1. Introduction
1. En ma qualité de président de la commission de suivi,
j’ai effectué des visites d’information à Sofia du 5 au 7 novembre
2008 et du 7 au 9 décembre 2009 dans le cadre du dialogue postsuivi.
Ma mission a essentiellement consisté à recueillir des informations
sur l’évolution de la situation depuis la présentation, en septembre
2006, de la dernière note d’information par Mme Hanne
Severinsen, mon prédécesseur, et les commentaires formulés par les
autorités bulgares en février 2007
, puis à rédiger un document
actualisé. Le présent projet de rapport sur le dialogue postsuivi
avec la Bulgarie a été présenté à la commission de suivi le 28 janvier
2010, et actualisé à la lumière des commentaires écrits transmis
par les autorités bulgares le 5 mars 2010
.
2. A la suite de la révision du Règlement de l’Assemblée parlementaire
adoptée à Berne le 20 novembre 2009 par la Commission permanente,
fixant la préparation d’un rapport sur chaque pays engagé dans un dialogue
postsuivi au moins une fois tous les quatre ans
,
j’ai élaboré le présent rapport sur le dialogue postsuivi avec la
Bulgarie.
3. Dans sa
Résolution
1211 (2000), l’Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi
pour la Bulgarie et d’entamer le dialogue avec les autorités bulgares
«sur les questions figurant au paragraphe 4 ou sur toute autre question
relevant des obligations de la Bulgarie en tant qu’Etat membre du
Conseil de l’Europe, en vue de rouvrir la procédure conformément
à la
Résolution 1115
(1997), si de nouveaux éclaircissements ou un renforcement
de la coopération devaient s’avérer souhaitables».
4. Entre-temps, la Bulgarie est devenue membre à part entière
de l’Union européenne le 1er janvier
2007
. Au moment
de son adhésion, la Bulgarie était toujours confrontée à des difficultés
considérables pour assurer le fonctionnement de son système judiciaire
et lutter contre la corruption et la criminalité organisée.
5. Mes visites ont donc eu lieu dans le contexte particulier
du dialogue postsuivi avec un pays qui a déjà adhéré à l’Union européenne
et dont on peut attendre le plus haut niveau en termes de respect
des engagements et obligations du Conseil de l’Europe.
6. Par ailleurs, j’ai entrepris ma seconde visite après les élections
législatives de juillet 2009 qui ont amené au pouvoir une majorité
radicalement nouvelle. Cette situation inédite ouvre d'autres perspectives
pour le pays qui a manifestement besoin de mener d’autres réformes.
Le présent rapport décrit la situation telle qu’elle m’est apparue
lors de mes visites et présente une feuille de route préliminaire
pour permettre au pays de finalement se conformer aux normes du
Conseil de l’Europe.
7. Je suis reconnaissant à la délégation parlementaire bulgare
pour le vaste programme et l’excellente organisation des visites
ainsi qu’à Mme Teodora Kaleynska, directrice
du bureau d’information du Conseil de l’Europe à Sofia, pour son
aide. J’ai bénéficié d’une précieuse contribution de la part des
représentants des ONG et des communautés minoritaires, que j’ai
rencontrés séparément.
8. Je tiens également à remercier l’ambassadeur de Suède, M.
Paul Beijer, qui a organisé pour moi – en sa qualité de représentant
du pays qui occupait la présidence du Comité des Ministres en novembre
2008 – une réunion d’information avec les ambassadeurs et les hauts
représentants des missions diplomatiques de plusieurs Etats membres
du Conseil de l’Europe et la représentante de la Commission européenne
en Bulgarie.
9. L’une des principales conclusions
de
ma visite à Sofia en novembre 2008 était que, tout en étant sur la
voie de la mise en œuvre des recommandations de l’Assemblée énoncées
dans la Résolution 1211 (2000), le processus de réforme global en
Bulgarie a été axé sur l’introduction, la mise en œuvre et la consolidation des
normes européennes qui ont permis au pays d’adhérer à l’Union européenne
depuis janvier 2007. C’était l’objectif déclaré de toutes les forces
politiques bulgares et un nombre considérable de législations a
été révisé sous les auspices de l’Union européenne pour atteindre
cet objectif.
10. Malheureusement, mon impression générale est que, dans la
course au respect des échéances d’adhésion qui exigeaient un effort
considérable, certaines des réformes, et en particulier celle du
système judiciaire, ont subi de nombreux changements de pure forme
qui ont donné aux réformes une orientation indésirable. Ce fut le
cas, en particulier, des amendements constitutionnels et des modifications
à la loi sur le système judiciaire adoptés en février 2007. J’ai
le sentiment que la Bulgarie, une fois membre de l’Union européenne,
n’a pas considéré le respect des obligations et engagements du Conseil
de l’Europe comme une priorité. Mes interlocuteurs ont confirmé
mon impression.
11. Au cours de ma dernière visite, en décembre 2009, et à la
suite de mes entretiens avec divers interlocuteurs en charge du
nouveau gouvernement, j’ai pu constater une évolution positive dans
les relations entre l’Assemblée et les nouvelles autorités bulgares.
En outre, tous mes interlocuteurs ont fait part de leur volonté
d’aller de l’avant dans la mise en œuvre des réformes en suspens.
12. Je tiens à rappeler que les composants politiques des critères
de Copenhague de 1993 pour l’adhésion à l’Union européenne coïncident
largement avec les obligations pour l’adhésion au Conseil de l’Europe
. La Bulgarie
a malheureusement donné priorité aux exigences économiques. Dans
ce contexte, la Commission européenne a instauré un mécanisme de
coopération et de vérification visant à assurer un suivi des progrès réalisés
et à renforcer l’aide nécessaire pour remédier aux lacunes dans
le respect des critères politiques. La Commission et les autres
Etats membres de l’Union européenne ont vu la nécessité de travailler
en étroite coopération avec la Bulgarie après l’adhésion, notamment
pour veiller à ce que les réformes nécessaires soient mises en place
afin de renforcer le système judiciaire et lutter contre la corruption
et le crime organisé. Selon moi, cette procédure n’aurait pas été
nécessaire si la Bulgarie s’était efforcée de remplir les obligations et
engagements qui lui incombent en tant qu’Etat membre du Conseil
de l’Europe.
13. Ce rapport résume certaines observations essentielles de mes
visites ainsi que les points particuliers du dialogue postsuivi
avec la Bulgarie depuis la dernière résolution de l’Assemblée.
2. Contexte politique
2.1. Election présidentielle du
22 octobre 2006
14. Selon la Mission d’observation internationale de
l’OSCE/BIDDH, l’élection présidentielle d’octobre 2006 a confirmé
la crédibilité du processus électoral en Bulgarie. Le scrutin s’est
déroulé dans un environnement de compétition politique, et les sept
candidats à la présidence ainsi que les candidats à la vice-présidence
ont offert aux électeurs un choix réel.
15. Georgi
Parvanov, Président de la Bulgarie depuis le 22 janvier 2002,
a été réélu le 29 octobre 2006 par 75,95 % des voix au second tour
et avec un taux de participation de 38,97 %
. Il est à la fois chef de l’Etat et commandant
en chef des forces armées. Il est également à la tête du Conseil
consultatif pour la sécurité nationale. Bien qu’il ne soit pas en
mesure de proposer des textes de loi autres que des amendements constitutionnels,
le Président peut renvoyer une loi pour une nouvelle délibération.
Le parlement est cependant en mesure de contourner ce veto grâce
à un vote majoritaire.
2.2. Elections législatives de 2009
et nouveau gouvernement
16. Les élections législatives du 5 juillet 2009 en Bulgarie
constituaient le premier scrutin national depuis l’adhésion du pays
à l’Union européenne en 2007.
17. Le mouvement de centre droit GERB (Citoyens pour le développement
européen de la Bulgarie) a obtenu 39,7 % des voix; la Coalition
pour la Bulgarie, au pouvoir, 17,7 %; le Mouvement des droits et
libertés (DPS, soutenu par les Bulgares d’appartenance ethnique
turque), 14,5 %; la coalition d’extrême droite ATAKA, 9,36 %; la
Coalition bleue libérale, 6,7 %; et le parti populiste Ordre, légalité
et justice, 4,13 %
.
18. Ayant obtenu 116 sièges sur 240, dont 50 occupés par des femmes
(c’est-à-dire 20,8 %), les résultats n’ont pas permis au Premier
ministre Boyko Borisov – ancien maire de Sofia – de former une majorité
absolue et, par conséquent, un gouvernement indépendant et stable.
Cependant, dans cette situation, il a préféré constituer un gouvernement
minoritaire plutôt que d’entrer en coalition avec d’autres petits
partis de droite.
19. En revanche, l’ensemble des partis de droite, y compris les
nationalistes d’extrême droite, ont déclaré qu’ils soutiendraient
le gouvernement, en vue de faciliter la résolution des problèmes
auxquels est confrontée la Bulgarie.
20. En juillet 2009, le Premier ministre Borisov a fait connaître
les priorités de son nouveau gouvernement:
- augmenter les revenus des citoyens et assurer la croissance
économique; lutter contre la crise, attirer les investissements
et renforcer l’activité commerciale; introduire dans tous les domaines
les technologies de pointe;
- garantir la primauté du droit, lutter contre la corruption
et le crime;
- réformer le système judiciaire afin de restaurer le sentiment
de justice au sein de la société;
- rétablir la confiance de l’Union européenne envers la
Bulgarie afin de débloquer les fonds gelés de l’Union européenne
censés aider le pays à surmonter rapidement la crise;
- améliorer les conditions de vie, y compris la politique
sociale et la santé, ainsi que les activités sportives et le développement
physique des Bulgares;
- développer le capital humain bulgare et offrir une éducation
de qualité;
- faire de la Bulgarie un facteur essentiel de stabilité
dans la région et le monde, en coopérant notamment avec l’OTAN et
l’Union européenne, et en portant son attention sur les Balkans
et les régions de la mer Noire.
21. Le Premier ministre Borisov a clairement fait savoir que son
parti (GERB) était animé de la volonté politique nécessaire pour
atteindre ces objectifs. Il a promis d’associer l’ensemble des citoyens
bulgares, quelles que soient leurs origines ethniques ou leur religion,
ainsi que tous les Bulgares qui vivent à l’étranger, aux objectifs
du nouveau gouvernement.
3. Fonctionnement du système judiciaire
22. Le problème de l’indépendance du judiciaire doit
être envisagé dans le contexte plus vaste de la réforme du système
judiciaire en Bulgarie. Il s’agit d’un processus lent, le système
judiciaire bulgare ayant fait un mouvement de balancier, passant
d’un appareil largement soumis au gouvernement, héritage d’un régime totalitaire,
à un système anarchique, sans obligation de rendre des comptes,
et considéré comme inefficace, non transparent et corrompu. Cette
opinion est accentuée par les organes exécutifs et législatifs qui
se méfient encore considérablement du judiciaire et sont peu disposés
à reconnaître l’existence d’un pouvoir judiciaire réellement indépendant.
23. En février 2007, plusieurs modifications constitutionnelles,
relatives principalement au pouvoir judiciaire, ont été adoptées.
Malheureusement, le Conseil de l’Europe n’a pas été sollicité en
vue d’apporter son expertise préalablement à cette adoption
. A présent,
les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont fait part de leur intention
d’unir leurs efforts pour réviser et mettre en œuvre la réforme
du Code pénal. J’ai demandé aux autorités de consulter la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
dès l’élaboration de cette importante réforme. Lors de notre rencontre
en décembre 2009, le ministre de la Justice, Mme Popova,
s’est montrée très intéressée par une éventuelle assistance du Conseil
de l’Europe et a exprimé son intention de consulter la Commission
de Venise au sujet de ces réformes.
24. L’actuelle équipe dirigeante du ministère de la Justice a
fait part de son souhait de renforcer sa collaboration avec le Conseil
de l’Europe en ce qui concerne les réformes législatives prévues.
Le ministère de la Justice a pris des mesures en ce sens et envoyé
à la Commission de Venise le projet de loi sur la confiscation en
faveur de l’Etat des biens acquis illégalement, afin d’obtenir son
avis éclairé à ce sujet. De même, pendant la réunion tenue avec
Mme Popova et M. Holovaty, la partie
bulgare s’est déclarée disposée à coopérer plus étroitement avec
les experts du Conseil de l’Europe lors de la rédaction du nouveau
Code pénal (évoqué dans le projet de rapport sous le nom de «Code
de procédure pénale»).
25. Après un échange de vues en mai 2007 avec la délégation bulgare
sur une note d’information rédigée par la première vice-présidente
dans le cadre du dialogue postsuivi avec la Bulgarie
, et les commentaires à ce propos soumis par
les autorités bulgares
, la commission de suivi a décidé
de demander l’avis de la Commission de Venise sur la Constitution
bulgare, en particulier en ce qui concerne les amendements adoptés en
février 2007.
26. La Commission de Venise a tenu un échange de vues avec le
ministre bulgare de la Justice lors de sa réunion de mars 2008,
pendant laquelle le ministre a présenté ses observations orales
et écrites
. Dans son avis, adopté lors de
cette réunion
, la Commission de Venise a conclu
que la Constitution bulgare, y compris les dispositions modifiées
en février 2007, était généralement conforme aux normes européennes
et en harmonie avec la pratique constitutionnelle appliquée dans
d’autres Etats européens.
27. Toutefois, d’après la Commission de Venise, il ne fallait
pas en conclure que de nouvelles améliorations ne pouvaient pas
être apportées au texte, notamment aux chapitres sur les droits
de l’homme et sur le système judiciaire. Selon elle, le fait que
le ministre de la Justice préside le Conseil judiciaire supérieur
et dispose d’un droit d’initiative posait problème sur le plan de
la séparation des pouvoirs. Le droit du ministre de proposer le budget
pouvait être en contradiction avec le principe constitutionnel de
l’indépendance budgétaire de la justice. Enfin, l’appartenance au
Conseil judiciaire devait être incompatible avec tout mandat représentatif
ou toute fonction politique.
28. De l’avis de la ministre de la Justice, Mme Popova,
il ne serait, pour le moment, pas opportun de modifier la Constitution
en ce qui concerne le rôle joué par le ministre de la Justice au
sein du Conseil judiciaire supérieur, en raison des vérifications
et du suivi effectués en ce moment par la Commission européenne. Actuellement,
le gouvernement se concentre entièrement sur la lutte contre la
corruption et la criminalité organisée, mais il n’est pas exclu
pour lui de procéder ultérieurement à une telle modification.
29. Il faudrait s’assurer que, au sein du Conseil judiciaire supérieur,
les juges, les procureurs et les juges d’instruction ne s’immiscent
pas dans les activités qui ne les concernent pas. En outre, la période
probatoire de cinq ans imposée aux nouveaux juges est un obstacle
de taille à l’indépendance de la justice et les pouvoirs octroyés
aux inspecteurs sont trop importants et comportent un risque d’ingérence
dans l’administration de la justice.
30. Pour la Commission de Venise, les nouvelles dispositions de
2007 de la Constitution relatives à l’immunité civile et pénale
dans l’appareil judiciaire sont conformes à ses précédentes recommandations
et méritent être saluées.
31. En revanche, les difficultés relatives à la structure du Conseil
judiciaire supérieur n’ont pas été levées depuis les avis précédents
de la Commission de Venise. Cette dernière, dans son avis, reconnaît
que le statut permanent des membres du Conseil judiciaire supérieur,
son indépendance administrative et financière et les mandats des
membres, qui sont très différents de ceux du parlement, renforcent
également les conditions d’indépendance des 11 membres élus par
le parlement. Cependant, le commentaire suivant, contenu dans l’avis
des 22 et 23 mars 1999
reste pertinent:
«30. La composition du conseil
telle qu’elle figure dans la loi n’est pas en soi critiquable. Ce
système pourrait parfaitement fonctionner dans une démocratie en
place de longue date où l’administration de la justice est le plus
souvent au-dessus du conflit de la politique partisane et où l’indépendance
du judiciaire est très marquée et bien établie. Dans une telle situation,
on n’attendrait pas que les représentants du parlement au conseil
soient élus strictement en fonction de leur appartenance à un parti
et, en tout état de cause, même si cela devait être le cas, les
élus ne se sentiraient en aucune manière tenus d’agir selon les
instructions ou les directives du parti qui les aurait élus.
31. La Commission de Venise considère que même s’il se
peut que le Conseil judiciaire supérieur n’ait pas, en fait, été
politisé, il n’est pas souhaitable que l’on ait ne serait-ce que
l’impression d’une politisation des procédures de son élection.
Dans chacune des deux élections les plus récentes de la composante
parlementaire, sous deux gouvernements différents, les partis d’opposition
n’ont pas participé au vote, de sorte que dans chaque cas, cette
composante a effectivement été élue par les représentants des partis
de gouvernement.
32. Il faudrait, pour l’élection de cette composante,
essayer de parvenir à un degré élevé de consensus. Le Parlement
bulgare examine les candidatures avant le vote en séance plénière
dans une commission parlementaire. Il faudrait qu’un tel mécanisme
puisse être utilisé pour assurer une participation appropriée de
l’opposition aux élections au Conseil judiciaire supérieur.»
32. Une recommandation importante précédente tendant à prévoir
une élection de la composante parlementaire du Conseil judiciaire
supérieur à une majorité qualifiée, pour permettre une certaine représentation
de l’opposition, n’a pas été mise en œuvre. Pendant notre réunion,
Mme Popova a donné son avis et a estimé,
comme moi, que la majorité qualifiée était toujours la marque d’un
scrutin plus démocratique et non politisé.
33. Onze membres sont toujours élus par le parlement, tandis qu’il
reste possible pour une majorité simple au sein du parlement d’élire
l’ensemble de ces membres. Une solution pourrait consister à limiter
à un tiers le nombre de membres du conseil élus par le parlement
et à imposer un vote à la majorité qualifiée.
34. La Commission de Venise s’est félicitée de la réaction constructive
des autorités bulgares à cet avis et reste à leur disposition, ainsi
qu’à celle de l’Assemblée parlementaire, pour toute coopération
ultérieure.
35. Pendant ma première visite en novembre 2008, j’ai été surpris
d’apprendre que les poursuites judiciaires à l’encontre du personnel
du ministère de l’Intérieur et des forces de police étaient portées
devant les tribunaux militaires. La Cour d’appel militaire de Sofia
restait la Cour d’appel suprême pour ces cas, ce qui posait de sérieux
problèmes en ce qui concerne l’administration équitable de la justice.
C’est pourquoi je me félicite de la modification apportée au Code
de procédure pénale en décembre 2008, abolissant l’obligation pour
les civils de porter devant des tribunaux militaires les actions
judiciaires à l’encontre de la police.
36. Dans son arrêt du 5 novembre 2009 dans l’affaire
Kolevi c. Bulgarie , la Cour européenne des droits de
l’homme a conclu aux violations de l’article 5, paragraphe 3 (…
doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires), de l’article
5, paragraphes 1 et 3 (illégalité et durée excessive de sa détention),
article 5, paragraphe 4 (examen rapide du recours), et de l’article 2
de la Convention (enquête inefficace et absence de l’indépendance
requise). Selon la Cour, le fait que le gouvernement n’ait pas montré
qu’au moins certaines des nombreuses et graves allégations portées durant
la période concernée à l’encontre de M. F., procureur en chef, ont
fait l’objet d’enquêtes, est particulièrement intéressant dans la
présente affaire. Cela corrobore en effet l’allégation du requérant
quant à l’absence dans la législation bulgare de garanties suffisantes
d’une enquête indépendante sur les infractions dans lesquelles le
procureur en chef ou d’autres fonctionnaires de haut rang proches
de lui sont susceptibles d’être suspectés.
37. En ce qui concerne la formation des juges, j’ai été surpris
d’apprendre que ces derniers sont formés uniquement après leur nomination
et qu’il n’existe aucun système d’évaluation de leurs compétences.
De toute évidence, cela, ajouté à l’idée répandue de corruption,
engendre celle d’une profonde méfiance à l’égard du système judiciaire.
Je ne peux qu’encourager la coopération avec le Conseil de l’Europe
en ce qui concerne la formation des juges.
38. En fait, le judiciaire reste stigmatisé par les longues procédures
préliminaires de la justice pénale, le nombre limité de procédures
contre des hauts responsables et fonctionnaires impliqués dans des
affaires de corruption, la non-exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme en raison du faible taux de réouverture de
procès pénaux après décision de la Cour de Strasbourg et de l’absence,
jusqu’au mois de juin dernier, de dispositions légales le permettant
dans les affaires civiles.
39. Concernant la durée des procédures, en décembre 2009, le président
de la Cour suprême m’a fait savoir que, depuis notre dernière entrevue
en 2008, une commission spécifique avait été chargée d’étudier ce problème.
Elle a depuis lors formulé des propositions en vue de modifier la
législation pour instaurer une liste de réserve d’avocats, afin
de résoudre le problème de l’absentéisme à la Cour suprême, l’une
des principales causes des retards de procédures. Dans ses commentaires
de mars 2010, la Cour suprême a également indiqué qu’elle rendait
des décisions interprétatives permettant de résoudre des contradictions
dans l’application du droit matériel et procédural, et donnait des
instructions visant à assurer son application uniforme par l’ensemble
des juridictions [internes]. Dans le cadre de cette compétence,
la Cour suprême de cassation a rendu en 2009 son premier jugement
interprétatif, dans lequel elle donne des instructions à toutes les
juridictions concernant les dispositions du Code de procédure civile
régissant la «procédure accélérée». Ces dispositions, qui ont été
introduites dans le Code de procédure civile en 2006, constituent
une innovation pour le système de justice pénale bulgare. Elles
donnent aux plaignants la possibilité de renoncer à la collecte de
certaines preuves ou à l’intégralité d’une enquête judiciaire. Ainsi,
la phase judiciaire est beaucoup plus courte, ce qui réduit la durée
globale de la procédure pénale. Lorsque les nouvelles dispositions
sont entrées en vigueur, les juridictions ont d’abord éprouvé des
difficultés à les appliquer, mais ces difficultés ont pu être surmontées
grâce aux instructions données par la Cour suprême de cassation.
Ces instructions ont permis de développer considérablement l’application
des nouvelles dispositions; en conséquence, nombre de procédures
aboutissent dans des délais plus courts.
4. Indépendance des médias vis-à-vis
de l’exécutif
40. Après sa dernière visite, mon prédécesseur, Mme Severinsen
concluait que le problème de l’indépendance des médias vis-à-vis
des pouvoirs exécutif et législatif semblait avoir été résolu, au
moins au niveau législatif, avec l’adoption et l’entrée en vigueur
de la loi sur la radio et la télévision en janvier 2005. Les amendements
aux dispositions ont renforcé l’indépendance du Conseil des médias
électroniques (CEM)
par un
système de rotation (trois des neuf membres changent tous les deux
ans) et d’irrévocabilité de ses membres ainsi que par une clause
stipulant qu’aucun membre du CEM ne peut être recruté à des postes
de direction dans d’autres organismes publics de diffusion radiophonique
et télévisée. Cette instance indépendante a également été investie
du pouvoir d’élire les responsables de la radio nationale bulgare
et de la télévision nationale bulgare.
41. Toutefois, le fait que les principaux médias soient dirigés
par des personnes ayant une grande influence politique contribue
à un climat de méfiance vis-à-vis des médias, et à l’idée qu’ils
ne sont pas indépendants par rapport à l’exécutif et à toutes les
sphères d’influence. De plus, les récents rapports sur des meurtres
et des agressions physiques de journalistes soulèvent un problème
important en Bulgarie.
42. En effet, des cas d’agressions physiques, de menaces et de
harcèlement de journalistes d’investigation ont été signalés. Il
est indispensable de garantir la liberté de la presse, et les cas
de violence et de harcèlement à l’égard des journalistes doivent
faire l’objet d’une enquête approfondie.
43. J’ai été consterné d’apprendre que l’ancien ministre de l’Intérieur,
Rumen Petkov, avait insulté publiquement le journaliste Jurgen Roth
et appelé à la violence contre lui le 11 novembre 2008, moins d’un mois
après qu’Ognyan Stefanov, éditeur du site web d’informations Frognews,
eut été gravement blessé lors d’une tentative de meurtre. Il est
regrettable que l’enquête n’ait donné lieu à aucune poursuite; j’espère
que toute la lumière sera bientôt faite dans cette affaire et que
les auteurs seront traduits en justice.
44. Lors de ma première visite en novembre 2008, certains représentants
de l’opposition regrettaient l’absence de loi sur les médias, laissant
ainsi plusieurs questions en suspens au sujet de l’influence des entreprises
et des activités criminelles. Ils ont déclaré que la récente loi
sur les médias électroniques ne traitait que des questions techniques
et ne garantissait pas l’indépendance du travail des journalistes
dans la pratique, même si la Constitution le prévoyait.
45. Plus récemment, des membres du parlement, du groupe d’opposition
de la Coalition pour la Bulgarie et de la commission de suivi de
l’Assemblée parlementaire ont informé la commission de suivi de
diverses tentatives d’influence des médias, y compris des instances
de régulation et des médias eux-mêmes. Selon eux, la concentration
de la propriété dans le secteur des médias perdure, suscitant les
intérêts mercantiles de certains médias sensibles aux pressions
politiques et affaiblissant ainsi l’indépendance des médias dans
la société.
46. Bien qu’une loi sur les médias ne soit pas la norme dans tous
les Etats membres du Conseil de l’Europe, je suggère que l’Assemblée
nationale organise un débat sur cette question et envisage la rédaction
d’un projet de loi qui porterait sur la question de la concentration
des groupes de médias et établirait des normes pour l’indépendance
des médias vis-à-vis de toute sorte d’influence politique ou financière.
Les autorités bulgares devraient faire appel à l’expertise du Conseil
de l’Europe dans ce domaine.
5. Droits des personnes appartenant
à des minorités nationales
47. Selon la Constitution, tous les citoyens sont égaux
devant la loi, quelle que soit leur situation ethnique, religieuse
et linguistique
.
Début 2004, une loi relative à la protection contre la discrimination
est entrée en vigueur et, en 2005, une commission pour la protection
contre la discrimination a été constituée. Cette loi a été saluée
en tant qu’outil susceptible de protéger les victimes de discrimination
et de permettre la transposition des directives de l’Union européenne
dans la législation bulgare.
48. La situation globale des minorités dans le pays est d’une
manière générale plutôt satisfaisante. Autrefois, les Turcs et les
Roms étaient les deux plus grands groupes victimes de discrimination.
Entre 1984 et 1989, la minorité turque vivant en Bulgarie a subi
des violations des droits de l’homme à une échelle sans précédent.
Cependant, depuis les années 1990, la situation des Turcs s’est
considérablement améliorée. Le Mouvement des droits et libertés,
parti politique composé principalement de Turcs de souche, a été
dans deux coalitions gouvernementales consécutives. La communauté
est représentée par 38 membres sur 240 à l’Assemblée nationale,
et est également bien représentée dans les municipalités locales.
49. Selon les données pour 2007 présentées par l’Institut Max
Planck et l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences de
Bulgarie, le taux de chômage s’élevait à 7,6 % pour les Bulgares
de souche, à 26,8 % pour les personnes appartenant à la minorité
turque, et à 48,3 % pour les membres de la minorité rom.
50. La situation des Roms, en revanche, reste préoccupante. Sur
cette question particulière, je renvoie au rapport sur la situation
des Roms en Europe (
Doc.
12174), établi par la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme, qui devrait faire l’objet d’un débat à l’Assemblée
en avril 2010. Selon ce rapport, en Bulgarie aussi, le taux de scolarisation
des enfants roms est nettement inférieur à celui des enfants de
la majorité. Par ailleurs, les établissements distincts (accueillant
principalement des enfants roms) qui sont en charge de l’éducation
de 70 % des enfants roms, disposent d’infrastructures plus précaires
et de moins de ressources ou de matériels que les écoles d’enseignement
général. D’après le recensement effectué en 2001, 18,1 % des Roms
étaient analphabètes.
51. Les plans d’action de la Décennie pour l’intégration des Roms
(2005-2015) n’ont pas permis d’améliorer la situation ces dernières
années. Il convient toutefois de poursuivre les efforts, notamment
dans le secteur du logement et de l’accès à l’éducation et à l’emploi
. Le nouveau
gouvernement devrait également s’y engager.
52. Dans l’affaire
Centre européen
des droits des Roms(CEDR)
c. Bulgarie , le
Comité européen des Droits sociaux a conclu à la violation de l’article
16 de la Charte sociale européenne révisée (droit de la famille à
une protection sociale, juridique et économique) concernant les
conditions de logement et les circonstances dans lesquelles des
familles roms ont été expulsées, combiné à l’article E (non-discrimination).
Dans sa Résolution CM/ResChS(2007)2 Réclamation collective no 31/2005
par le Centre européen des droits des Roms contre la Bulgarie, le
Comité des Ministres attend de la Bulgarie qu’elle fasse état, lors
de la présentation du prochain rapport relatif aux dispositions
pertinentes de la Charte sociale européenne révisée, d’une amélioration
de la situation et qu’elle tienne le Comité des Ministres informé
régulièrement de tout progrès réalisé. Ce rapport national devrait
être publié au printemps 2010
.
53. Dans ce contexte, j’ai été consterné d’apprendre que le Conseil
national pour la coopération sur les questions ethniques et démocratiques,
créé il y a dix ans sous l’égide du Conseil des Ministres, avait
été réduit par le nouveau gouvernement à une équipe de deux personnes
au sein du ministère du Travail, mettant ainsi un terme à l’unique
véritable institution chargée des questions touchant les Roms. Je
suis convaincu que les questions relatives aux droits des Roms nécessitent
une approche globale ainsi que le soutien actif du gouvernement.
54. Les autorités bulgares sont peu enclines à reconnaître l’identité
ethnique propre des quelque 5 000 Macédoniens vivant en Bulgarie.
Certains rapports font état de violations occasionnelles de la liberté
de réunion pacifique et de la liberté d’association de ce groupe
ethnique, mais mon programme chargé ne m’a pas permis de rencontrer
leurs représentants. Dans leurs commentaires de mars 2010, les autorités
bulgares ont rappelé qu’elles adhéraient au principe selon lequel
l’appartenance d’une personne à tel ou tel groupe était déterminée
par la volonté librement exprimée de la personne concernée. Par
conséquent, l’existence de citoyens bulgares se définissant comme
«macédoniens» avait été dûment prise en compte dans les résultats officiels
du recensement de la population: au 1er mars 2001,
leur nombre s’élevait à 5 017 personnes. Toutefois, seuls 3 109
d’entre eux s’étaient déclarés de langue maternelle macédonienne,
les 1 908 restants ayant indiqué que leur langue maternelle était
le bulgare. Puisque ces données sont publiques, les autorités bulgares
n’ont pas besoin d’assortir ce fait objectif d’un quelconque acte
de «reconnaissance» supplémentaire.
55. Selon le ministère des Affaires étrangères, en Bulgarie, les
personnes qui appartiennent à des groupes religieux, linguistiques
ou ethniques minoritaires, y compris celles qui se considèrent comme «macédoniennes»,
jouissent de l’ensemble des libertés et droits garantis aux citoyens
bulgares, sans discrimination, quelle qu’elle soit.
56. A cet égard, l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’affaire
Organisation
macédonienne unie Ilinden-Pirin et autres c. Bulgarie s’est
longuement fait attendre. Cependant, le 1er décembre
2009, le Comité des Ministres a adopté la résolution finale sur
l’exécution de l’affaire OMU llinden
. Dans ses commentaires de mars 2010,
le ministère des Affaires étrangères a tenu à préciser que l’arrêt
précité ne créait aucune obligation pour la partie bulgare d’enregistrer
automatiquement OMU llinden-Pirin en tant que parti politique. L’enregistrement
d’un parti, quel qu’il soit, relève exclusivement des tribunaux, conformément
à la loi relative aux partis politiques. Selon les autorités bulgares,
toutes les possibilités d’enregistrement prévues par la loi relative
aux partis politiques en vigueur sont – et demeurent – ouvertes
aux demandeurs, quelle que soit l’identité ethnique dans laquelle
ils se reconnaissent, sans restrictions et sur un pied d’égalité
avec l’ensemble des citoyens bulgares. Les règles énoncées par la
loi relative aux partis politiques sont claires et s’appliquent
à tous, sans exception.
57. Cette affaire concernait la dissolution d’un parti politique
visant «la reconnaissance de la minorité macédonienne de Bulgarie»
et se rapportait à la liberté de réunion de groupes de personnes
soutenant cette reconnaissance. Dans son arrêt du 20 octobre 2005,
la Cour de Strasbourg a estimé que la dissolution du parti politique
OMU Ilinden-Pirin en 2000 était contraire à l’article 11 de la Convention
étant donné que rien dans le programme du parti ni dans les déclarations
de ses chefs n’allait à l’encontre des principes de la démocratie. Deux
tentatives de réenregistrement – avec un nom et des statuts identiques
à ceux du parti injustement dissous – ont échoué depuis l’arrêt
de la Cour. Une troisième tentative est en cours d’examen.
58. Dans sa résolution finale, le Comité des Ministres a conclu
ce qui suit: «Soulignant, dans ce contexte, que la loi sur les partis
politiques, telle que modifiée en janvier 2009, a abaissé de 5 000
à 2 500 le seuil exigé de membres pour fonder un parti politique
et que ce nouveau seuil semble, en outre, être de nature à résoudre les
problèmes rencontrés par les requérants pour fonder leur parti en
conformité avec les exigences de la loi sur les partis politiques
de 2005 […], il semble que les requérants puissent à présent demander l’enregistrement
de leur parti dans le cadre d’une procédure conforme à l’article
11 de la Convention. […] Les mesures de caractère général, et en
particulier les mesures de sensibilisation prises par les autorités
bulgares afin d’assurer une interprétation du droit bulgare applicable
[sont] conformes à la Convention et [devraient] ainsi prévenir des
violations similaires à celle constatée par la Cour européenne
.»
59. Par ailleurs, dans son avis sur la Constitution bulgare de
2008
,
la Commission de Venise s’inquiétait «de la possibilité d’utiliser
cette disposition de la Constitution pour empêcher les groupes linguistiques, ethniques
ou religieux minoritaires de s’organiser» et proposait «de modifier
certaines des dispositions constitutionnelles susmentionnées pour
que leur libellé soit moins catégorique et exprime une attitude
ouverte envers les minorités également dans le langage utilisé dans
la Constitution».
60. Selon les informations présentées dans l’avis du Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
, «l’enseignement des langues
des personnes appartenant aux minorités dans le cadre du programme
d’enseignement obligatoire reste limité et l’enseignement dans ces
langues presque inexistant». Dans sa Résolution sur la mise en œuvre
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
par la Bulgarie
, le Comité des Ministres
conclut que «des efforts supplémentaires sont attendus de l’Etat
pour ce qui concerne l’enseignement de et dans la langue des personnes
appartenant aux minorités, ainsi que pour promouvoir la connaissance
de la culture et de l’identité des minorités et pour favoriser le
dialogue interculturel et la tolérance par l’éducation». Dans ses
commentaires de mars 2010, le ministère des Affaires étrangères
a fait observer que la Bulgarie avait pris un certain nombre de
mesures et accompli des progrès non négligeables dans ce domaine.
Par exemple, un département spécialisé avait été créé au sein du
ministère de l’Education et des Sciences, afin de concevoir des
mécanismes permettant d’introduire des éléments interculturels dans
l’enseignement dispensé aux enfants et aux élèves, de vaincre les
stéréotypes et les préjugés négatifs à l’égard des personnes différentes,
de sensibiliser les enfants et les élèves, de cultiver des compétences
propres à renforcer la solidarité dans un environnement multiculturel
et d’améliorer l’estime de soi des enfants et des élèves concernant
leur identité culturelle.
61. Selon le même rapport, la mise en œuvre de la convention-cadre
reste problématique en ce qui concerne l’utilisation des langues
des personnes appartenant aux minorités, que ce soit dans les rapports
avec les autorités administratives ou dans les procédures pénales.
Il est regrettable qu’aucune modification n’ait été apportée aux
dispositions législatives.
62. La Bulgarie n’a ni signé ni ratifié la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires. Cette question a été soulevée
avec les autorités nationales, mais les réponses sont restées vagues
ou évasives. Je demande donc à la délégation bulgare de me fournir
de plus amples informations sur les obstacles qui empêchent la signature
et la ratification de la charte du Conseil de l’Europe précitée.
Selon les commentaires écrits de mars 2010, l’absence de correspondance
entre la charte et certaines dispositions essentielles de la législation
bulgare est un obstacle important à la signature et à la ratification
éventuelles de cet instrument par la Bulgarie. En même temps, il
convient de noter que la Bulgarie est partie à la Convention-cadre
du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales
qui couvre, en termes plus généraux, une grande partie des questions
traitées dans la charte. A l’heure actuelle, la Bulgarie privilégie
l’application effective des principes consacrés par la convention-cadre,
dont de nouvelles améliorations de la législation nationale et l’adoption,
à cette fin, des mesures concrètes nécessaires.
63. Une délégation du Comité consultatif sur la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales s’est rendue en Bulgarie
du 28 septembre au 2 octobre 2009 dans le cadre du suivi de la mise
en œuvre de cette convention dans le pays. La Bulgarie a présenté
son deuxième rapport étatique en novembre 2007. A la suite de sa
visite, le comité consultatif adoptera son propre rapport (dénommé
«avis») au printemps 2010 et celui-ci sera transmis au Gouvernement
bulgare pour commentaires. Le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe adoptera alors des conclusions et des recommandations à
l’égard de la Bulgarie.
64. Par ailleurs, selon certaines informations, des discours de
haine ont été prononcés à l’encontre de représentants des communautés
rom et musulmane lors des dernières élections et ultérieurement
. Des propos
ouvertement racistes, véhiculant des stéréotypes sur les Roms et
portant atteinte à leur dignité, ont été tenus en toute impunité
dans la presse écrite
.
Des mesures visant à promouvoir la tolérance et le respect mutuel,
et notamment à encourager les leaders politiques à adopter une attitude
exemplaire, doivent par conséquent être prises par le gouvernement.
Or, des exemples de déclarations publiques de membres du gouvernement
attaquant les minorités ou dénonçant leurs pratiques religieuses,
voire à l’encontre de l’ancien parti socialiste au pouvoir (BSP),
sont régulièrement rapportés. Ces propos sont pour le moins déplorables
et contribuent à la division de la société. Ils ne peuvent être
tolérés dans un Etat membre du Conseil de l’Europe et de l’Union
européenne.
65. Le Code pénal a été modifié en avril 2009 de manière à ériger
en infraction l’incitation à l’hostilité ou à la haine ethnique
dans les discours, la presse écrite ou autres médias, les systèmes
électroniques d’information ou par d’autres moyens. Une disposition
sur la propagande et l’incitation à l’hostilité ou à la haine raciale
ou nationale, ou à la discrimination a également été ajoutée. La
peine d’emprisonnement maximale a été portée à quatre ans (au lieu
de trois) et le montant maximal de l’amende s’élève désormais à
10 000 leva (environ 5 000 euros). Cette évolution mérite d’être
saluée et je tiens à souligner que la poursuite systématique des
auteurs d’actes ou de discours discriminatoires ou violents – que
ce soit par les instances d’application de la loi ou par des acteurs
non étatiques – est le seul moyen d’éradiquer ces pratiques.
66. D’autre part, il convient de noter que le Conseil des médias
électroniques (CME), en sa qualité de régulateur indépendant, a
été chargé de superviser les activités de la radio et de la télévision
et devrait user de son droit de sanction à cet égard
.
67. Durant ma dernière visite dans le pays, j’ai appris que le
Parlement bulgare avait rejeté le rapport d’activité de 2008 de
la commission pour la protection contre la discrimination, contestant
l’utilisation de fonds publics. Le parlement a par ailleurs réclamé
des informations détaillées au motif que la commission avait dépensé
des millions alors qu’elle n’a pris des mesures que dans seulement
quatre affaires de discrimination en 2008. Les parlementaires du
Parti socialiste bulgare (BSP) et le Mouvement des droits et libertés,
parti politique composé principalement de Turcs de souche (DPS),
ont tous deux pris la défense de la commission tandis que le mouvement
de centre droit au pouvoir «Citoyens pour le développement européen
de la Bulgarie» (GERB), le parti nationaliste ATAKA et la «Coalition
bleue» de droite l’ont fortement critiquée avant que son rapport
ne soit finalement rejeté.
68. Je ne peux que déplorer la remise en cause de cette institution
et j’invite le gouvernement à lui apporter son soutien, notamment
si le contrôle de son financement devait faire l’objet d’un suivi
plus attentif à l’instar de tous les fonds publics dans un pays
affaibli par la corruption. La politisation des débats sur cette
institution est par ailleurs regrettable.
69. Lors de sa visite en Bulgarie du 3 au 5 novembre 2009, le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas
Hammarberg, a évalué les progrès réalisés en matière de protection
des droits des minorités et des enfants défavorisés. On attend de
la Bulgarie qu’elle prenne en compte les recommandations du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe présentées dans son
rapport de février 2010.
6. Bureau du médiateur
70. L’institution du médiateur parlementaire en Bulgarie
a été établie par la loi relative au médiateur, entrée en vigueur
le 1er janvier 2004. Après un délai d’un
an et deux tentatives vaines, l’Assemblée nationale a nommé M. Ginyo
Ganev, député de la Coalition pour la Bulgarie, au poste de premier
médiateur national, en avril 2005. Le médiateur est tenu de soumettre
un rapport annuel d’activité à l’Assemblée nationale avant le 31
mars de chaque année et de publier un bulletin annuel de ses activités.
71. Lors de nos réunions, M. Ganev a soulevé quelques questions
concernant le fonctionnement indépendant de l’institution, comme
la nécessité d’envisager une majorité parlementaire renforcée pour l’élection
et la révocation du médiateur. La loi ne permet pas aux personnes
morales de saisir le médiateur: une modification de la Constitution
est donc nécessaire pour permettre à ces dernières de le faire.
72. En outre, le médiateur s’est plaint du manque d’indépendance
vis-à-vis des autorités locales des médiateurs locaux ou des médiateurs
publics, établis en 2003. Il a proposé la mise en place d’un cadre juridique
prévoyant que ces derniers coopèrent avec le médiateur national
et bénéficient de son soutien.
73. Dans ses commentaires, le médiateur a estimé qu’au cours des
quatre dernières années l’institution du médiateur était devenue
une institution indépendante, influente et faisant autorité, qu’elle
avait développé la capacité administrative nécessaire et qu’elle
avait exercé un contrôle civil général sur les autorités et les administrations
à tous les niveaux en vue de protéger les droits des citoyens. Les
modifications apportées à la Constitution bulgare en 2006 avaient
conféré une dimension constitutionnelle au statut du médiateur et renforcé
ainsi son indépendance. En habilitant le médiateur à s’adresser
directement à la Cour constitutionnelle chaque fois qu’une loi entrait
en contradiction avec les libertés et les droits fondamentaux, les modifications
avaient élargi les prérogatives du médiateur, qui pouvait ainsi
intervenir plus efficacement pour protéger les droits des citoyens
.
74. Je recommande, comme cela a déjà été fait par l’Assemblée
dans sa
Recommandation
1615 (2003), qu’« une procédure exclusive et transparente de nomination
et de révocation [du médiateur] par le parlement à la majorité qualifiée
des voix» soient appliquée. De plus, je recommande, dans le droit-fil
des recommandations répétées de la Commission de Venise, que le
bureau du médiateur parlementaire soit examiné dans le cadre d’une
future révision de la Constitution afin de consolider et renforcer
l’efficacité de l’institution du médiateur.
7. Efforts pour lutter contre
la corruption et les violences policières
7.1. Mesures anticorruption
75. La Bulgarie reste un pays touché par une corruption
endémique qui a atteint les rangs de l’administration et du système
judiciaire. Dans le passé, la large immunité dont bénéficiaient
les juges était considérée comme la cause de corruption au sein
du pouvoir judiciaire. Toutefois, bien que cette immunité ait été
réduite à une simple immunité fonctionnelle, le problème de la corruption
judiciaire n’a pas été résolu.
76. Le 26 novembre 2008, la Commission européenne a décidé, comme
sanction, de bloquer l’accès de la Bulgarie au financement de l’Union
européenne de 220 millions d’euros pour sa négligence persistante
à lutter contre la corruption et le crime organisé. Elle avait déjà
gelé près de 500 millions d’euros d’aide à la Bulgarie l’été dernier
en raison des faiblesses persistantes du système de contrôle du
pays et des cas de fraude et d’irrégularités.
77. Lors de l’adhésion à l’Union européenne, les autorités bulgares
et les autres Etats membres de l’Union européenne avaient estimé
qu’une réforme judiciaire approfondie et que «des efforts concertés
destinés à combattre la corruption et la criminalité organisée s’imposaient
pour que les Bulgares puissent être à même d’exercer leurs droits
en tant que citoyens de l’Union européenne et de tirer parti de
toutes les possibilités, notamment le soutien financier, ouvertes
par l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne. De manière plus générale,
ils ont admis que les principes qui sont au cœur de l’Union européenne
– respect de l’Etat de droit, reconnaissance mutuelle et coopération
sur la base d’un pacte de confiance fondamental – ne pouvaient être concrétisés
que si les problèmes précédemment évoqués étaient traités à la racine»
.
78. Dans ce contexte, la Commission européenne et les autres Etats
membres ont reconnu la nécessité d’œuvrer en étroite collaboration
avec la Bulgarie, après son adhésion, en vue de s’assurer de l’introduction des
réformes jugées nécessaires dans l’optique d’un renforcement du
système judiciaire et de la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée
.
79. La Commission européenne a instauré un mécanisme de coopération
et de vérification (MCV) visant à assurer un suivi des progrès réalisés
et à renforcer l’aide nécessaire pour remédier aux lacunes enregistrées.
80. Une commission interministérielle de lutte contre la corruption
a été instaurée et chargée de coordonner les efforts du gouvernement
pour lutter contre la corruption publique et organiser des campagnes
de sensibilisation. En janvier 2006, un conseil a été instauré pour
améliorer la coordination entre les commissions de lutte contre
la corruption de l’Assemblée nationale, du Conseil des Ministres
et du Conseil judiciaire supérieur.
81. En 2006, le ministère de l’Intérieur a enregistré 451 plaintes
pour corruption policière, dont 179 ont été déposées par le biais
de sa permanence téléphonique ou de son site web. Les plaintes se
sont soldées par le renvoi de 57 fonctionnaires et par 81 sanctions
administratives
. Dans ses
commentaires écrits de mars 2010, le ministère de l’Intérieur a
rappelé que la loi relative aux conflits d’intérêts était entrée
en vigueur le 1er janvier 2009 et que,
dans son sillage, un guide méthodologique sur la prévention et l’élimination
des conflits d’intérêts avait été élaboré à l’intention de tout
le personnel du ministère de l’Intérieur. Un autre outil administratif,
à savoir une méthode d’évaluation des risques de corruption dans
les services du ministère de l’Intérieur, avait aussi été adopté
pour accompagner les efforts du ministère dans sa lutte contre la
corruption. Elle comprend un indicateur plurifactoriel complexe
permettant d’analyser et de fournir une évaluation objective de
la situation dans tout service donné. Sur cette base, des propositions
et des recommandations sont formulées pour soutenir et optimiser
les efforts déployés par les fonctionnaires supérieurs de police
en vue de prévenir et de contrôler la corruption.
82. En 2009, le ministère de l’Intérieur a reçu au total 473 signalements
de corruption et de mauvaise conduite de son personnel, dont 68
sur la ligne téléphonique anonyme, 254 sur le site internet de la
Direction de l’inspection du ministère et 151 par courriel
.
83. Au fil des années, le Conseil de l’Europe a accompagné la
Bulgarie dans ses efforts de lutte contre la corruption par le biais
de son Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Dans son rapport
de conformité, adopté le 1er juin 2007
, le GRECO a conclu que, lors du deuxième cycle
d’évaluation, les autorités bulgares avaient mis en œuvre de façon
satisfaisante ou traité de manière satisfaisante plus de la moitié
des 11 recommandations que le GRECO leur avait adressées. Trois
recommandations avaient été partiellement mises en œuvre et une
n’avait pas été mise en œuvre. Je souhaite rappeler en particulier
la recommandation «d’instaurer un système approprié de protection
de ceux qui signalent de bonne foi des soupçons de corruption dans
l’Administration publique, et de mettre en place une formation des
agents publics afin de les inciter à signaler de tels soupçons»
(partiellement mise en œuvre). Le GRECO a également recommandé «d’adopter des
règles/directives claires pour les cas où des agents publics passent
dans le secteur privé, afin d’éviter des situations de conflits
d’intérêts
» (non mise en œuvre)
.
Ces recommandations ont été considérées comme ayant été mises en
œuvre en 2009
.
84. S’agissant de la lutte contre la criminalité organisée, l’Assemblée
nationale a adopté, en première lecture, des modifications au Code
pénal et au Code de procédure pénale, visant à renforcer la rapidité
et l’efficacité des procédures pénales et à éviter les formalités
inutiles. D’après les informations fournies par le ministère de
l’Intérieur en 2008 et en 2009, une certaine amélioration a été
constatée. Le nombre d’infractions enregistrées a baissé de 9 %
par rapport à la même période de l’année précédente (13 % d’infractions
contre les biens, 15 % de vols qualifiés et 14 % de vols). Au cours
de l’année 2008, les opérations de 137 groupes criminels organisés
regroupant 234 participants ont été totalement ou partiellement
mises au jour; 110 personnes ont été inculpées, parmi lesquelles
12 étrangers.
85. Selon les premières estimations tirées des statistiques de
la police au 7 janvier 2010 – fournies par le ministère de l’Intérieur
en mars 2010 – concernant la lutte contre la criminalité organisée,
une amélioration de 39,1 % a été constatée en 2009 par rapport à
2008. En 2009, 176 groupes criminels organisés ont été détectés dans
le pays: leurs activités criminelles s’étendaient à l’ensemble du
territoire bulgare, aux Etats membres de l’Union européenne et à
des pays extérieurs à l’Union européenne. Le nombre d’infractions
signalées en 2009 a augmenté de 6,42 % par rapport à 2008 (augmentation
de 4,41 % des infractions contre les biens, de 13,8 % des vols qualifiés
et de 5,8 % des vols). En revanche, une baisse du nombre d’infractions
contre les personnes (– 2,8 %) et des meurtres (– 5,2 %) a été enregistrée.
86. La corruption endémique et l’impression d’un manque de réaction
de la part du gouvernement ont été considérées comme l’une des raisons
de l’échec du gouvernement socialiste aux élections de 2009. Le
parti GERB a fondé sa campagne électorale sur ce thème, insistant
sur sa volonté de sévir énergiquement contre la corruption. Au cours
de nos réunions, les représentants du gouvernement ont confirmé
l’engagement de ce dernier et souligné les très hautes attentes
de la population à cet égard.
87. J’encourage le nouveau Gouvernement bulgare et les autorités
compétentes à suivre de près et à mettre en œuvre les recommandations
faites à la fois par la Commission européenne et le GRECO afin d’accélérer la
mise en œuvre de la réforme contre la corruption et d’adopter une
approche plus préventive dans la lutte contre les réseaux de crime
organisé.
7.2. Violences policières
88. Bien que la formation aux droits de l’homme soit
obligatoire à l’école de police et dans les écoles de fonctionnaires,
les atteintes aux droits de l’homme par la police se poursuivent.
L’impunité reste un problème, car l’absence d’obligation de rendre
des comptes entrave les tentatives du gouvernement de s’attaquer
à ces violations. Selon le ministère de l’Intérieur, le programme
de travail de la Commission permanente chargée des droits de l’homme
et de la déontologie policière du ministère comprend chaque année
l’étude des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme portant
sur des affaires bulgares ayant concerné le ministère et la planification
de mesures visant à empêcher de nouvelles violations. Le programme
d’études du centre de formation du ministère de l’Intérieur aborde
également ces questions.
89. Selon le rapport du Comité européen pour la prévention de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) sur sa visite en 2006 en Bulgarie
,
94 % des cas de violence policière dans lesquels le bureau du procureur
militaire a effectué des enquêtes préliminaires ont été signalés
par les victimes ou leurs proches. Cela semble indiquer que les
procureurs utilisent rarement le pouvoir qui leur est conféré d’ouvrir
des enquêtes préliminaires de leur propre initiative, ce qui est
surprenant, compte tenu de l’existence du système de visites surprises
dans les postes de police et les établissements de détention provisoire
par les procureurs, durant lesquelles ils sont censés vérifier toute
la documentation et s’entretenir en privé avec les personnes détenues.
90. Dans son rapport, le CPT soulignait Ie rôle important des
juges et des procureurs, mais également du personnel des établissements
de détention provisoire et autres autorités compétentes, dans la
prévention des mauvais traitements infligés par les agents des forces
de l’ordre par un examen minutieux de toute information pertinente
relative à d’éventuels mauvais traitements pouvant être portée à
leur attention, que ces informations prennent ou pas la forme d’une
plainte officielle.
91. Comme le CPT le recommandait, une consigne devrait être diffusée
à l’attention de tous les procureurs en Bulgarie précisant clairement
que, même en l’absence de plainte officielle, le ministère public
est soumis à l’obligation légale de mener une enquête dès qu’il
reçoit des informations crédibles relatives à des mauvais traitements
infligés à des personnes privées de liberté.
92. Le CPT a effectué une visite ad hoc en Bulgarie du 15 au 19
décembre 2008, mais les autorités ne sont pas encore convenues de
la publication du rapport et de leurs commentaires. J’encourage
ces dernières à autoriser sans délai la publication du rapport du
CPT à la suite de sa visite de 2008.
93. Selon des groupes de défense des droits de l’homme, les examens
médicaux en cas de violences policières ne sont pas correctement
documentés, les enquêtes menées sur des allégations de violences policières
sont peu fréquentes et les policiers responsables sont très rarement
sanctionnés. Il faudrait mettre un terme à l’impunité des policiers.
94. Le ministère de l’Intérieur a fait observer dans ses commentaires
de mars 2010 qu’il disposait de mécanismes spécifiques bien définis
pour amener les fonctionnaires qui commettent des infractions à répondre
de leurs actes. Pour chaque dénonciation d’une violation des droits
de l’homme, une inspection disciplinaire est effectuée, ainsi qu’un
contrôle fondé sur les dispositions du Code de procédure administrative et,
si les allégations en question sont confirmées, des mesures sont
prises en vue d’infliger des sanctions disciplinaires. En cas d’infraction
pénale, le ministère public est saisi sur la base du dossier constitué
dans le cadre de l’enquête et une procédure pénale est engagée à
l’encontre de l’auteur de l’infraction.
95. Le ministère de l’Intérieur a fourni les données statistiques
suivantes: entre le 1er janvier 2005
et le 31 décembre 2009, la Direction des ressources humaines du
ministère de l’Intérieur a reçu environ 73 dossiers concernant des
allégations avérées de pratiques abusives commises par des fonctionnaires
de police. Sur les 102 fonctionnaires reconnus coupables de telles
pratiques, 26 avaient fait des études supérieures et 76 des études
secondaires. A l’issue de l’enquête, diverses sanctions disciplinaires
ont été infligées: 27 fonctionnaires ont été démis de leurs fonctions
et leur relation avec le ministère de l’Intérieur a été rompue.
En ce qui concerne le niveau de compétence, 34 affaires ont été
renvoyées devant le ministère public, pour lesquelles neuf dossiers
d’instruction ont été ouverts. Il n’y a pas eu de procédure préalable
à l’instruction pour deux dossiers.
96. La loi autorise le médiateur à examiner les cas de violation
des droits de l’homme à la suite du dépôt d’une plainte ou de sa
propre initiative.
97. En ce qui concerne la situation dans les prisons, les ONG
spécialisées dans l’observation des prisons indiquent que la brutalité
des gardiens à l’égard des détenus ainsi que la brutalité entre
détenus constituent toujours un grave problème. La corruption continue
également à miner le système.
98. La surpopulation carcérale reste un problème, bien que le
ministère de la Justice ait fait état d’une légère baisse de la
population carcérale en 2008 après l’introduction d’un système de
probation. On compte 11 165 détenus pour les 13 prisons du pays
, chiffre qui, selon les
estimations du ministère de la Justice, est trois fois supérieur
à la capacité du système carcéral.
99. J’attends du ministère de la Justice qu’il nous communique
pour le rapport final des statistiques et des informations mises
à jour sur la situation des prisons ainsi que sur les efforts réalisés
pour remédier à la surpopulation carcérale.
8. Diffamation
100. La diffamation et l’injure sont punissables en vertu
des articles 146 à 148 du Code pénal. La loi prévoit uniquement
des sanctions pécuniaires (amendes) et exclut l’emprisonnement.
Cependant, la sanction donne lieu à l’ouverture d’un casier judiciaire,
ce qui peut constituer une entrave importante dans la vie professionnelle
des personnes concernées.
101. Selon la
Résolution
1211 (2000) de l’Assemblée, «les sanctions contre les journalistes
devraient être décriminalisées et les dédommagements limités à un
montant raisonnable, étant entendu que les journalistes devraient
s’en tenir au principe du respect de la vie privée, conformément
à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme»
.
102. J’ai soulevé la question avec la plupart de mes interlocuteurs,
dont les précédent et actuel ministres de la Justice, qui n’ont
pas pu me donner d’argument convaincant pour justifier le fait que
ces sanctions restent dans le domaine de la législation pénale.
La nouvelle ministre de la Justice, Mme Margarita
Popova, a fait part de son opinion selon laquelle la population
était vraisemblablement prête à ce changement et elle s’est engagée
à inscrire la diffamation à l’ordre du jour du groupe de travail
de la Direction des droits de l’homme pour connaître son avis à
ce sujet.
103. Je suis convaincu qu’il faut non seulement exclure l’emprisonnement,
mais aussi, et une fois pour toutes, la diffamation en tant que
telle du Code pénal. Pendant notre réunion en décembre 2009, Mme Popova
a estimé que cette question méritait d’être examinée attentivement
dans le cadre de la rédaction du nouveau code pénal déjà engagée.
104. J’attends de la Bulgarie qu’elle dépénalise la diffamation
dans les plus brefs délais.
9. Autres questions non réglées
9.1. Exécution des arrêts de la
Cour européenne des droits de l’homme
105. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé 60
arrêts et prononcé 51 violations à l’encontre du pays en 2008, par
rapport aux 51 violations sur les 53 arrêts de 2007.
106. Le nombre de plaintes déposées devant la Cour augmente d’année
en année. Toutefois, selon le Comité Helsinki de Bulgarie, ainsi
que la fondation Avocats bulgares pour les droits de l’homme, le
gouvernement a fait peu d’efforts pour rendre responsables de leurs
actes les institutions et les fonctionnaires ayant commis des violations.
107. La non-exécution de certains arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme s’explique en partie par l’absence de dispositions
légales permettant la réouverture d’un procès civil à la suite d’un
arrêt de la Cour de Strasbourg. La réouverture de procédures pénales
est en revanche prévue depuis 2006 par l’article 422.1.4 du Code
de procédure pénale bulgare, mais, comme toujours, cette disposition
n’a pas encore été mise en œuvre dans la pratique.
108. A cet égard, selon Lasar Gruev, président de la Cour suprême,
depuis l’entrée en vigueur du code en 2006, cinq affaires ont été
portées devant la Cour suprême, dont quatre en 2007 et une en 2009.
Elles ont toutes été rouvertes. D’après les commentaires écrits
présentés par la Cour suprême de cassation le 2 mars 2010, cette
dernière est uniquement et exclusivement compétente dans les situations
où la violation des dispositions de la Convention peut être rectifiée
en rouvrant la procédure judiciaire. Or, la majorité des arrêts rendus
contre la Bulgarie sont des arrêts dont l’exécution implique, pour
l’Etat, l’obligation d’indemniser le requérant, et la Cour suprême
de cassation n’est absolument pas compétente en la matière. Dans
les cas où il était possible de réparer les conséquences de la violation
en rouvrant la procédure, des dispositions ont été prises en ce
sens et la procédure pénale a effectivement été rouverte. Cela explique
le nombre relativement peu élevé d’affaires dans lesquelles la réouverture
de la procédure a été demandée et obtenue.
109. Dans un certain nombre d’affaires
et d’autres en suspens auprès de
la Cour européenne, des violations du droit à la vie et de l’interdiction
de mauvais traitements ont été constatées, les autorités ayant usé de
la force de manière excessive (en tuant des personnes avec des armes
à feu) ou n’ayant pas rendu de comptes sur le décès de personnes
détenues par la police ou sur les blessures leur ayant été infligées (violations
des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).
A titre d’exemple, bien que les faits remontent aux années 1990,
les premiers arrêts se rapportant à ces questions ont été rendus
par la Cour européenne dès 2000 (et ont continué à être rendus jusqu’en
2007); ils sont toujours en attente d’exécution tant au niveau de
la prise de mesures individuelles (c’est-à-dire effacer, autant
que possible, les conséquences de la violation à l’égard de la victime)
qu’au niveau de la prise de mesures générales (l’adoption de mesures
empêchant des violations similaires à l’avenir, tels que des changements
législatifs, administratifs et en matière de pratique judiciaire,
etc.).
110. En ce qui concerne la réouverture des procédures civiles,
le Code de procédure civile bulgare a d’abord envisagé une telle
réouverture, mais cette possibilité a été exclue du code en mars
2008
. Toutefois, en juin 2009, le
nouveau Code de procédure civile a été modifié (nouvel article 303,
paragraphe 7) pour finalement permettre la réouverture des procédures
à la suite d’un arrêt de la Cour de Strasbourg concluant à une violation de
la Convention européenne des droits de l’homme ou de l’un de ses
protocoles. J’espère que cette évolution positive restera dans la
législation.
111. Je me félicite de l’introduction de dispositions juridiques
permettant la réouverture des procédures dans les affaires civiles.
Désormais, il convient de développer la pratique dans les affaires
civiles et pénales, ce qui devrait aider à résoudre la question
de la non-exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg. Dans cette optique,
le Conseil de l’Europe apporte actuellement son aide et la coopération
devrait être renforcée davantage.
9.2. Déclarations des anciens détenus
de l’île Béléné
112. Comme d’anciens rapporteurs sur le dialogue postsuivi
avec la Bulgarie, j’ai été contacté à plusieurs occasions par l’Association
of Justice, Rights, Culture and Co-operation in the Balkans (ci-après
désignée «l’association») qui représente 517 anciens détenus du
camp de concentration de l’île Béléné et autres victimes de l’assimilation
forcée en Bulgarie entre 1984 et 1989. Durant ces années, près de
1 million de Turcs ont été soumis à une «bulgarisation» forcée et
environ 850 à 900 Turcs ont été envoyés en prison ou dans des camps
de concentration de façon arbitraire et sans procédure régulière.
Entre mai et septembre 1989, 350 000 Turcs ont été déportés de force
en Turquie afin de faire de la Bulgarie un pays monoethnique. Lors
du débat sur la nécessité d’une condamnation internationale des
crimes des régimes communistes totalitaires à la partie de session
de l’Assemblée de janvier 2006, M. Loutfi, alors chef de la délégation
parlementaire bulgare, a considéré qu’il s’agissait d’un «génocide
ethnique, visant à détruire l’identité religieuse, politique et
ethnique d’une minorité». Les anciens détenus de l’île Béléné demandent:
- qu’une enquête sérieuse sur
les crimes commis entre 1984 et 1989 soit menée et que les coupables soient
traduits devant un tribunal;
- que l’Etat leur verse une indemnisation pour le préjudice
physique, moral et matériel;
- que les années passées en prison soient comptabilisées
pour calculer l’âge de la retraite ou une pension pour service rendu
à l’Etat.
113. Les représentants des anciens détenus affirment que leurs
affaires n’ont pas pu être portées devant la Cour de Strasbourg
à défaut d’épuisement des voies de recours nationales, dans la mesure
où les autorités refusaient d’assumer la responsabilité de ce qui
s’était passé à l’époque communiste. D’après les commentaires formulés
par la fraction parlementaire de la Coalition bleue, en 1991, le
Parlement bulgare a adopté la loi sur la réhabilitation politique
et civile des personnes victimes de répression. Le texte a été modifié à
plusieurs reprises, la dernière modification ayant été apportée
en 2009. La date limite de dépôt des demandes a été repoussée à
fin 2011.
114. Etant donné que ces personnes ne sont pas représentées politiquement,
j’aimerais demander aux autorités d’examiner leurs demandes qui
me semblent légitimes.
10. Conclusion
115. Les faiblesses du système judiciaire bulgare ont
des répercussions sur l’ensemble de la société, ce qui nuit au bon
fonctionnement de toutes les institutions démocratiques.
116. J’encourage la Bulgarie à prendre toutes les mesures nécessaires
pour mettre en œuvre la
Résolution 1211
(2000) de l’Assemblée, en étroite coopération avec la Commission
de Venise et d’autres mécanismes et instances pertinents du Conseil
de l’Europe, afin de renforcer l’Etat de droit et de finalement
respecter ses obligations et engagements en tant qu’Etat membre
du Conseil de l’Europe, mais également de l’Union européenne.
117. Lors de mes visites à Sofia, les autorités bulgares nouvellement
élues ont fait preuve de leur volonté de coopérer activement avec
le Conseil de l’Europe et ont promis de solliciter l’assistance
de la Commission de Venise avant d’adopter des pièces de législation
importantes. Je souligne que la plupart des interlocuteurs avaient
fort bien préparé nos réunions et se sont montrés prêts à améliorer
la situation dans leur domaine de compétence. A cet égard, je recommande
à la commission de suivi d’inviter les autorités bulgares à demander sans
plus tarder l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi
modifiant et complétant le Code de procédure pénale récemment soumis
par le gouvernement à l’Assemblée nationale, en vue d’assurer sa conformité
avec la Convention européenne des droits de l’homme.
118. Le nouveau gouvernement doit tirer parti de l’impulsion et
du soutien fort de la population pour placer la Bulgarie sur la
voie d’une démocratie moderne. Certaines préoccupations en suspens
et tendances inquiétantes évoquées dans la
Résolution 1211 (2000) et mentionnées dans le présent rapport doivent être traitées
rapidement par le nouveau gouvernement. Ce dernier devrait notamment
prendre des mesures concrètes pour:
- tenir davantage compte des normes européennes et des avis
des experts du Conseil de l’Europe sur les projets de loi qu’il
examine;
- garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et des médias
vis-à-vis du pouvoir exécutif et une plus grande diversité d’opinions
à la télévision nationale;
- améliorer les droits des personnes appartenant à des minorités,
notamment en matière d’éducation et de radiodiffusion dans leur
langue maternelle; les minorités devraient être mieux représentées
dans la police et la fonction publique;
- renforcer les efforts pour lutter contre la corruption
et les brutalités policières, avec l’assistance du Conseil de l’Europe;
la Constitution devrait être amendée pour mettre aux normes européennes l’immunité
des parlementaires, des magistrats, et des hauts fonctionnaires;
- dépénaliser les sanctions pour diffamation contre les
journalistes et limiter les dédommagements à un montant raisonnable,
étant entendu que les journalistes devraient s’en tenir au principe
du respect de la vie privée, conformément à l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme.
119. Le Parlement bulgare a tenu un débat sur la
Résolution 1211 (2000) en décembre 2000, tel que recommandé dans le paragraphe
4.i. Toutefois, compte tenu du fait que neuf ans se sont écoulés
et que certaines lacunes persistent dans les domaines mentionnés
précédemment, l’Assemblée nationale bulgare devrait prendre en considération
le présent rapport et débattre de ses conclusions.
120. A la lumière des considérations précédentes, je suis d’avis
que le dialogue postsuivi est un bon outil pour accompagner et soutenir
le nouveau gouvernement, l’aider à répondre aux fortes attentes
de la population, à tenir ses promesses et à satisfaire aux engagements
de la Bulgarie en sa qualité d’Etat membre du Conseil de l’Europe.
***
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission:Résolution 1115 (1997) et Résolution
1211 (2000)
Projet de résolution adopté
par la commission le 17 mars 2010
Membres de la commission: M.
Dick Marty (Président), Mme Josette Durrieu (1re Vice-Présidente),
M. Pedro Agramunt Font de Mora (2e Vice-Président),
Mme Karin S. Woldseth (3e Vice-Présidente),
M. Aydin Abbasov, M. Francis Agius, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell
Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, Mme Anne Brasseur, M. Patrick Breen, Mme Lise
Christoffersen, M. Boriss Cilevičs,
M. Georges Colombier, M.
Telmo Correia, M. Joseph Debono Grech,
M. Juris Dobelis, M. Mátyás Eörsi,
Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Axel Fischer,
Mme Pernille Frahm, M. György Frunda, M. Giuseppe Galati, M. Jean-Charles Gardetto, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, Mme Olha Herasym’yuk,
M. Andres Herkel, M. Serhiy Holovaty, M. Michel Hunault, Mme Sinikka Hurskainen, M. Kastriot Islami,
M. Mladen Ivanić, M. Zmago
Jelinčič Plemeniti, M. Michael Aastrup Jensen, M. Miloš Jevtić, M. Tomáš Jirsa, Mme Corien
W.A. Jonker, M. Guiorgui Kandelaki, M. Haluk Koç, Mme Kateřina
Konečná, M. Jaakko Laakso,
M. Terry Leyden, M. Göran Lindblad, Mme Kerstin Lundgren, M. Pietro Marcenaro, M. Bernard Marquet,
M. Frano Matušić, M. Miloš Melčák,
Mme Nursuna Memecan,
M. Jean-Claude Mignon, M.
João Bosco Mota Amaral, M. Adrian Năstase,
Mme Elsa Papadimitriou,
M. Dimitrios Papadimoulis, Mme Vassiliki Papandreou,
M. Alexander Pochinok, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos
Pourgourides, M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni, M. Ilir Rusmali, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Yanaki Stoilov, M. Christoph Strässer,
M. Björn von Sydow, Mme Chiora Taktakishvili, M. Zhivko Todorov, M. Øyvind Vaksdal, M. Egidijus Vareikis, M. José Vera Jardim,
M. Piotr Wach, M. Robert
Walter, M. David Wilshire,
Mme Renate Wohlwend, Mme Gisela
Wurm, M. Andrej Zernovski.
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme Nachilo,
M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko