1. Introduction
1.1. Mon mandat
1. Le présent rapport procède d’une décision, en date
du 15 mars 2007, du Bureau de l’Assemblée parlementaire mandatant
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
pour élaborer un rapport sur «un statut internationalement reconnu
aux observateurs d’élections». Le 19 avril 2007, la commission m’a
désigné comme rapporteur.
2. La décision susmentionnée prise par le Bureau de l’Assemblée
a fait suite à la Conférence sur la dimension parlementaire de l’observation
des élections: mise en œuvre de normes communes, organisée par l’Assemblée
les 15 et 16 février 2007 à Strasbourg
. La conférence a rassemblé un vaste
éventail de participants issus de la communauté des observateurs,
tels que parlementaires, organisations internationales, société
civile et administrateurs électoraux d’Europe, d’Afrique et d’Amérique.
M. René van der Linden, alors Président de l’Assemblée parlementaire,
a tiré les conclusions de la conférence. Parmi les domaines de travail évoqués
dans ces conclusions, deux questions spécifiques ont été soulignées:
le vote à distance et la nécessité d’un statut internationalement
reconnu des bservateurs d’élections (tant nationaux qu’internationaux)
susceptible d’être inscrit dans la législation nationale. L’Assemblée
s’est dite prête à lancer ce processus. Lors de la conférence, le
représentant de l’Association des administrateurs d’élections européens
(ACEEEO) a exprimé l’avis que «le statut des observateurs internationaux
devrait être harmonisé, universel et précisé dans un seul document
afin de prévenir différentes interprétations».
3. A la suite de la décision du Bureau de l’Assemblée, le 6 mai
2008, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
a invité la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) à préparer un avis sur un certain nombre de questions
concernant le statut des observateurs d’élections, «(…) indiquant,
par ailleurs, quels Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe,
s’il en est, n’ont pas inscrit l’observation des élections dans
leur législation – afin d’aider les travaux de la Commission sur
ce rapport»
.
Le 20 mai 2009, la Commission de Venise a publié son rapport relatif
à un statut internationalement reconnu des observateurs d’élections,
document déjà adopté lors de sa 78e session plénière, à Venise,
les 13 et 14 mars 2009
. Le document visait à dresser l’inventaire
des textes et des normes existant, aux niveaux international et
national, en matière de droits et de devoirs des observateurs d’élections. Ont
suivi un résumé des recommandations relatives à un statut internationalement
reconnu des observateurs d’élections
,
publié par la Commission de Venise le 15 juin 2009, et les lignes
directrices sur un statut internationalement reconnu des observateurs
d’élections (ci-après «lignes directrices»), publiées le 14 décembre
2009
.
1.2. Objectif du rapport
4. Les élections libres constituent une part cruciale
de la gouvernance démocratique et un principe fondamental des droits
de l’homme, notamment en matière de droits civils et politiques
.
Le droit de voter et de participer aux élections est garanti dans
bon nombre de documents internationaux, tels que la Déclaration universelle
des droits de l’homme (article 21), le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (article 25) et la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5) (article 3 du Protocole additionnel,
STE no 9)
. Des élections démocratiques honnêtes
sont une expression de souveraineté, car elles permettent à l’individu
d’influer sur les décisions gouvernementales. De ce fait, l’équité
des élections et, en conséquence, le rôle des observateurs d’élections
sont cruciaux pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme
.
5. Une analyse des documents actuels sur les observateurs d’élections
montre que les critères et les règles concernant le statut de ces
observateurs varient au niveau national et restent encore fragmentaires
au niveau international, et ce malgré l’existence de plusieurs lignes
directrices sur les observateurs internationaux, adoptées par différentes
instances internationales. C’est pourquoi il est de plus en plus nécessaire
d’introduire un statut internationalement reconnu des observateurs
d’élections.
6. Dans mon rapport, je me concentrerai avant tout sur les lignes
directrices internationales existantes concernant le statut des
observateurs d’élections et sur les disparités de la législation
nationale en la matière, afin de démontrer la nécessité d’adopter
des normes unifiées pour les observateurs électoraux internationaux. Ce
faisant, je renvoie aux textes existant sur les droits et obligations
des observateurs. Parallèlement, en référence aux lignes directrices
de la Commission de Venise sur un statut internationalement reconnu
des observateurs d’élections, j’essaierai d’indiquer comment définir
au mieux leur statut et comment déterminer les droits et les devoirs
– ainsi qu’en matière d’accréditation – à intégrer au système électoral
national. A nouveau, j’aimerais rendre hommage aux travaux effectués
par la Commission de Venise dans ce domaine, en particulier à ses
trois documents susmentionnés, qui ont facilité l’élaboration du
présent rapport.
2. Rôle
des observateurs d’élections
7. L’observation des élections représente un outil crucial
pour évaluer un processus électoral. Elle a déjà montré son efficacité
pour identifier les failles et pour assurer la crédibilité et la
légitimité de ce processus. C’est un critère permettant de mesurer
l’évolution démocratique d’un pays
.
8. L’observation des élections revêt un caractère à la fois technique
et politique. L’observation technique des élections porte sur l’adéquation
du corpus législatif qui régit une élection, ainsi que sur la conduite
de cette élection en conformité avec cette législation. Toutefois,
les élections ne peuvent pas être considérées indépendamment du
contexte politique dans lequel elles se déroulent.
9. L’observation des élections a pour rôle de promouvoir et de
protéger le droit à des élections libres. Le but est de garantir
que le processus électoral est démocratique et ne fait l’objet d’aucune
irrégularité. Les observateurs surveillent le processus électoral
pour assurer qu’il se déroule conformément au droit national et international,
mais leur rôle se limite à l’observation. Ils ne participent pas
vraiment à l’administration électorale
. De même, leur seul verdict ne suffit
pas à valider ou invalider une élection
.
10. Depuis la fin de la guerre froide, l’observation internationale
des élections a connu un véritable boom, et beaucoup d’organisations
internationales possèdent leurs propres observateurs d’élections
. L’observation internationale
des élections est aussi devenue un important mécanisme pour assurer
l’intégrité des élections dans des pays en cours de transition vers
la démocratie et dans des sociétés sortant d’un conflit
.
11. En général, le rôle des observateurs d’élections consiste
à accroître la confiance des électeurs dans le processus électoral,
à les rassurer sur sa confidentialité et à empêcher la fraude
. De récents exemples en Ukraine
, en Fédération de Russie
, en Géorgie
et dans d’autres pays
montrent
la nécessité de faire participer les observateurs d’élections au
processus électoral.
3. Types d’observateurs
d’élections
12. Avant tout, il convient de faire la distinction entre
observateurs internationaux et nationaux d’élections. Selon la Commission
de Venise
, «trois
types d’observateurs peuvent être distingués: les observateurs nationaux
partisans, les observateurs nationaux non partisans et les observateurs
internationaux (non partisans). Dans la réalité, la distinction
entre les deux premières catégories ne va pas toujours de soi. C’est pourquoi
il est préférable que l’observation soit ouverte le plus largement
possible, à la fois sur le plan national et sur le plan international».
Les observateurs internationaux sont étrangers au pays où se tient
l’élection. En général, ils sont désignés par des gouvernements
nationaux ou par des organisations internationales, ou en leur nom.
Les observateurs nationaux sont citoyens du pays où a lieu l’élection
et sont parfois membres d’une organisation non gouvernementale (ONG).
A l’évidence, les deux types d’observateurs d’élections sont nécessaires:
les observateurs nationaux ont une meilleure connaissance du pays
et de la langue, alors que les observateurs internationaux peuvent
être considérés comme plus susceptibles d’impartialité
.
13. La «communauté» des observateurs internationaux comprend (entre
autres):
- des membres des assemblées
parlementaires internationales – Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe, Assemblée parlementaire de l’OSCE, Parlement européen,
Assemblée parlementaire de l’OTAN, Parlement panafricain, Assemblée
interparlementaire des Etats membres de la Communauté d’Etats indépendants
(AIP CEI), Union interparlementaire (UIP), etc.;
- des représentants d’organisations et d’institutions internationales
– Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
(BIDDH) de l’OSCE, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe, Commission européenne, Organisation des Etats d’Amérique
(OEA), etc.;
- des groupes de réflexion et des ONG participant à l’observation
et à l’administration des élections: le Centre Carter, l’Institut
démocratique national (NDI), l’ex-«Fondation internationale pour
les systèmes électoraux» (IFES), le Réseau européen des organisations
de surveillance des élections (ENEMO), etc.
4. Cadre existant
pour l’observation des élections
4.1. Au plan international
14. Du fait que beaucoup d’organisations internationales
déploient des observateurs d’élections, le statut de ces observateurs
et les règles concernant l’observation des élections sont disséminés
dans un nombre considérable de documents relevant de divers forums.
Cependant, ces documents ne sont pas totalement cohérents entre
eux.
15. Néanmoins, les textes existants traitant de l’observation
des élections soulignent généralement l’importance d’une «approche»
à long terme pour cette observation (c’est-à-dire d’une évaluation
des périodes préélectorale, électorale et postélectorale). Ils font
également référence aux droits et obligations des observateurs.
4.1.1. Déclaration de
principes pour l’observation internationale d’élections et Code
de conduite à l’usage des observateurs électoraux internationaux
16. La Déclaration de principes pour l’observation internationale
d’élections («la déclaration») et le code de conduite qui l’accompagne,
le Code de conduite des observateurs électoraux internationaux («le
code»), sont les documents internationaux les plus détaillés en
ce qui concerne les droits et devoirs des observateurs d’élections.
Ils ont été établis par la Division de l’assistance électorale des
Nations Unies (UNEAD), l’Institut démocratique national et le Centre
Carter, et entérinés par 22 organisations gouvernementales et non gouvernementales
le 27 octobre 2007
. Depuis lors, d’autres organisations
, toutes participant à des discussions
informelles tenues en permanence sur les bonnes pratiques, ont souscrit
à ce document, qui reste encore ouvert à approbation
.
17. La déclaration et le code susmentionnés fournissent un cadre
global pour l’observation des élections
. L’article 20 de la déclaration stipule
que les missions internationales d’observation «devraient être composées de
personnes dotées de compétences politiques et professionnelles suffisamment
variées et ayant fait preuve d’une intégrité sans faille…». Cette
déclaration dresse également la liste des obligations de l’Etat
hôte, notamment concernant l’accès sans entrave à son territoire
par les observateurs et par les personnes impliquées dans l’organisation
des élections, ainsi que leur droit de rendre compte (article 7).
Elle impose aussi des obligations aux observateurs d’élections,
notamment pour établir des communications avec tous les candidats
politiques à l’élection (article 15), pour respecter les lois du
pays hôte et faire preuve d’impartialité politique
.
4.1.2. La Convention européenne
des droits de l’homme
18. L’importance d’un système démocratique efficace est
soulignée en préambule de la Convention européenne des droits de
l’homme, qui stipule que le maintien des droits de l’homme et des
libertés fondamentales repose essentiellement sur un régime politique
véritablement démocratique. L’article 3 du Protocole additionnel
à la Convention garantit le droit à des élections libres
. Cette disposition accorde
à l’individu le droit de vivre dans une société démocratique et
d’y participer, ce qui inclut le droit de voter pour des représentants
et de présenter sa candidature à l’élection
. Toutefois, cette liberté n’est pas absolue,
ce que la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu à plusieurs
reprises (par exemple, dans l’affaire
Mathieu-Mohin
et Clerfayt c. Belgique ).
La Cour accorde aux Parties contractantes une large marge pour respecter
les obligations que leur impose l’article 3 du Protocole additionnel
(voir,
en particulier, les affaires
Labita c.
Italie ,
Hirst no 2 c. Royaume-Uni et
Yumak et Sadak c. Turquie ).
4.1.3. Document de Copenhague
et Manuel d’observation des élections de l’OSCE
19. Le Document de Copenhague de l’OSCE
souligne les «principes de la justice
essentiels à l’expression complète de la dignité inhérente à la
personne humaine et des droits égaux et inaliénables de tous les
êtres humains» (article 5). Selon ce document, les Etats participants
invitent les observateurs à superviser le déroulement de leurs procédures
électorales nationales, dans la mesure autorisée par la loi. Les
observateurs internationaux s’appliqueront également à faciliter
un accès analogue pour les élections organisées à un niveau inférieur
au niveau national. Ces observateurs s’engageront à ne pas s’immiscer
dans les opérations électorales. Le Document de Copenhague établit
une distinction entre les observateurs nationaux et étrangers (article
8).
20. Par ailleurs, l’OSCE/BIDDH a aussi publié le
Manuel d’observation des élections , qui contient des directives pratiques
pour la conduite des missions d’observation des élections menées
par le BIDDH.
4.1.4. Documents de l’Union
européenne
21. L’Union européenne a publié ses propres lignes directrices
concernant les observateurs d’élections: la «Communication sur les
missions d’assistance et d’observation électorales» et le
Manuel pour l’observation électorale de l’Union
européenne . Ces lignes directrices contiennent
essentiellement des règlements sur la conduite de l’observation
électorale, mais aussi sur les droits et les obligations des observateurs
d’élections. Tous les observateurs de l’Union européenne sont tenus
de signer un contrat, qui contient les lignes directrices sur leur
mission. Entre autres, les observateurs doivent respecter la législation
du pays hôte et ne jouissent d’aucune immunité spéciale
.
4.1.5. Documents de référence
pour la Communauté d’Etats indépendants
22. En 2002, la Fédération de Russie a initié l’élaboration
et l’adoption de la Convention sur les normes en matière d’élections
démocratiques et les droits et libertés électoraux dans les Etats
membres de la Communauté d’Etats indépendants (Convention de la
CEI), qui contient des dispositions sur le statut et les pouvoirs
des observateurs nationaux et internationaux et définit leurs droits
et obligations. A ce jour, cette convention a été ratifiée par l’Arménie,
le Kirghizistan, la Moldova, la Fédération de Russie et le Tadjikistan,
et est désormais en vigueur.
23. Ce document contient des informations concernant le statut
juridique des observateurs internationaux et nationaux (en particulier
ses articles 14 et 15)
– à noter que le statut
des observateurs internationaux est relativement conforme à d’autres
documents internationaux. Néanmoins, dans son avis adopté en mars
2007, la Commission de Venise a exprimé quelques doutes quant à
certaines restrictions imposées aux droits des observateurs
.
24. De plus, en septembre 2002, l’Association des administrateurs
d’élections de l’Europe centrale et orientale (ACEEEO), désormais
l’Association des administrateurs d’élections européens, a approuvé
un projet de convention européenne sur les normes, les droits et
les libertés en matière électorale, qui inclut, entre autres, des
dispositions sur le «statut et les pouvoirs des observateurs nationaux»
et des «observateurs internationaux». En 2004, la Commission de
Venise a émis un certain nombre de réserves quant à ce projet de
convention
.
Il a alors donné lieu à une version révisée, afin de prendre en
compte une partie de ces remarques.
25. En conclusion, il convient d’ajouter que l’Assemblée interparlementaire
de la CEI a approuvé les «Recommandations aux observateurs internationaux
de la Communauté d’Etats indépendants dans l’observation des élections
et des référendums», qui constituent un guide méthodologique pratique
pour l’observation d’élections et un manuel de formation des observateurs
nationaux et internationaux ainsi que des administrateurs électoraux
dans les pays membres de la CEI
.
4.1.6. Lignes directrices
adoptées au sein du Conseil de l’Europe
4.1.6.1. Lignes directrices
de l’Assemblée parlementaire sur l’observation d’élections
26. L’Assemblée parlementaire est forte d’une riche expérience
en matière d’observation d’élections parlementaires et présidentielles,
ainsi que de référendums nationaux, dans certains Etats membres
du Conseil de l’Europe (Arménie, Monaco, Fédération de Russie et
Serbie, par exemple). Par ailleurs, l’Assemblée a observé un certain
nombre d’élections hors de la zone géographique du Conseil de l’Europe, par
exemple au Chili, au Mexique, dans les territoires sous contrôle
des autorités palestiniennes, ou encore au Kazakhstan
.
27. Alors que, initialement, l’Assemblée observait les élections
de manière indépendante, depuis la seconde moitié des années 1990,
les élections ont systématiquement été observées par l’Assemblée
dans le cadre d’une mission internationale d’observation des élections
(MIOE) composée de délégations parlementaires de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE,
du Parlement européen et, à l’occasion, de l’Assemblée parlementaire
de l’OTAN, ainsi que de représentants du Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE.
28. Compte tenu des objectifs et du caractère politique des missions
d’observation de l’Assemblée ainsi que des problèmes qui ont résulté,
par le passé, des modalités de coopération avec d’autres institutions internationales,
le Bureau de l’Assemblée a adopté un ensemble de lignes directrices
en 2004 – mises à jour en 2005, 2006 et 2007. Ces lignes directrices
couvrent: les élections à observer; la coopération dans ce domaine;
l’organisation pratique de l’observation; et, enfin, les différentes
formes d’observation des élections par l’Assemblée: a. missions d’observation des élections; b. missions d’évaluation des élections;
et, c. présence à l’occasion
d’élections sans observation ni évaluation formelle.
29. Les lignes directrices énoncent que l’observation des élections
parlementaires ou présidentielles ainsi que des référendums dans
un Etat candidat ou dans un Etat faisant l’objet d’une procédure
de suivi doit être un droit inaliénable de l’Assemblée. Le manque
de coopération d’un Etat avec l’Assemblée peut conduire à des sanctions
(paragraphe 2 des lignes directrices), et tout «refus d’envoyer
une invitation constituera un critère d’évaluation en soi» (paragraphe
10).
4.1.6.2. Lignes directrices
de la Commission de Venise: Code de bonne conduite en matière électorale,
Code de bonne conduite en matière référendaire et Guide pour l’évaluation
des élections
30. En réponse à une demande de l’Assemblée parlementaire,
la Commission de Venise a adopté en 2002 un Code de bonne conduite
en matière électorale
, qui contient,
entre autres, des dispositions relatives à l’observation des élections.
32. En 2007, ce code a été complété par un Code de bonne conduite
en matière référendaire, qui contient des dispositions similaires
sur l’observation des élections
.
33. En 2006, la Commission de Venise avait également adopté un
«guide pour l’évaluation des élections»
qui
souligne, entre autres, le principe fondamental de non-ingérence
des observateurs dans le processus électoral.
4.1.6.3. Rôle du Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
34. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe (le Congrès) observe régulièrement des élections locales
et/ou régionales dans des Etats membres et des pays candidats et,
de temps en temps, dans des Etats tiers (Israël est un exemple récent).
En vertu de la règle 4.6 des lignes directrices du Bureau de l’Assemblée
– observation des élections par l’Assemblée parlementaire –, l’observation
d’élections régionales et locales relève de la compétence du Congrès.
Si l’Assemblée reçoit une invitation à observer ce type d’élections
et que le Bureau accepte, une commission ad hoc de l’Assemblée est spécialement
constituée pour, éventuellement, coopérer avec la mission d’observation
des élections déployée par le Congrès.
4.2. Au niveau national
35. Un aperçu de la législation nationale existante montre
qu’il n’existe pas de règles cohérentes concernant le statut des
observateurs d’élections, bien que celui-ci soit internationalement
reconnu. Dans son rapport sur ce sujet
, la Commission de Venise a
examiné la législation électorale nationale dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe et en est venue aux conclusions ci-dessous.
36. Seuls 20
des 47 Etats
membres ont mis en place des dispositions nationales sur l’observation
des élections. Sur ces 20 Etats, 8
seulement
ont inscrit dans leur législation électorale des dispositions décrivant le
statut des observateurs d’élections. Six ne prévoient pas expressément
de statut, mais mentionnent les activités des observateurs dans
les dispositions décrivant le processus électoral. Trois donnent
compétence à leurs autorités électorales nationales pour accorder
ce statut – ainsi «l’ex-République yougoslave de Macédoine» prévoit
un statut partiellement juridique pour les observateurs et demande
aussi aux autorités électorales de prévoir un code pour le suivi
des élections. Quatre Etats mentionnent simplement l’observation des
élections sans entrer dans le détail de droits ou de devoirs, de
modalités ou de procédure d’accréditation. Des principes reconnus
au niveau international existent de façon très diverse dans la législation
nationale, mais aucune législation ne les cite de manière exhaustive
.
37. On peut noter que la législation électorale nationale diffère
dans ses multiples dispositions. Il arrive aussi qu’aucune disposition
n’existe concernant la participation d’observateurs au processus
électoral – par exemple, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Dans certains
Etats, tels que la Pologne et la République slovaque, des observateurs
sont admis, mais rien n’indique qui peut être nommé pour cette mission.
Certains pays admettent soit des observateurs nationaux, soit des
observateurs internationaux (par exemple, la Hongrie, la Lettonie,
la Roumanie et la Turquie). D’autres pays admettent les deux, observateurs
nationaux et observateurs internationaux (par exemple, le Monténégro,
la Fédération de Russie ou l’Ukraine)
.
Même si certains pays ne prévoient pas d’observation des élections
dans leur législation nationale, cela n’empêche pas l’observation
internationale (par exemple, Monaco et la Serbie)
.
38. Les principes fondamentaux – libre accès aux documents électoraux,
procédure d’accréditation, possibilité d’observer toutes les étapes
du processus électoral et port de l’identification prescrite – sont généralement
bien couverts
.
Bien que l’accès sans entrave à tous les bureaux de vote et la liberté
de circulation soient garantis, cette dernière peut se voir limitée
à la circonscription électorale. Même chose pour l’accréditation,
qui peut n’être valable que dans un district ou une circonscription
électorale
. La possibilité pour les équipes
principales
(core-team missions) de
faire des déclarations publiques est rarement mentionnée dans la
législation électorale du pays
.
Ainsi, les autorités peuvent parfois imposer des contraintes aux
observateurs internationaux.
5. Observateurs d’élections
selon les lignes directrices de la Commission de Venise
5.1. Statut général
39. En proposant des lignes directrices sur un statut
internationalement reconnu des observateurs d’élections, la Commission
de Venise n’entend pas faire double emploi avec les documents existant
déjà, à savoir la Déclaration de principes pour l’observation internationale
d’élections et le Code de conduite des observateurs électoraux internationaux.
La Commission recommande simplement aux Etats membres la mise en
œuvre prudente et rigoureuse de ces deux documents
.
40. De plus, les droits et les devoirs des observateurs d’élections
n’étant pas toujours suffisamment garantis dans les législations
nationales en place, une autre recommandation de la Commission de
Venise est que ses propres lignes directrices sur un statut internationalement
reconnu des observateurs d’élections soient soigneusement mises
en application dans la législation nationale.
41. Il est à noter, également, que les lignes directrices de la
Commission de Venise ne traitent pas des droits fondamentaux – par
exemple, droit de participer aux affaires publiques, liberté d’association,
droit d’accès à l’information, liberté d’expression, de parole ou
de circulation – ni de tout autre droit relatif aux élections ainsi que
garanti par les instruments internationaux concernant la protection
des droits de l’homme. Néanmoins, ces droits s’appliquent eux aussi
aux organisations d’observation des élections et aux observateurs
.
La Commission de Venise souligne que les observateurs, tant nationaux
qu’internationaux, doivent jouir de tous les droits fondamentaux
dont le respect est considéré comme une condition essentielle à
la tenue d’élections démocratiques
.
5.2. Accréditation
5.2.1. Règles générales
42. Il se peut que les conditions d’accréditation diffèrent
pour les observateurs d’élections nationaux et internationaux selon
les Etats, ainsi que dans les documents des organisations internationales
. Aussi toute tentative de créer
des règles communes pour le statut des observateurs d’élections
doit-elle s’efforcer d’harmoniser les procédures d’accréditation.
Selon la Commission de Venise, la crédibilité de l’observation des élections
serait renforcée s’il était stipulé que les observateurs d’élections
doivent bénéficier des
possibilités
les plus larges qui soient de participer au processus d’observation
des élections. L’accréditation doit couvrir les aspects géographique,
chronologique et matériel de l’observation.
43. L’invitation à observer les élections doit être envoyée aux
observateurs internationaux suffisamment longtemps avant le jour
des élections pour assurer une préparation adéquate et pour permettre
une observation à long terme des diverses étapes électorales
. En outre, il convient de délivrer
à tous les observateurs électoraux les accréditations en temps utile,
peu après le dépôt de la demande et, en tout état de cause, avant
le jour du scrutin. Les procédures d’accréditation doivent être
simples et gratuites pour les observateurs. En clair, l’observation
des élections ne doit se heurter à aucun obstacle intempestif. Les observateurs
doivent jouir d’un droit de recours effectif en cas de refus d’accréditation.
44. L’Etat doit garantir qu’aucune autorité gouvernementale, électorale
ou chargée de la sécurité n’interviendra dans le processus de sélection
des membres de la mission internationale ou nationale d’observation
des élections, ni ne tentera d’en limiter la portée, la durée ou
le nombre d’observateurs. Il est souhaitable que ces garanties soient
aussi portées par écrit dans la législation nationale. Les autorités nationales
ne doivent pas pouvoir refuser l’accréditation en fonction de critères
discriminatoires – en particulier, l’opinion politique d’un observateur
ou la nationalité d’un observateur international.
5.2.2. Accréditation géographique
45. Par accréditation géographique, il faut entendre
la liberté de circulation dans tous les secteurs où ont lieu les
élections
. Selon la Commission
de Venise, les observateurs doivent jouir de la liberté d’accès
à tous les lieux officiels associés au processus électoral, y compris
ceux ouverts au public (en particulier, les bureaux de vote), afin
de pouvoir observer l’élection à travers tout le pays sans avis
préalable aux autorités
.
46. Les lieux où les observateurs ne peuvent pas se rendre doivent
être clairement indiqués par la loi conformément au principe de
proportionnalité
. L’observation
doit pouvoir avoir lieu ailleurs que dans les locaux réservés aux
élections – par exemple, tribunaux et/ou commissions électorales
régionales et/ou de district et/ou la Commission électorale centrale.
Les observateurs doivent pouvoir assister à toute activité publique
dans le cadre de leur mission d’observation
.
L’observation électorale doit couvrir tous les niveaux des élections,
c’est-à-dire national, régional et local
.
5.2.3. Accréditation chronologique
47. Le but de l’observation des élections est également
de garantir qu’aucune irrégularité ne se produit avant, pendant
ni après le jour du vote. La seule manière d’assurer un déroulement
des élections conforme à la législation nationale et en accord avec
les règles et les normes internationales consiste à observer la
totalité du processus électoral, c’est-à-dire dans ses périodes
préélectorale, électorale et postélectorale
.
48. Lors de la période préélectorale, les observateurs doivent
être autorisés à évaluer le processus de rédaction et de modification
de la législation électorale; ce qui ne signifie pas qu’ils doivent
être présents en personne, cette phase pouvant aussi s’effectuer
par voie de consultation. Cette phase couvre aussi, entre autres,
l’inscription des électeurs et des partis politiques, ainsi que
les questions liées à la campagne électorale. La phase électorale
englobe toute la période du scrutin, du processus d’ouverture au
processus de clôture. La phase postélectorale couvre la vérification
et la confirmation de l’élection des candidats et des partis/entités/alliances
politiques
. Cette
phase est aussi importante que les deux qui la précèdent. Il faut veiller
à ce que l’Etat ne mette pas les personnes élues en prison ni ne
restreigne autrement leur droit à représenter le peuple.
5.2.4. Accréditation matérielle
49. Outre l’accès à toutes les formes de matériel électoral,
les observateurs doivent aussi jouir d’un accès sans entrave à toutes
les personnes concernées par le processus électoral, tels que partis
et candidats, même à ceux frappés d’inéligibilité ou s’étant retirés
de l’élection. Cela signifie également que les observateurs peuvent
entrer en contact et s’entretenir avec toutes les personnes présentes
dans les locaux électoraux – sous réserve qu’elles y soient disposées
.
50. Les lignes directrices de la Commission de Venise concernent
aussi les règles d’établissement de rapports. Les observateurs doivent
avoir l’assurance de pouvoir publier, sans aucune ingérence, des déclarations
et des rapports publics contenant leurs conclusions et recommandations
sur les processus et événements liés à l’élection. Ils doivent aussi
avoir le droit de tenir des conférences de presse sur leurs travaux, ainsi
que de publier leurs conclusions sur telle ou telle élection. Les
observateurs d’élections doivent avoir le droit de communiquer librement
au chef de mission – sous forme de fiches ou de notes et via d’autres
moyens techniques – leur avis sur le déroulement du processus électoral.
Si une mission d’observation des élections est témoin d’irrégularités
à rectifier, elle doit avoir le droit d’émettre des propositions
ou des remarques aux autorités responsables des opérations électorales.
Les observateurs électoraux doivent pouvoir copier des documents
électoraux et/ou en obtenir la copie
.
51. Il convient de garantir qu’aucune autorité publique n’exercera
de pressions (y compris par des représailles ou des incitations)
sur des ressortissants nationaux ou étrangers qui travaillent pour
une mission d’observation électorale, internationale ou nationale,
ou qui fournissent des informations à cette dernière. Les autorités
publiques doivent garantir aux observateurs électoraux qu’ils peuvent
accomplir leur mission
.
5.3. Obligations des
observateurs électoraux internationaux et nationaux
52. Les documents de la Commission de Venise portent
aussi sur les obligations des observateurs. Les observateurs d’élections
doivent toujours être en possession de leurs pièces d’identité et
d’accréditation. Ils doivent respecter toutes les lois et les règles
du pays où ils observent et, en aucun cas, ne doivent entraver le déroulement
du processus électoral, sur quelque aspect que ce soit
.
53. Les observateurs d’élections sont soumis à une obligation
d’impartialité et ne doivent pas intervenir dans le processus électoral.
Ils ne doivent jamais manifester de parti pris ou de préférence
concernant des questions pouvant avoir des conséquences politiques
ou électorales, et ils doivent s’abstenir de toute activité politique ou
partisane. Ils doivent être au-dessus de tout conflit d’intérêts
et, à tout instant, respecter le principe de stricte impartialité
en ne manifestant pas de préférence pour un candidat ou un parti
quelconque
.
54. Les observateurs des élections doivent montrer une attitude
respectueuse à l’égard des agents électoraux, des autres autorités
nationales et de tous les autres participants au processus électoral.
A tout instant, y compris pendant leur temps libre, ils doivent
se comporter de manière professionnelle et irréprochable. Le statut
d’observateur d’élections suppose le strict respect du cadre législatif
du pays où ont lieu les élections, ainsi que du principe d’impartialité
et de non-ingérence. Les observateurs d’élections doivent fonder
leurs rapports et conclusions sur des faits et des éléments vérifiables,
et faire preuve de conscience professionnelle et d’un strict respect
de l’impartialité. En conséquence, l’observateur d’élections qui
ne respecte pas ces principes – quand bien même il agirait dans
l’anonymat et durant son temps libre – pourra se voir retirer son
accréditation. Une telle décision doit, néanmoins, être prise dans
le respect du principe de proportionnalité
.
6. Conclusion
55. Il existe de nombreux instruments internationaux
régissant le statut des observateurs d’élections – tels que la Déclaration
de principes pour l’observation internationale d’élections et le
Code de conduite des observateurs électoraux internationaux –, ainsi
que les lignes directrices adoptées par l’OSCE/BIDDH, par la Communauté
d’Etats indépendants, par l’Union européenne et par le Conseil de
l’Europe.
56. Toutefois, il s’agit en majorité d’instruments non contraignants
et ces textes traitent de la participation des observateurs au processus
électoral de différentes manières. Certains se limitent à une déclaration générale
sur l’importance du rôle des observateurs, tandis que d’autres décrivent
en détail les fonctions de la mission d’observation. De plus, la
plupart ne réglementent pas le statut des observateurs nationaux.
57. Dans la majorité des Etats membres, le statut des observateurs
d’élections est souvent absent de la législation électorale nationale
ou seulement partiellement traité. Cette lacune est peut-être due
au fait que, comme l’Assemblée l’a déjà indiqué, les pratiques électorales
dans les Etats membres sont encore souvent soumises à l’influence
des traditions nationales
.
Néanmoins, ces traditions ne doivent pas servir de prétexte pour
justifier certaines pratiques qui compromettent les principes fondamentaux
régissant la conduite d’élections libres et équitables.
58. En conséquence, il convient d’introduire des règles plus unifiées
au niveau tant international que national, et la législation électorale
nationale doit prévoir des dispositions concernant les observateurs d’élections.
59. Dans ses «Lignes directrices sur un statut internationalement
reconnu des observateurs d’élections», la Commission de Venise présente
les droits ainsi que les devoirs de ces observateurs. Elle recommande
aux Etats membres une mise en œuvre prudente de ces lignes directrices
dans la législation nationale, notamment en évitant de faire double
emploi avec la Déclaration de principes pour l’observation internationale
d’élections et avec le Code de conduite des observateurs électoraux
internationaux, instruments à également intégrer aux systèmes électoraux
nationaux.
60. A nouveau, je tiens à souligner l’importance des conclusions
et des recommandations de la Commission de Venise concernant le
statut des observateurs d’élections. C’est pourquoi j’estime que
l’Assemblée doit promouvoir la mise en œuvre dans les Etats membres
des lignes directrices susmentionnées. Dans cette optique et compte
tenu de la diversité des situations en matière d’observation des
élections, une question vient à l’esprit. En effet, l’on peut se
demander si une codification internationale – ou, plus spécifiquement, européenne
– du statut des observateurs d’élections, qui engloberait leurs
droits et obligations, est réellement possible et/ou souhaitable.
Cette question me paraît d’une importance mineure car, en tout état
de cause, tous les Etats doivent être encouragés à inscrire dans
leur législation nationale l’observation nationale et internationale
de leurs élections, et à faciliter cette observation dans la pratique.
Les «Lignes directrices sur un statut internationalement reconnu
des observateurs d’élections» n’abordent pas non plus ce problème
en détail. Elles insistent uniquement sur la nécessité d’éviter
la duplication des normes internationalement reconnues – à savoir
la Déclaration de principes pour l’observation internationale d’élections
et le Code de conduite des observateurs électoraux internationaux
– et soulignent la nécessité d’une mise en œuvre prudente et rigoureuse.
Par conséquent, j’estime que c’est à chaque Etat membre d’examiner
comment les introduire au mieux dans son système national. Le Conseil
de l’Europe doit aussi envisager d’apporter une reconnaissance juridique
à ces lignes directrices, en particulier par le biais d’une recommandation.