1. Introduction
1. Le Proche-Orient et ses conflits
ont été au centre de l’attention de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe, qui a adopté plusieurs Résolutions (1420 et
1452 (2005); 1492 et 1493 (2006); 1550 (2007). Le présent rapport
s’inscrit donc dans la continuité de cette attention particulière.
2. La Commission des questions politiques et sa sous-commission
sur le Proche-Orient, assurent un suivi constant de l’évolution
de la situation afin de fournir à l’Assemblée des évaluations et
des propositions et lui permettre de contribuer au processus de
paix par la promotion du dialogue au niveau parlementaire.
3. La situation politique au Proche-Orient a été marquée, au
cours de la dernière année, par quatre événements: la guerre de
Gaza, les élections parlementaires israéliennes et la formation
d’un nouveau gouvernement, le conflit entre le Président palestinien
Mahmoud Abbas et le Hamas, une nouvelle initiative américaine lancée
par le Président Obama. Chacun de ces événements a engendré des
dynamiques qui sont en train de redessiner le profil du conflit
israélo-palestinien.
4. Il ne faut jamais oublier qu’au centre du conflit israélo-palestinien
il y a deux aspirations également légitime; le droit d’Israël à
exister et à vivre en sécurité et le droit du peuple palestinien
à une patrie indépendante. Une paix durable ne pourra exister qu’en
donnant satisfaction au droit des deux peuples.
5. D’autre part, le conflit israélo-palestinien doit être placé
dans un cadre géopolitique plus large, le “Grand Proche-Orient”
qui s’étend de la Méditerranée au Golfe Persique, où d’autres acteurs
agissent – (l’Égypte, la Syrie, le Liban, la Ligue arabe, l’Irak,
les Émirats du Golfe, l’Iran) dont les choix interagissent avec
la question palestinienne.
6. Depuis le début, le conflit israélo-palestinien est une question
prioritaire pour la communauté internationale et les principaux
acteurs de la scène mondiale, qui sont impliqués activement à la
réalisation de la paix.
2. La Guerre de Gaza
7. A la fin de l’année 2008, le
Gouvernement d’Israël a décidé une action militaire dans la bande
de Gaza (lancée le 27 décembre) dont l’objectif consistait à démanteler
les positions du Hamas d’où, d’après les autorités israéliennes,
en l’espace de 10 ans, environ 10 000 roquettes et missiles auraient
été lancés, provoquant des dizaines de victimes, des centaines de
blessés et la destruction de maisons et de bâtiments à usage civil.
L’offensive israélienne a été décidée alors que le Hamas avait dénoncé
la trêve de six mois négociée avec le gouvernement israélien, grâce
à la médiation égyptienne.
8. L’action militaire israélienne a eu recours aux bombardements
aériens, à l’emploi d’engins blindés et au déploiement d’importantes
troupes terrestres. Une grande partie de la communauté internationale
a estimé que cette offensive excédait le principe de proportionnalité
entre l’attaque subie et la riposte. L’offensive a fait 1400 victimes,
dont la moitié au moins étaient des enfants, des femmes et des personnes
âgées, et plus de 5000 blessés et a provoqué la destruction d’un
nombre élevé de bâtiments – pour un montant d’environ 2 milliards
de dollars.
9. Les agences des Nations Unies et les organisations humanitaires
ont fourni des preuves de destructions et d’attaques militaires
sur des bâtiments à usage civil, y compris des écoles et des hôpitaux.
Le rapport des Nations Unies publié en septembre 2009 dénonçait
Israël d’avoir «fait un usage disproportionné de la force”. En même
temps, il déclare que les deux parties ont commis des actes que
le droit international considère comme des crimes de guerre. Le
Gouvernement israélien a admis quelques-uns de ces épisodes, en s’engageant
à établir les responsabilités. A la suite d’indications fournies
par des agences des Nations Unies, les autorités israéliennes ont
également admis avoir utilisé des armes au phosphore et chimiques.
De récentes déclarations d’officiers et de soldats israéliens engagés
dans l’offensive ont également révélé des épisodes de violence gratuite,
aux dépens de victimes civiles, sur lesquels les autorités israéliennes
ont déclaré vouloir ouvrir des enquêtes.
10. Le Hamas a répliqué en mobilisant ses milices armées et en
obligeant la population civile à servir de bouclier humain. Des
membres d’Al Fatah et des partisans du Président Mahmoud Abbas ont
fait l’objet de persécutions et beaucoup d’entre eux ont été tués
pour des raisons de vengeance politique.
11. Dès le début de la guerre, la communauté internationale a
appelé les deux parties à une suspension immédiate des hostilités
pour permettre l’envoi d’aide humanitaire à la population et parvenir
à un accord de cessez-le-feu durable. Malgré les appels et les efforts
de médiation offerts, entre autres, par le Secrétaire général des
Nations Unies, la Présidence de l’Union européenne, la Ligue arabe
et différents pays, une suspension effective des hostilités n’a
pas eu lieu, sauf dans les derniers jours des combats et pour quelques heures
seulement afin d’ouvrir des couloirs humanitaires.
12. La guerre de Gaza s’est achevée sans un accord consensuel
et bilatéral, mais seulement sur la base de deux decisions unilatérales.
Le 17 janvier 2009, les troupes israéliennes ont quitté les territoires
de Gaza et ont réintégré les territoires de l’État d’Israël.
13. La guerre a confirmé que la paix ne pourra pas venir d’une
solution militaire. Elle a, par ailleurs, accentué davantage l’incommunicabilité,
les accusations réciproques, la haine, poussant ainsi la communauté internationale
à agir. L’expérience démontre que le temps ne joue pas pour la paix
et qu’il est urgent de rendre l’initiative à la politique et à la
recherche d’une solution de paix négociée, partagée et satisfaisante
pour les Israéliens et les Palestiniens.
3. Les
élections israéliennes
14. Le 20 février 2009 ont eu lieu
les élections législatives en Israël, après qu’une crise gouvernementale ait
contraint le Premier Ministre Olmert à démissionner, à annoncer
des élections anticipées, ainsi que sa décision de ne pas se représenter
comme candidat à la tête du gouvernement.
15. Le résultat des élections a changé le scénario: le parti Kadima,
dirigé par la Ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, s’est
révélé être le premier parti du pays en obtenant 28 sièges, suivi
par le Likoud (27 sièges), dirigé par l’ancien Premier Ministre
Benjamin Nétanyahou. Cependant, le total des sièges conquis par le
Likoud, Israël Beitenou et les partis religieux constitue une large
majorité à la Knesset. Par contre sur le front progressiste le succès
de Kadima ne compense pas la réduction drastique des voix en faveur
du Parti travailliste (13 sièges) et du Meretz (3 sièges). Le soutien
aux partis arabes est en légère croissance. C’est sur la base de
ce nouvel équilibre que le Président de l’État d’Israël, Shimon
Peres, a confié la tâche de former le nouveau Gouvernement à Benjamin
Nétanyahou.
16. Après des semaines de négociations entre les partis, il est
parvenu à la formation d’un Gouvernement bénéficiant d’un large
soutien parlementaire formé par le Likoud, Israël Beitenou, Shas,
d’autres partis religieux et les Travaillistes, menés par Ehoud
Barak. Kadima ne faisant pas partie de la coalition, son leader,
Tzipi Livni a déclaré que son parti se plaçait dans l’opposition.
17. Après la formation de son gouvernement, le Premier Ministre
Nétanyahou a annoncé une «nouvelle politique» et une nouvelle approche
stratégique, lancées à Bar Ilan le 14 juin 2009, qui en acceptant
enfin la proposition “deux Etats pour deux peuples” et l’idée d’un
Etat palestinien indépendant, demande en même temps aux Palestiniens
de reconnaître le caractère juif de l’Etat d’Israël. Et aussi en
indiquant que l’Etat palestinien devra être démilitarisé et ses
frontières et son espace aérien devront rester sous contrôle israélien; Jérusalem
restera la capitale unique et indivisible de l’Etat d’Israël; le
droit au retour des Palestiniens réfugiés pourra être résolu seulement
en dehors de l’Etat d’Israël; et que les frontières entre Israël
et l’Etat palestinien devront tenir compte de la répartition démographique
actuelle.
18. Il ne faut pas oublier que pendant toutes ces années les parties
en conflit et la communauté internationale ont adopté une approche
fondée sur le principe “terre contre paix” en visant à concrétiser
le concept “deux peuples / deux Etats”.
19. Il faut souligner aussi que, notamment dans les deux dernières
années, tous les pourparlers préliminaires et les négociations ont
été axés sur la recherche de solutions partagées sur quatre points stratégiques:
un Etat palestinien à l’intérieur des frontières de 1967, modifiées
par d’éventuels échanges limités de territoire; une solution “juste
et partagée” pour les réfugiés palestiniens qui ne compromette pas
les caractéristiques de l’Etat d’Israël; l’évacuation des colonies
israéliennes du territoire du futur Etat palestinien; le statut
de Jérusalem, que les Israéliens et les Palestiniens revendiquent
comme leur propre capitale. Sur chacune de ces questions, on avait
enregistré des rapprochements de positions, bien que non formalisés
et bien qu’ils n’aient pas été reconnus jusqu’à présent par M. Nétanyahou.
20. L’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) a réagi négativement
aux nouvelles propositions israéliennes qui, selon elle, s’éloignent
de l’approche suivie jusqu'à présent par les parties et par la communauté internationale.
En tout cas, l’ANP a posé – comme condition préalable pour quelque
négociation que ce soit – la suspension définitive de toutes les
implantations israéliennes sur les territoires palestiniens, comme
prévu d’ailleurs aussi par la Road Map présentée par le Président
Obama au Caire. Par contre, le gouvernement israélien, face aux
pressions américaines, a déclaré être prêt à bloquer les nouvelles
implantations, en autorisant toutefois celles existantes à construire
de nouveaux bâtiments et l’achèvement d’environ 3 000 bâtiments
qui avaient déjà été commencés ou autorisés. Seraient aussi exclus
les bâtiments publics comme les synagogues, les écoles, etc. et
les implantations inclues dans le territoire de la ville de Jérusalem.
Cette réponse israélienne a bloqué tous les pourparlers préliminaires
entre israéliens et palestiniens, en poussant le Président Mahmoud
Abbas à faire part de sa frustration en annonçant sa décision de
ne pas se représenter aux élections présidentielles fixées pour
le 24 janvier 2010. Le 25 novembre 2009, le Gouvernement israélien, pour
lancer un signal de bonne volonté et d’ouverture, a annoncé la suspension
pour un délai de 10 mois de toutes nouvelles implantations ainsi
que de nouvelles constructions dans les implantations existantes,
en excluant le territoire de la ville de Jérusalem et les constructions
en cours de réalisation.
4. Le
nouveau scénario palestinien
21. Depuis les élections palestiniennes
de janvier 2006, le côté palestinien est partagé par de profondes divisions.
La victoire électorale du Hamas – dans la bande de Gaza, mais également
dans de nombreuses localités de la Cisjordanie – et l’échec sévère
d’Al Fatah, ont redessiné le paysage politique palestinien, en renforçant
davantage le Hamas et les composantes intégristes islamiques.
22. En juin 2006, des milices de Hamas enlèveraient un soldat
israélien, Gilad Shalit, à la frontière avec Gaza, et depuis lors
le Hamas le garde en captivité, en demandant en échange de sa libération,
la libération d’un grand nombre de prisonniers palestiniens détenus
par les Israéliens et la fin du blocage de Gaza. Des négociations
indirectes, par une médiation égyptienne, se sont déroulées avec
intermittence jusqu’à aujourd’hui, sans que Shalit soit libéré,
comme demandé avec force par la communauté internationale.
23. Tout au long de ces mois, il y a eu également plusieurs tentatives,
soit palestiniennes, soit arabes, pour arriver à un accord entre
Fatah et Hamas et, en septembre 2006, Marwan Barghouti, le leader
de la deuxième intifada emprisonné à vie en Israël, lançait avec
des autres prisonniers de toutes les factions palestiniennes le dit
“Document des prisonniers”, qui contenait les progrès à l’égard
des trois conditions du Quartet et proposait un gouvernement palestinien
d’union nationale.
24. En Février 2007, sous le patronage du Roi de l’Arabie Saoudite,
le Fatah et le Hamas souscrivaient, à La Mecque, un accord pour
la formation d’un gouvernement d’union interpalestinienne, basé
sur les lignes du “document des prisonniers”. Ce gouvernement était
formé dans les semaines suivantes, mais sa plateforme n’était pas
considérée suffisante par Israël et par la communauté internationale
pour terminer le boycott entre le gouvernement et le Hamas. Le gouvernement
était paralysé aussi par les rivalités entre le Fatah et Hamas.
25. En juin 2007, le Hamas, par un coup de force de ses milices,
s’empare de la bande de Gaza, en déclarant ne pas reconnaître l’autorité
du Président Mahmoud Abbas, élu au suffrage universel en 2005. Mahmoud
Abbas réagit en considérant déchu le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh
et confie à Saleh Fayyad la tâche de former un nouveau gouvernement.
À partir de ce moment-là, le camp palestinien est partagé en deux entités:
en Cisjordanie, Mahmoud Abbas et le Gouvernement mené par Saleh
Fayyad; à Gaza un Gouvernement dirigé par le Hamas. Cette division
s’est répercutée sur toute la région, tant dans les pays à leadership
modéré (Égypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Maroc, Algérie) soutenant
Mahmoud Abbas, que dans d’autres pays (Syrie, Iran, Libye) et les
mouvements intégristes soutenant le Hamas.
26. Ces divisions se sont également manifestées lors de la guerre
de Gaza. Mahmoud Abbas et les dirigeants arabes modérés, tout en
condamnant l’offensive militaire israélienne, ont dénoncé le caractère aventurier
du Hamas et ses lancements quotidiens de roquettes sur les villages
israéliens du Néguev. Les Gouvernements de Damas et de Téhéran ainsi
que le Hezbollah libanais et d’autres mouvements islamistes radicaux
ont en revanche accordé un soutien plein et inconditionnel au Hamas
et à son comportement.
27. Les événements de Gaza ont poussé, au fur et à mesure, les
factions palestiniennes à chercher un compromis. Immédiatement après
la fin de la guerre et le retrait israélien de Gaza, des négociations
ont été amorcées au Caire pour une pleine intégration du Hamas au
sein de l’OLP, la reconnaissance de la part du Hamas de l’autorité
de Mahmoud Abbas et la création d’un gouvernement d’unité nationale
qui devrait durer jusqu’aux élections législatives et présidentielles,
prévues en janvier 2010. Même le Conseil de Sécurité des Nations
Unies, par sa
résolution
1860/2009, a encouragé la recomposition inter-palestinienne
et la formation d’un Gouvernement d’unité nationale. Pour parvenir
à ce résultat, le Premier Ministre palestinien Saleh Fayyad a déclaré
que son mandat était à la disposition du Président Mahmoud Abbas.
Les négociations, cependant, n’ont pas encore abouti à un accord.
Même la décision du Président Mahmoud Abbas de convoquer les élections
présidentielles et législatives le 24 janvier 2010 a été contestée
par le Hamas. Des négociations sont en cours pour parvenir à une
nouvelle date acceptée par tous.
28. Il faut souligner qu’en Cisjordanie, le Gouvernement Fayyad
a obtenu de remarquables résultats à la fois dans le domaine économique
qu’en ce qui concerne la sécurité et le contrôle du territoire.
Ces résultats ont été facilités par le fait que le gouvernement
israélien ait réduit les points de contrôles et les barrages d’accès
en Cisjordanie. Inversement, la construction du mur sur la ligne
de démarcation entre Israël et la Cisjordanie, qui pénètre même
en profondeur dans le territoire de Cisjordanie, continue d’être
une question controversée.
29. Au mois d’août 2009 s’est tenu, pour la première fois après
20 ans, le Congrès de Al Fatah qui, en confirmant le leadership
de Mahmoud Abbas, a reconfirmé son engagement pour une solution
de paix négociée avec les israéliens et fondée sur le principe “deux
Peuples / deux Etats”. Le Congrès a élu de nouveaux dirigeants,
parmi lesquels Marwan Barghouti, détenu dans les prisons israéliennes,
en marginalisant la “vieille garde” arafatienne considérée coupable
de la crise de crédibilité du Fatah et de sa défaite électorale de
2006.
5. L’initiative
américaine et les responsabilités de la communauté internationale
30. Le conflit au Proche-Orient
constitue, depuis toujours, un échiquier stratégique pour les équilibres politiques
et économiques mondiaux, les relations Occident-Islam, les relations
Nord-Sud et Est-Ouest. Il appartient donc aux grands acteurs internationaux
de concourir à la stabilité et à la paix au Proche-Orient.
31. Notamment, le rôle clé que les États-Unis jouent depuis toujours
au Proche-Orient a été relancé par les premiers actes de la nouvelle
administration Obama: les visites dans la région de la Secrétaire
d’État Hillary Clinton et sa participation à la Conférence des Donateurs
de Charm el-Cheikh; la nomination de l’ambassadeur Mitchell comme
Représentant spécial des États-Unis pour la paix au Proche-Orient;
la visite en Syrie du sénateur John Kerry, Président de la Commission
des Affaires étrangères et la rencontre entre Mme Clinton
et le Ministre syrien des Affaires étrangères; le message d’ouverture
au dialogue envoyé par le Président Obama aux dirigeants iraniens
et leur implication dans la recherche d’une solution de la question
afghane.
32. En particulier, le discours du Caire que le Président Obama
a adressé au monde musulman le 4 juin 2009 dans lequel sont reconnus,
à côté du droit du peuple juif à son Etat, l’Etat d’Israël, et à
vivre en paix et en sécurité, non seulement le droit à une patrie
au peuple palestinien mais aussi sa souffrance de trop d’années
de diaspora ainsi que le manque de solutions au conflit, a suscité,
pour la première fois depuis plusieurs années, espoir et confiance
d’une grande partie du monde arabe et musulman envers l’Amérique.
33. Par ailleurs, la visite effectuée à cette période par le Président
Obama au camp de concentration de Buchenwald a témoigné de l’attachement
au peuple juif et la ferme volonté de l’Amérique de continuer à protéger
Israël, sa sécurité et son avenir.
34. Suite à ces choix politiques, le Président Obama – après des
consultations bilatérales avec le Président Mahmoud Abbas, et les
Premiers Ministres Nétanyahou et Moubarak – a convoqué, en marge
de l’Assemblée Générale des Nations Unies, une rencontre avec le
Président palestinien et le Premier Ministre israélien pour favoriser
la reprise des pourparlers de paix. Toutefois, les opinions des
parties en cause paraissent à ce jour inconciliables, surtout en
ce qui concerne la suspension des implantations, que le Président
Mahmoud Abbas demande et que Benjamin Nétanyahou est prêt à accueillir
partiellement. Même les tentatives successives de la Secrétaire
d’Etat Hillary Clinton et de l’Ambassadeur Mitchell de rapprocher
les parties, en demandant à chacune des deux parties de ne pas poser
de conditions préalables, n’ont pas abouti. Néanmoins, l’engagement
américain continue avec détermination et doit être encouragé et
soutenu par tous.
35. L’Union européenne – en tant que principal partenaire économique
d’Israël et principal bailleur de fonds de l’Autorité nationale
palestinienne – a la responsabilité de concourir à l’engagement
international pour la paix. Elle peut et doit le faire non seulement
dans le cadre du Quartet et sur le plan des relations bilatérales, mais
aussi en aidant les parties à reprendre les négociations, en utilisant
les nombreuses occasions offertes par les Accords euro-méditerranéens
d’association à l’Union européenne et en faisant de l’Union euro-méditerranéenne
nouvellement créée un outil actif et concret de politiques de coopération,
de stabilité et de sécurité du bassin méditerranéen tout entier.
36. Le rôle que peut jouer la Fédération de Russie est lui aussi
très important; celle-ci, en effet, maintient d’étroites relations
avec la Syrie et l’Iran, et peut donc exercer sur ces pays une influence
positive. La proposition de la Russie de convoquer, dans les premiers
mois de 2010, une nouvelle Conférence Internationale, en tant que
suite de celle d’Annapolis, est intéressante et peut être utile,
et doit être examinée avec attention par la diplomatie internationale.
37. Il ne faut pas oublier que les choix unilatéraux du Président
Bush, ainsi que la réduction de l’engagement multilatéral de la
Russie suite au conflit avec la Géorgie, ont enlisé l’action du
Quartet et sa crédibilité.
38. Dans ce scénario actuel, il appartient aux Nations Unies de
relancer l’action conjointe du Quartet, en le sortant de l’enlisement
de 2008 et en réajustant son approche à l’évolution des événements
et à partir d’une prise en compte plus attentive de la réalité des
acteurs sur le terrain.
39. L’engagement de la communauté internationale ne peut pas se
limiter à la dimension politique, mais il doit se traduire en un
soutien financier fort, en premier lieu en faveur de l’Autorité
Nationale Palestinienne, qui permette de mettre en œuvre les politiques
de développement économique et de promotion sociale essentielles
pour faire en sorte que la paix soit solide et crédible. Les engagements
pris au cours de la Conférence des Donateurs de Charm el-Cheikh
de mars 2009 vont dans ce sens et doivent être tenus; de même qu’il
faut soutenir pleinement l’activité de l’Émissaire du Quartet, Tony
Blair.
6. Le
scénario régional
40. L’engagement du monde arabe
pour une paix entre les Israéliens et les Palestiniens s’est renforcé, notamment
autour du Plan de paix approuvé à l’unanimité par la Ligue arabe
au Sommet de Beyrouth de 2002, basé sur les points suivants: la
création d’un État palestinien à l’intérieur des frontières de 1967
avec Jérusalem-Est comme capitale; la reconnaissance de l’État d’Israël
de la part des États arabes; une solution “juste et partagée” de
la question des réfugiés. La relance de cette plateforme aux Sommets
de Riyad (mars 2007) et de Doha (2008) et la participation des principaux
pays arabes à la Conférence d’Annapolis, confirment l’engagement
accru des pays de la région et le nouveau rôle central joué par
la Ligue arabe qui est, de plus en plus, le moteur d’initiatives
permettant au front arabe modéré et réformiste de ne pas subir l’initiative
de l’intégrisme islamisme.
41. L’Égypte confirme son rôle central dans tous les événements
du Proche-Orient: en effet, c’est au Caire que l’on avait négocié
la première trêve entre le Hamas et Israël; Le Caire est aussi bien
le siège des négociations entre le Hamas et le Fatah que le siège
des pourparlers pour la libération du soldat Shalit (en échange
de nombreux prisonniers palestiniens) et pour rétablir, après la
guerre de Gaza, une trêve entre Israël et le Hamas qui comporte
aussi la fin du blocage de Gaza. Et Le Caire a été choisi par le
Président Obama pour adresser au monde arabe son important discours
et présenter ses propositions pour la paix.
42. Après de longues années d’isolement et d’hostilité vis-à-vis
de tout accord de paix, nous assistons à un nouveau comportement
de la Syrie. Une plus grande coopération pour le respect de l’indépendance
et de l’intégrité du Liban, avec échange d’ambassadeurs; la mise
en place, avec la médiation de la Turquie, de pourparlers préliminaires
avec Israël pour un accord sur le Golan; la reprise des relations
avec les États-Unis, mises en exergue par la visite à Damas du sénateur
Kerry, Président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat
américain, et par la rencontre au Caire de Mme Hillary
Clinton avec le ministre syrien des Affaires étrangères Moallem;
la confirmation de l’acceptation du Plan de paix arabe: il s’agit
là de signes d’une volonté de faire partie d’un processus de stabilisation
qui doit être encouragée.
43. Tout aussi important est le rôle croissant joué par l’Arabie
Saoudite qui a été à l’origine de la proposition du Plan de paix
arabe de 2002 et qui, avec l’Égypte et la Jordanie, a relancé fortement
cette plateforme, en promouvant en 2007 le Sommet de Riyad et en
élargissant le consensus actif du monde arabe pour un accord de
paix. La participation au plus haut niveau de l’Arabie Saoudite
à la Conférence d’Annapolis confirme cette volonté, qui doit elle
aussi être encouragée.
44. Au Liban, on assiste également à une évolution positive, bien
que lente. Après la crise de juin 2006 qui a abouti à la guerre
israélo-libanaise de juillet-août, l’engagement de la communauté
internationale a permis d’entreprendre un parcours de stabilisation.
La présence d’un important contingent des Nations Unies a permis de
mettre un terme aux hostilités militaires. Les accords de Doha de
2008, reconnaissant un rôle majeur au Hezbollah, ont permis de sortir
de l’impasse institutionnelle et d’élire à la Présidence de la République
le général Suleiman, en mettant fin à une exténuante et dangereuse
paralysie du pays. La nouvelle loi électorale a redéfini les rapports
entre les différentes communautés religieuses et nationales qui
composent le Liban. La mise en place, à partir du 1er mars
2009, du Tribunal spécial pour le Liban a permis d’acheminer sur
un parcours judiciaire l’établissement des responsabilités pour
l’assassinat du Président Hariri. Enfin, les élections de juin 2009
ont révélé la victoire de la coalition progressiste dirigée par
Hariri fils, même si le parti Hezbollah a renforcé sa position électorale.
Après une longue négociation, un gouvernement d’union nationale
a été formé, dont le Premier Ministre est M. Hariri. Toutefois,
la question du désarmement des milices, qui expose le pays au risque
de sursauts violents continus, reste non résolue ainsi que la question
du rôle du Hezbollah, la principale formation islamiste libanaise
ayant de solides relations avec l’Iran, la Syrie et le Hamas.
45. L’Iran a assumé un rôle de plus en plus central. Le leadership
exercé par Téhéran sur le monde chiite, le caractère violent des
déclarations anti-israéliennes du Président Ahmadinejad et, surtout,
le lancement d’un programme nucléaire qui pourrait ne pas se limiter
uniquement à la dimension énergétique civile, mais s’étendre également
au nucléaire militaire, suscite des inquiétudes au sein de la communauté
internationale et, notamment, dans le Gouvernement israélien qui
a maintes fois menacé de recourir à l’emploi de la force. Le Conseil
de Sécurité a pourtant voté des sanctions contre l’Iran, qui cependant
ne sont pas parvenues à ce jour à bloquer les progrès iraniens dans
le domaine nucléaire.
46. La solution du dossier iranien sur la base de négociations
politiques est un passage essentiel pour la stabilité du Proche-Orient
et pour parvenir à la paix entre les Israéliens et les Palestiniens.
C’est pour cette raison que l’on ne peut qu’apprécier et soutenir
la nouvelle approche du Président Obama, visant à offrir à l’Iran une
négociation paritaire et ouverte, tout en ne renonçant pas à exercer
des pressions (qui n’excluent pas le durcissement des sanctions)
pour que le pays abandonne toute aspiration à l’arme nucléaire.
Il faut également apprécier la décision d’impliquer l’Iran dans
la gestion de la question afghane. Bien que, jusqu’à présent, aucune
réponse satisfaisante ne soit parvenue de la part de l’Iran.
47. Les inquiétudes de la communauté internationale se sont accrues
suite aux élections, dont le Président Ahmadinejad a été proclamé
vainqueur, mais dont les résultats sont contestés par les candidats
de l’opposition et qui ont mené à des manifestations réprimées par
les autorités. C’est également pour cette raison qu’il est important
d’éviter des initiatives unilatérales, surtout de nature militaire,
qui pourraient avoir des conséquences dévastatrices sur les équilibres
stratégiques aussi bien au niveau régional qu’international. Un
nouveau cadre des relations avec l’Iran, qui satisfasse aussi l’aspiration
de ce pays à exercer un rôle de puissance régionale, peut par ailleurs
avoir un impact positif également dans la vie politique intérieure.
48. Une évolution positive de la transition en Irak peut également
renforcer les facteurs de stabilité de la région; il faut donc encourager
toute action qui permette de consolider les institutions démocratiques
de l’État irakien.
49. De même, en Afghanistan, l’élection pour un nouveau mandat
du Président Karzai, contesté par les autres candidats, incite la
communauté internationale et les pays directement engagés à partager
et entreprendre une stratégie de transition plus efficace, qui renforce
le volet politique, social et économique et accélère une politique
de réconciliation nationale.
50. Bien que l’activité des organisations terroristes ait été
plus efficacement déjouée, on ne peut pas sous-estimer la dangerosité
d’Al-Qaïda et des autres organisations terroristes, qui continuent
à poursuivre la déstabilisation de la région, en fomentant la “guerre
sainte” et toute forme de conflit et d’opposition entre l’Islam et
l’Occident. Et ce danger permanent doit inciter la communauté internationale
et chaque gouvernement à considérer la lutte contre le terrorisme
comme une une priorité permanente.
7. Le
rôle de l’Assemblée parlementaire
51. La stabilité et la paix au
Proche-Orient pourront d’autant plus être atteintes et être solides
si dans cette région aussi le respect et l’affirmation des droits
humains, des libertés individuelles, de la démocratie, se développent.
La solution de paix sera plus solide si les deux États sont aussi deux
démocraties. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a
ici un rôle spécifique à assumer.
52. En juin 2008, à Rhodes, a été lancé le Forum tripartite Assemblée
parlementaire/Knesset/Conseil législatif palestinien. L’objectif
du Forum, réalisé grâce à l’impulsion décisive de la sous-commission
sur le Proche-Orient de la Commission des questions politiques et
de son Président, consiste à créer, sans interférer dans les négociations
entre les parties, un lieu de débat et de dialogue parlementaire
visant à accroître la confiance et la fiabilité réciproques.
53. Dans le même esprit, l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe a établi des relations avec les Parlements de nombreux
pays de la région; cette activité doit être encouragée et consolidée,
ainsi que les relations directes entre eux.
54. L’assistance juridique et constitutionnelle que le Conseil
de l’Europe et ses structures (notamment la Commission de Venise)
peuvent fournir, afin de favoriser, dans les différents pays de
la région, l’adoption de législations en pleine harmonie avec la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, est d’une grande importance.
8. Conclusions
55. L’expérience de nombreuses
décennies prouve que ce n’est pas avec les armes, mais uniquement
par le biais de la négociation que l’on pourra parvenir à la paix.
56. L’expérience nous prouve également que le temps qui s’écoule
sans que l’on amorce un accord, ébranle la confiance réciproque
et éloigne le processus de paix.
57. Il est donc décisif de relancer avec force le processus de
paix, en appelant les parties à assumer leurs responsabilités et
en engageant la communauté internationale à les aider et à les accompagner.
58. À cet effet, il est nécessaire que la communauté internationale
encourage et soutienne une recomposition inter-palestinienne et
la formation d’un gouvernement d’unité nationale, qui permette la
création d’un leadership représentatif, crédible et engagé dans
le processus de paix.
59. Il est également essentiel que le nouveau gouvernement israélien
confirme explicitement son engagement pour une paix fondée sur le
principe «terre en échange de la paix” et sur la solution “deux
États pour deux peuples”, en négociant une solution cohérente, crédible
et partagée aussi par les Palestiniens.
60. La seule paix possible est celle qui verra deux États l’un
à côté de l’autre, en reconnaissant et en affirmant les droits et
les aspirations des deux peuples: à Israël une existence reconnue
et sûre et au peuple palestinien une patrie indépendante.
61. Le processus de paix sera d’autant plus solide et sûr si,
dans tous les États de la région, les droits humains et civils et
les principes de l’État de droit et de la démocratie sont reconnus;
le Conseil de l’Europe et notamment son Assemblée parlementaire,
peut jouer un rôle essentiel pour leur respect et leur application.