis.
25. Si l’on se tourne vers l’avenir, la question majeure est de
savoir dans quelle mesure la crise financière actuelle et le ralentissement
de l’économie mondiale vont toucher les groupes à faible revenu
en particulier. Cette question est d’autant plus pertinente que,
comme le montrent des études récentes de l’OIT, durant la période
de forte croissance, les inégalités salariales se sont creusées
dans la majorité des pays, ce qui pourrait tour à tour fragiliser
le tissu social
.
26. D’après le Rapport sur le travail
dans le monde 2008, alors que l’emploi global a augmenté
de 30 % entre le début des années 1990 et 2007, les écarts de revenu
entre les ménages riches et les ménages pauvres se sont considérablement
accrus dans le même temps. Qui plus est, comparé aux précédentes périodes
d’expansion, les travailleurs ont obtenu une plus petite part des
fruits de la croissance économique, la part des salaires dans le
revenu national ayant décliné dans l’immense majorité des pays pour
lesquels des données sont disponibles.
27. Au cours de la même période également, l’écart de revenu entre
les 10 % de salariés les mieux rémunérés et les 10 % de salariés
les moins bien payés a augmenté dans 70 % des pays pour lesquels
on dispose de données
. Combinées
à la hausse du chômage et à la perte d’emplois, les retombées de
la crise financière pourraient avoir des effets durables sur les
groupes les plus vulnérables, ce qui accentuerait encore les inégalités
salariales existantes.
28. À cet égard, quelques membres de la Commission des questions
sociales ont également déclaré à Lisbonne qu’ils craignaient que
la cohésion sociale soit la première victime de la crise actuelle.
En effet, une augmentation des impôts ne servirait pas à améliorer
les services ou les prestations sociales, mais à rembourser les
dettes et à financer le déficit public.
29. D’autres membres ont souligné que les crises financières et
économiques avaient en fait tendance à inciter les pays à se mettre
en retrait par rapport à la mondialisation et à l’ouverture des
marchés. Il serait pourtant inapproprié d’oublier que le système
économique international est à l’origine d’une croissance et d’une
prospérité sans précédent. Il a permis aux pays de se développer,
de réduire la pauvreté, d’améliorer les conditions sociales, d’allonger
l’espérance de vie et de mener des réformes politiques et sociales.
Comme dans le même temps les principales solutions alternatives
à l’intégration économique ont échoué, le choix n’est pas à faire
entre le capitalisme et le non-capitalisme, mais entre le «bon capitalisme»
et le «mauvais capitalisme», entre le capitalisme inclusif et le
capitalisme exclusif,c’est-à-dire
entre un capitalisme entrepreneur et un capitalisme spéculatif.
Le système capitaliste mondial ne peut néanmoins pas survivre sans l’aide
et le soutien des gouvernements du monde entier. Il s’agit de trouver
un juste équilibre entre les politiques des gouvernements et les
politiques des marchés.
30. Il serait inopportun de mettre le capitalisme «en accusation»,
mais il est nécessaire de revenir aux facteurs fondamentaux, comme
le rôle de l’emploi et de la production dans l’économie et le rôle
de l’Etat dans les domaines de l’emploi, de la santé et de la cohésion
sociale. En d’autres termes, l’Etat est de retour, mais est aussi
plus que jamais en faillite. Les ratios entre la dette du secteur
public et le produit intérieur brut (PIB) risquent de doubler dans
de nombreuses économies avancées. L’impact fiscal de la crise financière
peut, nous le savons, coûter aussi cher qu’un grand conflit. Ainsi,
les retombées de la crise constituent pour les économies avancées
à croissance lente, une catastrophe que les gouvernements ne sauraient
subir deux fois en l’espace de 20 ans. L’effort de consolidation
des finances publiques dominera la politique des années, voire des décennies
à venir.
31. Il a souvent été avancé que, pour être durable et apporter
des résultats positifs pour tous, la mondialisation a besoin d’un
nouveau cadre réglementaire, ce qui requiert l’introduction d’une
structure appropriée de gouvernance au niveau international. Cependant,
comme il n’existe pas de consensus sur la marche à suivre, peu de
mesures positives ont été prises dans ce sens jusqu’à présent par
des instances telles que le G20 et Conseil européen, et elles seront
probablement aussi peu nombreuses dans un avenir prévisible.
32. En tout état de cause, l’injection massive de fonds publics
a en partie «dé-mondialisé» les marchés financiers, faisant payer
le prix fort aux économies émergentes. Par ailleurs, l’intervention
du gouvernement dans l’industrie porte souvent les couleurs d’un
nationalisme vivace. Il est également évident que peu de dirigeants
politiques sont prêts à prendre le risque du libre échange. C’est
là, sans doute, la conséquence de l’ébranlement de l’ordre monétaire
international et il est difficile de savoir aujourd’hui dans quelle
mesure la mondialisation déterminée par le marché survivra à de
telles difficultés. La rapporteuse l’espère mais n’en est pas sûre
pour autant.
33. Par conséquent, le système international de gouvernance va
probablement rester «sous-institutionnalisé», et la responsabilité
de protéger les sociétés contre les conséquences potentiellement dangereuses
de la mondialisation incombera encore largement, voire exclusivement,
aux institutions nationales, aussi affaiblies qu’elles soient actuellement.
D’où la nécessité de centrer les efforts sur certaines de ces institutions,
en particulier sur celles qui s’occupent des droits des travailleurs,
des syndicats et des négociations collectives.
34. Sans une action rapide et coordonnée à travers les nations, la
vague de ressentiment qui monte déjà dans les rangs toujours plus
denses des chômeurs se transformera en émeutes populaires, menaçant l’existence
même des “sociétés libres d’accès”. Préserver les principes de base
du système libéral doit être l’objectif ultime de la politique mondiale,
même si les marchés libéraux semblent manifestement avoir échoué. Sans
ces libertés, les sociétés seront dominées par des élites politiques
et économiques corrompues, excluant les moins fortunés et privant
les économies de créativité et de capacité à innover.
35. Le risque d’un sévère retour de bâton contre les économies
libérales avec le risque d’un protectionnisme rampant du marché
financier et du travail apparaît à présent évident. Une réglementation
laxiste a conduit les marchés financiers à leur perte et un sentiment
anticapitaliste surgit à présent à travers le monde. Pourtant, ce n’est
pas le libéralisme en tant que tel qui a échoué, mais en perdant
sa vocation sociale et éthique, il s’est corrompu et est devenu
hasardeux et injuste. Nous
avons donc besoin d’une économie de marché plus socialement responsable.
36. Comme l’ont souligné les membres, l’inégalité salariale dans
les économies avancées risque de s’accentuer. Il importe donc de
renforcer les programmes sociaux pour fournir une assistance aux
victimes innocentes de la crise et pour réparer les dommages causés
aux pensions, aux plans d’épargne-retraite et au marché du logement.
Les gouvernements devraient utiliser des outils d’intervention (fiscale,
monétaire, sociale) pour veiller à ce que les ménages à faible revenu
ne supportent pas outre mesure les coûts du ralentissement économique.
Ils devraient mettre en place dans le domaine social des filets
de sécurité appropriés pour aider les ménages à plus faible revenu
durant la période de reprise. Mais ils devraient aussi établir des
plafonds salariaux, en accord avec le sentiment dominant dans chaque
pays, qui puissent empêcher les écarts salariaux inacceptables.
37. En outre, la rapporteuse est favorable à une solution inspirée
du modèle scandinave qui allie des systèmes de protection sociale
solides à des mesures actives visant à aider les salariés pendant
les périodes de transition. Le bon fonctionnement des marchés du
travail et la qualité de la vie professionnelle sont des éléments
clés de l’Europe innovante que nous voulons voir émerger.
38. À cet égard, la rapporteuse tient aussi à souligner le rôle
essentiel des partenaires sociaux. Nombre des solutions permettant
d’améliorer à la fois la flexibilité et la sécurité de l’emploi
peuvent être trouvées au niveau de l’entreprise ou du secteur d’activité
et dépendent largement de la bonne coopération entre les syndicats
et le patronat. Les négociations ne seront pas faciles, mais le
soutien sans réserve des partenaires sociaux est essentiel. S’ils
pouvaient apporter une contribution commune au débat sur la «flexisécurité»,
l’Europe ferait un grand pas vers la création d’emplois et l’amélioration
de la qualité des emplois.
5. Les répercussions
sociales de la crise économique
39. Les systèmes de sécurité sociale réagissent à la
crise économique en adoptant des mesures visant à en atténuer l’impact
social. Les fortes pressions qu’ils subissent du fait de la crise
pourraient toutefois avoir des conséquences politiques à moyen et
long terme.
40. Les pressions budgétaires découlant de l’énormité des dispositifs
de sauvetage ne peuvent être absorbées «libres d’inflation» et pèseront
inévitablement sur les dépenses des gouvernements, et partant, sur les
transferts sociaux. D’où, pour les destinataires des transferts
sociaux, le risque de devoir payer la facture de la crise.
41. Selon un sondage international mené par l’AISS (Association
Internationale de la Sécurité Sociale), organe rattaché à l’OIT,
les régimes de retraite publics ont subi d’importantes pertes d’investissement
en 2008
.
Ces pertes, conjuguées à l’accroissement des dépenses – dues au
premier chef à la hausse rapide du chômage – et à une diminution
des contributions, génèrent de fortes pressions sur certains régimes.
42. Certaines répercussions de la crise sur les régimes de sécurité
sociale sont évidentes. Comme toutes les autres branches de sécurité
sociale, l’assurance chômage et l’aide sociale subiront le double
fardeau de la baisse des revenus de l’impôt ou des cotisations et
de l’accroissement des dépenses dû à celui du nombre de bénéficiaires.
43. Cependant, dans un climat de crise, l’octroi d’une aide sociale
et le versement de prestations de sécurité sociale versées aux salariés
et autres bénéficiaires vulnérables font office de stabilisateurs
socio-économiques. Les prestations empêchent non seulement la paupérisation
accrue, mais limitent aussi la contraction de la demande agrégée,
modérant ainsi la gravité potentielle de la récession. Le temps
est venu, par conséquent, d’améliorer les prestations de sécurité
sociale dans les pays où les systèmes sont en place ou le cas échéant,
d’en mettre en place.
44. L’accroissement des ressources de la sécurité sociale doit
impérativement faire partie des plans respectifs de relance économique.
De tels transferts réduisent immédiatement le risque de pauvreté
pour ceux qui ont perdu leur emploi ou qui ne sont pas aptes à travailler,
tout en stabilisant la demande de biens et de services produits
par ceux qui ont toujours leur emploi.
45. La rapporteuse souhaite souligner le rôle spécifique des systèmes
de protection sociale et de santé dans le rétablissement d’une stabilité
économique et sociale pendant et après la crise. Les gouvernements
doivent de toute évidence s’abstenir de réduire les crédits destinés
à financer les prestations de sécurité sociale. Il faut, au contraire,
consolider les systèmes de sécurité sociale.
46. Pour faire face à la crise, de nombreux pays adoptent diverses
mesures, dont l’octroi de crédits supplémentaires aux différents
programmes de sécurité sociale.
47. La rapporteuse propose trois approches. La première consiste
à restructurer en profondeur les systèmes de sécurité sociale et
de santé en place, et à corriger les erreurs commises ces 20 dernières
années, dans les pays dont les systèmes de sécurité sociale sont
relativement développés. La deuxième et peut-être la plus fondamentale,
consiste à établir des systèmes de sécurité sociale solides dans
les pays où ils sont encore rudimentaires. La troisième et la plus
ardue à mettre en place, consiste à combiner ces deux mesures en
un modèle cohérent de développement à long terme pour les systèmes
nationaux de santé et de sécurité sociale.
48. La crise porte en elle le risque de ne chercher que des solutions
rapides et à court terme pour remédier à la pauvreté et à l’insécurité,
en négligeant les solutions à plus long terme qui permettraient
de corriger les profondes inégalités économiques et sociales que
génère la mondialisation.
49. Les systèmes de santé et de sécurité sociale représentent
en définitive l’une des manifestations les plus fortes de la cohésion
sociale mais aussi le dispositif le plus efficace pour protéger
les individus contre les risques sociaux. La crise a eu de multiples
incidences sur les régimes de sécurité sociale; par exemple, l’augmentation
des demandes d’assurance-chômage et d’aide sociale et sanitaire
(étant donné que l’insécurité est une cause importante de troubles
de santé et de troubles psychiques). A l’instar d’autres branches
de la sécurité sociale, celles-ci subiront l’impact de la diminution
des revenus de l’impôt ou des cotisations et de l’accroissement
des dépenses dû à celui des bénéficiaires. L’affaiblissement économique
menace également les épargnes et investissements consacrés aux pensions
et autres branches de la sécurité sociale.
50. La rapporteuse est convaincue que la sécurité sociale peut
jouer un rôle important pour rétablir la stabilité économique et
sociale pendant et après la crise. Les gouvernements devraient donc
se garder de réduire les crédits destinés à financer les prestations
de sécurité sociale et de santé. Il leur faut, au contraire, consolider
les systèmes de sécurité sociale et de santé conformément au principe
que «la santé est une richesse».
51. Cette même constatation a été faite par la Conférence des
ministres responsables de la cohésion sociale dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe durant la session tenue à Moscou le 27 février 2009, en
particulier en ce qui concerne la promotion des droits sociaux,
le partage des responsabilités et le renforcement des mécanismes
de représentation et de dialogue civique et social. La confiance
dans l’avenir doit se construire autour de l’engagement de chacun
par une approche transversale de la cohésion sociale visant à développer
une politique intégrée dans ce domaine en conformité avec les spécificités
nationales.
52. Etant donné que le Conseil de l’Europe considère que l’accès
à la sécurité sociale est un droit de l’homme, les instruments juridiques
dont il dispose dans ce domaine (Code européen de sécurité sociale, Protocole
et Code révisés) établissent des normes concrètes et quantifiables
assurant un niveau de protection satisfaisant. Ces instruments devraient
continuer à concourir à l’intégration d’une dimension sociale dans l’ordre
financier et économique de demain.
6. Conclusions
préliminaires
53. La crise financière que nous traversons actuellement
exige un nouveau rôle pour les politiques publiques économiques
et sociales. Nous avons appris des expériences passées que les crises
financières entraînent des récessions économiques qui coûtent très
cher en termes humains, sociaux et économiques. Tout porte à croire
que la récession imminente sera particulièrement difficile si nous
ne réagissons pas rapidement pour bloquer les réseaux par lesquels
elle se propage pour frapper les entreprises et les personnes les
plus vulnérables.
54. Les décisions d’injecter des fonds et de baisser les taux
d’intérêt, prises un peu partout dans le monde, se sont avérées
incapables de relancer fermement l’économie. La rapporteuse pense
que «la sortie de crise se joue dans la capacité des pouvoirs publics
à conduire des stratégies de long terme et à doter d’institutions et
de règles le capitalisme mondialisé».
55. Le moment est venu de souligner le rôle social de l’économie,
de l’économie au service des personnes et de leur développement
et non pas des personnes au service de l’économie et de l’augmentation
de la richesse.
56. Il serait donc primordial d’inverser la récession actuelle,
non seulement en adoptant des mesures d’urgence pour secourir les
banques et les compagnies financières, mais aussi:
56.1. en maintenant et en renforçant
les systèmes de santé et de protection sociale pour soutenir les travailleurs
et les travailleuses, ainsi que leurs familles, qui subissent actuellement
des pertes d’emploi et de revenu en raison d’une crise dont ils
ne sont aucunement responsables;
56.2. en veillant à ce que les entreprises productives, et en
particulier les petites entreprises qui emploient une grande part
de la main d’œuvre dans tous les pays, puissent accéder à des lignes
de crédit abordables, prévenir les licenciements et les baisses
de salaire, et se préparer à la reprise.
57. Nous devons reconstruire le système réglementaire des marchés
financiers mondiaux pour réduire la volatilité et l’instabilité
chroniques. Le nouveau régime des économies de marché doit se fonder
sur le vieil adage selon lequel «tout travail mérite salaire». Nos
systèmes financiers doivent encourager, et non fragiliser, l’équité
dans la société, et favoriser les initiatives durables et le travail
décent et productif pour parvenir à des sociétés stables et pacifiques.
Nous avons besoin de politiques financières qui encouragent les investissements
productifs, limitent la spéculation, garantissent la transparence
et renforcent la crédibilité du système. Dans un système international
ouvert, la qualité des pratiques et des instruments des banques nationales
et des autres institutions financières devrait être soumise à des
normes internationales de surveillance.
58. Cette crise et ses proportions dramatiques, du point de vue
de la rapporteuse, sont en grande partie le résultat du comportement
prédateur de certains acteurs économiques envers des particuliers
et du manque de codes de conduite applicables aux entreprises et
aux décideurs, auquel nous avons assisté avec une certaine indifférence
et complaisance. Nous avons tous laissé la valeur des marchandises
devenir plus importante que les vraies valeurs et l’avidité a ainsi
remplacé la solidarité.
59. S’ils veulent redonner confiance, les acteurs politiques et
les parlementaires, doivent relever aujourd’hui un défi majeur,
et c’est à nous de prendre les décisions qui permettront de rétablir
la stabilité du système économique à long terme. Il n’y a pas de
réponses simples, mais pour pouvoir prendre les justes décisions dans
le long terme, il est indispensable de reconnaître ouvertement au
préalable la gravité de la situation et la nécessité d’opérer des
choix difficiles pour l’avenir.
60. La confiance du public dans nos institutions politiques est
aussi mise à rude épreuve. La zone euro subit les énormes pressions
d’une politique monétaire identique pour tous, et d’autres secousses
pourraient ébranler le système. Pour ce qui est de l’Etat de droit,
nous avons déjà pu constater que la baisse du niveau de vie, la
perte d’emploi et l’absence de perspectives ont entraîné ça et là
des troubles sociaux. En matière de migrations, de nouvelles pressions
et tensions se font jour, et les tendances protectionnistes s’accentuent également.
Pour la rapporteuse, la politique du «chacun pour soi» ne saurait
cependant être une solution.
61. La rapporteuse tient à souligner une fois encore, qu’en l’occurrence,
c’est la confiance qui aura été la plus mise à mal en définitive.
Pourtant, la confiance est l’un des fondements de la force du processus démocratique.
Elle a été mise à rude épreuve et les réprobations – omniprésentes
– visent non seulement les institutions et les régulateurs financiers,
mais aussi les gouvernements. La confiance du public dans le fonctionnement
de l’économie a été sapée. Par ailleurs, l’insatisfaction générale
découlant de la détérioration des conditions de vie a généré des
troubles sociaux. La crédibilité des gouvernements est en jeu. Il
est de notre devoir d’agir au mieux dans nos pays et nos communes
pour rétablir cette confiance.
62. La cohésion sociale ne doit pas être la première victime de
la crise. En d’autres termes, il est indispensable de gérer ses
effets avec sagesse. Il faut que les gouvernements et les banques
mettent tout en œuvre de manière coordonnée pour les atténuer. Des
mesures devront être prises pour étendre la protection sociale,
faciliter l’accès à la formation et mettre en place des programmes
d’emploi d’urgence. Il est particulièrement important de protéger
les personnes les plus vulnérables sur le marché du travail, par exemple,
les jeunes à la recherche d’un premier emploi.
63. Pour le Conseil de l’Europe, le problème majeur est le fait
que la crise économique conduira probablement à des taux de chômage
relativement élevés chez les jeunes. D’aucuns perdront revenus et
biens durement acquis. Le principal devoir de l’Assemblée est de
rappeler que les gouvernements des Etats membres doivent assumer
leurs responsabilités et protéger les citoyens, en particulier en
matière de droits de l’homme, même en temps de crise. Dans des démocraties,
leur légitimité en dépend.
64. De là découle la nécessité de programmes concrets, œuvrant
à la cohésion sociale et à la prévention d’un éventuel affaiblissement
des normes de droits de l’homme d’ores et déjà reconnues. Elles
englobent à l’évidence les droits économiques et sociaux énoncés
dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, la Charte sociale européenne de 1961 et la Charte sociale
européenne révisée de 1996 – que 22 Etats membres n’ont toujours
pas ratifiée à ce jour.
65. Par conséquent, il est temps que le Conseil de l’Europe remplisse
avec une énergie renouvelée les objectifs qui sous-tendent sa création,
agissant comme une institution qui milite activement pour la défense,
la promotion et la diffusion des droits de l’homme.
66. Face à une crise, l’on peut facilement céder à la tentation
de restreindre les droits, croyant ainsi dynamiser l’économie. Cependant,
la rapporteuse pense qu’au contraire le renforcement des droits renforcerait
les pouvoirs publics et les rendrait plus déterminés à faire décoller
l’économie.
67. Dans ce cadre global des droits de l’homme, les droits sociaux
jouent un rôle d’une importance fondamentale: ils constituent un
facteur de stabilisation sociale et, en tant que tel, aident à prévenir
l’éclosion de révoltes sociales provoquées par des ruptures qui
entretiennent la perception généralisée d’injustice. Comme exprimé
par le Pape Benoît XVI: «Quelqu’un dont la dignité est violée en
toute impunité devient une proie facile pour écouter des appels
à la violence.». C’est uniquement à travers les droits sociaux qu’est protégé,
de façon objective et contraignante, le droit à la dignité, au travail
décent, à la protection contre les risques sociaux, au commerce
juste, à la protection environnementale. C’est uniquement à travers
eux que sont protégés les droits des générations futures, car les
enfants qui grandissent dans une situation de privation ne disposeront
pas des conditions de base nécessaires au développement intégral
de leur potentiel.
68. Il est important de souligner que la cohésion sociale est
une question politique qui cherche à assurer la justice sociale.
Les droits sociaux sont une question juridique et une condition
préalable pour atteindre la justice sociale. La promotion de cette
dernière doit cependant passer également par les droits économiques.
69. L’une des principales missions du Conseil de l’Europe au XXIe siècle
sera de donner de la visibilité, à travers la Cour européenne des
droits de l’homme, à la nature juridique contraignante des droits
de l’homme consacrés dans la Charte sociale européenne révisée.
Les droits peuvent être exigés. La charité est reçue avec gratitude,
elle ne constitue pas un droit.
70. Il est donc essentiel de mettre en évidence le caractère contraignant
des droits de l’homme définis dans la Charte sociale européenne
révisée du Conseil de l’Europe en tant que «bouclier» protecteur
des droits de l’homme en général et des droits sociaux en particulier,
car c’est l’attribution des droits de l’homme qui confère véritablement
à chaque individu sa personnalité juridique et le droit au développement
de tout son potentiel.
71. La rapporteuse est ainsi favorable au retour du keynésianisme
dans les politiques économiques publiques; un keynésianisme plutôt
écologique, exigeant de l’État l’intervention qui lui incombe dans
la conduite de politiques ayant pour but de protéger l’emploi et
de créer les conditions nécessaires à l’exercice de droits sociaux.
Il s’agit là de l’unique façon de construire une base de confiance
et de stabilité qui permettra aux entreprises d’accéder au crédit
et aux familles d’atteindre la stabilité et la prévisibilité des
revenus capables de garantir un niveau de consommation apte à dynamiser
l’économie.
72. La reconnaissance, la consécration et le respect des droits
sociaux, dans ce contexte, constituent la condition indispensable
au succès des politiques économiques. Les droits sociaux valent
par eux-mêmes, car leur consécration confère de la dignité à toutes
les personnes, considérées aussi bien individuellement que collectivement.
Ils représentent en effet un élément structurel de la cohésion sociale,
en tant que correcteurs des inégalités d’origine et de condition.
Ils jouent néanmoins aussi un rôle structurel dans le cadre de l’exercice de
la citoyenneté active et sont, de cette façon, essentiels au perfectionnement
de la démocratie et de la primauté du droit.
73. Enfin, la rapporteuse estime que, dans la quasi-totalité des
domaines où des réformes sont nécessaires, la Charte sociale européenne
révisée comporte des dispositions acceptées par la plupart des Etats
membres. Cependant, elles ne sont pas suffisamment connues, ni des
citoyens ni des responsables politiques. Les droits consacrés par
la Charte doivent être diffusés plus largement et pleinement pris
en compte dans le processus de création d’une Europe sociale. Ainsi
que cela est indiqué dans les recommandations de la Task Force de haut
niveau sur la cohésion sociale au 21e siècle, «il est nécessaire
d’augmenter la valeur ajoutée apportée par les travaux du Conseil
de l’Europe sur la cohésion sociale, qui tendent à rester trop confidentiels,
connus uniquement d’un cercle assez restreint de fonctionnaires
et de spécialistes».
***
Commission chargée du rapport:
commission des questions sociales, de la santé et de la famille
Renvois en commission:
Doc. 11545, renvoi n° 3437 du 18 avril 2008 et Doc. 11834, renvoi
n° 3527 du 30 janvier 2009
Projet de résolution adopté
par la commission le 14 septembre 2009
Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente)
(remplaçante: Mme Betty Williams), M. Denis
Jacquat (1er Vice-président), Mme Darinka Stantcheva (2ème Vice-présidente),
Ms Liliane Maury Pasquier (3ème
Vice-présidente), M. Frank Aaen, Mme María del Rosario Fátima Aburto
Baselga, M. Francis Agius,
M. Konstantinos Aivaliotis, M. Farkhad Akhmedov, M. Milos Aligrudić, Mme Magdalina Anikashvili,
Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva, M. Mario Barbi, M. Andris
Berzinš, M. Roland Blum (remplaçant: Mr Laurent Béteille), Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning,
Mme Boženna Bukiewicz, Mme Karmela Caparin, M. Igor Chernyshenko
(remplaçant: M. Valery Parfenov),
M. Agustín Conde Bajén, M. Imre
Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Emilia Fernández Soriano (remplaçante:
Mme Blanca Fernández-Capel Baňos), Mme Daniela
Filipiová, M. Ilja Filipović, M. André Flahaut, M. Paul Flynn, Mme Doris Frommelt, M. Marco Gatti,
M. Ljubo Germič, Mme Sophia Giannaka, M. Marcel Glesener (remplaçant:
M. Jean Huss), M. Luc Goutry,
Mme Claude Greff, M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk, M. Ali Huseynov, M. Fazail Ibrahimli,
Mme Evguenia Jivkova, Mme Marietta Karamanli, M. Włodzimierz Karpiński, M. András Kelemen, M:
Peter Kelly, Baronne Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Oleg Lebedev, M. Paul Lempens,
M. Andrija Mandić, M. Bernard Marquet, M. Félix Müri, Mme Christine
Muttonen, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska,
M. Zoran Petreski, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin
Preda, Mme Vjerica Radeta, Mme Maria Pilar Riba Font, M. Walter
Riester, M. Nicolae Robu, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek Saar,
M. Maurizio Saia (remplaçant: M. Giacomo Stucchi),
M. Fidias Sarikas, M. Ellert Schram, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela
Šojdrová, Mme Arũné Stirblyté, M. Oreste Tofani, M. Mihai Tudose, M. Oleg
Tulea, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, M. Luca Volonte’, M. Victor Yanukovych,
M. Valdimir Zkidkikh, Mme Naira Zohrabyan.
N.B.: Les noms des membres qui ont participé à la réunion
sont indiqués en gras