1. Introduction
1. Le présent rapport a été conçu en réponse aux recommandations
du rapport de la Commission mondiale sur les migrations internationales
intitulé «Les migrations dans un monde interconnecté: nouvelles perspectives
d’action», qui a été publié en 2005 à l’initiative du Secrétaire
général des Nations Unies de l’époque, Kofi Annan, en vue de l’établissement
de lignes directrices sur l’action publique en ce domaine qui soient
à la hauteur des enjeux posés par les migrations internationales
dans le contexte de la mondialisation.
2. Le rapport de la commission mondiale recensait six grands
axes d’intervention – la gestion des migrations du travail, le renforcement
de l’impact des migrations internationales sur l’économie et le développement,
le traitement des migrations irrégulières, le renforcement de la
cohésion sociale par le biais de l’intégration, la protection des
droits des migrants, et l’amélioration de la gouvernance au moyen
de la cohérence, du renforcement des capacités et de la coopération
– qui nécessitent une action aux niveaux mondial, régional et national.
3. Cinq ans après la publication du rapport de la commission
mondiale, il convient d’établir un bilan des activités du Conseil
de l’Europe dans les domaines susmentionnés en analysant les résultats
obtenus et en dégageant des pistes pour l’avenir. On trouvera dans
les chapitres ci-dessous un certain nombre de recommandations qui
devraient amener le Conseil de l’Europe à fixer des priorités pour
le traitement des questions relatives aux migrations et à l’asile.
En outre, en proposant un cadre d’action pour les demandeurs d’asile
et les réfugiés, ce rapport examine aussi le plan d’action en dix
points du HCR sur la protection des réfugiés et les mouvements migratoires
mixtes. Il prend en compte également la situation des personnes déplacées
et le rôle du Conseil de l’Europe à cet égard.
4. Compte tenu de l’élargissement de l’Union européenne et des
efforts entrepris par cette dernière pour normaliser ses politiques
d’immigration et d’asile à l’aide du Pacte européen sur l’immigration
et l’asile, et de la politique européenne de voisinage, la question
est parfois posée de savoir si le Conseil de l’Europe doit effectivement
s’occuper de ces sujets. Le présent rapport montre que les deux
institutions européennes disposent de compétences propres bien distinctes
et remplissent des rôles complémentaires à l’égard des divers enjeux
que les questions de migrations et d’asile représentent pour les
sociétés européennes, même si ces compétences et ces rôles devraient
être mieux coordonnés. En conséquence, tout en envisageant les politiques
et actions que le Conseil de l’Europe pourrait mener à l’avenir
dans ce domaine, le présent rapport examinera en parallèle l’action
proposée dans le programme de Stockholm de l’Union européenne «Une Europe
ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens», qui définit les
grandes orientations de l’Union pour 2010-2014 dans les domaines
de la liberté, de la sécurité et de la justice, y compris en matière
de migrations et d’asile.
5. Il va sans dire que le Conseil de l’Europe doit focaliser
son travail sur les domaines dans lesquels il dispose d’un avantage
comparatif et peut apporter une valeur ajoutée. Le rapporteur se
félicite à cet égard du vaste programme de réforme lancé récemment
par le nouveau Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et exprime
l’espoir que les recommandations que l’Assemblée formulera à la
suite du présent rapport fourniront la trame d’un projet de rationalisation
des activités du Conseil de l’Europe dans le domaine des migrations,
de l’asile et des personnes déplacées.
6. Intrinsèquement liées aux problèmes mondiaux importants comme
le développement, la croissance économique, la pauvreté et les droits
de l’homme, les migrations posent de graves défis. Certains migrants sont
soumis à l’exploitation et leurs droits fondamentaux sont bafoués;
l’intégration dans les pays d’accueil est parfois difficile; les
Etats ne sont pas toujours en mesure d’attirer les migrants dont
ils ont besoin et s’ouvrent aux migrations irrégulières. De plus,
les migrations privent parfois les pays d’origine de compétences importantes.
Pour toutes ces raisons, et d’autres encore, les 47 Etats membres
du Conseil de l’Europe ne peuvent ignorer les questions se rapportant
aux migrations. Il importe que tous ces Etats travaillent ensemble, en
tant que partenaires égaux, à traiter les enjeux actuels liés aux
migrations.
7. Lors de la préparation du présent rapport, le rapporteur a
envoyé un questionnaire à l’ensemble des directions et services
du Conseil de l’Europe travaillant dans le domaine des migrations
et de l’asile et a effectué une visite d’information à Strasbourg
les 23 et 24 mars 2009 pour discuter avec les parties intéressées.
Le rapporteur remercie tous ceux qui, au sein de l’Organisation,
lui ont communiqué des informations pour l’élaboration de ce rapport,
que ce soit par écrit ou en se rendant disponibles pour des échanges
de vues.
2. Principaux
défis en matière de migration et d’asile du point de vue du Conseil
de l’Europe
8. Le continent européen a toujours connu des mouvements
migratoires. Initialement point de départ de mouvements migratoires,
l’Europe est aujourd’hui clairement un continent hôte. Elle accueille
la plupart des migrants: plus d’un tiers des migrants du monde y
vivent, ce qui représente environ 9 % de la population totale de
l’Europe
,
avec des écarts très marqués selon les pays ou les régions.
9. Les mouvements migratoires continuent à modeler l’Europe,
bien que les pressions migratoires évoluent. L’aire du Conseil de
l’Europe comprend des pays d’origine, de transit et de destination,
un nombre croissant de pays remplissant conjointement les trois
fonctions. Beaucoup de pays qui n’étaient pas traditionnellement
des pays de destination le sont devenus, et il est de plus en plus
important pour l’Europe de disposer d’une politique cohérente de
l’immigration afin d’attirer les migrants dont elle a besoin, de
les intégrer pleinement et de lutter contre les migrations irrégulières.
10. Les migrations à destination de l’Europe sont inévitables:
les disparités démographiques, les moyens de transport, l’intégration
économique régionale et les écarts de revenus entre le monde développé
et le monde en voie de développement sont autant de facteurs qui
favorisent la mobilité vers l’Europe. Cette mobilité va sans doute
continuer à s’accroître en prenant des formes multidirectionnelles
et circulaires, qui se substitueront aux flux à sens unique qui
prédominaient auparavant.
11. Les frontières intérieures de l’Europe et celles de l’Union
européenne sont des frontières poreuses, en dépit des efforts de
l’Union européenne et de son agence aux frontières extérieures,
Frontex. Les migrations irrégulières sont en pleine expansion. Il
y aurait aujourd’hui entre 5 et 6 millions de migrants irréguliers
dans les pays de l’Union et quelque 500 000 arrivants entreraient
chaque année illégalement sur le territoire de l’Union.
12. L’absence de voies légales de migration appropriées a également
conduit à la multiplication des réseaux de traite et d’immigration
clandestine, réseaux qui sont par nature dangereux et fondés sur
l’exploitation. Malgré les efforts déployés par l’Union européenne
et les gouvernements de plusieurs pays européens pour lutter contre
les migrations irrégulières, ces 5 ou 6 millions de migrants irréguliers
ne pourront pas tous faire l’objet de retours forcés ou volontaires.
Que faire de ces personnes? Cette question, qui touche aux principes de
l’Etat de droit et aux droits de l’homme, reste un défi majeur pour
l’Europe.
13. Les flux migratoires présentent aussi un caractère de plus
en plus complexe et composite. Ils englobent aussi bien des migrants
irréguliers que des personnes à la recherche d’une protection internationale,
qui empruntent souvent les mêmes itinéraires, moyens de transport
ou réseaux de passeurs et de trafiquants. Les Etats ont répondu
aux défis posés par ces mouvements migratoires mixtes et irréguliers
principalement par un renforcement des mesures de contrôle, souvent
en négligeant d’incorporer dans les procédures – comme l’interception
en mer, les contrôles frontaliers, la rétention ou le renvoi vers
le pays d’origine – des sauvegardes et mesures de protection suffisantes.
14. L’augmentation de la demande en travailleurs migrants de sexe
féminin est telle que les femmes sont de plus en plus incitées à
aller chercher du travail à l’étranger. Aujourd’hui, la moitié des
migrants internationaux sont des femmes, qui laissent souvent leurs
enfants et leurs familles derrière elles. En Europe, bon nombre
d’entre elles sont employées dans le secteur du travail domestique.
Elles ont pour la plupart des conditions de travail précaires et
sont souvent en situation irrégulière. Elles sont particulièrement
exposées à la violence, à l’exploitation et à la traite et ont besoin
de toute urgence d’une protection renforcée.
15. D’une manière générale, en dépit de la ratification par les
Etats membres du Conseil de l’Europe d’un grand nombre de traités
internationaux et européens garantissant le respect des droits de
l’homme et la dignité des personnes placées sous leur juridiction,
trop de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés sont victimes
de discriminations, d’exploitation et d’abus. Ils restent parmi
les membres les plus vulnérables de la société. Pour les migrants
en situation irrégulière, l’accès aux droits se heurte à des difficultés
particulières en cas de rétention, d’expulsion ou de renvoi vers
leur pays d’origine. Demander l’asile est devenu de plus en plus difficile
dans le contexte des flux migratoires mixtes. Les migrants sont
souvent la cible de discours haineux, de harcèlements et de violences.
Ils sont souvent rendus injustement responsables de la criminalité
et des difficultés économiques et subissent une discrimination largement
répandue
.
16. Il existe manifestement un décalage entre la perception du
public et la réalité, décalage qui tient en grande partie aux migrations
irrégulières. De ce fait, l’intégration des migrants et des réfugiés
dans la société est un enjeu majeur pour l’Europe. C’est aussi l’une
des raisons pour lesquelles il est si important de ne pas parler
uniquement des droits des migrants mais aussi de leurs obligations.
En outre, le fait que les questions d’immigration soient souvent
abordées sous l’angle de la sécurité publique, dans un cadre assimilant
les migrants aux criminels, ne favorise pas l’intégration des migrants
et des réfugiés et crée un climat propice à la xénophobie, au racisme
et à l’intolérance. Par ailleurs, cela empêche les migrants d’accéder
aux services essentiels et met gravement en danger leur santé, leur
sécurité et leurs droits.
17. Dans ce contexte, le véritable défi pour les hommes politiques
et les décideurs est de parvenir à envisager les flux migratoires
et la présence des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés
sur leur territoire sous un jour nouveau. Ce changement de perspective
s’impose d’autant plus face à la crise économique mondiale actuelle,
qui aggrave la vulnérabilité des migrants; ils en sont souvent les
premières victimes et les plus gravement touchées. Les crises antérieures
ont montré que la limitation de l’immigration constitue une réponse
inefficace. L’évolution démographique et l’intégration économique
croissante pèsent sur les besoins en matière d’emploi et de mobilité.
18. Cela étant dit, le Conseil de l’Europe en tant qu’organe essentiel
de protection des droits de l’homme dans toute l’Europe a un rôle
particulier à jouer dans la défense des droits fondamentaux et la
protection du bien-être de tous les migrants, demandeurs d’asile
et réfugiés, quels que soient les raisons de leur déplacement ou
leur statut dans le pays d’accueil, puisqu’ils sont tous exposés
au risque d’exploitation et d’abus. Bien que l’Union européenne
réaffirme sans cesse que les politiques d’immigration et d’asile
doivent être conformes aux normes des droits de l’homme et respecter
la dignité humaine, ses politiques sont plus axées sur les processus
qui permettent de protéger le marché commun intérieur que sur les
personnes, c’est-à-dire les migrants, les demandeurs d’asile et
les réfugiés en tant que tels.
19. Le Conseil de l’Europe devrait, par contre, mettre explicitement
en avant sa volonté de placer les individus au cœur du problème
et poursuivre une approche des questions de migration et d’asile
fondée sur les droits de l’homme. Il devrait axer tout particulièrement
ses efforts sur le renforcement des droits des migrants, des réfugiés
et des demandeurs d’asile, en encourageant leur intégration effective.
Le Conseil de l’Europe devrait continuer à lutter contre la xénophobie
et les pratiques discriminatoires et s’attaquer aux représentations
négatives de ces personnes, en surveillant, le cas échéant, les
évolutions dans ce domaine. Ce faisant, il devrait coopérer avec
les organes pertinents de l’Union dans le cadre du mémorandum d’accord de
2007, afin de continuer à renforcer les normes de protection des
droits de l’homme dans les politiques d’immigration et d’asile de
l’Union.
20. Le Conseil de l’Europe ne doit pas non plus oublier que, sur
son territoire, 2,5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur
de leur pays du fait de conflits prolongés. Il est nécessaire de
relancer les efforts en vue d’un règlement politique de ces conflits
et de mettre en place des cadres légaux et normatifs solides pour permettre
aux personnes déplacées de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux,
améliorer leurs conditions de vie et leur donner la possibilité
de s’intégrer – même temporairement – sur leur lieu de déplacement
ou ailleurs dans le pays. L’incapacité persistante à s’attaquer
aux causes fondamentales de ces déplacements, l’impunité pour les
crimes commis et la non-prise en compte des intérêts des personnes déplacées
entraînent un risque politique grave, comme on l’a vu en août 2008,
lors de la guerre sur le territoire géorgien. Ces conflits non réglés
peuvent s’embraser de nouveau à tout moment et conduire à de nouveaux déplacements.
21. Enfin, le changement climatique, qui entraîne une dégradation
grave des conditions environnementales, des catastrophes naturelles
de plus en plus fréquentes et l’épuisement des ressources naturelles,
crée aussi de nouveaux défis et fait peser de nouvelles pressions
sur la mobilité humaine et la protection internationale, auxquels
il conviendrait de répondre à la fois aux niveaux mondial et régional.
La communauté mondiale doit prendre des mesures adéquates de prévention,
d’adaptation et d’atténuation des impacts afin de permettre aux
pays «sensibles» de réduire leur vulnérabilité aux conséquences
des catastrophes environnementales et de gérer l’évolution des processus
environnementaux. Le Conseil de l’Europe pourrait jouer un rôle
proactif à cet égard, en veillant à l’actualisation des cadres opérationnels
et de protection internationaux, afin qu’aucune catégorie de personnes
contraintes de fuir ou de partir à la recherche d’une vie plus sûre
ne soit privée d’une protection nationale ou internationale effective.
3. Activités du Conseil
de l’Europe dans les secteurs prioritaires recensés par le rapport
de la Commission mondiale sur les migrations internationales
3.1. Un monde de travail:
les migrants dans un marché du travail mondialisé
22. Afin de gérer les migrations internationales et les
migrants dans un marché de l’emploi de plus en plus mondialisé,
la commission mondiale invite les Etats et autres acteurs concernés
à tenir dûment compte de la tendance à l’accroissement des migrations
dans la formulation des politiques migratoires. Elle leur recommande
à cet égard de rechercher des approches plus réalistes et flexibles
des migrations internationales, fondées sur la reconnaissance de
la capacité des travailleurs migrants à combler certaines pénuries
sur le marché mondial du travail. Elle appelle à mettre en place
des programmes de migration temporaire permettant de répondre aux
besoins économiques des pays d’origine et de destination, et à passer en
revue les obstacles actuels à la mobilité du personnel hautement
qualifié. Elle juge en outre nécessaire de multiplier les efforts
visant à créer des emplois et des sources de revenus durables dans
les pays en développement, afin que leurs citoyens ne se sentent
pas contraints de migrer.
23. Le Conseil de l’Europe s’occupe depuis longtemps des questions
de gestion des migrations, notamment des voies légales de migration
de la main-d’œuvre et du statut du travailleur migrant, ainsi que
des problèmes croissants générés par le trafic de migrants en Europe.
En 1998, le Conseil de l’Europe a été la première organisation européenne
à engager un effort systématique de définition d’une stratégie de
gestion des flux migratoires en s’appuyant sur quatre principes
intégrés: l’organisation (afin d’optimiser les opportunités et avantages
pour les migrants individuels et les sociétés d’accueil et de minimiser
le trafic et les mouvements illégaux), la protection, l’intégration
et la coopération. Cette stratégie, qui faisait de la protection
des droits fondamentaux la base de la gestion des migrations, portait
en grande partie sur le renforcement de la coopération entre les
pays d’origine et de destination ainsi que sur la réussite de l’intégration
des populations immigrées, une attention particulière étant portée
au respect plein et entier des droits fondamentaux et de la diversité
des migrants.
24. La stratégie de gestion des flux migratoires du Conseil de
l’Europe est à l’origine de trois recommandations politiques du
Comité des Ministres portant sur l’admission, les droits et les
obligations des étudiants migrants, et la coopération avec les pays
d’origine (CM/Rec(2006)9), sur les projets de vie en faveur des
mineurs migrants non accompagnés (CM/Rec(2007)9 et sur le codéveloppement
et les migrants œuvrant au développement dans leur pays d’origine
(CM/Rec(2007)10). De plus, en 2006, le Comité européen sur les migrations
(CDMG) a publié un document de fond intitulé «Vers une stratégie
des flux migratoires: les enjeux pour les pays d’origine», qui contient
des indications détaillées sur les moyens d’établir un dialogue
mieux concerté entre pays de destination et pays d’origine (qu’il
s’agisse d’Etats membres ou de pays extérieurs à l’Europe).
25. La 8e Conférence du Conseil de
l’Europe des ministres responsables des questions de migration (Kiev, 4-5 septembre
2008) a recentré les objectifs de gestion des flux migratoires sur
la promotion et la protection des droits fondamentaux des migrants
et la garantie de leurs droits à l’égalité de traitement et à l’égalité
des chances, qui suppose de prêter une attention particulière aux
groupes de migrants vulnérables, le renforcement du dialogue et
de la coopération entre pays d’accueil, pays de transit et pays
d’origine, particulièrement à l’intérieur de l’Europe, et le développement
d’une plus grande cohérence entre migrations, développement et intégration
.
26. Ces objectifs ont pris la forme de deux programmes d’activités
pour 2009-2012
: «Renforcer l’autonomisation
des migrants et la cohésion sociale» et «Protéger les droits fondamentaux
et la dignité des migrants vulnérables». Le Conseil de l’Europe
s’est également beaucoup intéressé à la question du sort des mineurs
migrants non accompagnés. En 2007, le Comité des Ministres a adopté
une recommandation sur les projets de vie des mineurs migrants non
accompagnés (CM/Rec(2007)9) visant à développer les capacités des mineurs
en leur permettant d’acquérir et de renforcer les compétences nécessaires
pour devenir indépendants, responsables et actifs dans la société.
27. Le rapporteur se félicite du travail mené pour le développement
de la stratégie de gestion des migrations du Conseil de l’Europe,
stratégie qui a évolué avec les priorités du moment. Elle considère
que la tâche première du Conseil de l’Europe est de veiller à ce
que les flux migratoires et les politiques en ce domaine ne conduisent
pas à des violations des droits de l’homme. Cela présuppose le respect
de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que des
articles 18 et 19 de la Charte sociale européenne révisée vis-à-vis
de toutes les personnes en déplacement, à toutes les étapes de leur
déplacement, quel que soit leur statut légal.
28. Le rapporteur note aussi avec satisfaction le travail réalisé
par le CDMG dans le cadre de l’approche intégrée des migrations
économiques, de la cohésion sociale et du développement, adopté
lors de la Conférence ministérielle de Kiev en 2008, qui a pour
ambition de réunir les pays d’origine, de transit et de destination
par le dialogue et autour d’initiatives conjointes de développement,
ce qui constitue sans aucun doute la meilleure base de coopération
dans un continent aussi divers que l’Europe.
29. Pour assurer à la stratégie de gestion des flux migratoires
un caractère durable, il importe de créer tout d’abord des voies
légales de migration (c’est-à-dire la possibilité pour les entreprises
de recruter directement) qui tiennent compte des besoins véritables
des sociétés en termes démographiques et de main-d’œuvre hautement
ou peu qualifiée. L’Europe doit définir clairement ses besoins et
identifier les migrants qu’elle doit chercher à attirer. Ces besoins
peuvent être établis au moyen de politiques ciblées, flexibles et
pouvant s’adapter à des situations qui évoluent.
30. La tâche, cependant, n’est pas facile. L’Union européenne
s’efforce depuis des années d’établir un cadre général durable pour
la politique européenne des migrations et d’asile, dans un but de
gestion proactive des fluctuations des flux migratoires, d’équilibre
et de coopération. Le programme de Stockholm 2010-2014 met fortement
l’accent sur le renforcement du dialogue et des liens de partenariat
entre l’Union et les pays tiers, en intégrant la question des migrations
à la politique extérieure de l’Union. En outre, avec le Pacte européen sur
l’immigration et l’asile adopté l’an dernier en tant qu’élément
de la future politique commune de migration et d’asile, les Etats
membres se sont engagés à organiser l’immigration légale en tenant
compte des priorités, des besoins et des capacités d’accueil des
Etats membres, et à renforcer le contrôle de l’immigration irrégulière par
le renvoi ou la réadmission dans les pays d’origine ou de transit.
Ce pacte prévoit aussi le renforcement de l’efficacité des contrôles
frontaliers, l’établissement d’une procédure d’asile commune et
la mise en place d’un statut uniforme pour les personnes qui obtiennent
la protection internationale. Ces objectifs sont extrêmement ambitieux.
31. Néanmoins, dans l’optique du Conseil de l’Europe, les politiques
de l’Union présentent certaines limites sur lesquelles l’Organisation,
avec ses 47 Etats membres, ne doit pas fermer les yeux mais chercher
au contraire à coopérer étroitement avec l’Union afin de compléter
les politiques paneuropéennes par ses activités propres.
32. Dans sa
Recommandation
1624 (2003) sur la politique commune en matière de migration et
d’asile, l’Assemblée parlementaire soulignait qu’une politique commune
au sein de l’Union pourrait aboutir à des écarts considérables entre
pays membres et non membres de l’Union, les Etats membres s’engageant
dans une certaine direction tandis que les Etats non membres suivraient
chacun leur propre voie. Cela nuirait au renforcement de l’unité
entre les Etats membres du Conseil de l’Europe, qui constitue un
objectif fondamental de ce dernier.
33. Afin de parvenir à la création d’un espace européen où les
migrants et les personnes ayant besoin de protection bénéficient
d’un traitement conforme aux droits de l’homme et au principe de
la prééminence du droit, il convient tout particulièrement de continuer
à développer une approche permettant d’intégrer les droits de l’homme
dans les politiques de migration et d’asile à l’échelon national
et européen, en harmonisant ces politiques non seulement au niveau
de l’Union, mais aussi dans l’ensemble de l’espace du Conseil de
l’Europe. Cette approche devrait prendre en compte les préoccupations
en matière de droits de l’homme à toutes les étapes des procédures,
y compris le départ, l’interception en mer, les contrôles aux frontières,
les dispositifs de contrôle des migrations irrégulières, la rétention
et le retour. Le Conseil de l’Europe est bien placé pour mener à
bien cette tâche.
34. Action recommandée: Au
vu de ce qui précède, le rapporteur propose que le Conseil de l’Europe continue
à s’appuyer dans son travail sur les orientations définies en 2005
lors du 3e Sommet des chefs d’Etat, et
en 2008 lors de la Conférence ministérielle de Kiev, et établisse
une stratégie commune spécifique à moyen terme sur les migrations,
l’asile et les déplacements de population en Europe, incluant des
normes minimales à appliquer par tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe, indépendamment de leur appartenance ou non à d’autres
organisations internationales, et sous réserve de l’existence de
dispositions plus favorables dans certains Etats membres. Cette
stratégie commune viserait:
- à
renforcer l’application de la base conventionnelle des instruments
juridiques internationaux existants applicables aux migrants et
aux demandeurs d’asile, comme la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5), la Convention
du Conseil de l’Europe sur le statut du travailleur migrant (STE no 93),
la Convention de l’ONU de 1990 sur la protection des droits des
travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention
de l’OIT de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (STE no 97),
la Convention de l’OIT de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions
complémentaires) (STE no 143) et la Convention
de Genève de 1951 sur les réfugiés;
- à élaborer, le cas échéant, de nouvelles normes afin d’améliorer
la protection des droits de l’homme des migrants, des demandeurs
d’asile, des réfugiés et des personnes déplacées dans leur pays
à toutes les étapes importantes de leur déplacement;
- à développer les voies légales de migration par la promotion
de programmes de migration temporaire et circulaire;
- à améliorer l’intégration des migrants et des réfugiés
dans la société, notamment par la mise en valeur du respect de la
diversité culturelle et la lutte contre la discrimination, la xénophobie,
l’intolérance et le racisme;
- à promouvoir la cohérence entre migrations, développement
et intégration.
3.2. Migration et développement:
réaliser le potentiel de la mobilité humaine
35. S’agissant des questions de migration et de développement,
le rapport de la commission mondiale recommande aux Etats et aux
parties prenantes: de développer les liens de coopération entre
pays riches ou pauvres en main-d’œuvre afin de promouvoir le développement
d’un réservoir mondial de professionnels; de faciliter les envois
de fonds des personnes travaillant hors de leur pays à l’aide de
systèmes de virement plus simples et moins coûteux et en combinant
l’investissement de ces fonds avec les politiques macroéconomiques
des pays d’origine; d’encourager les diasporas à promouvoir le développement
en économisant et en investissant dans leur pays d’origine et en
participant à des réseaux de savoir transnationaux; de formuler
des politiques et des programmes permettant d’optimiser l’impact
des retours et des migrations circulaires sur le développement.
36. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle significatif au niveau
mondial dans la promotion de solutions nouvelles aux problèmes de
développement et de codéveloppement. En 2007, le CDMG a apporté
sa contribution au Forum mondial sur la migration et le développement
en publiant un document sur les migrations et les diasporas
.
Les recommandations du Comité des Ministres sur le codéveloppement
et les migrants œuvrant au développement dans leur pays d’origine
(CM/Rec(2007)10) et sur l’admission, les droits et obligations des
étudiants migrants et la coopération avec les pays d’origine (CM/Rec(2006)9)
méritent également d’être prises en compte dans la discussion sur
les liens entre migrations et développement.
37. En 2008, la déclaration finale de la Conférence ministérielle
de Kiev a défini des mesures spécifiques visant à renforcer la contribution
des migrants et des diasporas au développement dans les pays d’origine
et de destination, et leur participation à des programmes de codéveloppement.
Ces mesures comprennent notamment: l’élaboration de mesures visant
à contrer les effets, dans les pays d’origine, de la perte des compétences
des migrants, l’incitation à investir dans l’éducation et la formation
dans les pays d’origine, la facilitation des transferts de capitaux,
des compétences et des technologies par les migrants vers leur pays d’origine
et le renforcement des initiatives de codéveloppement et du rôle
des diasporas de migrants en tant qu’acteurs du développement dans
les relations internationales.
38. En 2009, l’Assemblée parlementaire a adopté la
Résolution 1696 et la
Recommandation
1890 sur l’engagement des diasporas européennes: le besoin
de réponses gouvernementales et intergouvernementales, appelant
les Etats membres à élaborer des politiques de l’immigration globales
qui considèrent les diasporas comme des vecteurs du développement,
à promouvoir le rôle institutionnel des diasporas par la voie du
dialogue et de consultations régulières et à mettre en place des
mesures d’incitation à l’intention des communautés ou représentants
de diasporas prêts à s’engager dans le développement de leur pays
d’origine.
39. Action recommandée: Etant
donné le rôle joué jusqu’ici par le Conseil de l’Europe vis-à-vis
des politiques en ce domaine, nonobstant les ressources limitées
dont dispose l’Organisation pour traiter ces questions, le rapporteur
pense qu’il serait utile d’intégrer les questions de développement
dans la stratégie commune à moyen terme proposée en matière de migrations,
d’asile et de déplacement de population, mais avec un mandat limité
couvrant uniquement certains aspects du développement et du codéveloppement,
la formation et la promotion des migrations circulaires. Un surcroît
d’attention devrait aussi être accordé au resserrement des liens
avec les diasporas européennes, d’une part via la création d’un
conseil des Européens à l’étranger, comme l’a suggéré l’Assemblée
parlementaire à plusieurs reprises
,
et, d’autre part, par l’harmonisation des mesures de type incitatif,
en particulier la facilitation des envois de fonds et l’institutionnalisation
des relations entre les Etats membres et leurs diasporas.
3.3. Le défi des migrations
irrégulières: souveraineté nationale et sécurité des individus
40. Les migrations irrégulières sont un problème extrêmement
complexe dû à la fois à l’absence d’emplois et d’autres opportunités
dans les pays d’origine (facteurs d’incitation) et à la demande
de main-d’œuvre bon marché et flexible dans les pays de destination
(facteurs d’attraction). L’augmentation des migrations irrégulières
depuis plusieurs années tient aussi à l’absence de possibilités
de migration légale; elle est en outre facilitée par les réseaux
criminels qui tirent profit du transport illégal de migrants et
de la traite des êtres humains. Le développement des communautés
«diasporiques» et des réseaux sociaux transnationaux favorise également
le déplacement des individus d’un pays à l’autre sous des formes
illégales.
41. La lutte contre les migrations irrégulières est aujourd’hui
certainement l’une des tâches les plus difficiles pour les pays
européens. Le droit souverain des Etats à décider qui peut entrer
et séjourner sur leur territoire est solidement établi, mais le
fait d’être entré dans un pays en enfreignant la législation sur
l’immigration ne peut justifier que les migrants soient privés de
leurs droits fondamentaux, tels que prévus par les instruments des
droits de l’homme, et n’affecte aucunement l’obligation pour un
Etat de protéger les migrants en situation irrégulière. Aux termes
des traités et du droit coutumier existants, les Etats sont soumis
à l’obligation minimale de faire respecter les droits fondamentaux
de tout être humain.
42. Outre qu’elles soulèvent une question de protection, les migrations
irrégulières constituent un problème particulièrement sensible qui
tend à polariser l’opinion en opposant fréquemment ceux que préoccupent
le contrôle des frontières et la sécurité nationale à ceux dont
le souci principal est la protection des droits de l’homme des migrants
concernés. Dans le discours politique et dans celui des médias,
les migrations irrégulières sont souvent décrites comme un danger
pour l’Etat. Lorsqu’elles impliquent des activités de corruption
et de criminalité organisée, les migrations irrégulières peuvent
effectivement devenir un danger pour la sécurité publique. Cela
est particulièrement vrai lorsque l’entrée illégale dans un pays
est facilitée par des passeurs ou des trafiquants d’êtres humains
ou lorsque des groupes criminels luttent entre eux pour le contrôle du
travail des migrants après leur arrivée dans le pays. L’arrivée
dans un pays d’un nombre important de migrants irréguliers et de
demandeurs d’asile peut poser un défi grave aux capacités de l’Etat
à gérer ce type de situation. En cas de forte attention de la part
des médias, les migrations irrégulières peuvent aussi miner la confiance
du public dans l’intégrité et l’efficacité des politiques de migration
et d’asile de l’Etat. Les migrations irrégulières peuvent donc affaiblir
l’Etat et nuire à sa capacité à développer des voies de migration
légale.
43. Les migrations irrégulières peuvent également mettre en danger
la sécurité individuelle des migrants eux-mêmes. On estime que 2 000
migrants meurent chaque année en tentant de traverser la Méditerranée
de l’Afrique vers l’Europe. En outre, de par leur situation illégale,
les migrants irréguliers vivent dans une insécurité permanente et
sont exposés à toutes sortes de risques, notamment l’exploitation
et l’expulsion. Dans la plupart des pays, ils sont aussi exclus
de l’ensemble des services qui leur sont effectivement offerts,
y compris les soins de santé d’urgence, ou ont beaucoup de mal à
y accéder.
44. En cherchant de quelle façon répondre aux défis ci-dessus,
la commission mondiale a recensé cinq domaines dans lesquels les
Etats et d’autres parties prenantes pourraient engager des efforts
particuliers. Ces domaines sont les suivants: l’ouverture d’un débat
objectif sur les effets négatifs des migrations irrégulières et sur
leur prévention; une meilleure prise en compte des droits de l’homme
dans le dialogue et la coopération interétatiques; la création de
possibilités supplémentaires de migration légale et la répression
des employeurs qui embauchent des migrants en situation irrégulière;
la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains;
et le respect des droits de l’homme des migrants, de la procédure
d’asile et des principes de protection des réfugiés.
45. En tant que principale organisation intergouvernementale des
droits de l’homme sur le continent européen, le Conseil de l’Europe
a un rôle particulier à jouer dans la promotion des droits des migrants irréguliers,
même si cela est politiquement difficile. Ces droits couvrent notamment
la dignité humaine, l’intégrité physique ainsi que la sécurité,
la protection à l’égard du racisme et de la discrimination, et les
droits sociaux minimaux.
46. Parmi les travaux réalisés dans ce domaine, les contributions
les plus pertinentes à ce jour sont les 20 principes directeurs
sur le retour forcé (CM(2005)40addfinalE), adoptés en 2005 par le
Comité des Ministres sur recommandation de l’Assemblée parlementaire,
et les projets de vie en faveur des mineurs migrants non accompagnés
(CM/Rec(2007)9), qui visent à encourager la conception et la mise
en œuvre de projets durables pour le retour et la réintégration
des enfants. Pendant les dernières années, l’Assemblée parlementaire
a adopté plusieurs résolutions et recommandations sur les droits
des migrants irréguliers et, en particulier, l’arrivée massive de
migrants irréguliers, les boat people, le
trafic, l’exploitation des migrants irréguliers, les programmes
de régularisation, les programmes de retour, la légalité de la rétention
et les normes minimales concernant les conditions de rétention des
migrants irréguliers. Ces questions, ainsi que d’autres connexes,
sont aussi des sujets de préoccupation du Commissaire aux droits
de l’homme, du Comité européen pour la prévention de la torture
(CPT), du Comité européen sur les migrations (CDMG) et d’autres organes
intergouvernementaux du Conseil de l’Europe.
47. D’autres documents méritent d’être mentionnés à cet égard:
en 2006, la Direction générale de la cohésion sociale a publié l’étude
«Migrants irréguliers: accès aux droits sociaux minimaux», dans
laquelle elle a formulé différentes recommandations sur la prestation
de services dans les domaines du logement, de l’éducation, de la
sécurité sociale et de l’aide sociale, ainsi que sur les conditions
équitables d’emploi et la régularisation. En 2008, le CDMG a, pour
sa part, publié deux séries de rapports sur les politiques nationales relatives
aux migrants irréguliers en vue d’identifier les meilleures normes
et les moyens les plus efficaces d’améliorer la coopération entre
pays d’origine et pays d’accueil. Les conclusions de cette étude
des politiques nationales n’ont pas encore été rendues publiques
à ce jour. Plus récemment, le Commissaire aux droits de l’homme
a publié un document intitulé «La criminalisation des migrations
en Europe: quelles incidences pour les droits de l’homme?», qui
appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à inverser la tendance croissante
à criminaliser les migrations et à adopter une approche conforme
aux droits de l’homme à l’égard des migrations irrégulières.
48. Le rapporteur est néanmoins d’avis que le Conseil de l’Europe
n’a pas encore exploité pleinement son potentiel pour ce qui est
de la fixation et de la mise en œuvre de normes pour le traitement
des migrants en situation irrégulière. Elle partage les préoccupations
exprimées par le Commissaire aux droits de l’homme à propos du développement
et de la mise en œuvre de la politique d’immigration de l’Union
européenne, et notamment des procédures applicables au contrôle
des frontières, à la rétention et au retour des migrants irréguliers,
conformément au programme de Stockholm.
49. Action recommandée: Le
rapporteur juge important que le Conseil de l’Europe adopte une
position proactive – comme il l’a fait à maintes reprises dans le
passé – et développe ses propres normes communes et des principes
d’action audacieux afin de garantir que le traitement des migrants
irréguliers est effectivement fondé sur des droits. Ces normes et
principes devraient comprendre:
- des
règles applicables à la rétention des migrants irréguliers, sur
le modèle des Règles pénitentiaires européennes, des lignes directrices
sur les programmes de retour volontaire concernant les migrants irréguliers
et les demandeurs d’asile, des dispositions de sauvegarde des droits
de l’homme dans les accords de réadmission et des mesures de protection
des droits de l’homme au passage des frontières;
- l’engagement d’inverser la tendance actuelle à la criminalisation
des migrations;
- la prise en compte des besoins de protection spécifiques
des catégories les plus vulnérables – comme les mineurs non accompagnés,
les enfants de migrants irréguliers et les femmes, en particulier
les victimes de la traite – qui devraient être considérées comme
des victimes et non comme des migrants irréguliers;
- l’amélioration de l’accès aux droits sociaux; à cet égard,
la Charte sociale européenne révisée devrait être actualisée afin
de préciser que les migrants irréguliers doivent avoir accès aux
droits minimaux garantissant le respect de la dignité humaine;
- la régularisation des migrants irréguliers: les migrants
irréguliers ne peuvent pas tous être forcés à retourner dans leur
pays ou n’y retourneront pas tous volontairement. Il est donc essentiel
de définir l’attitude à adopter à l’égard des millions de migrants
irréguliers restants et d’examiner les options existantes pour régulariser
leur situation (soit à l’aide de programmes ponctuels de régularisation,
soit par la voie des demandes individuelles ou d’autres méthodes)
et/ou de garantir à ces personnes au moins certains droits minimaux.
50. Le rapporteur invite aussi le CDMG à présenter, dès que possible,
les conclusions de l’analyse des politiques nationales relatives
aux migrants irréguliers, dans un but de mise en commun des pratiques exemplaires.
51. Le rapporteur reconnaît la nécessité de trouver des dispositifs
permettant de réduire les migrations irrégulières et de renvoyer
les migrants irréguliers dans leur pays d’origine. Parallèlement
aux questions de protection des droits de l’homme, le Conseil de
l’Europe devrait examiner aussi les moyens de soutenir les accords
de réadmission et de les rendre plus efficaces, tout en garantissant
le respect des droits de l’homme. Le rapporteur juge en outre importantes
la tenue d’un débat ouvert entre pays d’origine, de transit et de destination
sur les causes essentielles des migrations irrégulières, et la définition
de programmes de formation et de soutien à l’intention des personnes
qui sont en contact direct avec les migrants en situation irrégulière.
52. Afin d’examiner effectivement ces différents aspects, le rapporteur
propose la mise en place d’un projet transversal spécifique du Conseil
de l’Europe consacré aux enjeux des migrations irrégulières ou, éventuellement,
de traiter ces questions dans le cadre d’un projet transversal plus
large sur les migrants, les demandeurs d’asile et les personnes
déplacées dans les sociétés européennes.
a. Migration irrégulière et asile
53. Le rapport de la commission mondiale n’examine pas spécifiquement
la question de l’asile comme telle; il évoque cependant l’asile
en relation avec les flux migratoires mixtes et le risque d’une
assimilation de la question de l’asile à celle des migrations irrégulières,
qui aboutirait à mettre en danger les droits des personnes qui cherchent
à obtenir le statut de réfugié.
54. D’importants liens existent effectivement entre migrations
irrégulières et asile: premièrement, les mouvements en provenance
d’un pays peuvent inclure à la fois des personnes qui répondent
aux conditions d’accès à l’asile et d’autres qui n’y répondent pas,
surtout lorsque le pays en question est affecté simultanément par
des violations des droits de l’homme, un conflit armé, l’instabilité
politique et un effondrement de l’économie. Deuxièmement, un grand
nombre de demandeurs d’asile se déplacent de manière illégale, souvent
en se servant de réseaux de trafic de migrants, car ils ne peuvent
obtenir les papiers nécessaires pour voyager légalement. Troisièmement,
certains migrants n’ayant manifestement pas besoin d’une protection
internationale déposent néanmoins une demande d’asile à leur arrivée
dans un pays afin de prolonger au maximum le délai au terme duquel
ils peuvent faire l’objet d’une décision de rapatriement. Enfin, les
migrants qui quittent leur pays pour des raisons économiques peuvent
tomber dans le dénuement et se trouver exposés à des violations
des droits de l’homme lorsqu’ils sont en transit et nécessiter protection
et assistance, même s’ils n’ont pas de motifs valables pour prétendre
au statut de réfugiés.
55. Comme le souligne la commission mondiale, l’institution de
l’asile ne devrait pas être remise en cause par les efforts qu’engagent
les Etats pour enrayer les migrations irrégulières. L’article 31
de la Convention de l’ONU de 1951 sur les réfugiés stipule que ces
derniers ne peuvent faire l’objet de sanctions pénales du fait de leur
entrée ou de leur séjour irréguliers dans le pays, sous réserve
qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des
raisons reconnues valables pour justifier leur entrée ou leur séjour
irréguliers. Préoccupée par le statut indéterminé qui est fréquemment
celui des demandeurs d’asile pendant des mois et parfois des années
du fait de l’arriéré des dossiers à traiter, la commission appelle
instamment tous les Etats à mettre en place des procédures rapides,
équitables et efficaces pour statuer sur l’octroi du statut de réfugié.
Dans les situations d’arrivées en masse, elle recommande aux Etats
d’examiner la possibilité d’accorder de prime abord le statut de
réfugié aux nouveaux arrivants.
56. Il existe actuellement de grandes disparités dans la manière
dont les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe accueillent les
réfugiés et les demandeurs d’asile, tiennent compte de leurs besoins
en matière de protection et traitent leurs demandes. Tout en se
félicitant du projet de l’Union européenne, qui prévoit la mise en
place d’un système européen commun d’asile (SECA) dans les 27 Etats
membres d’ici à 2012 et d’un bureau européen d’appui en matière
d’asile (European Asylum Support Office, EASO) en 2010, le rapporteur considère
essentiel d’assurer l’harmonisation des règles d’asile et de veiller
à leur application systématique dans tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe.
57. Reconnaissant la qualité et la cohérence des décisions d’asile
comme un enjeu majeur dans les Etats membres du Conseil de l’Europe,
l’Assemblée parlementaire a adopté récemment une résolution (
Résolution 1695 (2009)) et une recommandation (
Recommandation 1889 (2009)) à ce sujet. Elle souligne que les très faibles taux
d’acceptation des demandes d’asile dans certains pays ou pour certains
groupes de demandeurs d’asile sont dus à différents problèmes comme
les difficultés à accéder à la procédure d’asile, l’insuffisance des
garanties procédurales, des interprétations restrictives et divergentes
des critères d’éligibilité, un manque d’informations objectives
et fiables sur le pays d’origine, un défaut d’appréciation des faits,
des pressions politiques ou un manque de formation du personnel.
L’Assemblée invite le Comité des Ministres à élaborer des lignes
directrices pour remédier aux difficultés soulignées ci-dessus.
58. Au fil des années, le Comité des Ministres a adopté un certain
nombre de normes paneuropéennes, entre autres des recommandations
couvrant la formation des fonctionnaires en charge des procédures
d’asile, la rétention des demandeurs d’asile, le retour des demandeurs
d’asile déboutés ainsi que la protection subsidiaire et temporaire
.
59. La protection des demandeurs d’asile en Europe a été tout
particulièrement renforcée par l’exécution de la Convention européenne
des droits de l’homme et notamment de son mécanisme (Règle 39 –
Mesures provisoires) visant à empêcher l’extradition des personnes
susceptibles de subir un traitement contraire à la Convention européenne
des droits de l’homme. Cette mesure est contraignante pour l’ensemble
des Etats membres; sa non-application constitue une violation des
obligations internationales de l’Etat en matière de droits de l’homme
et une atteinte au principe de non-refoulement prévu dans le droit
d’asile.
60. L’augmentation rapide des requêtes invoquant la Règle 39 soumises
à la Cour européenne des droits de l’homme (concernant le plus souvent
des mesures d’expulsion/d’extradition) est particulièrement préoccupante.
Ce nombre est passé d’environ 1 000 en 2007 à plus de 3 000 en 2008
et à 2 083 en 2009 (dont 621 ont été satisfaites). Toutefois, cela
ne constitue que la partie visible de l’iceberg compte tenu du nombre de
requêtes potentielles; la Cour et le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe devront par conséquent examiner les mesures à prendre
pour traiter au mieux l’afflux croissant de ces requêtes. L’Assemblée
prépare actuellement un rapport sur le sujet et adressera au Comité
des Ministres des recommandations supplémentaires à ce propos.
61. Ces dernières années, la pression exercée sur les Etats membres
du Conseil de l’Europe pour qu’ils traitent les demandes d’asile
rapidement est devenue de plus en plus forte. En 2005, l’Assemblée parlementaire
a adopté la
Résolution
1471 (2005) sur les procédures d’asile accélérées dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe. Elle y recommandait de n’appliquer les procédures
d’asile accélérées qu’à titre exceptionnel et y soulignait que ces
procédures risquent de nuire à la qualité et à la cohérence des décisions.
En 2008, le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) a
préparé les Lignes directrices sur la protection des droits de l’homme
dans le contexte des procédures d’asile accélérées. Le rapporteur
se félicite que le Comité des Ministres ait décidé d’aborder ce
sujet important. Malheureusement, ces lignes directrices ne tiennent
pas compte de certaines des recommandations de l’Assemblée. En particulier,
elles n’indiquent pas clairement que ce type de procédure doit rester
l’exception en pratique et ne recommandent pas aux Etats membres
de s’abstenir d’imposer automatiquement et systématiquement des
délais courts pour le dépôt d’une demande d’asile, contrairement
à ce que l’Assemblée préconisait compte tenu de l’arrêt de la Cour
européenne des droits de l’homme dans l’affaire
Jabari c. Turquie .
62. Dans ce contexte, le rapporteur regrette que les appels répétés
de l’Assemblée au Comité des Ministres pour qu’il veille à ce que
le droit d’asile soit intégré à la Convention européenne des droits
de l’homme
n’aient pas
été suivis. Elle comprend les difficultés qui empêchent les Etats
membres d’envisager actuellement une telle modification de la Convention;
cependant, il convient de ne pas perdre de vue cet objectif, étant
donné l’importance du droit d’asile dans la jurisprudence de la
Convention.
63. Le rapporteur déplore également la dissolution en 2006 du
Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial,
des réfugiés et des apatrides (CAHAR), qui a privé le Conseil de
l’Europe de son groupe d’experts pour le suivi et l’élaboration
de nouvelles normes en matière d’asile, de réfugiés et de personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays. A maintes reprises,
l’Assemblée parlementaire a recommandé au Comité des Ministres de
mettre en place au sein du Conseil de l’Europe un nouveau comité permanent
qui aurait pour mission d’examiner les questions en rapport avec
l’asile et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays. L’Organisation devrait inscrire cette création au rang de
ses grandes priorités car un tel comité a une responsabilité et
un rôle majeurs à jouer dans l’amélioration des normes de protection des
demandeurs d’asile et des réfugiés, mais peut également contribuer
à l’harmonisation des procédures d’asile dans toute l’Europe. La
présence au Conseil de l’Europe d’un bureau du HCR en est la meilleure preuve.
En effet, aucune autre organisation internationale n’accorde d’importance
au travail du Conseil de l’Europe au point d’y avoir un bureau.
Le HCR a d’ailleurs toujours appuyé les appels en faveur de la reconstitution
du CAHAR.
64. Le rapporteur insiste sur le fait que le Conseil de l’Europe
devrait agir en faveur du renforcement des normes de protection
internationale pour les demandeurs d’asile, en particulier eu égard
à l’accroissement des flux mixtes de migrants en Europe. Elle considère
les deux priorités suivantes comme des priorités absolues pour le
Conseil de l’Europe, dans l’ordre indiqué:
- établir un nouveau comité intergouvernemental ayant pour
mandat permanent d’examiner les questions relatives aux demandeurs
d’asile, aux réfugiés et aux personnes déplacées, afin de remplacer
le CAHAR. Ce comité devrait être chargé d’examiner les diverses
questions concernant les demandeurs d’asile, les réfugiés et les
personnes déplacées que le rapporteur soulève dans son rapport.
Il devrait en outre veiller à ce que les normes pertinentes des
droits de l’homme soient effectivement intégrées au régime européen
en matière d’asile et applicables à tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe;
- incorporer le droit d’asile dans la Convention européenne
des droits de l’homme.
3.4. Diversité et cohésion:
les migrants dans la société
65. L’intégration effective des migrants et d’autres
groupes minoritaires représente un objectif de sécurité «douce»
pour les sociétés européennes; c’est pourquoi le maintien de la
cohésion sociale et la promotion de la diversité culturelle et du
dialogue interculturel en Europe sont parmi les défis et enjeux
les plus difficiles auxquels les Etats s’efforcent de faire face
dans toute l’Europe en élaborant des stratégies. La tolérance et
le pluralisme constituent les fondements d’une société réellement
démocratique et les Etats ont un rôle important à jouer dans le
développement d’une société où les migrants pourront vivre sans
craindre la xénophobie, le racisme et la discrimination. Cependant,
l’intégration est un processus à double sens: les migrants doivent s’intégrer
mais la société hôte doit aussi s’adapter et intégrer les migrants.
D’autre part, les migrants ont aussi des obligations et des responsabilités
vis-à-vis du pays d’accueil et doivent être prêts à les respecter.
66. L’intégration n’est pas une science exacte. Les différentes
actions menées en Europe devraient être mises en commun afin d’établir
autant que possible des bonnes pratiques en la matière. L’apprentissage
de la langue, la sensibilisation à la citoyenneté, la participation
démocratique, l’accès au travail, à l’éducation et au logement,
la protection des droits et la mise en place de passerelles entre
communautés sont essentiels à l’intégration et doivent être pris
en considération dans toute stratégie élaborée dans ce domaine.
67. Tout en reconnaissant le droit des Etats à fixer leur propre
politique quant à la situation des migrants dans la société, le
rapport de la commission mondiale souligne, premièrement, que tous
les migrants doivent être en mesure d’exercer leurs droits fondamentaux
et de bénéficier de normes minimales en matière de travail. Ils
doivent être adéquatement informés de leurs droits et de leurs obligations.
Les migrants de longue durée en situation régulière devraient être
encouragés à devenir des citoyens actifs du pays où ils se sont installés.
La commission mondiale déclare, deuxièmement, que les processus
d’intégration doivent mettre en valeur la diversité sociale, favoriser
la cohésion sociale et prévenir la marginalisation des communautés
de migrants. Troisièmement, elle juge nécessaire d’accorder une
attention particulière à l’autonomisation et à la protection des
femmes migrantes, qui devraient participer activement à la mise
en œuvre des politiques et programmes d’intégration. Par ailleurs,
les droits et les besoins des enfants immigrés en matière d’aide
sociale et d’éducation devraient être pleinement respectés, et les
personnes et organisations ayant une influence sur l’opinion publique
devraient traiter la question des migrations internationales d’une
manière objective et responsable.
68. La promotion de l’intégration et du dialogue interculturel
contribue à la réalisation de l’objectif fondamental du Conseil
de l’Europe. Le 3e Sommet a inscrit l’intégration
parmi les quatre priorités de l’Organisation en matière de migration.
Il a également mis l’accent tout particulièrement sur le dialogue interculturel
comme moyen de renforcer la sensibilisation, la compréhension, la
réconciliation et la tolérance, mais aussi de prévenir les conflits
et de permettre l’intégration et la cohésion dans la société. Il
n’est donc pas surprenant que de nombreux secteurs du Conseil de
l’Europe aient consacré du temps et des ressources à des projets
dans ce domaine.
69. Parmi les projets entrepris à cet égard, le rapporteur souhaite
mentionner spécifiquement les indicateurs de l’intégration
établis par le CDMG en 2004 sous forme
d’une série de huit indicateurs couvrant l’emploi, le revenu, le
logement, la santé, l’alimentation, l’éducation, l’information et
la culture, qui constituent un outil de référence pour les personnes
chargées de développer des politiques d’intégration des migrants.
70. Le rapporteur souligne également le travail accompli par le
Service des politiques sociales sur la mise en œuvre du programme
d’action établi à partir du rapport de la task
force de haut niveau sur «La cohésion sociale au XXIe siècle:
vers une Europe active, juste et cohésive sur le plan social» (document
CM(2007)175). Les quatre éléments du programme s’appliquent aux
migrants et à leurs communautés en faisant spécifiquement référence à
la nécessité de renforcer les politiques fondées sur les droits
et destinées à intégrer les travailleurs immigrés, à la construction
d’une Europe des responsabilités sociales et partagées, au renforcement
de la représentation et de la prise de décision démocratique ainsi
qu’à la promotion du dialogue social et de l’engagement civique,
et à la nécessité d’adopter, dans le cadre d’une campagne internationale, des
codes de bonnes pratiques en matière de migration et d’intégration
des migrants.
71. En avril 2008, le Comité des Ministres a adopté une recommandation
(relative à la promotion de l’intégration des enfants de migrants
ou issus de l’immigration (CM/Rec(2008)04), qui appelle les gouvernements
des Etats membres à intégrer dans leurs politiques et leurs pratiques
des dispositions visant à améliorer l’intégration des enfants primo-arrivants
dans le système scolaire, à donner à ces enfants les compétences
linguistiques requises au niveau préscolaire, à préparer ensuite
les enfants de migrants à un passage réussi de l’école au marché
du travail, et à surmonter les difficultés auxquelles sont confrontés
ces enfants qui vivent dans des zones défavorisées ou de ségrégation.
72. Gérer la diversité culturelle grandissante en Europe dans
le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est
une énorme tâche qui reste à accomplir. En mai 2008, lors de leur
118e session ministérielle, les ministres
des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe ont lancé le Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre
ensemble dans l’égale dignité». Ce livre blanc affirme
qu’une identité européenne ne saurait se construire si elle ne repose
pas sur des valeurs fondamentales partagées, sur le respect du patrimoine
commun et de la diversité culturelle ainsi que sur le respect de
la dignité de chaque individu. C’est la raison pour laquelle il
propose une conception fondée sur la dignité humaine de chaque individu.
73. Le rapporteur souligne également le travail de l’Assemblée
sur l’intégration des immigrés dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe (
Recommandation
1625 (2003)) et sur les mesures visant à améliorer la participation
démocratique des migrants (
Recommandation
1840 (2008)).
74. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a publié plusieurs
rapports sur les questions d’intégration, notamment sur la participation
des résidents étrangers à la vie publique locale (
Recommandation 76 (2000)), la participation des résidents étrangers à la vie publique
locale: les conseils consultatifs (
Recommandation 115 (2002),
Résolution
141 (2002)), un pacte pour l’intégration et la participation des
personnes issues de l’immigration dans les villes et régions d’Europe
(
Recommandation 153 (2004),
Résolution
181 (2004)), l’accès des migrants aux droits sociaux: le rôle des
pouvoirs locaux et régionaux (
Recommandation
194 (2006),
Résolution
218 (2006)), l’amélioration de l’intégration des migrants par des
politiques locales de logement (
Recommandation 252 (2008),
Résolution
270 (2008)) et le dialogue intercommunautaire, surtout en ce qui concerne
les communautés religieuses (en particulier musulmanes) et les réponses
et mesures préventives à adopter au niveau local pour prévenir l’extrémisme
(en cours de préparation).
75. Le Congrès, conjointement avec le CDMG, participe activement
au Réseau CLIP (Cities for Local Integration Policy), un réseau
de villes européennes axé sur les politiques locales d’intégration
des migrants, qui a été lancé en 2006. Son objectif est d’encourager
l’échange d’idées novatrices sur les mesures locales destinées à
intégrer les migrants et, ce faisant, de rapprocher les villes européennes
et de renforcer leurs liens sur les questions d’intégration. Le
premier module de recherche du réseau a abouti à la publication
d’un rapport sur le logement et l’intégration des migrants en Europe.
Ce réseau regroupe 25 villes.
76. Parmi les autres actions menées par des villes en faveur de
l’intégration des migrants, il convient de citer le projet des cités
interculturelles, initiative lancée conjointement en 2008 par le
Conseil de l’Europe (Direction de la culture et du patrimoine culturel
et naturel) et la Commission européenne.
77. L’ECRI (Commission européenne contre le racisme et l’intolérance),
avec ses activités de surveillance par pays et son travail sur des
thèmes généraux, est l’un des acteurs essentiels de la lutte contre
le racisme et la discrimination, non seulement au sein du Conseil
de l’Europe, mais aussi dans l’ensemble de l’Europe. L’Organisation
accomplit également un travail important dans les domaines de la
cohésion sociale et de l’éducation. A titre d’exemple, l’emploi
massif des normes de compétences linguistiques élaborées par le Conseil
de l’Europe a des incidences majeures sur les politiques et pratiques
en matière de prescriptions de forme, de formation et de tests relatifs
à l’entrée, à la résidence et à la citoyenneté. Le rapporteur aimerait attirer
aussi l’attention sur les deux séminaires «Donner la parole aux
jeunes réfugiés en Europe aujourd’hui», organisés en 2006 et en
2008 par la Direction de la jeunesse et du sport
78. Action recommandée: Le
rapporteur salue le travail accompli par le Conseil de l’Europe
concernant les différents aspects de l’intégration des migrants
dans la société. Elle considère néanmoins qu’il serait souhaitable
que l’Organisation accorde beaucoup plus d’attention à la question
de l’intégration, en poursuivant une approche plus cohérente. Plus
important, le Conseil de l’Europe devrait examiner de nouveau la
possibilité d’élaborer en son sein des normes et lignes directrices
supplémentaires sur l’intégration. Il pourrait, pour ce faire, utiliser
les indicateurs d’intégration définis par le CDMG.
3.5. Une approche fondée
sur des principes: législation, normes et droits de l’homme
79. En ce qui concerne la protection des droits des migrants,
le rapport de la commission mondiale souligne la nécessité de renforcer
et mettre en œuvre d’une façon plus efficace et sans discrimination
le cadre législatif et normatif applicable aux migrants internationaux
,
de s’assurer que le principe de responsabilité de l’Etat pour la
protection des personnes se trouvant sur son territoire est mis
en pratique et de veiller à ce que tous les migrants puissent bénéficier
d’un travail décent et d’une protection contre l’exploitation et
les abus, en protégeant tout particulièrement les femmes migrantes
qui travaillent comme employées de maison et les enfants migrants.
80. Au fil des années, l’Organisation a accumulé un acquis important,
qui définit les obligations juridiques que les Etats membres sont
tenus de respecter. Ses instruments essentiels pour la protection
des travailleurs migrants et de leur famille, et des demandeurs
d’asile et des réfugiés comprennent: la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5), l’Accord
européen relatif à la suppression des visas pour les réfugiés (STE no 31),
la Charte sociale européenne (révisée) (STE nos 35
et 163), la Convention européenne de sécurité sociale (STE no 78),
la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur
migrant (STE no 93), la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (STE no 126), la Convention
européenne sur la participation des étrangers à la vie publique
au niveau local (STE no 144), la Convention
européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160),
la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166),
le Protocole no 12 à la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE
no 177), la Convention du Conseil de
l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197),
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie
en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
pas encore entrée en vigueur).
81. Parmi les instruments plus récents, deux sont particulièrement
importants dans le contexte de la protection contre l’exploitation
et les abus. Mentionnons d’abord la Convention du Conseil de l’Europe
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197),
entrée en vigueur le 1er février 2008,
qui est le premier traité européen en ce domaine. Il s’agit d’un
traité détaillé axé principalement sur la protection des victimes
de la traite et la garantie de leurs droits. D’autre part, la Convention
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels a été élaborée dans le cadre du programme transversal «Construire
une Europe pour et avec les enfants», programme spécialement conçu
pour les enfants se trouvant dans des situations particulièrement
vulnérables, notamment les victimes d’exploitation et d’abus sexuels,
ainsi que pour les enfants victimes de la traite et les mineurs
non accompagnés.
82. L’un des atouts principaux du travail du Conseil de l’Europe
réside dans son dispositif de suivi fondé sur des traités. La Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) est un organe
important, qui a pour mission de combattre le racisme, la xénophobie,
l’antisémitisme et l’intolérance sous l’angle de la protection des
droits de l’homme. Le Comité européen des Droits sociaux (CEDS)
statue en droit sur la conformité des situations nationales avec
la Charte sociale européenne, le protocole additionnel de 1988 et
la Charte sociale européenne révisée. Il adopte des conclusions
dans le cadre de la procédure de rapports et des décisions dans
le cadre de la procédure de réclamations collectives. Le Comité
européen pour la prévention de la torture (CPT) joue évidemment
un rôle important dans la surveillance des conditions de rétention
des migrants irréguliers et demandeurs d’asile, et dans le développement
de normes en la matière. Le Groupe d’experts sur la lutte contre
la traite des êtres humains (GRETA) est chargé de veiller à la mise
en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la traite des
êtres humains. Le Commissaire aux droits de l’homme, instance indépendante
du Conseil de l’Europe, accorde également une importance particulière
aux droits des migrants dans le cadre de sa mission.
83. D’autres organes du Conseil de l’Europe remplissent également
un rôle important, en particulier le Comité européen sur les migrations
(CDMG), qui examine l’évolution du statut légal des migrants, et
le Centre Nord-Sud, qui est devenu un important lieu de dialogue
entre les cultures et une passerelle entre l’Europe et les régions
voisines.
84. Le Conseil de l’Europe a en outre élaboré un certain nombre
d’instruments non contraignants, sous forme de recommandations,
de règles ou de principes directeurs, qui ont été mentionnés dans
les chapitres précédents. Ces instruments s’inspirent essentiellement
de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
en matière de garanties de procédure, de recours effectif et suspensif,
d’assistance sociale et médicale, de respect de la vie privée et
familiale et de protection des personnes particulièrement vulnérables.
85. Le rapporteur, néanmoins, est au regret de constater que,
malgré les mécanismes de suivi incorporés à plusieurs des instruments
juridiques du Conseil de l’Europe et les nombreuses initiatives
internationales appelant les Etats à renforcer les droits des migrants
en adhérant aux traités internationaux pertinents et en assurant
leur mise en œuvre, ces efforts sont loin d’avoir été couronnés
de succès. La Convention internationale sur la protection des droits
de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (2000),
par exemple, n’a été ratifiée que par 30 Etats, dont seulement 4
Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine
et Turquie) qui ne font pas partie de l’Union européenne.
86. Il en va de même pour les traités du Conseil de l’Europe:
à l’exception de la Convention européenne des droits de l’homme
et de la Convention européenne pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, auxquelles
ont accédé tous les Etats membres, le rythme d’adhésion aux divers instruments
est resté lent: à ce jour, la Convention du Conseil de l’Europe
sur le statut du travailleur migrant n’a été ratifiée que par 11
pays, la Convention européenne de sécurité sociale et la Convention
sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local
par 8 pays, la Convention européenne sur la nationalité par 16 pays
et la Charte sociale européenne révisée par 29 pays.
87. Il est aussi regrettable que l’Union européenne ne tienne
pas suffisamment compte des cadres existants élaborés par le Conseil
de l’Europe. Toutefois, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l’homme constitue un pas en avant dont
il convient de se féliciter.
88. Action recommandée: Le
Conseil de l’Europe devrait intensifier les efforts consacrés au
travail normatif portant sur les migrants, les demandeurs d’asile,
les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
Ce travail, qui devrait constituer un aspect important de la stratégie
à moyen terme proposée sur les migrations, l’asile et les personnes
déplacées (voir paragraphe 89), devrait comprendre quatre éléments:
- le renforcement de la base conventionnelle
existante du Conseil de l’Europe, en incitant les Etats membres
à signer et ratifier les conventions pertinentes. En cas de difficultés
insurmontables empêchant la signature et la ratification par certains
Etats, la possibilité de réviser les conventions devrait être examinée;
- le comblement des lacunes dans les normes juridiques en
vigueur par l’actualisation des traités actuels du Conseil de l’Europe,
afin de garantir la protection des migrants et des demandeurs d’asile, notamment
en incorporant le droit d’asile dans la Convention européenne des
droits de l’homme, en révisant la Charte sociale européenne pour
assurer que tous les migrants légaux entrent effectivement dans
le champ d’application de ce traité et que les migrants irréguliers
aient accès aux droits minimaux nécessaires au respect de la dignité
humaine, et en reconnaissant que le champ de protection de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales s’étend aux migrants,
au moins au regard de l’article 6. En outre, la future convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique devrait inclure des
dispositions sur la protection légale et le soutien des femmes migrantes
à l’égard de la violence et des abus à caractère sexiste, et cela,
quel que soit leur statut légal;
- remédier aux lacunes des normes existantes en élaborant
de nouvelles normes pertinentes dans les domaines où le Conseil
de l’Europe peut avoir un impact important, notamment en ce qui
concerne l’intégration des migrants, des réfugiés et des personnes
déplacées dans les sociétés européennes;
- combler les lacunes des normes existantes en élaborant
un ensemble complet de normes destinées à consolider les droits
– aux différentes étapes (départ, transit, arrivée, séjour et retour)
– de l’ensemble des catégories de migrants, de demandeurs d’asile,
de réfugiés et de personnes déplacées. Les règles et principes directeurs
suivants devraient être examinés en priorité :
- principes directeurs sur le non-refoulement, compte tenu
du nombre croissant d’affaires d’expulsion portées devant la Cour
européenne des droits de l’homme et des problèmes liés aux interventions
en mer et aux opérations de sauvetage en mer;
- principes directeurs sur l’harmonisation des mécanismes
de protection relatifs à l’entrée, au séjour et au retour des mineurs
non accompagnés;
- principes directeurs sur les normes communes concernant
l’accès des migrants irréguliers aux droits minimaux;
- règles sur les centres de rétention des migrants et des
demandeurs d’asile, comme complément aux Règles pénitentiaires européennes;
- lignes directrices sur les alternatives à la détention
des migrants et des demandeurs d’asile;
- recommandations sur les moyens d’assurer et de contrôler
la qualité et la cohérence des décisions d’asile en Europe;
- principes directeurs sur le retour volontaire, comme complément
aux principes directeurs du Comité des Ministres sur les retours
forcés;
- principes directeurs sur la mise en œuvre des accords
de réadmission.
89. Les normes existantes du Conseil de l’Europe applicables aux
migrants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés devraient être
publiées sous forme d’un recueil qui serait régulièrement mis à
jour.
3.6. Parvenir à la cohérence:
la gouvernance des migrations internationales
90. Dans un but d’amélioration de la gouvernance des
migrations internationales, la commission mondiale souligne la nécessité
de renforcer la cohérence et les capacités à l’échelon national,
de développer les consultations et la coopération entre Etats au
niveau régional, et d’établir un dialogue et une coopération plus efficaces
entre gouvernements et entre organisations internationales au niveau
mondial. A cette fin, elle recommande notamment aux Etats de mettre
en place des politiques nationales de l’immigration cohérentes et
invite la communauté internationale à soutenir les efforts engagés
par les Etats en vue de formuler et mettre en œuvre des politiques
nationales de l’immigration en assurant les ressources, l’expertise
et la formation adéquates.
91. L’une des fonctions statutaires du Conseil de l’Europe est
de soutenir la coopération intergouvernementale et d’assister les
Etats membres dans l’élaboration et l’harmonisation des politiques
sur la base des normes existantes. Le CDMG est le principal organe
intergouvernemental chargé de développer la coopération européenne
dans le domaine des migrations, de l’intégration sociale et des
relations entre communautés. Il a organisé huit conférences avec
les ministres responsables des questions migratoires, qui ont donné
aux Etats membres l’opportunité unique d’établir un dialogue à l’échelon
gouvernemental le plus élevé et de fixer des agendas sur les questions
d’intérêt commun.
92. Le CDMG apporte également un soutien individuel à certains
pays par le biais de programmes d’assistance. La communauté internationale,
en effet, a tout intérêt à soutenir les pays qui ont besoin d’accroître
leurs capacités dans le domaine des politiques de migration, que
ce soit par la fourniture de ressources techniques et financières,
le partage d’une expertise adéquate ou la mise en place d’initiatives
de formation. Plus spécifiquement, de tels efforts devraient aider
les Etats:
- à définir les objectifs
de leur politique nationale de migration;
- à mettre en place un système légal efficace et équitable,
en relation avec les migrations;
- à créer un cadre d’agents de migration bien formés incluant
des fonctionnaires, des policiers, des gardes-frontière et des agents
chargés de l’examen des demandes d’obtention du statut de réfugié;
- à développer une infrastructure pour apporter une aide
sociale, éducative et légale aux migrants et aider la société d’accueil
à s’adapter à la présence des migrants;
- à développer les capacités de collecte et d’analyse de
données, d’enquête, de suivi et d’évaluation.
93. Conformément à cet objectif, le Conseil de l’Europe devrait
axer son aide sur le renforcement des capacités des pays qui sont
traditionnellement des pays d’origine et de transit en matière de
politiques et de planification des migrations. Il devrait aussi
s’efforcer d’améliorer la coopération dans le domaine de l’intégration
des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées.
94. En ce qui concerne la coopération internationale, divers organes
du Conseil de l’Europe s’occupent de questions touchant aux migrations
et à l’asile, et travailllent en partenariat avec plusieurs acteurs
essentiels en ce domaine, notamment le HCR, le HCDH, l’OIM, l’OIT,
le CICR et maintenant de plus en plus avec l’Union européenne.
95. Le rapporteur est particulièrement préoccupé par le potentiel
de coopération non exploité entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne. Malgré la forte participation de l’Union au cofinancement
des programmes d’assistance du Conseil de l’Europe, les entretiens
menés par le rapporteur dans un grand nombre de secteurs de l’Organisation
lui ont confirmé que les possibilités de coopération sont très réduites
en termes réels.
96. Plus important encore, le rapporteur considère que la convergence
accrue entre le Conseil de l’Europe et l’Union du point de vue des
pays membres appelle la mise en place d’un système beaucoup plus
cohérent de protection des droits fondamentaux et d’un espace juridique
commun à toute l’Europe, de manière à en faire profiter au mieux
l’ensemble des personnes et des pays concernés. L’accession de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme représente
à cet égard une étape décisive de la relation entre les deux institutions.
Néanmoins, il conviendrait d’établir une cohérence beaucoup plus
forte entre le droit de l’Union européenne et les normes émanant
des conventions du Conseil de l’Europe. Pour ce faire, le développement
des consultations en amont du processus d’élaboration des normes,
comme le prévoit le mémorandum d’accord signé en 2007 entre la Commission
européenne et le Conseil de l’Europe, est une nécessité.
97. Le rapporteur est également préoccupé par le fait que les
représentants du Conseil de l’Europe sont fréquemment absents des
grands forums internationaux sur les migrations, comme le Forum
mondial sur la migration et le développement. Cela prive l’Organisation
de la possibilité non seulement de faire connaître le travail important
qu’elle effectue au niveau régional mais aussi de se tenir au courant
des évolutions les plus récentes et de faire valoir ses normes en
matière de droits de l’homme. Par conséquent, en dépit des contraintes
budgétaires, des efforts devraient être faits pour améliorer la
promotion du travail de l’Organisation.
3.7. Améliorer la cohésion
et les capacités intra-institutionnelles
98. Lors de la préparation de ce rapport, le rapporteur
a été vivement impressionné par la quantité énorme d’énergie et
d’efforts consacrés par les divers organes et secteurs du Conseil
de l’Europe aux questions concernant le statut, la protection, les
droits et l’intégration des migrants, demandeurs d’asile, réfugiés
et personnes déplacées, ainsi qu’à la lutte contre les phénomènes
de société négatifs comme la xénophobie et le racisme ou le trafic
de migrants et la traite des êtres humains.
99. Les activités vont de la coopération intergouvernementale
au traitement des requêtes individuelles déposées devant la Cour
européenne des droits de l’homme et des recours collectifs soumis
au titre de la Charte sociale européenne. Elles couvrent le travail
de surveillance effectué notamment par le Comité européen pour la
prévention de la torture (CPT), la Commission européenne contre
le racisme et l’intolérance (ECRI), le Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe, le GRETA et la commission de l’Assemblée
parlementaire sur les migrations, les réfugiés et la population.
Elles incluent également l’ensemble du travail sur les médias et
la lutte contre le racisme et l’intolérance, le travail sur l’éducation
et la culture, la contribution du Centre Nord-Sud de Lisbonne et
de la banque du Conseil de l’Europe, ainsi que le travail mené par
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
100. Ces différents secteurs, cependant, sont structurellement
indépendants, avec leurs propres objectifs et programmes d’activité
et des ressources limitées, ce qui laisse peu de place à une action
coordonnée. Les flux d’information internes sont en fait restreints
et reposent surtout sur les contacts informels, ce qui aboutit parfois à
une duplication du travail ou à la présentation d’approches différentes
sur un même sujet par des secteurs différents de l’Organisation.
101. Pour remédier à ces défauts structurels, une task force informelle intersecrétariat
sur les migrations a été créée en 2006 afin de développer les synergies
et les échanges entre les secrétariats traitant de questions se
rapportant aux migrations. Bien que fortement appréciée par nombre
des personnes ayant répondu au questionnaire établi par le rapporteur
et constituant certainement une initiative bienvenue, la task force a eu du mal à fonctionner
efficacement en raison de l’insuffisance du soutien politique, des
ressources humaines et de l’accès aux financements. En outre, les
habitudes de travail qui prévalent à l’intérieur de l’Organisation
ne sont favorables ni au développement de la visibilité interne
ou externe, ni à la promotion du travail réalisé.
102. Le rapporteur est convaincu qu’une forte amélioration de la
coopération interne est nécessaire pour axer les ressources sur
des questions politiquement pertinentes, d’une manière qui permette
d’accroître l’impact et la visibilité du travail. Le fait de savoir
si une structure informelle (comme c’est le cas aujourd’hui) ou
une structure plus formelle est la mieux indiquée pour développer
les synergies internes n’est toujours pas clair. Néanmoins, la task force en tant que telle et
les questions concernant la migration, l’asile et les personnes déplacées
devraient bénéficier d’un soutien beaucoup plus vigoureux de la
part du Secrétaire Général et du conseil exécutif.
103. Action recommandée: Au
vu de ce qui précède, et compte tenu du besoin urgent d’accroître
l’impact du travail du Conseil de l’Europe, le rapporteur propose
de créer un poste de coordinateur des questions concernant la migration,
l’asile et les personnes déplacées. Le coordinateur serait chargé
notamment:
- de préparer une
stratégie à moyen terme sur les migrations, l’asile et les personnes
déplacées;
- de prendre la direction du projet transversal proposé
sur les migrants, les demandeurs d’asile et les personnes déplacées
dans les sociétés européennes;
- d’assurer la liaison avec les différents secteurs de l’Organisation
traitant des questions de migrations internationales, et de diffuser
l’information;
- d’harmoniser et de superviser la mise à jour régulière
du site web interactif consacré aux migrations;
- de superviser la publication d’un recueil de textes sur
les droits de l’homme des migrants, des demandeurs d’asile, des
réfugiés et des personnes déplacées, sur la base du travail des
différents organes du Conseil de l’Europe;
- de jouer le rôle d’interface sur les questions de migrations
et d’asile dans la communication internationale.
4. Conclusions
et perspectives
104. La mobilité des individus est aujourd’hui un aspect
intrinsèque du monde interconnecté résultant de la mondialisation.
A cette question extrêmement complexe et sensible sont liés de nombreux
enjeux évoqués dans le présent rapport. Le Conseil de l’Europe,
qui a toutes les raisons d’être fier de ses réalisations, qui sont nombreuses
et parfaitement conformes aux recommandations de la Commission mondiale
sur les migrations internationales, doit maintenant se tourner vers
les défis à venir pour les Etats membres et réfléchir aux moyens
les mieux adaptés pour y faire face. Comme indiqué tout au long
de ce rapport, un certain nombre de questions préoccupantes requièrent
une attention supplémentaire de la part du Conseil de l’Europe ainsi
que l’élaboration de réponses prenant en compte les questions de
protection et fondées sur les droits de l’homme.
105. Premièrement, l’Organisation doit absolument rehausser le
profil et l’importance qu’elle attache aux questions concernant
les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les personnes
déplacées dans les sociétés européennes. Ces personnes sont, en
effet, parmi les plus vulnérables et l’amélioration de la protection
de leurs droits fondamentaux ainsi que le respect de la diversité
culturelle et des normes d’intégration des migrants et des réfugiés
devraient donc faire partie des priorités de l’Organisation. Cela
exige également d’affecter des ressources supplémentaires aux activités
pertinentes. Il n’est pas nécessaire que le niveau de ces ressources
soit très élevé; l’important est de regrouper le travail et de lui
donner une visibilité et une unité qui lui font actuellement défaut.
106. Deuxièmement, le Conseil de l’Europe doit disposer de perspectives
claires et établir pour ce faire une stratégie à moyen terme sur
les migrations, l’asile et les personnes déplacées. Cette stratégie
devrait inclure des mesures pour améliorer la protection effective
des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les
migrants, quel que soit leur statut légal, des demandeurs d’asile,
des réfugiés et des personnes déplacées. Elle devrait aussi fournir
une approche globale de la gestion des flux migratoires.
107. Troisièmement, le Conseil de l’Europe doit réfléchir aux moyens
d’accroître l’impact et la visibilité de son travail en ce domaine.
Il dispose d’une abondance de normes et de standards légaux et possède
l’avantage de pouvoir synthétiser les positions des gouvernements,
des parlements, des autorités locales et de la société civile de
la quasi-totalité de l’Europe en une vision commune des questions
et des solutions concernant les migrations, l’asile et les personnes
déplacées. Cela lui confère un pouvoir de négociation significatif
que l’Organisation devrait beaucoup mieux mettre en valeur dans
ses relations avec l’Union européenne et avec d’autres partenaires.
Egalement, pour assurer un meilleur impact à son travail, le Conseil
de l’Europe devrait être prêt et apte à travailler en réseau et
être présent au sein des forums internationaux pertinents.
108. Quatrièmement, compte tenu de ce qui précède et au vu du renforcement
de la cohésion interne et du travail de définition d’une vision
commune des questions concernant les migrations, l’asile et les
personnes déplacées, il paraît nécessaire de stimuler fortement
la coordination et l’échange d’informations internes. Cela n’exigera
pas de changements structurels importants dans le fonctionnement
de l’Organisation; cependant, la création d’un poste de coordinateur
des questions concernant la migration, l’asile et les personnes
déplacées serait souhaitable.
109. Enfin, pour mieux équilibrer les activités intergouvernementales
menées dans le domaine des migrations ainsi que sur les questions
touchant à l’asile et aux personnes déplacées, le rapporteur recommande
fortement la création d’un nouveau comité intergouvernemental doté
d’un mandat permanent, qui serait chargé d’examiner les questions
concernant l’asile, les réfugiés et les personnes déplacées et qui travaillerait
en relation étroite avec d’autres comités directeurs, notamment
le Comité directeur pour les droits de l’homme, le Comité européen
sur les migrations (CDMG) et le Comité européen de coopération juridique (CDCJ).
*****
Commission chargée du rapport: commission
des migrations, des réfugiés et de la population
Renvoi en commission: Doc. 11085, Renvoi 3298 du 22 janvier 2007
Projet de recommandation adopté
à l’unanimité par la commission le 30 mars 2010
Membres de la commission: M.
John Greenway (Président),
M. Giacomo Santini (1er Vice-Président), M. Tadeusz Iwiński (2e Vice-Président),
Mme Tina Acketoft (3e Vice-Présidente),
M. Francis Agius, M. Pedro Agramunt,
M. Francisco Assis, M. Alexander van der Bellen, M. Ryszard Bender,
M. Márton Braun, M. André Bugnon,
M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant:
M. Michael Hancock), M. Desislav
Chukolov, M. Boriss Cilevičs, M. Titus Corlăţean, Mme Claire
Curtis-Thomas (remplaçant: M. Bill Etherington),
M. David Darchiashvili, M. Nikolaos Dendias,M.
Arcadio Díaz Tejera, M. Tuur
Elzinga, M. Valeriy Fedorov,
M. Oleksandr Feldman, M.
Relu Fenechiu, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Aristophanes
Georgiou, M. Paul Giacobbi, Mme Angelika
Graf, Mme Annette Groth, M. Michael Hagberg (remplaçant:
M. Göran Lindblad), Mme Gultakin Hajibayli, M. Doug Henderson, Mme Anette
Hübinger, M. Jean Huss, M. Denis Jacquat,
M. Zmago Jelinčič Plemeniti, M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, Mme Corien
W.A. Jonker, M. Reijo Kallio,
M. Ruslan Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Arminas
Lydeka, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, M. Ronan Mullen, M. Gebhard
Negele, Mme Korneliya Ninova, Mme Steinunn
Valdís Óskarsdóttir, M. Alexey Ostrovsky, M. Evangelos Papachristos,
M. Jørgen Poulsen, M. Cezar Florin Preda (remplaçant: M. Iosif Veniamin Blaga), M. Gabino Puche (remplaçant:
M. Gonzalo Robles Orozco),
M. Milorad Pupovac, M. Volodymyr Pylypenko, Mme Mailis
Reps, M. Branko Ružić,M. Džavid Šabović,M. Samad
Seyidov, M. Joachim Spatz, M. Lorenzo Stolfi,
M. Giacomo Stucchi, M. László
Szakács, Mme Elke Tindemans, M. Dragan
Todorović, Mme Anette Trettebergstuen, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak, M. Marco Zacchera, M.
Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski,
Mme Naira Zohrabyan
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Neville, Mme Odrats, M. Ekström