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Rapport | Doc. 12882 | 05 mars 2012

La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Nikolaos DENDIAS, Grèce, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12398, Renvoi 3725 du 12 novembre 2010. 2012 - Deuxième partie de session

Résumé

L’objet de ce rapport est d’améliorer la situation humanitaire des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI), des PDI retournées dans la région et des réfugiés dans le Caucase du Nord.

Les autorités de la Fédération de Russie ont déployé d’importants efforts pour aider les personnes déplacées de force dans le Caucase du Nord. Grâce à ces efforts, les conditions de vie d’un grand nombre de personnes déplacées ont été améliorées, mais elles sont encore nombreuses à ne pas jouir pleinement de leurs droits après, pour certaines, vingt ans de déplacement. Les difficultés d’accès à un logement décent, à un emploi, aux documents officiels, tout comme l’insécurité persistante, des mécanismes inefficaces d'indemnisation en cas de perte d'un bien et le choix restreint des lieux de résidence possibles demeurent des sources permanentes de préoccupation, avec pour conséquence, au fil du temps, une vulnérabilité accrue de certaines personnes déplacées.

Il convient de redoubler d’efforts afin de parvenir à des solutions durables pour les personnes encore déplacées. Ceci suppose une meilleure collecte de données et d’informations, des programmes ciblés répondant à leurs besoins spécifiques, le contrôle du caractère durable des solutions qui leur sont proposées et l’intensification des efforts pour imposer la paix dans la région. La richesse relative de la Fédération de Russie devrait lui permettre de conforter les résultats positifs déjà obtenus et d’améliorer encore la situation des personnes déplacées.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 janvier
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance persistante de traiter les aspects humanitaires des déplacements de longue durée dans le Caucase du Nord. Fin 2011, on comptait dans la région au moins 19 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI), 350 000 PDI retournées et 30 000 réfugiés. Les incessants problèmes de sécurité (menaces terroristes) dans certaines parties de la région continuent de faire obstacle à des solutions durables pour tous.
2. L’Assemblée reconnaît les efforts remarquables déployés par les autorités fédérales, régionales et locales depuis le précédent rapport de l’Assemblée menant à la Résolution 1404 (2004) sur la situation humanitaire de la population tchétchène déplacée. Les autorités de Moscou, d’Ossétie du Nord-Alanie et d’Ingouchie semblent avoir adopté une approche de plus en plus pratique et réaliste de la normalisation des conditions de vie des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays suite à un conflit.
3. Cependant, la réponse des pouvoirs publics aux déplacements à l’intérieur du pays mérite d’être encore améliorée. Le problème omniprésent du non-respect de l'obligation de rendre des comptes et de l’absence de contrôle des dépenses, évoqué dans les précédents rapports, persiste. L’accent a principalement été placé sur l’aide au logement, qui ne s’est pas toujours avérée adéquate ou cohérente.
4. L’Assemblée reconnaît que le manque de données probantes sur le nombre et la situation des PDI ou PDI retournées constitue un obstacle majeur à la résolution du problème des déplacements internes dans le Caucase du Nord. Des solutions durables ne peuvent être mises en place sans collecte de données précises, fondées sur la définition internationale des PDI, pour déterminer si les besoins spécifiques et les vulnérabilités liés à ces déplacements subsistent. La définition, le dénombrement et le suivi des PDI sont essentiels pour garantir la satisfaction de tous leurs besoins restants liés aux déplacements, tant en termes d’assistance que de protection.
5. L’Assemblée reste sérieusement préoccupée par les difficultés auxquelles les personnes déplacées par les conflits dans la région restent confrontées. Beaucoup ont vu leurs demandes d’aide des pouvoirs publics rejetées ou interrompues. Certaines continuent de se battre pour faire enregistrer leur lieu de résidence actuel, une démarche dans la pratique indispensable pour accéder à certains droits. Beaucoup dépendent des allocations des pouvoirs publics, qui constituent leur principale source de revenu. Compte tenu des revenus limités, associés à des mécanismes d’indemnisation le plus souvent inefficaces en cas de perte d'un bien et à une aide publique au logement inadéquate, la plupart d’entre elles continuent de vivre dans des conditions de logement ne répondant pas aux normes minimales.
6. L’Assemblée s’inquiète également de la probable dégradation du niveau de vie de ces personnes si le gouvernement n’intervient pas plus efficacement. Les agences des Nations Unies ont quitté le Caucase du Nord à la fin de l’année 2011 et n’y entreprendront plus de nouveaux projets au bénéfice des PDI. Les autorités russes ne compensant pas intégralement le travail des Nations Unies ou les financements des donateurs qui se sont retirés, les PDI auront un choix plus restreint d’organisations vers lesquelles se tourner pour obtenir de l’aide et il sera plus difficile de suivre la situation humanitaire des PDI, des PDI retournées et des réfugiés.
7. L’Assemblée note avec optimisme que la Fédération de Russie est un Etat riche et capable, en mesure de résoudre les problèmes en suspens liés aux déplacements à l’intérieur du pays. Résoudre les situations de déplacement prolongé de populations dans le Caucase du Nord demandera une volonté politique durable et l’allocation de ressources, voire le renforcement des capacités de certaines institutions de l’Etat. Un processus fondé sur les droits, des procédures plus transparentes, une meilleure communication avec les PDI et une participation accrue de ces dernières seront par ailleurs indispensables.
8. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle:
8.1. le Gouvernement fédéral russe:
8.1.1. à harmoniser sa législation en matière de déplacement à l’intérieur du pays avec les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et à la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, en utilisant notamment la définition des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays énoncée dans ces Principes directeurs et en supprimant l’exigence de franchissement d’une frontière intérieure pour qu’elles soient considérées comme telles;
8.1.2. à mener une étude, en se fondant sur la définition des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays énoncée dans les Principes directeurs, afin de déterminer l’effectif et la localisation actuels des personnes déplacées depuis la Tchétchénie et l’Ossétie du Nord-Alanie ou dans ces pays à la suite d’un conflit, ainsi que les problèmes en suspens auxquels elles restent confrontées;
8.1.3. à prendre des mesures pour régler tous les problèmes restants liés aux déplacements affectant ces personnes tels qu’ils ressortiront de l’étude nationale évoquée plus haut et à veiller à ce que les besoins et les droits des PDI guident l’ensemble des politiques et décisions;
8.1.4. à veiller à ce que les montants des indemnisations pour les biens détruits soient suffisants pour permettre l’acquisition, la construction ou la reconstruction des logements, en adoptant notamment des dispositions pour mettre un terme aux demandes de dessous-de-table;
8.1.5. à faire de la création d’emplois et de la construction de logements sociaux des priorités de la Stratégie pour le développement socio-économique du district fédéral du Caucase du Nord jusqu’en 2025 et à veiller à garantir aux personnes déplacées en raison des conflits en Tchétchénie et en Ossétie du Nord-Alanie des facilités d’accès à ces initiatives ainsi qu’aux possibilités de reconversion professionnelle et au microcrédit pour le financement de projets générateurs de revenus;
8.1.6. à abolir l’enregistrement du lieu de résidence dans les politiques et la pratique, conformément aux engagements souscrits par la Fédération de Russie lors de son adhésion au Conseil de l’Europe (Avis 193 (1996) relatif à la demande d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe et Recommandation 1544 (2001) «Le système de la propiska appliqué aux migrants, demandeurs d'asile et réfugiés dans les Etats membres du Conseil de l'Europe: effets et remèdes»);
8.1.7. à renforcer la supervision et la transparence des dépenses budgétaires dans les républiques du Caucase du Nord en procédant à des transferts fédéraux sur la base du respect de critères publiés dans les plans de développement et en en rendant compte, et à faire des efforts particuliers pour éradiquer la corruption conformément aux recommandations du Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO);
8.1.8. à stabiliser la situation sécuritaire dans la région conformément aux normes internationales des droits de l’homme et à veiller à la résolution effective des conflits;
8.1.9. à faciliter le travail des organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres organisations intervenant dans la région sur les problèmes relatifs aux PDI;
8.2. le Gouvernement de la République tchétchène:
8.2.1. lorsqu’elle est inévitable, à procéder à la fermeture progressive des centres d’accueil hébergeant des personnes déplacées en raison des conflits, et à appliquer rigoureusement une procédure satisfaisant aux normes internationales;
8.2.2. à envisager l’achat de logements sur le marché immobilier ou à faciliter l’accès aux logements municipaux, avec une garantie légale de maintien dans les lieux pour les personnes sans domicile permanent à la suite des conflits et sans possibilité de retour sur leur lieu de résidence antérieur;
8.2.3. à accélérer le processus de versement des indemnisations pour les biens détruits;
8.2.4. à augmenter et à diversifier l’offre d’emplois stables et à privilégier les entreprises et les travailleurs locaux plutôt que de recourir à des entreprises étrangères pour intervenir sur le plan local;
8.2.5. à veiller à ce que les organisations non gouvernementales intervenant sur le territoire de la République dans le domaine humanitaire et des droits de l’homme, y compris celui des droits des PDI, puissent travailler librement et sans intimidation ou entrave;
8.3. le Gouvernement de la République d’Ingouchie:
8.3.1. à veiller à ce que le programme de développement socio-économique pour 2012-2016 traite effectivement les problèmes de logement auxquels sont confrontées les PDI, en proposant notamment un éventail de solutions répondant à leurs souhaits en matière d’installation;
8.3.2. à faciliter l’accès aux logements municipaux, avec une garantie légale de maintien dans les lieux, aux personnes déplacées à l’intérieur des Républiques tchétchène et d'Ossétie du Nord-Alanie qui ne disposent pas d’un logement permanent ou du statut de migrant forcé, dans des zones répondant à leurs souhaits d’installation;
8.3.3. à veiller à ce que les structures temporaires hébergeant les personnes déplacées ne soient pas fermées avant qu’une solution de logement de remplacement et une aide à la réinstallation aient été proposées aux résidents et à s’assurer que ces derniers soient clairement informés du déroulement des opérations et qu’ils aient la possibilité de participer au processus décisionnel;
8.4. le Gouvernement de la République d’Ossétie du Nord-Alanie:
8.4.1. à poursuivre le processus de réconciliation de manière beaucoup plus dynamique, en particulier dans les zones de retour ou d’installation de personnes déplacées lors du conflit de 1992, en favorisant un climat politique et culturel de respect, de tolérance et de non-discrimination;
8.4.2. à instaurer un mécanisme pour résoudre le problème de l’occupation secondaire des logements des personnes déplacées à l’intérieur du pays lors du conflit de 1992 et qui souhaitent rentrer chez elles;
8.4.3. à accélérer le processus de versement de l’aide au logement pour les propriétés détruites durant le conflit;
8.4.4. à faciliter l’accès aux documents officiels aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays lors du conflit de 1992 et aux réfugiés, notamment aux résidents des nouvelles zones d’installation de Novy et Maïskiy;
8.4.5. à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter des solutions à la situation critique des réfugiés ossètes de souche en matière de logement depuis les conflits du début des années 1990 en Géorgie, en recourant à des financements fédéraux ou régionaux ou à des donateurs internationaux.
9. L’Assemblée reconnaît l’ampleur du travail accompli par les agences locales et internationales et les ONG dans la région depuis des années. Ce travail a contribué à la protection des groupes déplacés de force dans le Caucase du Nord et a, dans une certaine mesure, apaisé les souffrances liées aux déplacements prolongés de populations. L’Assemblée encourage ces organisations à maintenir leurs bureaux dans la région, à continuer d’améliorer les conditions de vie des personnes déplacées et à aider le gouvernement à assumer sa responsabilité première, qui est de leur assurer protection et assistance.
10. L’Assemblée invite les Etats membres à apporter leur savoir-faire et leur assistance à la Fédération de Russie pour la réalisation d’une étude détaillée sur le nombre actuel de personnes déplacées dans les Républiques tchétchène et d'Ossétie du Nord-Alanie, leur localisation et leurs besoins d’assistance et de protection liés au déplacement et à coparrainer des projets éventuels d’amélioration de la situation du logement des PDI dans la région par l’intermédiaire de la Banque de développement du Conseil de l’Europe.

B. Exposé des motifs, par M. Dendias, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Avec près de 2,5 millions 
			(2) 
			Observatoire
des situations de déplacement interne, «Internal Displacement: Global
Overview of Trends and Developments in 2010» (23 mars 2011). de personnes déplacées dans la région du Caucase du Nord, les déplacements internes continuent de poser des problèmes considérables au regard du droit humanitaire et des droits de l’homme. Le conflit en République tchétchène (Tchétchénie) et en République d’Ossétie du Nord-Alanie (Ossétie du Nord) ont été les causes principales de ces mouvements de population en Fédération de Russie. Plus de 800 000 personnes ont fui leur foyer en Tchétchénie depuis 1994, en raison des violences généralisées et des deux conflits armés qui ont opposé les rebelles et les forces gouvernementales. Un bref conflit armé en Ossétie du Nord, dans le district de Prigorodny, s'est soldé par le déplacement de près de 64 000 Ingouches de souche en 1992. Beaucoup de personnes ont été déplacées à plusieurs reprises.
2. L’Assemblée parlementaire, et notamment sa commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, suit la situation humanitaire dans le Caucase du Nord depuis 1997. Elle a préparé de nombreux rapports, avis, résolutions et recommandations et, en avril 2004, l’Assemblée a adopté la Recommandation 1667 (2004) sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées dans la Fédération de Russie et dans d'autres pays de la CEI, et la Résolution 1404 (2004) sur la situation humanitaire de la population tchétchène déplacée 
			(3) 
			Voir
les Doc. 10118 et Doc. 10282, préparés
par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
(rapporteur: M. Tadeusz Iwinski)..
3. Sept ans plus tard, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a décidé de revenir sur la question des déplacements internes dans le Caucase du Nord. Elle m’a chargé en tant que rapporteur d’examiner la situation humanitaire actuelle des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI) et des PDI retournées dans la région et de formuler de nouvelles recommandations. Le présent exposé des motifs repose sur des renseignements recueillis auprès de nombreuses sources, en particulier lors d’une visite d’information en Fédération de Russie du 18 au 24 septembre 2011. Dans ce contexte, votre rapporteur tient à remercier la délégation parlementaire de la Fédération de Russie ainsi que les représentants du Conseil de la Fédération pour leur hospitalité et leur aide. Il remercie également le Danish Refugee Council (DRC) qui a facilité la sélection des camps et des centres d’hébergement temporaire des personnes déplacées et qui a organisé les réunions avec les représentants des PDI et les organisations non gouvernementales (ONG) dans les trois républiques. Votre rapporteur tient également à remercier Mme Nadine Walicki, de l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), qui s’est rendue dans le Caucase du Nord parallèlement à la visite de votre rapporteur et qui a contribué en qualité de consultante à la préparation du présent rapport.
4. Votre rapporteur souhaite souligner que, conformément à son mandat, cet exposé des motifs est axé prioritairement sur les problèmes humanitaires et relatifs aux droits de l’homme que pose la situation faisant l’objet du présent rapport. Les aspects politiques et des droits de l’homme à caractère général ne sont abordés que dans la mesure où ils expliquent le contexte direct. L’intention de votre rapporteur est de présenter un tableau équilibré des diverses questions en jeu ainsi que les tâches complexes qui incombent aux autorités fédérales, régionales et locales. Il espère que ce rapport contribuera à l’établissement d’une feuille de route permettant l’élaboration de solutions durables pour les nombreuses familles encore déplacées dans la région du Caucase du Nord.

2. Contexte général

2.1. Sécurité

5. Le Caucase du Nord reste une région dangereuse. Les années 2006-2008 ont été marquées par une certaine stabilisation; mais plus récemment le nombre global d’incidents a augmenté. Les militaires, les forces de l’ordre ainsi que d’autres cibles sont régulièrement visés par des attentats suicides et d’autres types d’attaques en Tchétchénie, en Ingouchie, au Daghestan et, plus récemment, en Kabardino-Balkarie 
			(4) 
			PONARS Eurasia, «The Kabardino-Balkaria
Insurgency», Policy Memo N° 156 (mai 2011): 
			(4) 
			<a href='http://www.gwu.edu/~ieresgwu/assets/docs/ponars/pepm_156.pdf'>www.gwu.edu/~ieresgwu/assets/docs/ponars/pepm_156.pdf</a>.. Alors que la situation sécuritaire s’est grandement améliorée en Tchétchénie, la république la plus violente est à l’heure actuelle le Daghestan, où des attaques ont également visé des hauts responsables du gouvernement et des personnalités religieuses 
			(5) 
			Memorial,
“Situation in the North Caucasus Conflict Zone: Assessment of Human
Rights Activists” (14 octobre 2011): 
			(5) 
			<a href='http://www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf'>www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf</a>;
UN DSS North Caucasus, “Security Update” (12 septembre 2011).. En 2009, le Président russe, Dimitri Medvedev, a déclaré que l’insécurité dans la région était le problème de politique intérieure le plus grave de son pays 
			(6) 
			President of Russia, «Presidential Address
to the Federal Assembly of the Russian Federation» (12 novembre 2009): <a href='http://eng.kremlin.ru/transcripts/297'>http://eng.kremlin.ru/transcripts/297</a>., reconnaissant qu’elle est alimentée par la misère économique, le chômage, les abus de pouvoir, le détournement des fonds publics et la corruption qui règne parmi les élites au pouvoir 
			(7) 
			Ibid. «Speech at Meeting of Council
for Civil Society Institutions and Human Rights» (19 mai 2010): 
			(7) 
			<a href='http://eng.kremlin.ru/transcripts/206'>http://eng.kremlin.ru/transcripts/206</a>..
6. Lors d’une réunion avec le rapporteur le 19 septembre 2011, le Vice-Premier ministre et Envoyé spécial du Président de la Fédération de Russie dans le District fédéral du Caucase du Nord, Alexander Khloponine, a qualifié la situation en matière de sécurité dans la région de «tendue mais stable». Les opérations anti-terroristes menées par le gouvernement se poursuivent dans toute la région, et, aux dires de M. Khloponine, près de 80% des «terroristes», bien qu’utilisant des slogans islamistes, sont en fait des groupes ethniques de type mafieux luttant pour la redistribution des biens. Il existe néanmoins quelques groupes d’islamistes radicaux dans la région, qui recrutent souvent de jeunes chômeurs et cherchent à instaurer un Etat islamique et à imposer la charia dans le Caucase du Nord. La situation est cependant dominée par un système complexe de clans, avec un pouvoir exécutif et des segments entiers de l’économie concentrés entre les mains de l’un ou l’autre clan ethnique.
7. Du côté positif, les relations entre l’Ossétie du Nord et l’Ingouchie se sont normalisées avec l’arrivée au pouvoir en 2009 du nouveau Gouvernement ingouche sous la direction de Iounous-Bek Evkourov. En décembre 2009, les Présidents d’Ossétie du Nord et d’Ingouchie ont signé un programme commun pour l’établissement de bonnes relations de voisinage, visant à faciliter, entre autres, le retour des personnes jouissant du statut de migrant forcé vers les lieux dont elles sont originaires dans le district de Prigorodny en Ossétie du Nord. Pour l’heure, le conflit dans le district de Prigorodny n'est cependant toujours pas résolu.

2.2. Reconstruction

8. Aujourd'hui, il reste peu de traces des quelque quinze années de guerre dans la capitale tchétchène, Grozny. Les hostilités à grande échelle ont cessé depuis longtemps, les militaires se font discrets et la ville a été rebâtie sur les ruines calcinées. Des entreprises de Turquie et des Emirats arabes unis construisent de nouveaux parcs, de larges avenues, des ensembles de tours d’habitation et des stades de sport. Les infrastructures endommagées, telles que les routes, les conduites d’eau, les écoles et les structures médicales ont été reconstruites. D’autres régions de Tchétchénie ont profité elles aussi de cet effort de reconstruction, bien qu’à une échelle plus modeste 
			(8) 
			Jamestown Foundation, «The Year in Chechnya:
Reconstruction Marred by Lingering Insurgency and Inter-Chechen Conflict»
(21 janvier 2011), Eurasia Daily Monitor,
volume 8, 15.. C’est l’une des grandes réalisations du gouvernement tchétchène. Cependant, il apparaît que nombre de financements ont été consacrés à de grandioses projets «vitrines».

2.3. Environnement socio-économique

9. La transformation engendrée par les efforts de reconstruction témoigne d’une certaine prospérité, mais les apparences peuvent être trompeuses. L’économie du Caucase du Nord, y compris celle de la Tchétchénie, reste sous-développée et largement subventionnée par Moscou. La productivité est inférieure à la moyenne de la Fédération de Russie, les salaires sont bas et le chômage élevé. Certains facteurs font également obstacle à l’investissement, notamment une violence larvée et permanente, les terrains non déminés et une corruption endémique.
10. Malgré les efforts entrepris pour améliorer les infrastructures essentielles, la plupart des citoyens ordinaires n’ont pas profité des efforts de reconstruction en Tchétchénie. Des sociétés et des travailleurs étrangers ont été embauchés pour rebâtir les infrastructures, alors que les usines et d’autres installations susceptibles de créer des emplois à grande échelle n’ont pas été remises en état. De ce fait, beaucoup de citoyens ordinaires continuent de dépendre des aides sociales, qui constituent leur principale source de revenus. Les conditions de vie restent mauvaises, marquées par la pénurie de logements abordables, un accès limité à l’eau, aux installations sanitaires et autres services publics, des infrastructures de transport inadéquates et un manque d’équipements médicaux. Lorsque l’éducation est assurée, le niveau est faible 
			(9) 
			Gouvernement de la fédération
de Russie, «Stratégie de développement socio-économique du district
fédéral du Caucase du Nord jusqu’en 2025» (6 septembre 2010) (en
russe): <a href='http://krskfo.ru/strat_skao_2025.html'>http://krskfo.ru/strat_skao_2025.html</a>..
11. Pourtant, l’optimisme est de mise. Comme l’expliquait M. Khloponine, il a fallu au gouvernement fédéral russe plus de dix ans pour améliorer la situation sécuritaire en Tchétchénie, reconstruire les infrastructures et des quartiers résidentiels, rechercher les personnes disparues et redoubler d’effort pour réunir à nouveau les groupes ethniques, entre autres initiatives. Pour poursuivre ces efforts, la Stratégie de développement socio-économique du district fédéral du Caucase du Nord jusqu’en 2025 
			(10) 
			Le district fédéral du Caucase
du Nord est l’un des huits districts composant la Fédération de
Russie et inclut l’Ingouchie, la Tchétchénie, le Daghestan, la Karatchaevo-Tcherkessie,
la Kabardino-Balkarie, le Kraï de Stavropol et l’Ossétie du Nord.
Il a été créé en janvier 2010. a été adoptée en 2010. Cette stratégie prévoit des investissements massifs dans l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, les matériaux de construction, le tourisme, les zones industrielles et la logistique au cours des prochaines années. Cependant, l’amélioration de la situation de tous les citoyens prendra plus de temps.
12. La lutte contre le chômage est l’une des grandes priorités pour le gouvernement fédéral tout comme pour les gouvernements régionaux: au total, le nombre de chômeurs dans le district fédéral du Caucase du Nord est repassé de 438 000 à 300 000 personnes entre juillet 2010 et juillet 2011 
			(11) 
			M. Khloponine, réunion à Moscou
le 19 septembre 2011.. Dans la seule Tchétchénie, le taux de chômage est passé de 45% en 2010 à 30% en août 2011 
			(12) 
			Ministère
du Travail et des Affaires sociales de la République tchétchène,
réunion du 23 septembre 2011. Il convient de noter que les chiffres
du chômage varient beaucoup selon les sources. A titre d’exemple,
le 1er novembre 2011, le site web du
ministère du Développement régional mentionnait un pourcentage de
59% de la population inscrits au chômage en Tchétchénie..

2.4. Droits de l’homme

13. Des violations des droits de l’homme continuent d’être rapportées dans le contexte des opérations anti-terroristes menées par le gouvernement. Des avocats, journalistes et défenseurs des droits de l’homme font état d’enlèvements, de détentions arbitraires, de torture, de disparitions forcées et d’homicides illégaux 
			(13) 
			Amnesty
International, «Justice for the Disappeared in the North Caucasus»
(4 août 2010): 
			(13) 
			<a href='http://www.amnesty.org/en/library/asset/EUR46/010/2010/en/e9a63fb4-c843-473d-971f-b936f0ca277d/eur460102010en.pdf'>www.amnesty.org/en/library/asset/EUR46/010/2010/en/e9a63fb4-c843-473d-971f-b936f0ca277d/eur460102010en.pdf</a> 
			(13) 
			Human
Rights Watch, «World Report 2011: Russia» (24 janvier 2011).. Ces violations se sont répandues, au-delà de la Tchétchénie, à l’Ingouchie, au Daghestan et jusqu’en Kabardino-Balkarie 
			(14) 
			Memorial,
«Situation in the North Caucasus conflict zone: Assessment of human
rights activists» (14 octobre 2011): 
			(14) 
			<a href='http://www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf'>www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf</a>; <a href='http://www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf'>http://www.memo.ru/2011/10/14/1410112.pdf</a>.. A plusieurs reprises, le Commissaire russe aux droits de l’homme (ombudsman), à l’instar de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée et du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a rapporté des violations dans le Caucase du Nord. Ces rapports n’ont semble-t-il eu que peu d’effets sur le terrain.
14. En dépit des quelque 200 arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, l’impunité pour les violations des droits de l’homme perdure. A maintes reprises, la Cour a conclu à la violation des articles 2 et/ou 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») par la Fédération de Russie. Ces violations ont trait à des homicides illégaux, des disparitions, des actes de torture et des mauvais traitements ainsi qu’à l’absence d’enquête effective sur ces crimes. Comme il se doit, Moscou a indemnisé les victimes, mais les auteurs de ces actes n’ont pas eu de comptes à rendre.
15. Les défenseurs des droits de l’homme continuent d’être visés. En l’absence de médias indépendants 
			(15) 
			Fondation Jamestown, «New
Details Emerge on the Repression of Journalists and Rights Activists
in the North Caucasus» (19 septembre 2011), North
Caucasus Analysis, volume 12, no 18: 
			(15) 
			<a href='http://www.jamestown.org/single/?no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=38423&tx_ttnews%5BbackPid%5D=514'>www.jamestown.org/single/?no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=38423&tx_ttnews%5BbackPid%5D=514</a>; Reporters
sans frontière, «Terreur, menaces, corruption: rapport de mission
dans le Caucase russe» (octobre 2011)., les pressions et intimidations croissantes limitent l’observation de la situation des droits de l’homme dans la région et la diffusion d’informations à cet égard. Ces pressions et intimidations émanent même de hauts responsables du gouvernement. Le Président tchétchène, Ramzan Kadyrov, par exemple, a qualifié les membres de l’ONG Memorial «d’ennemis de l’Etat, d’ennemis du peuple, d’ennemis du droit». Il est regrettable que l’ombudsman de Tchétchénie, Nourdi Noukhajhiev, semble partager les mêmes vues. Lors de notre rencontre, il n’a pas caché son aversion pour les organisations internationales et locales des droits de l’homme. Votre rapporteur a de sérieux doutes quant à la compréhension par l’ombudsman tchétchène de son rôle en tant qu’institution indépendante censée protéger les droits de l’homme dans la République. Dans un tout autre registre, l’ombudsman d’Ingouchie, Djamboulat Ozdoev, a créé un bureau qui fait bon accueil aux plaignants aussi bien qu’aux ONG et inspire confiance dans l’institution de l’ombudsman.

3. Déplacement de populations

3.1. Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays

16. Il n’existe pas de chiffres probants quant au nombre de PDI dans le Caucase du Nord. Votre rapporteur n’a pas été en mesure d’obtenir des chiffres concordants, même auprès de différents départements du Service fédéral des migrations. Cette lacune s’explique entre autres par l’absence de définition. Les organisations internationales emploient la définition des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (Principes directeurs) pour établir le nombre des PDI, alors que le Gouvernement russe dénombre les «migrants forcés» sur la base de la définition de la loi de 1995 de la Fédération de Russie sur les migrants forcés. Cette définition des migrants forcés diffère à plusieurs titres de celle des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays énoncée dans les Principes directeurs 
			(16) 
			L’annexe
2 présente ces deux définitions. Les Principes directeurs relatifs
au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays ont
été avalisés par le Conseil de l’Europe dans la Recommandation Rec(2006)6
du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays, adoptée le 5 avril 2006. Les Principes directeurs: <a href='http://www.unhcr.fr/4b163f436.html'>www.unhcr.fr/4b163f436.html</a>..
17. La définition russe des migrants forcés est à la fois plus et moins restrictive que celle des PDI qui figure dans les Principes directeurs. Elle est plus restrictive dans la mesure où la personne déplacée au sein d’un sujet de la Fédération de Russie, par exemple en Tchétchénie, ne peut pas prétendre au statut de migrant forcé, alors qu’elle est considérée comme PDI si l’on s’en tient aux Principes directeurs. La justification de cette différence n’est pas claire. Dans le même temps, une personne venant d’un autre pays ou d’une ancienne République soviétique, qui a fui en Fédération de Russie et a obtenu la citoyenneté russe, peut prétendre au statut de migrant forcé, alors qu’elle ne sera pas considérée comme PDI selon les Principes directeurs.
18. Compte tenu de la définition des migrants forcés, on pourrait s’attendre à ce que les chiffres du gouvernement en matière de déplacement dans le Caucase du Nord soient supérieurs à ceux fournis par les organisations internationales. Cependant, il semble que ce soit l’inverse. Si beaucoup de ceux qui ont fui le premier conflit en Tchétchénie ont obtenu le statut de migrant forcé, seule une minorité de ceux qui ont fui le second conflit en Tchétchénie en ont bénéficié 
			(17) 
			Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), «On Asylum Seekers from
the Russian Federation in the context of the situation in Chechnya»
(février 2003). Ces différences de traitement sont justifiées par
le fait que le premier conflit était considéré comme des «perturbations
massives de l'ordre public», conformément à la définition des migrants
forcés, alors que le deuxième conflit ne l’était pas.. Les chiffres du gouvernement sont également bas car parmi ceux qui étaient considérés comme des migrants forcés, beaucoup ont perdu leur statut pour n’avoir pas renouvelé leur demande de statut, pas obtenu sa prorogation ou son renouvellement à la fin de la période requise de cinq ans, ou encore parce qu’ils ont bénéficié d’une aide au logement ou d’une indemnisation pour la destruction de leurs biens.
19. En octobre 2011, le Service fédéral des migrations a fait état de 19 136 personnes dotées du statut de migrant forcé dans le district fédéral du Caucase du Nord. Parmi elles, 5 633 venaient de Tchétchénie et 2 864 d’Ossétie du Nord. Le même mois, les organisations internationales faisaient état d’au moins 52 748 PDI dans l’ensemble du Caucase du Nord 
			(18) 
			Les chiffres du HCR incluent
16 634 personnes déplacées en Ingouchie, 33 209 en Tchétchénie et
2 905 au Daghestan. De plus, le HCR compte 22 473 personnes qui
restent encore déplacées suite aux conflits en Géorgie entre 1991
et 2008.. Etant donné qu’aucune évaluation formelle n’a été faite des solutions durables mises en place, il est probable que certaines personnes ne figurant plus dans les statistiques des PDI ou des migrants forcés restent confrontées à des problèmes liés à leur déplacement.

3.2. Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et retournées

20. Les données sur les personnes retournées chez elles diffèrent également selon les sources. De source gouvernementale, 323 000 
			(19) 
			Chiffres cités par M. Valery Fedorov, député,
lors de la réunion de la Commission des migrations, des réfugiés
et de la population, le 13 septembre 2011, sur la base de notes
reçues du Service fédéral des migrations en septembre 2011. Ils contredisent
le chiffre de 175 000 PDI retournées en Tchétchénie, mentionné dans
la réponse du Service fédéral des migrations, reçue le 3 novembre
2011, sur demande de votre rapporteur. personnes sont retournées en Tchétchénie entre 2001 et 2009 et plus de 26 000 
			(20) 
			Ibid. Le même chiffre a été cité
par le Président du Parlement d’Ossétie du Nord lors de notre rencontre
le 20 septembre 2011. sont revenues en Ossétie du Nord entre 1994 et 2010. Le Service fédéral des migrations a indiqué qu’au 1er avril 2009, toutes les PDI qui souhaitaient retourner en Tchétchénie l’avaient fait volontairement 
			(21) 
			Fédération de Russie, réponse à la
demande d’information du Conseil de l’Europe (3 novembre 2011).. Tant en Tchétchénie qu’en Ossétie du Nord, certaines ont regagné leur ancien foyer, alors que d’autres ont bénéficié d’une aide au logement allouée par le gouvernement, se sont installées chez des proches ou ont abouti dans des structures d’accueil temporaire dans le deuxième ou troisième lieu de déplacement 
			(22) 
			Commission européenne,
«Decision on the financing of humanitarian actions in the Northern
Caucasus from the general budget of the European Union» (9 décembre
2010)..
21. Des chiffres précis du nombre de personnes retournées en Tchétchénie depuis l’étranger font également défaut. D’après le bureau tchétchène du Service fédéral des migrations, 87 familles seraient rentrées d’Europe, pour la plupart d’Autriche. Les ONG ont évoqué le chiffre de 300 Tchétchènes revenus des Gorges de Pankisi en Géorgie. Au cours d’une récente visite en Jordanie, le leader tchétchène, Ramzan Kadyrov, a encouragé les ressortissants tchétchènes à rentrer au pays; quelques familles auraient suivi son conseil. Cependant, votre rapporteur n’a pas réussi à obtenir des chiffres plus précis. Il n’a pas non plus été informé d’une quelconque campagne à grande échelle encourageant le retour des Tchétchènes, ni de cas de personnes auxquelles un mauvais accueil aurait été réservé à leur retour. Certaines autorités ont toutefois exprimé des préoccupations devant le fait que sans le retour des anciens habitants (et notamment de l’ancienne intelligentsia) de l’étranger ou d’autres parties de la Fédération de Russie, il ne sera pas possible de bâtir des républiques modernes 
			(23) 
			Réunion avec M. Gousmanov,
Vice-président du Parlement tchétchène, le 23 septembre 2011..

3.3. Les réfugiés

22. Votre rapporteur n’a pas connaissance du nombre total des réfugiés dans le Caucase du Nord. Cependant, il a été porté à son attention que près de 30 000 réfugiés de Géorgie, Ossètes de souche, demeurent en Ossétie du Nord depuis les conflits du début des années 1990, sur lesquels 10 000 personnes (4 000 familles) manquent toujours cruellement de logements décents 20 ans après.
23. Votre rapporteur a eu la possibilité de visiter le centre d’hébergement temporaire «Ossétie» (dans l’ancien sovkhoze Pervomaïsky) où 40 familles de réfugiés ossètes venues de Géorgie vivent depuis 22 ans dans des conditions dégradantes, sans sanitaires ni gaz, et souffrant d’un «syndrome des réfugiés» très prononcé. Selon les autorités locales, il y aurait 39 centres temporaires de ce type en Ossétie du Nord. Six milliards de roubles sont nécessaires pour résoudre les problèmes de logement de ces réfugiés de souche ossète. Ils ne pourront pas bénéficier du programme fédéral de logement dans un avenir prévisible car la plupart d’entre eux n’ont acquis la citoyenneté russe qu’en 2000, ce qui les place en très mauvaise position sur la liste fédérale. En même temps, les responsables locaux affirment qu’ils ne disposent d’aucun moyen de financement. Par conséquent, votre rapporteur encourage les autorités locales à faire appel à des donateurs étrangers pour résoudre les problèmes critiques de logement de ces familles de réfugiés dans le cadre de programmes de partenariat.

4. Assistance du gouvernement

24. Plusieurs lois et règlements régissent la protection des PDI. L’assistance des pouvoirs publics aux personnes déplacées, décrite dans la loi de 1995 sur les migrants forcés, est soumise à la condition que le demandeur jouisse du statut de migrant forcé. La loi énonce leurs droits, y compris en matière d’allocations spéciales, de logement temporaire, d’accès à l’emploi, de prêts, de places dans les écoles et les universités, de formation, de gratuité des soins médicaux et d’aide au recouvrement des documents officiels et biens perdus. D’autres mesures ont été instaurées pour les personnes âgées, les handicapés et les orphelins. La législation insiste également sur le retour volontaire et assisté. Des modifications apportées récemment à la loi prévoient des aides pour l’achat de logements 
			(24) 
			President
of Russia, «Amendments to the law on displaced persons» (Amendements
à la loi sur les personnes déplacées) (18 octobre 2010): <a href='http://eng.kremlin.ru/news/1154'>http://eng.kremlin.ru/news/1154</a>.. D’autres lois et règlements ont été institués pour fournir une assistance aux personnes déplacées à l’intérieur de la Tchétchénie et à celles qui ont quitté ce territoire, indépendamment du statut de migrant forcé 
			(25) 
			Fédération de Russie, Résolution n° 163
relative au financement des dépenses pour le maintien de l’aide
alimentaire destinée aux citoyens ayant temporairement quitté leur
résidence permanente sur le territoire de la République tchétchène
et vivant dans des centres d’hébergement temporaire sur le territoire
de la Fédération de Russie, ainsi qu’à la couverture des dépenses
de transport des citoyens et de leurs biens vers leur lieu de résidence
sur le territoire de la République tchétchène en 2001 (3 mars 2001).. Cette assistance n’a plus cours à ce jour; elle couvrait l’alimentation, les transports, la mise à disposition d’un foyer temporaire et des allocations en espèces aux personnes retournées.

4.1. Indemnisation des biens détruits

25. Les personnes dont les foyers ont été détruits au cours des conflits en Tchétchénie peuvent prétendre à une indemnisation, même en l’absence de statut de migrant forcé. Celles qui ont fui le premier conflit et se sont installées hors de Tchétchénie peuvent percevoir jusqu’à 120 000 roubles (2 900 euros) 
			(26) 
			Fédération
de Russie, Résolution n° 510 relative
à la procédure d’indemnisation pour la perte, à la suite de la résolution
de la crise en République tchétchène, de logement et/ou de biens
de citoyens ayant quitté définitivement le pays (30 avril 1997)., alors que celles qui ont fui lors du premier ou du second conflit et se sont installées en Tchétchénie peuvent bénéficier d’un montant de 350 000 roubles (8 400 euros) 
			(27) 
			Fédération de Russie,
Résolution n° 404 relative à la procédure
d’indemnisation pour la perte, à la suite de la résolution de la
crise en République tchétchène, de logement et de biens des résidents
permanents de la République tchétchène (4 juillet 2003).. Les bénéficiaires qui s’installent hors de Tchétchénie doivent renoncer à leurs anciens titres de propriété foncière et immobilière, alors que ceux qui s’installent en Tchétchénie les conservent. Dans les deux cas, aucun délai n’a été fixé pour le dépôt des demandes. Fin 2011, 22 800 demandes déposées par des personnes installées en Tchétchénie étaient en cours d’instruction, alors qu’aucune n’émanait de personnes installées hors de la république. Le ministère du Développement régional, conjointement à d’autres autorités, dont le Service fédéral des migrations, serait en train de préparer un nouveau programme de soutien de l’Etat pour les citoyens qui ont perdu leur foyer à la suite du conflit en Tchétchénie et qui ne souhaitent pas retourner dans le pays.
26. De même, les personnes dont le foyer a été détruit durant le conflit en Ossétie du Nord peuvent prétendre à un dédommagement de 700 000 à deux millions de roubles (de 16 800 à 48 100 euros) 
			(28) 
			Fédération
de Russie, Résolution no 274 sur la fourniture
d’une aide d’Etat au logement pour les personnes déplacées de force
ayant perdu leur foyer à la suite du conflit entre l’Ossétie et
l’Ingouchie en octobre-novembre 1992 (6 mars 1998).. Nul ne sait pourquoi les indemnisations sont plus élevées pour les personnes dépossédées à la suite du conflit en Ossétie du Nord que pour la Tchétchénie. Les bénéficiaires doivent accepter de retourner sur leur lieu de résidence d’origine ou, s’il s’agit d’un village où les autorités ne sont pas à même de garantir leur sécurité, de s’installer ailleurs au sein de la république. Les dédommagements sont accordés aux résidents permanents de Prigorodny, à ceux vivant dans des foyers du district et à ceux qui ne disposent pas de titre de propriété mais sont en mesure de prouver devant un tribunal qu’ils résidaient de façon permanente à Prigorodny avant le conflit. Les demandes devaient être déposées avant le 1er décembre 2006 et les principaux documents justificatifs fournis avant le 1er juillet 2008. Le gouvernement a examiné toutes les demandes et les décisions sont en instance 
			(29) 
			Service fédéral des migrations, réponse
à la demande d’informations du Conseil de l’Europe (3 novembre 2011)..

4.2. Aide au logement

27. Le gouvernement fédéral a fourni pendant des années des logements temporaires à beaucoup de personnes dotées du statut de migrant forcé et il a mis en œuvre d’autres programmes destinés à répondre aux besoins de logement des migrants forcés dans le Caucase du Nord. Il s’agit entre autres de prêts à long terme sans intérêt 
			(30) 
			Fédération
de Russie, Ordonnance no 845 sur les
conditions de logement des personnes déplacées de force dans la Fédération
de Russie, (8 novembre 2000): <a href='http://law.kodeks.ru/egov/index?tid=0&nd=901774952&prevDoc=901774952'>http://law.kodeks.ru/egov/index?tid=0&nd=901774952&prevDoc=901774952</a>. ou de certificats de logement, délivrés en vertu d’un programme en place depuis 2002 et récemment prolongé jusqu’en 2015 
			(31) 
			Fédération
de Russie, Programme fédéral ciblé «Logement» pour 2011-2015: <a href='http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/324/'>http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/324/</a>., pour diverses catégories de citoyens, dont ceux bénéficiant du statut de migrant forcé. Ces certificats de logement sont des coupons utilisables pour l’achat d’un logement, dont le montant est calculé en fonction de la composition de la famille et des prix du marché de l’immobilier.
28. Trois autres programmes fédéraux – Russie du Sud (2008-2013) 
			(32) 
			Fédération
de Russie, Programme fédéral ciblé «Russie du Sud» pour 2008-2013: <a href='http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/248/'>http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/248/</a>., Développement socio-économique de la République tchétchène pour 2008-2012 
			(33) 
			Fédération de Russie, Programme fédéral
ciblé «Développement socio-économique de la République tchétchène pour
2008-2012»: <a href='http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2012/249/'>http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2012/249/</a>. et Développement socio-économique de la République d’Ingouchie pour 2010-2016 
			(34) 
			Fédération de Russie, Programme fédéral
ciblé «Développement socio-économique de la République d’Ingouchie pour
2010 à 2016»: <a href='http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/301/'>http://fcp.economy.gov.ru/cgi-bin/cis/fcp.cgi/Fcp/ViewFcp/View/2011/301/</a>. – ont pour objectif d’élever le niveau de vie, y compris les conditions de logement, dans le Caucase du Nord. Un autre plan de développement socio-économique pour le district fédéral du Caucase du Nord jusqu’en 2025, d’un montant de 5,5 billions de roubles (132 milliards d’euros), vise à résoudre les problèmes de logement et autres des personnes déplacées de la région 
			(35) 
			Eurasia
Daily Monitor, «Plans to Build North Caucasus Ski Resorts:
Why Paint The Fence If The House Is Burning?»” (29 septembre 2011).. Le programme «Logement social» de la Tchétchénie inclut, lui aussi, des mesures pour renforcer le parc de logements municipaux dans la république et garantir ainsi un nombre suffisant de logements décents pour les personnes les plus vulnérables, notamment celles qui ont perdu leur foyer durant les conflits 
			(36) 
			Gouvernement
de la République tchétchène, «V Chechenskoi Respublikt v sotsialnom
zhilye nuzhdayutsya bole 62 tisyach grazhdan» (14 octobre 2009): <a href='http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=6161'>http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=6161</a>..

4.3. Aide sociale

29. Les PDI en Tchétchénie et en Ossétie du Nord qui ne sont pas éligibles au statut de migrant forcé peuvent bénéficier d’autres dispositions. Le Président Kadyrov a établi le Fonds Akhmat Khadji Kadyrov, du nom de son défunt père, dans le but d’aider à satisfaire aux besoins des personnes vulnérables. Le gouvernement a également mis en place des centres de services sociaux dans la région, les plus nombreux étant situés en Tchétchénie. Ces centres informent les personnes sur leurs droits légaux, sur les services d’aide sociale et psychologique, y compris pour les PDI et les personnes retournées, et les aident à couvrir leurs besoins essentiels en matière d’alimentation et d’hygiène. Les autorités tchétchènes allouent par ailleurs des compléments de retraite aux résidents qui ont perdu leur dossier d’emploi au cours des conflits, mais aucune autre république de la Fédération de Russie n’a pour l’heure suivi cette voie. Pour leur part, les autorités d’Ossétie du Nord mettent en œuvre un programme de développement socio-économique dans le district de Prigorodny afin d’encourager les communautés ossète et ingouche à rentrer et à cohabiter pacifiquement. Selon des informations du ministère des Affaires étrangères d’Ossétie du Nord, au cours de l’année scolaire 2011-2012, 2 112 étudiants ingouches étaient inscrits dans des écoles en Ossétie du Nord, où ils ont pu suivre un enseignement en ingouche.

4.4. Conseil et assistance juridiques

30. Les PDI, avec ou sans statut de migrant forcé, peuvent s’adresser à l’ombudsman de la Fédération de Russie et à ses bureaux. L’ombudsman a soulevé la question persistante de certaines personnes déplacées hors de la Tchétchénie qui ne sont pas en mesure de percevoir leur pension complète par suite de la perte des archives durant les conflits, concluant qu’il s’agissait d’une violation de leur droit à la sécurité sociale. En Ingouchie, l’ombudsman a récemment suggéré des amendements à la loi sur les migrants forcés, accueilli une table ronde pour discuter des problèmes auxquels sont confrontées les PDI 
			(37) 
			Caucasian Knot,
«In Ingushetia, roundtable states systematic violations of IDPs’
human rights» (3 mai 2011): 
			(37) 
			<a href='http://www.eng.kavkaz-uzel.ru/articles/16971/'>www.eng.kavkaz-uzel.ru/articles/16971/</a>., publiquement défendu des PDI et reçu leurs plaintes et préoccupations 
			(38) 
			Caucasian Knot, «Ingush authorities
offer refugees to rent housing; migrants complain of pressure» (27
septembre 2011): <a href='http://www.eng.kavkaz-uzel.ru/articles/18495/'>www.eng.kavkaz-uzel.ru/articles/18495/</a>.. Pour sa part, l’ombudsman tchétchène a souligné certaines imperfections des systèmes d’indemnisation foncière 
			(39) 
			Overseas Development
Institute, «A review of DRC’s protection and livelihoods programme
in Chechnya» (28 février 2009). et attiré l’attention sur le processus d’éviction des PDI des centres d’accueil. Votre rapporteur réitère néanmoins son inquiétude: à son sens, l’ombudsman tchétchène ne protège pas pleinement les droits de l’homme.
31. Par ailleurs, le décret no 451 du Président de la Tchétchénie, en date du 6 décembre 2007, relatif aux mesures additionnelles visant à garantir les droits et libertés du peuple et des citoyens en République tchétchène a établi un certain nombre de mesures relatives aux droits de l’homme. A titre d’exemple, des conseils publics pour la garantie des droits et libertés du peuple et des citoyens de la République tchétchène ont été mis en place au niveau des administrations municipales et de district. Ces conseils se seraient saisis de nombreuses plaintes de PDI résidant dans des centres d’accueil et d’autres citoyens vulnérables pour des violations de leurs droits de propriété sur des logements, des terres et autres biens.

5. Progrès et difficultés

5.1. Tchétchénie

5.1.1. Progrès

32. Les autorités fédérales et tchétchènes ont œuvré pour mettre fin aux bombardements et au mitraillage des zones habitées, reconstruire les villes et restaurer les prestations et allocations sociales, ce qui a permis le retour des PDI 
			(40) 
			Résolution 1738 (2010) de
l’Assemblée, «Recours juridiques en cas de violations des droits
de l’homme dans la région du Caucase du Nord».. Les autorités tchétchènes ont fourni une aide au logement à des personnes revenant chez elles et dont le domicile avait été détruit, par exemple sous forme de parcelles de terrain, de loyers subventionnés, d’appartements, de maisons ou de placement dans des logements municipaux 
			(41) 
			Gouvernement
de la République tchétchène, «31 semya poluchila novie kvartiri
v Groznom» (5 juin 2009): <a href='http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=5446'>http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=5446</a>;
et «O merakh po podgotovke tsentrov vremennogo razmesheniya peremeschennikh
lits na territorii Chechenskoi Respubliki» (26 février 2001).. Des centres d’hébergement de PDI ont également été rénovés. Des organisations humanitaires internationales, comme le DRC (Danish Refugee Council) et le HCR, ont soutenu la construction de logements destinés aux PDI et aux personnes de retour 
			(42) 
			Le HCR
indique avoir construit 20 000 logements dans le cadre de ses programmes
en Tchétchénie.. Votre rapporteur a visité un de ces chantiers de construction de logements financé par le DRC à Assinovskaïa Oussadba, qui l’a très favorablement impressionné.
33. Beaucoup de PDI ayant perdu leurs biens ont également bénéficié de programmes de dédommagement. Environ 75 000 familles réinstallées en Tchétchénie (124 745 personnes) ont été indemnisées pour la destruction de leurs biens en vertu du décret no 404 et 38 000 familles environ, réinstallées en dehors de la république (dont 22 819 au sein du district fédéral du Caucase du Nord) ont touché une indemnité en vertu du décret no 510 
			(43) 
			Fédération
de Russie, réponse à la demande d’informations du Conseil de l’Europe
(3 novembre 2011).. Depuis 2008, les candidats au dédommagement ne sont plus obligés de prouver qu’ils étaient enregistrés comme résidents à l’adresse du bien qui a été détruit 
			(44) 
			Cour
constitutionnelle russe (6 octobre 2008)..

5.1.2. Difficultés

34. Le chômage frappe toujours aussi durement les PDI. En Ingouchie et en Tchétchénie, plus de 60% des PDI valides sont sans emploi 
			(45) 
			Danish Refugee Council: «The DG ECHO-Funded
Survey of Internally Displaced Persons/Recent Returnees in Private
Accommodation in the Chechen Republic» (novembre 2011); «Report
on the Danish Refugee Council’s 2010 Census of Internally Displaced
Persons (IDPs) from the Chechen Republic of the Russian Federation
Residing in Collective Centers in Ingushetia and Chechnya» (septembre
2010).. Les intéressés disent se heurter dans leur recherche de travail à des problèmes dus à leur situation – dont le fait de ne pas être enregistrés comme résidents temporaires, les interruptions dans leur scolarité, le handicap et la charge d’enfants et de parents âgés ou malades. Les jeunes sont particulièrement touchés: beaucoup d’entre eux ont manqué jusqu’à sept ans de scolarité pendant le conflit, n’ont eu qu’un accès médiocre aux cours de rattrapage et se trouvent aujourd’hui face à un enseignement de faible qualité, en raison du manque de professeurs et de formation des professeurs et des sommes (illégales) qu’on exige souvent d’eux pour leur délivrer leur diplôme. Comme le reste de la population, les PDI souffrent aussi de la pénurie d’emplois, de qualifications insuffisantes et des pots-de-vin demandés en échange d’un travail. A Grozny, certains déplacés soulignent que les grands projets de construction menés dans la ville n’apportent aucun emploi qualifié à la population locale car les investisseurs étrangers apportent la plus grande part de leur main-d’œuvre qualifiée avec eux. Des femmes déplacées ont expliqué à votre rapporteur que malgré les diplômes supérieurs qu’elles avaient obtenus avant la guerre, elles ne trouvaient pas d’emploi qualifié. En conséquence, la plupart des PDI dépendent des pensions d’Etat, des allocations sociales et de l’aide de leur famille.
35. Les aides publiques au relogement n’ont pas toujours abouti à des solutions durables. L’aide à l’installation fournie par le gouvernement tchétchène n’est disponible que dans la région d’origine des déplacés et ceux qui n’étaient pas enregistrés comme résidents permanents avant les conflits ne peuvent y prétendre. Les municipalités n’ont pas toujours assuré ces aides, en raison d’un budget trop réduit. Certaines PDI se sont vues proposer des terrains situés dans des zones isolées, sans accès à l’eau, à l’électricité et aux transports. D’autres ont constaté que les maisons et appartements offerts étaient en mauvais état ou que la propriété en était contestée. Des courriers envoyés par la municipalité de Grozny promettant un logement n’ont pas eu de suite 
			(46) 
			Chechen Republic
Today, «Territoria, svobodnaya ot etnokonfliktov» (10 octobre 2011): 
			(46) 
			<a href='http://www.chechnyatoday.com/content/view/16776/426/'>www.chechnyatoday.com/content/view/16776/426/</a>.. Les offres de logement sont généralement prévues pour les parents et leurs enfants sans tenir compte des petits-enfants ou des belles-filles, qui vivent souvent au sein de la famille car la pauvreté liée à leur situation de déplacées ne leur permet pas de se loger indépendamment. Par conséquent, les logements offerts sont souvent trop exigus et les familles, même relogées, continuent à vivre dans des conditions insatisfaisantes.
36. L’accent mis par le gouvernement sur les retours limite le droit des PDI au libre choix d’un lieu de résidence, qu’elles souhaitent retourner sur le lieu de leur ancien domicile, s’intégrer là où elles ont été déplacées ou s’installer ailleurs. La loi n’empêche pas le gouvernement tchétchène d’offrir des solutions de logement dans tous les cas mais, dans la pratique, les personnes qui n’étaient pas enregistrées comme résidents permanents dans une localité avant le deuxième conflit n’ont pas pu y solliciter d’aides. Cela va à l’encontre de l’article 3 de la loi no 5242-1 de Fédération de Russie du 25 juin 1993, selon lequel l’enregistrement comme résident permanent ne peut constituer une condition à l’exercice des droits et libertés de citoyens, et d’un arrêt de 1995 de la Cour constitutionnelle affirmant qu’il est anticonstitutionnel de faire dépendre l’aide au logement de l’enregistrement comme résident permanent 
			(47) 
			Fédération de Russie, arrêt de la Cour
constitutionnelle, 1995.. En outre, l’enregistrement dans une nouvelle localité est difficile à obtenir et sans lui, l’accès aux services, aux emplois et aux droits est limité.
37. Les programmes de dédommagement pour les biens détruits n’ont, là encore, pas toujours permis aux PDI d’obtenir un logement convenable. Une enquête menée en 2011 auprès de PDI en hébergement privé 
			(48) 
			Voir
l’annexe 2 pour les définitions. montre que 33 % des ménages ont perçu un dédommagement mais n’ont toujours pas trouvé de logement durable. Les intéressés expliquent entre autres que le montant octroyé n’était pas indexé sur l’inflation et n’a donc pas suffi pour acheter ou construire un nouveau bien et que les pots-de-vin exigés par les officiels empêchent les familles de toucher toute la somme à laquelle elles ont droit 
			(49) 
			Rapport
du 20 avril 2005 du Commissaire aux droits de l’homme, Álvaro Gil-Robles,
sur les droits de l’homme en Russie, Comité des Ministres, paragraphe
350; Danish Refugee Council, rapport de septembre 2010, op. cit.; Danish Refugee Council,
rapport de novembre 2011, op. cit.. Ces facteurs ont dissuadé beaucoup de personnes éligibles de demander un dédommagement. D’autres ne sont simplement pas éligibles. Les familles dont le domicile a été détruit à moins de 80% ou qui l’ont perdu lors des violences qui ont conduit au déclenchement officiel du premier conflit ne peuvent pas prétendre à un dédommagement, pas plus que celles qui louaient ou occupaient un logement sans en être propriétaires 
			(50) 
			HCR, «Information Notes on
the Decree of the Russian Federation Government on Compensations
for the Victims of the Conflict in the Chechen Republic» (7 août
2003): <a href='http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/410f7d874.pdf'>www.unhcr.org/refworld/pdfid/410f7d874.pdf</a>..
38. La combinaison de l’inefficacité des programmes de dédommagement, de l’insuffisance des aides publiques au relogement et du fort taux de chômage fait que beaucoup de PDI sont encore mal logées. En 2009, environ 20 000 foyers vulnérables, affectés par la guerre, ne disposaient toujours pas d’un domicile permanent et avaient besoin d’aide pour en trouver un 
			(51) 
			Enquête du HCR.. Leur logement était inadapté en termes de conditions de vie, d’emplacement, de disponibilité des services, équipements et infrastructures et de sécurité d’occupation. Beaucoup de PDI vivent encore dans des centres vétustes, chez des parents ou des amis, dans des tentes qu’elles ont reçues en… 2003 ou dans d’autres abris de fortune. Elles sont plus exposées à la promiscuité et aux éléments que le reste de la population 
			(52) 
			Danish Refugee Council, rapport
de novembre 2011, op. cit.. Votre rapporteur a pu constater les conditions de vie déplorables qui régnaient dans certains centres.
39. Le nombre de PDI expulsées de centres d’accueil a augmenté en 2011. La plupart des déplacés vivant dans l’un de ces centres en 2010 ne disposaient ni d’un bail, ni d’un titre de propriété et n’étaient pas enregistrés comme résidant dans ce centre 
			(53) 
			Fondation
Nizam (2010).. Ils risquaient donc d’être expulsés illégalement sans pouvoir faire valoir leurs droits. Le gouvernement, lors des expulsions, a observé certaines procédures tout en en ignorant d’autres. Des ordonnances judiciaires ont été prononcées, des représentants de l’administration étaient présents, les personnes exécutant la procédure étaient correctement identifiées et les expulsions ont été repoussées en cas de mauvais temps. Cependant, il n’y a eu aucune consultation, le consentement éclairé du groupe concerné n’a jamais été sollicité ou donné, le délai de préavis était généralement très court (parfois seulement 48 heures) et les expulsions ont été menées indépendamment du fait que les intéressés aient accès ou non à un recours ou à une assistance juridique.
40. Toutes les PDI vivant dans un centre n’étaient pas dans l’incapacité de trouver un autre logement ou de payer un loyer. Certains expulsés ont pu se rabattre sur d’autres solutions. Cependant, ceux pour qui la vie en centre n’était pas un choix sont devenus encore plus vulnérables. Si une alternative ne leur est pas proposée, nous ignorons ce qu’ils vont devenir. Le cas de ces personnes mérite manifestement une attention particulière, mais le gouvernement n’a ni procédé au cas-par-cas, ni suivi la situation des personnes expulsées, si bien qu’il ignore leurs besoins actuels en termes de logement. A la réception de l’ordre d’expulsion, certaines personnes ont lancé un appel collectif au Président Kadyrov et au Maire de Grozny leur demandant de renoncer à l’expulsion ou de trouver une alternative pour les loger.
41. L’insécurité reste un problème pour les PDI et celles ayant regagné leur domicile en Tchétchénie. Comme leurs voisins, elles vivent au milieu d’une violence persistante et sont exposées aux risques liés aux mines et aux munitions qui n’ont pas explosé et sont toujours présentes dans les zones rurales 
			(54) 
			CICR,
Rapport annuel 2010 (26 mai 2011).. Le Président Medvedev a demandé aux ministères de la Défense et des Situations d’urgence d’achever les travaux de déminage en Tchétchénie, mais il semble que le processus soit retardé faute de financement 
			(55) 
			 Gouvernement
de la République tchétchène, «Zadachu razminirovaniya Chechni neobkhodimo
vipolnit do kontsa – Medvedev» (17 août 2010): <a href='http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=7985'>http://chechnya.gov.ru/page.php?r=126&id=7985</a>..

5.2. Ossétie du Nord

5.2.1. Progrès

42. Les retours en Ossétie du Nord ont été facilités. Des écoles, des crèches, des cliniques et des complexes sportifs ont été rénovés dans plusieurs villages et des centaines de manifestations ont été organisées depuis 2003 pour rapprocher les Ingouches et les Ossètes à tous les niveaux de la société 
			(56) 
			Gouvernement
d’Ossétie du Nord, «Information on the issue of settlement of citizens
of Ingush nationality» (23 septembre 2011).. Plus de 4 000 familles ingouches (21 823 personnes) ont bénéficié d’une aide au retour 
			(57) 
			Service fédéral des migrations,
réponse à la demande d’informations du Conseil de l’Europe (3 novembre
2011).. En 2005, 19 530 personnes avaient touché une aide au relogement, pour un total de plus de 1,35 milliard de roubles (32,5 millions d’euros).
43. Les PDI ne pouvant rentrer chez elles ont été accompagnées dans leur installation, ailleurs en Ossétie du Nord 
			(58) 
			Les
villages d’Oktiabrski, Redant et Redant-2 sont fermés aux retours.. Plus de 5 000 déplacés ont reçu pour cela une aide de l’Etat, qu’ils aient ou non le statut de migrants forcés. Deux villages ont été construits pour ce groupe sur le territoire des communes de Maïskoye et de Novy, dans le district de Prigorodny. Des terrains ont été attribués, des fermes mises en œuvre et une aide a été apportée aux petites entreprises. Votre rapporteur a eu la possibilité de se rendre dans ces deux villages et a constaté que les travaux de construction étaient bien en cours, tout comme la création d’infrastructures et la pose de canalisations de gaz. Bien que ces villages soient actuellement majoritairement ingouches, les autorités prévoient d’encourager les personnes d’ethnie russe et ossète à s’installer à Maïskoye, ce qui est à saluer. En revanche, votre rapporteur exprime des réserves quant à la manière dont certains financements fédéraux sont utilisés. Par exemple, un énorme complexe scolaire moderne est en cours de construction à Novy, prévu pour 560 élèves alors qu’il n’y a actuellement qu’une centaine d’enfants d’âge scolaire dans le village.

5.2.2. Difficultés

44. Les PDI se heurtent à plusieurs difficultés pour trouver des solutions de logement durables. Leur domicile d’origine a été soit détruit, soit illégalement occupé et/ou vendu; ils ont perdu leurs titres de propriété ou n’ont pas les moyens de reconstruire une maison 
			(59) 
			Vesta, «Analytical review of the results
of individual survey and registration of the forced migrants from
the Republic of North Ossetia-Alania residing in TSs and the private
sector of the Republic of Ingushetia» (décembre 2009).. Certains déplacés du district de Prigorodny ont eu le plus grand mal à obtenir un nouveau passeport avec enregistrement comme résidents permanents dans leur localité d’origine, étape importante pour pouvoir prétendre à une aide au logement au moment du retour. Les PDI n’ayant pas le statut de migrants forcés ou enregistrées en Ossétie du Nord uniquement comme résidents temporaires n’ont pas droit aux aides prévues par le programme de développement social du district de Prigorodny 
			(60) 
			Ibid.. Les intéressés expliquent également que les emplois sont rares, ce qui ne les aide pas à améliorer leurs conditions de logement et leur situation en général 
			(61) 
			Ibid..
45. Pour certaines PDI, les perspectives de retour ont été limitées par la persistance des tensions entre les communautés ingouche et ossète. Ces tensions sont particulièrement vives depuis des drames tels que l’attentat à la bombe perpétré sur un marché dans la capitale de la république, Vladikavkaz, en 2010 
			(62) 
			BBC, «Suicide
bomber kills 16 in busy Russian market» (9 septembre 2010): <a href='http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-11242588'>www.bbc.co.uk/news/world-europe-11242588</a>.. Le gouvernement a réagi en prenant des mesures juridiques pour limiter les retours vers certains villages d’ethnies mixtes dans le district de Prigorodny, y compris en déclarant certains villages «zones de conservation». Les déplacés concernés par ces mesures se sont vus proposer des terrains dans d’autres villages du district mais certains ont refusé, insistant sur leur droit à retrouver leur domicile. Certaines administrations locales ont également empêché les retours en interdisant d’utiliser l’aide au relogement pour acheter ou construire des logements sur leur territoire.

5.3. Ingouchie

5.3.1. Progrès

46. L’Ingouchie a été pendant longtemps le seul lieu de refuge sûr pour les PDI, qui ont d’abord été hébergées dans des campements de tentes et dans des habitats temporaires. Mais les camps ont été fermés en 2004 et les plupart des déplacés vivent maintenant dans des hébergements privés ou dans des installations temporaires administrées par le gouvernement ou par des bailleurs privés. Ces dernières années, les autorités ingouches ont encouragé l’intégration locale des PDI en provenance de Tchétchénie et d’Ossétie du Nord. Les enfants autochtones et ceux de familles déplacées ont d’abord reçu une instruction séparée, mais fréquentent maintenant les mêmes écoles 
			(63) 
			Bureau de la coordination des affaires humanitaires
de l’ONU, «Inter-Agency Transitional Workplan for the North Caucasus
2007» (12 décembre 2006): <a href='http://reliefweb.int/node/221068'>http://reliefweb.int/node/221068</a>..
47. Votre rapporteur souhaite féliciter le gouvernement ingouche pour sa vision particulièrement claire et son approche pragmatique dans ses efforts pour offrir des solutions de logement pérennes aux déplacés en provenance de Tchétchénie et d’Ossétie du Nord. Il reste aujourd’hui 608 familles de déplacés d’Ossétie du Nord et 1 400 de Tchétchénie souhaitant s’installer en Ingouchie. Le gouvernement fermera d’ici fin 2011 les hébergements temporaires qui abritent les PDI depuis de nombreuses années. Votre rapporteur a visité deux de ces centres, qu’il a trouvés dans des conditions sanitaires déplorables. Tout en comprenant la nécessité de les fermer, il entend également les préoccupations des résidents, qui craignent d’être expulsés sans un endroit où aller. M. Moussa Tchiliev, chef du gouvernement ingouche, a confirmé lors de sa rencontre avec votre rapporteur, le 23 septembre 2011, que certaines familles se verraient proposer des appartements à Magas et que d’autres recevraient une aide pour louer un logement sur le marché privé. La petite République d’Ingouchie subventionne déjà les loyers à hauteur de 107 millions de roubles en 2011 et le nouveau programme de développement socio-économique 2012-2016 permettra d’apporter une réponse au problème. Votre rapporteur reste toutefois préoccupé par le fait que, trois mois avant la fermeture prévue des hébergements temporaires, le gouvernement ne semblait pas avoir de plan de relogement clair. En écho à l’ombudsman ingouche, il encourage les autorités à mieux faire connaître leurs projets aux personnes concernées et avec suffisamment d’avance.

5.3.2. Difficultés

48. En Ingouchie comme en Tchétchénie, les PDI connaissent encore des conditions de vie médiocres en raison du chômage et de l’insuffisance des programmes de dédommagement pour les biens détruits. Plus de 50% des PDI sont sans travail, chômage important qu’elles expliquent de la même manière que leurs homologues de Tchétchénie 
			(64) 
			Danish
Refugee Council, rapport de novembre 2011, op.
cit.. Les déplacés vivant en hébergement temporaire subissent des conditions beaucoup plus dures que ceux logés dans le secteur privé; on peut même dire qu’ils sont les plus mal lotis de toutes les PDI de la région. Certaines personnes ayant le statut de migrant forcé pourraient bénéficier du programme ingouche de développement socio-économique pour 2010-2016, mais les travaux de construction de logements ne devraient pas commencer avant 2013.

6. Rôle des organisations non gouvernementales

49. Plusieurs ONG de Caucase du Nord offrent des conseils juridiques aux PDI, aux personnes de retour et aux réfugiés. La plupart des consultations portent sur les aides sociales, le logement, les documents officiels et l’enregistrement – une aide étant également fournie pour mener à bien des démarches administratives ou des procès. Certaines ONG, comme Memorial et Vesta, sont à saluer pour leur travail d’assistance juridique et de lutte contre les expulsions, parfois accompli dans des circonstances très difficiles, notamment en Tchétchénie. Les financements étrangers restent vitaux pour les ONG locales de travail humanitaire et de défense des droits de l’homme, qui ne sont pas financées par les donateurs russes au motif que leur travail peut revêtir un aspect politique.
50. Les Nations Unies auront entièrement quitté le Caucase du Nord fin 2011 et ne lanceront pas de nouveau projet destiné aux PDI dans la région. Le Danish Refugee Council restera par conséquent le seul organisme international spécialisé dans les déplacements forcés à disposer d’un bureau dans la région. Il coordonne de petits projets de logement, d’assistance juridique et de génération de revenus en Tchétchénie, en Ingouchie et en Ossétie du Nord. L’Office humanitaire de la Commission européenne (ECHO), qui est depuis de nombreuses années le plus important donateur dans la région, a décidé que le cycle de financement de 2010 pour le Caucase du Nord serait le dernier.

7. Conclusions et perspectives d’avenir

51. Malgré les importants efforts des autorités russes, les PDI et les personnes de retour au Caucase du Nord ont toujours beaucoup de difficultés à trouver une solution durable, ce qui signifierait qu’elles sont rentrées chez elles, se sont intégrées localement ou se sont installées ailleurs dans le pays, qu’elles n'ont plus besoin d’aide ou de protection et qu’elles peuvent jouir de leurs droits fondamentaux sans discrimination. Les principaux obstacles qu’elles rencontrent sont l’inadaptation de leur logement, l’inefficacité des programmes de dédommagement pour les biens détruits, des difficultés à obtenir des papiers, un choix de lieu de résidence limité, le chômage et une insécurité persistante.
52. Bien que des progrès substantiels aient été accomplis dans la revitalisation de la région, la recherche de solutions durables est entravée par une corruption bien installée, par un manque de volonté politique de s’occuper des citoyens ordinaires et par les attentes de l’administration locale envers le gouvernement central, censé fournir toutes les solutions. En outre, les PDI ne sont pas assez suivies, il n’y a pas assez de mesures ciblées destinées aux plus vulnérables d’entre elles, et les PDI ne participent pas assez à la conception et à l’organisation de solutions durables les concernant.
53. Face à ces problèmes, les pouvoirs publics devraient améliorer leurs réponses à tous les niveaux.
54. Premièrement, la législation russe concernant les déplacements à l’intérieur d’un pays n’est pas conforme aux normes internationales et n’est pas appliquée avec cohérence. Certaines PDI ont donc été exclues du champ de l’aide publique. Il conviendrait d’aligner la législation relative aux PDI sur les normes internationales et de l’appliquer avec cohérence.
55. Deuxièmement, il n’existe pas d’informations complètes concernant les principaux défis soulevés par les déplacements de population. La législation et les politiques locales ne préconisent pas l’organisation d’enquêtes et il n’y a pas eu de volonté politique de suivre la situation des déplacés et de rechercher des solutions durables. Une évaluation des solutions durables qui ont pu être trouvées devrait être menée, en partant de la définition des PDI proposée par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Les principales difficultés rencontrées par les intéressés du fait de leur déplacement devraient être traitées dans le cadre de programmes de développement, existants ou nouveaux, en donnant la priorité aux personnes les plus vulnérables.
56. Troisièmement, l’aide publique au relogement s’est avérée insuffisante et inadaptée. Les programmes de dédommagement ont eux aussi montré leur inefficacité: les sommes accordées ne suffisent pas pour reconstruire ou acheter un logement, les programmes sont minés par la corruption et toutes les personnes dépossédées ne peuvent prétendre à un dédommagement. De nombreuses PDI continuent donc de vivre dans des conditions indignes. Une enquête sur les besoins en logement des PDI devrait être menée, en partant de la définition des PDI proposée par les Principes directeurs. Les personnes ayant besoin d’un logement permanent devraient être prioritaires dans les programmes de logements municipaux et d’aides au loyer, et dans le programme fédéral pour le logement.
57. Quatrièmement, les possibilités d’emploi sont rares dans la région et certaines PDI ont du mal à se faire enregistrer comme résidents, condition nécessaire pour prétendre à un emploi dans le secteur formel. D’autres ne peuvent travailler pour diverses raisons: famille à charge, handicap, faible niveau d’instruction, présence de mines sur les terres. En conséquence, les PDI ne sont pas autonomes et dépendent des allocations publiques, qui sont leur principale source de revenus. Une évaluation des possibilités de revenus devrait être menée et les PDI devraient être prioritaires dans le cadre des formations professionnelles et des autres initiatives de soutien à l’emploi prévues par les projets de développement en cours.
58. Cinquièmement, les possibilités d’installation ouvertes aux PDI sont limitées, y compris pour ceux qui souhaitent rentrer dans la région. Certaines personnes ne possèdent pas de titre d’occupation pour leur ancien domicile ou n’ont pas les moyens de le reconstruire. Le manque d’infrastructures et le fait que leur domicile ait été réoccupé constituent aussi des obstacles au retour. Les déplacés qui souhaitent s’intégrer au niveau local ont du mal à se faire enregistrer sur leur lieu actuel de résidence, et en Tchétchénie les PDI ne peuvent prétendre à une aide au relogement en dehors de leur localité d’origine. Les administrations fédérales et locales devraient créer les conditions et fournir les moyens nécessaires pour que les PDI puissent vraiment choisir entre le retour, l’intégration locale ou l’installation dans un autre lieu. La municipalité de Grozny devrait mettre fin à l’impossibilité, pour les PDI non originaires de Grozny, de prétendre à une aide au relogement durable dans cette ville.
59. Enfin, l’insécurité règne encore au Caucase du Nord. L’insurrection n’a pas été vaincue et le sol est encore chargé de mines et de munitions n’ayant pas explosé. C’est là un obstacle majeur à l’obtention de solutions durables pour les PDI. Des mesures devraient être prises pour assurer la sécurité physique des PDI et pour veiller à ce que leur retour, leur intégration locale ou leur installation ailleurs soient durables, y compris en garantissant la prééminence du droit.

Annexe 1 – Personnes déplacées dans le Caucase du Nord: statistiques

(open)

Lieu d’origine

Lieu de résidence actuel

Nombre de PDI

Personnes logées en HT/centres/HP*

Date

Source

Tchétchénie

Tchétchénie

19 293

4 293 centres

01.06.2010

Vesta/HCR

 

15 000 HP

25.07.2011

Danish Refugee Council

 

30 000 HP

01.06.2010

HCR

Tchétchénie

Ingouchie

6 147

854 HT

30.09.2011

Danish Refugee Council

4 607

5 293 HP

31.12.2010

Service des migrations d’Ingouchie

Tchétchénie

Daghestan

2 598

2 598 HP

31.10.2010

Vesta/HCR

Ossétie du Nord

Ossétie du Nord

Inconnu

     

Ossétie du Nord

Ingouchie

9 938

(3 441 avec statut de migrants forcés, 6 606 sans)

 

31.12.2010

Vesta/HCR

1 882

 

31.12.2010

Service des migrations d’Ingouchie

1 525

 

30.11.2010

Service fédéral des migrations en Ossétie du Nord-Alanie

Le 22 juin 2011, le HCR estimait à 75 400 le nombre de PDI en Fédération de Russie 
			(65) 
			<a href='http://www.unhcr.org/4dfdbf58b.html'>www.unhcr.org/4dfdbf58b.html</a>..

HT: hébergement temporaire, lieu géré par le gouvernement ou par des bailleurs privés où les personnes déplacées sont accueillies à titre temporaire;

Centre: ancien centre temporaire d’accueil des personnes déplacées;

HP: hébergement privé, dans des logements individuels – y compris des tentes ou des caravanes – occupés à divers titres (propriété, location, occupation partagée…)

Annexe 2 – Définitions de «migrant forcé»

(open)

Articles 1.1 à 1.4 de la loi de 1995 sur les migrants forcés

«Article 1 – Notion de "migrant forcé"
1. Par migrant forcé, on entend un ressortissant de la Fédération de Russie qui a été contraint de quitter son lieu de résidence permanente en raison de violences contre lui-même ou contre des membres de sa famille, d’autres formes de persécution ou d’un danger réel de se trouver persécuté en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de sa langue, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques, à la suite de campagnes hostiles contre des personnes ou des groupes de personnes et de violations massives de l’ordre public.
2. Les personnes suivantes sont reconnues comme migrants forcés:
a. les ressortissants russes qui ont dû quitter leur lieu de résidence permanente sur le territoire d’un Etat étranger et se sont réfugiés en Russie;
b. les ressortissants russes qui ont dû quitter leur lieu de résidence permanente sur le territoire d’un sujet de la Fédération de Russie et se sont réfugiés sur le territoire d’un autre sujet de la Fédération de Russie.
3. La reconnaissance du statut de migrant forcé s’étend aux personnes étrangères ou apatrides qui résidaient en permanence pour des motifs légaux sur le territoire russe et ont dû quitter ce lieu de résidence pour les raisons évoquées au point 1 du présent article.
4. La reconnaissance du statut de migrant forcé s’étend également aux ressortissants de pays de l’ex-URSS qui résidaient sur le territoire d’une ancienne république constitutive de l’URSS, ont reçu le statut de réfugiés en Fédération de Russie puis l’ont perdu du fait d’avoir acquis la nationalité russe, s’ils peuvent montrer que des éléments les ont empêchés de s’installer sur le territoire russe lorsque leur statut de réfugié était encore en vigueur.» [Traduction non officielle]

Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays

«[…] les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un Etat.»