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Rapport | Doc. 12631 | 06 juin 2011

Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d'éminentes personnalités du Conseil de l'Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Latchezar TOSHEV, Bulgarie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3752 du 11 mars 2011. 2011 - Troisième partie de session

Résumé

La commission des questions politiques salue le rapport du Groupe d’éminentes personnalités «Vivre ensemble – Concilier la diversité et la liberté dans l’Europe du XXIe siècle», qui arrive à point nommé, et accueille leurs propos comme base de réflexion sur l’avenir de l’Europe dans le cadre du processus de réforme de l’Organisation en cours. Elle prend note que, dans plusieurs domaines, les conclusions du groupe confirmeront les positions déjà prises par l’Assemblée. Le défi était, et reste encore, d’en assurer la mise en œuvre.

Le présent rapport suggère que l’Assemblée parlementaire est prête et disposée à contribuer aux changements nécessaires pour apporter aux sociétés européennes une plus grande cohésion afin que chacun puisse pleinement bénéficier du «vivre ensemble». En conséquence il propose à l’Assemblée, entre autres, de réfléchir sur les moyens de surmonter l’actuelle «crise du leadership» en Europe; d’encourager les responsables politiques et les représentants élus, à tous les niveaux, à s’exprimer sur les défis aujourd’hui soulevés par les menaces au projet européen; de réfléchir sur la proposition d’organiser un forum annuel contre l’extrémisme; de répondre à la crise démographique en Europe ainsi que de continuer à répondre aux enjeux soulevés par l’extrémisme et la montée des partis xénophobes ou racistes.

Parmi beaucoup d’autres recommandations spécifiques adressées au Comité des Ministres dans les domaines des migrations, du dialogue interculturel, de l'éducation, du rôle des médias, de la jeunesse et des femmes, aussi bien que de la cohésion sociale et de la dimension homme-femme, le rapport recommande aussi au Comité des Ministres d’envisager de lancer une vaste campagne sur le «vivre ensemble», dans la veine des deux campagnes «Tous différents, tous égaux».

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 31 mai 2011

(open)
1. L’Assemblée parlementaire prend note du rapport du Groupe d’éminentes personnalités intitulé «Vivre ensemble – Concilier la diversité et la liberté dans l’Europe du XXIe siècle», présenté le 11 mai 2011, à l’occasion de la 121e session du Comité des Ministres à Istanbul. L’Assemblée espère que le rapport insufflera un regain d’élan et d’engagement politique à diverses activités présentes et futures du Conseil de l’Europe dans le cadre du processus de réforme de l’Organisation.
2. L’analyse menée par le Groupe d’éminentes personnalités offre une base de réflexion sur l’avenir de l’Europe, qui devra impliquer les responsables politiques, les organisations non gouvernementales (ONG), les syndicats, les organisations de jeunesse, les universitaires, ainsi que les représentants des cultes, des médias et des pouvoirs locaux de différentes origines et pays. Dans plusieurs domaines, les conclusions du Groupe confirment les positions déjà prises par l’Assemblée, tout en suggérant dans certains cas des solutions différentes pour atteindre des objectifs comparables. Le défi était, et reste encore, d’assurer la mise en œuvre dans une situation que le Groupe qualifie, à juste titre, de «crise du leadership».
3. De son côté, l’Assemblée est prête et disposée à contribuer aux changements nécessaires pour apporter aux sociétés européennes une plus grande cohésion afin que chacun puisse pleinement bénéficier du «vivre ensemble». Aussi souhaite-t-elle faire part au Comité des Ministres de ses propres réflexions sur la question et proposer des moyens concrets de mettre en œuvre les propositions dans la limite de ses compétences et de ses priorités.
4. L’Europe est multiculturelle et les peuples européens ont prouvé qu’ils étaient capables de vivre ensemble dans la diversité et de construire ensemble leur avenir commun. Si le multiculturalisme connaît des difficultés croissantes au niveau national dans différents pays européens, l’Assemblée reste fermement convaincue que l’assimilation n’est pas une alternative. La réponse à ces difficultés est une approche interculturelle impliquant une interaction active de groupes culturellement différents au sein de la société afin de développer le meilleur modèle du «vivre ensemble». Il convient de promouvoir le renforcement de valeurs et d’une identité européennes communes de manière à ne pas éliminer les différentes cultures des groupes spécifiques, mais en préservant et en intégrant leurs spécificités au sein du cadre européen commun. Ce processus peut être mis en péril par une politique de plus en plus populiste, xénophobe et identitaire assortie de discours à visée courte et purement électoraliste. En conséquence de quoi l’Assemblée en appelle aux Etats membres pour élaborer des politiques empêchant ce type de pratiques négatives.
5. Le respect de sa propre culture permet de mieux comprendre la culture d’autrui et de considérer les différences comme normales et enrichissantes. Hormis l’obéissance à la loi, qui est un élément important de la culture démocratique, d’autres éléments culturels sont à prendre en compte.
6. Les personnes qui viennent légalement vivre dans un pays ne devraient pas avoir à abandonner des éléments de leur identité (croyance, langue, culture, etc.). Elles devraient toutefois se montrer disposées à s’intégrer dans la société du pays d’accueil, en apprenant la langue de ce pays, mais aussi en acquérant une connaissance et une compréhension de la culture locale; et elles doivent respecter la démocratie, les droits de l’homme, y compris les droits des femmes, et l’Etat de droit. Ceux qui choisissent de changer de foi ou de culture ne devraient pas être mis au ban de leur communauté d’origine.
7. Comme l’Assemblée l’a souligné à maintes reprises, l’éducation est le principal outil – mais non le seul – dans la lutte contre les informations trompeuses et les clichés à l’encontre de certains groupes. En outre, l’éducation est indispensable au bien-être individuel et sociétal et au développement culturel, en l’absence desquels la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit perdent tout fondement. La capacité à accueillir et à valoriser la diversité dépend largement d’une éducation de qualité. Les recommandations spécifiques du Groupe d’éminentes personnalités sur ce point demandent à être complétées en mettant l’accent sur la formation des enseignants. Les activités du Conseil de l’Europe dans des domaines comme l’éducation à la citoyenneté démocratique ou l’enseignement de l’histoire devraient être intensifiées.
8. De ce point de vue, l’Assemblée rappelle la Déclaration et Programme de 1999 du Comité des Ministres sur l’éducation à la citoyenneté démocratique fondée sur les droits et les responsabilités des citoyens et estime que leur mise en œuvre pourrait largement contribuer à développer un esprit européen au sein de la société. Ainsi invite-t-elle les Etats membres à mettre en œuvre à la fois le Programme de 1999 et, également, plus récente, la Charte du Conseil de l’Europe sur l’Education à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme, adoptée par le Comité des Ministres en 2010, en prenant des mesures concrètes adaptées à leurs spécificités locales.
9. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1754 (2010) «La Lutte contre l’extrémisme: réalisation, faiblesses et échecs», dans laquelle elle «déplore que le défi consistant à instaurer plus d’éthique en politique en ce qui concerne le traitement des questions touchant à la race, à l’origine ethnique et nationale, et à la religion, soit encore à relever». Les représentants élus ont une responsabilité bien spéciale de changer la situation, tant à titre individuel qu'en tant que membres des organes au sein desquels ils sont élus, que ce soit au niveau local, régional, national ou international. A cet égard, l’Assemblée rappelle que les responsables politiques sont tenus d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de toute minorité et de tout groupe ethnique ou de migrants, qu’ils soient ou non à l’intérieur des frontières de leur Etat. Il leur appartient de promouvoir un message de non-discrimination, de tolérance et de respect vis-à-vis des personnes d’origines différentes.
10. L’Assemblée regrette que, comme le soulignent plusieurs passages du rapport du Groupe d’éminentes personnalités, les femmes appartenant à des groupes minoritaires soient particulièrement menacées de marginalisation. La lutte contre cette situation doit être une priorité, non seulement pour garantir l’égalité entre les sexes mais aussi pour encourager les femmes à assurer le lien entre leur communauté et la société, en éduquant leurs enfants dans une culture de diversité et de dialogue et en les aidant à vivre avec des identités multiples.
11. L’Assemblée souhaite insister sur la nécessité de privilégier la jeunesse et de mettre en œuvre les droits de la jeunesse comme investissement dans la cohésion et l’avenir de l’Europe. Les Etats membres doivent mettre les politiques de jeunesse au cœur des stratégies visant à construire des sociétés du «vivre ensemble». A cet égard, les pouvoirs publics devraient adopter des mesures spécifiques pour encourager la participation des jeunes à la vie économique et démocratique, et assurer à tous les jeunes l’égalité des chances en vue de contribuer au développement et au bien-être de la société. En outre, une attention accrue devrait être apportée aux potentialités du sport en tant qu’outil puissant pour encourager le dialogue interculturel et le «vivre ensemble» parmi les jeunes.
12. En outre, l'Assemblée souligne le rôle central que les médias peuvent jouer dans le renforcement de la démocratie, le respect des droits fondamentaux et le développement de la culture. Elle estime que le Conseil de l’Europe devrait renforcer ses relations avec le monde des médias.
13. L’Assemblée considère que le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) peut et doit jouer un rôle important et que, à cet effet, il doit recevoir des moyens adéquats pour pouvoir élaborer un vaste programme «Vivre ensemble» spécifique – assorti des dimensions des politiques éducative, interculturelle et de jeunesse – afin de soutenir le développement dans les pays non membres de la région méditerranéenne.
14. De son côté, l’Assemblée, motivée par les propositions et les recommandations émises par le Groupe d’éminentes personnalités, décide des points suivants:
14.1. lancer ses propres réflexions sur les moyens d’encourager les responsables politiques et les représentants élus, à tous les niveaux, à s’exprimer sur les défis aujourd’hui soulevés par les menaces au projet et à la solidarité européens;
14.2. poursuivre la réflexion sur la proposition d’organiser un forum annuel contre l’extrémisme, sans oublier que l’Assemblée doit conserver sa capacité de réaction rapide en cas de nouveaux événements inquiétants;
14.3. envisager d’organiser, conjointement avec la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et en collaboration avec tous les secteurs pertinents de l’Organisation et, éventuellement, avec le Parlement européen, une conférence chargée de dresser le bilan des bonnes pratiques et des lacunes dans la mise en œuvre par les Etats membres de la Charte des partis politiques européens pour une société non-raciste (adoptée en 2003), ainsi que de la Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique (adoptée en 2005) et de la Recommandation (plus ancienne) du Comité des Ministres n° R (97) 20 sur le «discours de haine»;
14.4. envisager d’organiser une campagne pour promouvoir les Conventions du Conseil de l’Europe sur la nationalité (STE n° 166) et sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144);
14.5. répondre aux questions soulevées par le vieillissement de la population en Europe, entre autres, au moyen de politiques appropriées d’aides à la famille.
15. Rappelant que, dans les Recommandations 1927 (2010), 1933 (2010) et 1962 (2011), l’Assemblée a soumis au Comité des Ministres un certain nombre de propositions concrètes – pour lutter contre l’extrémisme et pour promouvoir un dialogue interculturel – préconisant «une nouvelle culture du vivre ensemble», elle invite le Comité des Ministres à examiner ces propositions à la lumière des recommandations émises par le Groupe d’éminentes personnalités.
16. De plus, dans la mise en œuvre des recommandations émises par le Groupe d’éminentes personnalités, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de considérer en priorité les points suivants:
16.1. promouvoir davantage les conventions du Conseil de l’Europe sur la nationalité (STE n° 166) et sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144);
16.2. envisager de lancer une vaste campagne sur le «vivre ensemble», dans la veine des deux campagnes «Tous différents, tous égaux»;
16.3. explorer la possibilité de renforcer le rôle de la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour des projets visant à l’intégration dans les Etats membres;
16.4. appeler les Etats membres à créer des passerelles culturelles en encourageant leurs citoyens à apprendre à connaître et respecter la culture, la langue, les traditions et l’histoire des populations immigrées;
16.5. envisager l’élaboration de lignes directrices sur les droits et les responsabilités des immigrés, et sur leurs liens mutuels, par le biais, au minimum, d’un code de bonnes pratiques sur le «vivre ensemble», qui pourrait servir de base, ultérieurement, à une convention-cadre;
16.6. prendre des mesures urgentes pour la mise en œuvre de la Recommandation 1963 (2011) de l’Assemblée «Combattre la pauvreté», afin d’améliorer l’accès des personnes touchées par la pauvreté, et notamment de celles issues de l’immigration et des minorités, à l’ensemble des droits de l’homme – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels;
16.7. renforcer tous ses programmes visant à aider les Etats membres à concevoir des politiques éducatives cohérentes et la bonne mise en œuvre du droit à l’éducation, sans discrimination, tout particulièrement en faveur des personnes issues de milieux défavorisés, de l’immigration ou de minorités, et ce afin de lutter contre la fracture éducative et culturelle dans nos sociétés;
16.8. intensifier les travaux du Conseil de l’Europe dans les domaines de l’éducation à la citoyenneté démocratique fondée sur les droits et les responsabilités des citoyens – en incluant l’éducation au multiculturalisme – et de l’enseignement de l’histoire, notamment en privilégiant la formation des enseignants;
16.9. mettre en place, en partenariat avec les collectivités locales, les établissements scolaires/universitaires et les médias des Etats membres, des projets pilotes sur le dialogue interculturel dotés, dans la mesure du possible, d’une dimension multilatérale;
16.10. appeler les représentants des religions à contribuer, le cas échéant, aux débats sur les valeurs communes, le patrimoine commun, la protection de la liberté de culte, le respect des droits de l’homme et de la citoyenneté démocratique, la lutte contre le terrorisme, la xénophobie et l’intolérance;
16.11. instaurer un processus régulier permettant d’évaluer les progrès du dialogue interculturel dans les Etats membres, notamment en organisant régulièrement un forum européen thématique sur le dialogue interculturel;
16.12. entretenir des contacts réguliers avec les principaux réseaux de médias européens, en vue de renforcer la mise en œuvre des recommandations du Conseil de l’Europe concernant des questions liées à la formation, à l’éthique et à la production de contenus;
16.13. pleinement intégrer la dimension d’égalité entre les sexes dans la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’éminentes personnalités;
16.14. proposer aux Etats membres des mesures positives pour éviter le risque que les femmes issues de groupes minoritaires ne subissent une double discrimination – par rapport aux hommes et aux autres femmes – et promouvoir leur participation active à la vie sociale, économique et politique;
16.15. promouvoir la signature et la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210).
17. Le Groupe d'éminentes personnalités propose de désigner un représentant spécial de haut niveau chargé de porter le contenu du rapport à l’attention des responsables politiques et d’en suivre la mise en œuvre. Dans cette perspective, l’Assemblée rappelle que, dans sa Recommandation 1928 (2010) «La démocratie en Europe: crises et perspectives», elle a proposé qu’une «personnalité de grande notoriété, sorte de délégué à la démocratie, se voie confier la tâche de […] de diffuser de façon permanente le message du Conseil de l’Europe sur les questions relevant de la démocratie et présentant un intérêt d’actualité majeur». L’Assemblée, estimant que les deux propositions ne sont pas incompatibles et qu’une solution envisageable serait de confier à une seule et même personnalité aussi bien les actions proposées par le Groupe que celles proposées par l’Assemblée, invite le Comité des Ministres à examiner cette proposition.
18. Le Groupe d’éminentes personnalités propose d’offrir à des pays d’Asie centrale et du littoral méditerranéen méridional et oriental un statut spécial auprès du Conseil de l’Europe. L’Assemblée rappelle son statut de «Partenaire pour la démocratie» créé à l’intention des parlements de pays situés dans des régions voisines, ainsi que sa Résolution … (2011) sur la demande de statut de Partenaire pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc et sa Résolution … (2011) sur la situation en Tunisie. Etant donné la tournure des événements récents survenus sur les rives méridionale et orientale de la Méditerranée, l’Assemblée soutient sans réserve les moyens de rapprocher du Conseil de l’Europe les pays de cette région.
19. L’Assemblée décide de poursuivre sa réflexion sur ce sujet, notamment en organisant une conférence, avec la participation du Secrétaire Général, de représentants du Comité des Ministres et du Groupe d’éminentes personnalités, du rapporteur et d’autres membres de sa commission des questions politiques, ainsi que des rapporteurs des autres commissions saisies pour avis, afin d’approfondir et d’élargir le débat sur le développement de nos sociétés multiculturelles.

B. Exposé des motifs, par M. Toshev, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. A l'initiative de la présidence turque du Comité des Ministres, le Secrétaire Général a nommé, au cours de l'été 2010, un Groupe d'éminentes personnalités placé sous la direction de l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, M. Joschka Fischer 
			(2) 
			Outre
M. Joschka Fischer, le groupe a réuni Emma Bonino (Italie), Timothy
Garton Ash (Royaume-Uni), Martin Hirsch (France), Danuta Hübner
(Pologne), Ayse Kadıoğlu (Turquie), Sonja Licht (Serbie), Vladimir
Loukine (Fédération de Russie) et Javier Solana (Espagne). Le rapporteur
était Edward Mortimer (Royaume-Uni)., qu'il a chargé «de préparer un rapport sur les défis que pose la résurgence de l'intolérance et de la discrimination en Europe».
2. A la demande de la commission des questions politiques, le Bureau de l'Assemblée parlementaire a autorisé la commission à élaborer un rapport sur le thème «Vivre ensemble en Europe au XXIe siècle: suites à donner au rapport des éminentes personnalités» en vue de son examen à la partie de session de juin 2011 de l'Assemblée, les commissions ci-après étant saisies pour avis: commission des questions sociales, de la santé et de la famille; commission des migrations, des réfugiés et de la population; commission de la culture, de la science et de l'éducation; et commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes. La commission des questions politiques m'a nommé rapporteur en avril 2011.
3. Le rapport des éminentes personnalités intitulé «Vivre ensemble – Concilier la diversité et la liberté dans l'Europe du XXIe siècle» a été présenté le 11 mai 2011, à l'occasion de la 121e session du Comité des Ministres à Istanbul 
			(3) 
			Le texte du rapport: <a href='http://book.coe.int/ftp/3666.pdf'>http://book.coe.int/ftp/3666.pdf</a>. .
4. Dès lors, le temps disponible pour préparer le présent rapport était extrêmement limité, d'autant plus que quatre autres commissions de l'Assemblée étaient appelées à y contribuer.
5. Par conséquent, je me limiterai à quelques observations générales et à quelques remarques spécifiques relevant des compétences de la commission des questions politiques, laissant ainsi aux rapporteurs des quatre autres commissions le soin de traiter de leurs domaines respectifs. Cette démarche est d'autant plus appropriée que le rapport soulève plusieurs questions importantes concernant les migrations, le rôle des médias et, dans une moindre mesure, l'éducation, le dialogue interculturel, la cohésion sociale et les difficultés auxquelles se heurtent les femmes appartenant aux groupes mentionnés dans le rapport.
6. M. Martin Hirsch, président de l'Agence du service civique en France et membre du Groupe d'éminentes personnalités, a été invité à la réunion de la commission en mai 2011 pour présenter les principales conclusions du groupe et répondre à nos questions. Nous avons également invité les rapporteurs des quatre commissions saisies pour avis, qui ont pu ainsi obtenir des informations de première main sur les discussions au sein de la commission des questions politiques et apporter des idées pour contribuer au projet de résolution.

2. Observations générales

7. Tout d'abord, je tiens à préciser que je salue le rapport du Groupe d'éminentes personnalités, qui offre une base pour poursuivre une réflexion sur l'avenir de l'Europe à laquelle devraient participer les politiciens, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations de jeunesse, les milieux académiques et des représentants des religions, des médias et des collectivités locales de différents milieux et pays.
8. Dressant le bilan des défis que pose la résurgence de l'intolérance et de la discrimination en Europe, le rapport analyse «la menace» et propose «la réponse» pour «vivre ensemble» dans des sociétés européennes ouvertes.
9. Se référant aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme, le groupe identifie huit risques spécifiques menaçant les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe: une intolérance très répandue; une discrimination croissante (en particulier à l'encontre des Roms et des immigrés); un soutien croissant aux partis xénophobes et populistes; les «sociétés parallèles»; l'extrémisme islamiste; la perte de libertés démocratiques; la présence d'une population privée de droits et un conflit possible entre la «liberté de religion» et la liberté d'expression. 
10. Le rapport souligne quelques-unes des raisons sous-jacentes à «la menace»: l'insécurité résultant de la crise financière sur le vieux continent et un sentiment de déclin relatif; une vision déformée d'une immigration massive; des clichés pénalisants sur les minorités dans les médias et l'opinion publique; et un déficit manifeste de leadership pour modeler le présent et l'avenir de l'Europe.
11. «La réponse» envisage 59 «propositions d'action», dont les 17 premières constituent des «recommandations stratégiques» aux institutions européennes et à leurs Etats membres. Le groupe identifie les principaux acteurs du changement dans les mentalités publiques.
12. Parmi ses 17 principes directeurs, le groupe insiste sur le fait qu'à condition de respecter la loi, les immigrés ne devraient pas se voir «exiger de renoncer à leur foi, à leur culture ou à leur identité».
13. Il est intéressant de rappeler qu'au fil de l'histoire du Conseil de l'Europe, plusieurs groupes de personnalités extérieures ont occasionnellement été invitées à mener une réflexion sur les grands défis auxquels la société européenne est confrontée, et à proposer à l'Organisation de prendre certaines initiatives, comme le Comité des sages des années 1990 et la Commission «Colombo» constituée au milieu des années 1980, également chargés d'identifier les défis à relever par la société européenne et qui ont aussi formulé diverses recommandations. L'on trouve un exercice légèrement différent, mais comparable, dans le rapport Juncker de 2006 sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne.
14. Nous sommes conscients du fait que nous ne vivons pas dans une société parfaite. Ces dernières années, nous avons notamment assisté à de fréquents phénomènes et agissements négatifs qui soulignent la nécessité non seulement de réfléchir à notre avenir commun, mais aussi d'agir et de chercher des solutions pour le préparer. Les médias ne cessent de signaler des manifestations d'intolérance, de racisme et de xénophobie. L'on constate aussi de l'antisémitisme. Souvent, certains tolèrent l'intolérance. Les cas de non-assistance aux personnes ou de refus de répondre aux besoins d'inconnus ne sont plus exceptionnels. Les conflits ethniques et religieux constituent encore des sources potentielles de problèmes. L'égoïsme, l'égocentrisme, le manque d'intérêt pour le progrès social et le recul de la participation aux élections sont très préoccupants.
15. En 1999, le Comité des Ministres a adopté la Déclaration et le Programme pour l'éducation à la citoyenneté démocratique sur la base des droits et des responsabilités des citoyens, afin d'enrayer cette évolution négative. Je pense que la poursuite de leur mise en œuvre pourrait constituer une contribution majeure du Conseil de l'Europe au développement d'un esprit européen au sein de la société. De ce point de vue, une forte impulsion à la Charte du Conseil de l'Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, adoptée par le Comité des Ministres en 2010, pourrait aussi jouer un rôle essentiel dans la poursuite de cet objectif.
16. Comme le faisait tout récemment observer Mme Brasseur dans son rapport sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, sur lequel j'ai formulé des observations dans l'avis de notre commission, le «Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre ensemble dans l'égalité» de 2008 constitue une importante contribution du Conseil de l'Europe au débat sur la cohabitation.
17. Dans le cadre de l'élaboration de son rapport, le Groupe des éminentes personnalités a procédé à des échanges de vues avec différents organes du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne, d'autres organisations internationales et de la société civile.
18. Plusieurs documents pertinents de l'Assemblée sont cités dans le rapport, comme la Résolution 1760 (2010) «La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national: le cas des Roms» 
			(4) 
			Voir aussi Doc. 2386 (rapporteur:
Mme Anne Brasseur).ou la Résolution 1754 (2010) «La lutte contre l’extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs» 
			(5) 
			Voir aussi Doc. 12265 (rapporteur:
M. Pedro Agramunt Font de Mora).. D'autres documents récents sont également utiles au débat, comme la Résolution 1746 (2010) «La démocratie en Europe: crises et perspectives» 
			(6) 
			Voir aussi Doc. 12279 (rapporteur:
M. Andreas Gross).ou la Recommandation 1962 (2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel 
			(7) 
			Voir aussi Doc. 12553 (rapporteur:
Mme Anne Brasseur)., adoptée un mois à peine avant la publication du rapport des éminentes personnalités, et dans laquelle l’Assemblée préconise «une nouvelle culture du vivre ensemble».
19. Le rapport a le mérite de présenter une approche globale et des propositions concrètes. Nombre de ces dernières sont dictées par le bon sens et méritent que l'on y donne suite. Dans plusieurs domaines, les conclusions confirment les positions prises par l’Assemblée tout en suggérant des solutions différentes pour atteindre des objectifs comparables. Pourtant, le principal défi était, et reste encore, d'en assurer la mise en œuvre 
			(8) 
			Voir également le discours
de M. Mevlüt Çavuşoğlu à l'occasion de la 121e session du Comité
des Ministres (Istanbul, 11 mai 2011). dans une situation que le groupe qualifie, à juste titre, de «crise du leadership». Je pense que l’Assemblée devrait notamment jouer un rôle à cet égard, en suggérant des manières concrètes pour mettre en œuvre les propositions dans les domaines spécifiquement couverts par le rapport, que ce soit par elle-même, par le Comité des Ministres ou par d'autres acteurs. J'estime qu'il faudrait toutefois éviter d'envisager ces différentes étapes comme une vision globale de réforme de la société, ce qui n'a jamais engendré que des drames dans l'histoire de l'humanité. Au contraire, toute mesure proposée devrait être adaptée en tenant compte des particularités locales, être bien acceptée et comprise, et bénéficier d'un large consensus.
20. Il faut cultiver les valeurs, mais pas les imposer par des mesures administratives. Elles peuvent être nourries par l'éducation et la formation au niveau des familles, de l'école et des collectivités locales, où les médias jouent également un rôle essentiel.
21. Les défis auxquels notre société est aujourd'hui confrontée ne sauraient être relevés de manière appropriée en renonçant aux valeurs de la culture européenne. Il est communément admis que la culture façonne la société. A son tour, la société forme la citoyenneté et instaure la liberté. Le respect pour la culture permet de comprendre celle des autres et de voir les différences comme quelque chose de normal, une richesse pour la société. Le respect de la loi et l'adhésion aux règles de l’économie de marché sont d'importants éléments de la culture, mais cette dernière est une notion bien plus vaste.
22. Pour citer un exemple, le groupe a suggéré, dans ses «recommandations spécifiques», que le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe nomme un représentant spécial à haut niveau qui serait chargé de porter le contenu du rapport à l'attention des dirigeants politiques et d'en superviser la mise en œuvre.
23. J'aimerais rappeler dans ce contexte que, dans sa Résolution 1746 (2010) et sa Recommandation 1928 (2010) «La démocratie en Europe: crises et perspectives», l’Assemblée avait déjà proposé «qu’une personnalité de grande notoriété, sorte de délégué à la démocratie, se voie confier la tâche de diriger et d’animer le forum de la démocratie de Strasbourg, ainsi que de diffuser de façon permanente le message du Conseil de l’Europe sur les questions relevant de la démocratie et présentant un intérêt d’actualité majeur». Je pense que les deux propositions ne sont pas incompatibles et que l'on pourrait envisager de confier à une seule et même personnalité la prise en compte à la fois des actions proposées par le groupe et de celles qui le sont par l’Assemblée. Le Comité des Ministres, qui n'a pas encore pris position sur la proposition de l’Assemblée, pourrait explorer cette piste. Indépendamment de ce qui précède, l’Assemblée est favorable à l'idée d'unetask force que le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe mettrait en place pour garantir la cohérence dans la mise en œuvre des recommandations du rapport au sein de l'Organisation, et est prête à y être associée.
24. Un autre problème non encore résolu par l'Europe, la crise démographique, pourrait faire l'objet de politiques de promotion de la natalité et de lutte contre l'avortement – des domaines que l'Assemblée a abordés dans de nombreuses résolutions et recommandations.
25. S'agissant de la proposition des éminentes personnalités de proposer un statut spécial auprès du Conseil de l’Europe aux Etats des rives méridionale et orientale de la Méditerranée et d’Asie centrale, je tiens à rappeler que l’Assemblée a récemment créé le statut de «partenaire pour la démocratie» à l'intention des parlements des pays de ces régions, et qu'elle a organisé six conférences interparlementaires des bassins méditerranéen et de la mer Noire, qui ont permis d'engager un dialogue constructif entre les représentants des pays non européens de la région et l’Assemblée. Le Maroc et le Conseil national palestinien ont déjà officiellement demandé ce statut de «partenaire pour la démocratie», et l'Assemblée examinera le rapport de mon collègue Luca Volontè sur la demande soumise par le Maroc lors de la partie de session de juin 2011. Par ailleurs, mon collègue Jean-Charles Gardetto prépare actuellement un rapport sur la coopération entre le Conseil de l'Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe. Compte tenu des événements récents dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, je pense que l’Assemblée devrait promouvoir les moyens de rapprocher les pays de cette région de l'ensemble du Conseil de l'Europe. L’Assemblée devrait également poursuivre son dialogue sur ces questions dans le contexte des Nations Unies, dans le cadre du dialogue entre l'Europe et le reste du monde.

3. Multiculturalisme et intégration

26. Les politiques en faveur de la diversité et de l'intégration se sont heurtées à une vive opposition dans de nombreuses démocraties occidentales et notamment en Europe. Elles restent toutefois populaires au plan international et bénéficient de la promotion active d'organisations internationales influentes, dont le Conseil de l'Europe. Le modèle européen est, par définition, multiculturel. Au Congrès de l'Europe organisé à La Haye en 1948, les pères fondateurs de l'Europe ont clairement affirmé que les peuples d'Europe centrale et orientale auraient leur place dans une Europe unie dès qu'ils parviendraient à se libérer des dictatures communistes et à se doter de la démocratie. Depuis que le peuple allemand a réussi à faire tomber le mur de Berlin en 1989, d'importants changements sont intervenus en Europe orientale, mais aussi dans les sociétés occidentales. Par conséquent, le Conseil de l'Europe s'est élargi à 47 Etats membres, et l'Union européenne à 27. Aujourd'hui, les nouveaux Etats membres et leurs citoyens ont engagé un dialogue actif avec les autres membres de la famille européenne. La cohésion entre l'ouest et l'est de l'Europe, ainsi qu'entre le nord et le sud du continent est encore en construction.
27. La sauvegarde des particularités culturelles des diverses nations d'Europe va de pair avec la participation de chacun de nous a une culture européenne commune qui devrait non pas annihiler les cultures nationales, mais assurer leur intégration harmonieuse.
28. Les très nombreux immigrés arrivés en Europe ont apporté d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud de nombreuses traditions culturelles supplémentaires et très différentes des cultures européennes traditionnelles. L'islam radical a contribué à alimenter les peurs des Européens face à des nouveaux arrivants méconnus.
29. Principalement à l'égard de ces nouveaux venus, les dirigeants politiques de l'Allemagne (discours d'Angela Merkel à l’intention des membres de la Junge Union, Potsdam, 16 octobre 2010), du Royaume-Uni (David Cameron, discours prononcé à la Conférence de Munich sur la sécurité, 5 février 2011) et de la France (Nicolas Sarkozy, interview, «Paroles de Français» –TF1, 11 février 2011) ont récemment, en des termes quasiment identiques, émis des doutes sur le multiculturalisme et, notamment, sur leur impression d'échec de certains modèles nationaux de multiculturalisme qui, toujours d'après ces dirigeants, n'avaient pas permis d'assurer une cohabitation acceptable.
30. En Allemagne, les «Gastarbeiter» qui ont commencé à affluer dans le pays dans les années 1950-1970, principalement depuis la Turquie, n'envisageaient pas de rester longtemps. La plupart projetaient de rentrer en Turquie après une dizaine d'années. Mais n'ayant pas très envie de recommencer régulièrement à former leur personnel, les grands employeurs d'Allemagne ont préféré prolonger les contrats. Ainsi, des familles entières se sont durablement installées, les travailleurs restant même après le départ à la retraite, et une communauté a vu le jour. L'idée que les «Verts» allemands ont largement diffusée en Europe à l'aide du slogan «Multikulti» partait du principe que les différentes cultures doivent être respectées et que les personnes concernées s'intégreraient elles-mêmes dans la société si les conditions nécessaires étaient réunies. C'est pourquoi les gouvernements allemands précédents n'ont pas pris de mesures actives pour intégrer la communauté turque dans la société allemande. Par conséquent, certaines de ces communautés ont formé des groupes repliés sur eux-mêmes.
31. Cet exemple illustre clairement pourquoi une démarche multiculturelle ne suffit pas et devrait être remplacée par une approche interculturelle de promotion des interactions entre les sociétés des pays d'accueil et les différents groupes avec leurs cultures respectives. Il convient de promouvoir l'intégration et la préservation des différences culturelles par opposition à l'assimilation, cette dernière n'étant absolument pas une solution alternative au problème.
32. Le refus d'examiner les problèmes existants et d'y apporter des solutions adaptées expose la société a des conséquences néfastes comme le nationalisme extrémiste, le populisme et la xénophobie.
33. Le rapport des éminentes personnalités fait à juste titre observer que les identités sont multiples et que nul ne devrait être contraint d'en choisir une, d'en accepter une ou d'en écarter une autre. Les personnes qui s'installent dans un pays ne devraient en effet pas être contraintes d'abandonner certaines facettes de leur identité (foi, langue, culture, etc.), mais on s'attend à ce qu'elles y ajoutent de nouveaux éléments, tels que la langue de leur nouveau pays. Elles ne devraient pas être frappées d'ostracisme par leur communauté d'origine si elles devaient choisir de changer de religion ou de culture.
34. Les sociétés européennes sont à raison critiquées pour leur manque de résultats en matière d'intégration des membres des minorités (et en particulier les immigrés et les Roms). Mais le «vivre ensemble» implique que les deux côtés fassent des efforts, et c'est un domaine dans lequel l'éducation pour tous peut jouer un rôle.
35. Le rapport déclare très justement que les personnes qui viennent s'installer dans un pays doivent obéir à la loi, et que ni la religion, ni la culture ne sont des excuses recevables pour s'y soustraire. Le respect de la loi est le minimum attendu de tous ceux qui vivent dans un pays, mais il ne suffit manifestement pas pour réaliser une véritable intégration dans la société.
36. Certains immigrés apportent malheureusement en Europe des attitudes incompatibles avec les valeurs défendues par notre Organisation. Même s'ils ne sont le fait que d'une très faible minorité parmi les immigrés et les personnes issues de l'immigration récente, ces comportements contribuent à alimenter les clichés négatifs dont souffrent certains groupes d'immigrants.
37. Comme l’Assemblée l'a souligné à maintes reprises, l'éducation est le principal outil – mais pas le seul – dans la lutte contre les informations trompeuses et les clichés à l'encontre de certains groupes. Il faudrait compléter la recommandation spécifique du groupe sur ce point en mettant l'accent sur la formation des enseignants. Les activités du Conseil de l'Europe dans des domaines comme l'éducation à la citoyenneté démocratique ou l'enseignement de l'histoire devraient être intensifiées.
38. Dans la Résolution 1746 (2010), l’Assemblée a invité les Etats membres du Conseil de l'Europe à «améliorer l’éducation à la citoyenneté et la formation politique en garantissant le respect de la nouvelle Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, et en mettant en œuvre des programmes du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme».
39. Je conviens avec le groupe qu'aucune religion «ne devrait être considérée a priori incompatible avec les valeurs européennes», mais certaines pratiques que beaucoup de gens associent à certaines religions sont effectivement incompatibles avec ces valeurs. Il incombe aux politiciens, aux médias et même aux dirigeants religieux de proclamer un message clair.
40. Comme le déclare à juste titre le Groupe d'éminentes personnalités, «en aucun cas le respect de l'identité d'un groupe ou d'une conviction religieuse ne peut être invoqué pour justifier que les filles soient exclues de toute forme d'éducation ouverte aux garçons, ou que les femmes ne puissent avoir une interaction normale avec la société hors de leur foyer».
41. Les droits de l'homme ne sont pas négociables. Dans sa Résolution 1510 (2006), l’Assemblée déclarait que «la liberté d’expression, telle qu’elle est protégée en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité croissante de certains groupes religieux». D'une manière plus générale, nous pourrions déclarer que la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales énoncés par la Convention ne saurait être restreinte pour favoriser le multiculturalisme.

4. Rôle et responsabilités des politiciens

42. Le rapport du Groupe d'éminentes personnalités s'inquiète à juste titre du fait que «ces derniers mois, les partis opposés à l'immigration ont considérablement gagné du terrain, notamment dans les pays réputés pour des politiques libérales et des électorats tolérants. Au cours des deux dernières années, les résultats des élections et les données des sondages dans une large palette de pays européens ont montré une recrudescence du soutien des électeurs à des mouvements prétendant défendre les intérêts et la culture de la majorité "indigène" contre l'immigration et la diffusion de l'islam».
43. Dans sa Résolution 1746 (2010, l’Assemblée constatait que «les mouvements populistes et extrémistes, les politiques identitaires et les discours nationalistes se sont trouvés renforcés au cours des dernières années du fait de la crise dans de nombreux Etats membres». L’Assemblée s'est également déclarée préoccupée par la double tendance qui se dessine en Europe avec, d’un côté, l’élection de plus en plus fréquente dans les parlements nationaux de partis d’extrême droite et, de l'autre, le fait que les partis traditionnels, pour essayer de dissuader leur électorat de se tourner vers les partis extrémistes et de regagner un soutien populaire, empruntent à ceux-ci certains traits de leurs discours radicaux, xénophobes et discriminatoires 
			(9) 
			Voir notamment le rapport
sur les conséquences politiques de la crise économique, Doc. 12282 (rapporteur: M. Emanuelis
Zingeris), et les Résolution
1760 (2010)  et Résolution
1754 (2010), op. cit..
44. Parallèlement, il faut reconnaître que les partis politiques traditionnels, qui refusent de répondre aux craintes (même infondées) d'une partie croissante de la population face à l'immigration et à l'islam, ou qui abordent ces craintes d’une manière insuffisante, sont en partie responsables de ce soutien accru aux partis xénophobes et populistes. Les cas d’islamophobie doivent être abordés comme le suggère l’Assemblée dans sa Recommandation 1927 (2010) et sa Résolution 1743 (2010).
45. La complexité croissante des défis et des politiques contemporains (c’est-à-dire les politiques migratoires, les politiques de lutte contre l'intolérance et la discrimination et la lutte contre le terrorisme) encourage à présenter de manière «simpliste» les enjeux politiques complexes dans le débat public. Les politiciens sont confrontés au fossé qui sépare les questions complexes et techniques de la nécessité de formuler les politiques en termes plus accrocheurs pour gagner le soutien de la population. Cela crée une distance, voire un gouffre béant, entre les principes inspirant les politiques et ces dernières telles que décrites dans les débats au sein des partis et dans les médias.
46. Pour inverser la tendance, les partis et politiciens traditionnels ne devraient certainement pas faire de la surenchère sur le terrain de la rhétorique hostile aux immigrés, mais devraient traiter honnêtement les préoccupations de leurs électeurs.
47. Compte tenu de ce qui précède, je suis d'accord avec les éminentes personnalités quand elles invitent «instamment tous les dirigeants politiques à résister, tout en s’efforçant de répondre de manière convaincante, aux préoccupations réelles et légitimes de l’opinion publique concernant une immigration excessive ou irrégulière, à la montée en puissance de partis xénophobes ou racistes et à veiller à ne pas rechercher un avantage politique en instrumentalisant les migrants ou membres de minorités pour exacerber l’opinion publique ou tirer parti de l’anxiété générale» 
			(10) 
			Voir la proposition
d'action no 49 du rapport sur le point «extrémisme politique, racisme,
discours xénophobes et anti-immigrés».. De même, rappelons l'appel lancé dans ce contexte à l’Assemblée en rapport avec la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par son Président et le Président du Parlement européen en 2003. A cet égard, je tiens à souligner que dans sa Résolution 1754 (2010) «Lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs», adoptée il y a moins d'un an, le 5 octobre 2010, l’Assemblée, déplorant «que le défi consistant à instaurer plus d’éthique en politique en ce qui concerne le traitement des questions touchant à la race, à l’origine ethnique et nationale, et à la religion soit encore à relever», rappelait cette charte ainsi que la Déclaration sur l'utilisation d'arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, adoptée par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) en 2005, qu'elle saluait «pour leur pertinence». Dans sa Résolution 1760 (2010) «La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national: le cas des Roms», adoptée deux jours plus tard, l’Assemblée a en outre instamment invité les partis politiques, les forces politiques et les personnalités politiques et publiques dans les Etats membres, les groupements internationaux de partis politiques et ses propres membres à s’engager à adhérer aux principes inscrits dans la charte, à les mettre en œuvre et à les promouvoir activement.
48. La recommandation plus spécifique invitant l'Assemblée «à désigner un rapporteur sur le thème de l'extrémisme politique, et à organiser un forum annuel sur l'extrémisme – qui pourrait s'appeler le colloque Stieg Larsson» 
			(11) 
			Voir
la proposition d'action no 50., est une proposition qui mérite un examen plus attentif.
49. Pour ma part, j'aimerais contribuer à cette réflexion en rappelant d'abord de récents rapports de l’Assemblée, émanant de notre commission, sur le problème de l'extrémisme politique, dont les derniers sont ceux de M. Agramunt et de Mme Brasseur, qui ont abouti à l'adoption des Résolution 1754 (2010) et Résolution 1760 (2010) citées plus haut. De prime abord, il me semble que, par cette réaction rapide aux événements de l’été 2010, le message de l’Assemblée contre l’extrémisme a peut-être été plus efficace qu’un forum annuel qui, avec le temps, pourrait devenir quelque peu routinier.
50. Rappelons cependant que l'Assemblée organise tous les deux ans un débat général sur la situation de la démocratie en Europe, comme l'illustrent les exemples que j'ai cités du rapport de M. Gross sur «La démocratie en Europe: crises et perspectives», adopté dans le cadre du débat correspondant de l'année dernière. Ces débats de l'Assemblée sont souvent consacrés au problème de la lutte contre l'extrémisme politique. La pratique des débats sur la démocratie d'une part, et la possibilité de réagir rapidement et à tout moment à des préoccupations spécifiques, d'autre part, sont à mon sens des bases solides sur lesquelles l'Assemblée peut appuyer sa contribution à la lutte contre l'extrémisme politique.
51. De plus, comme nous l'avons indiqué plus haut, dans sa Résolution 1746 (2010) et sa Recommandation 1928 (2010), l’Assemblée a proposé «qu’une personnalité de grande notoriété, sorte de délégué à la démocratie, se voie confier la tâche de diriger et d’animer le forum de la démocratie de Strasbourg, ainsi que de diffuser de façon permanente le message du Conseil de l’Europe sur les questions relevant de la démocratie et présentant un intérêt d’actualité majeur». Je pense que cette personnalité de grande notoriété pourrait également être chargée de réagir rapidement à des incidents préoccupants. A ce propos, je renvoie aux observations formulées au paragraphe 19.
52. Plusieurs autres propositions concrètes concernant la lutte contre l'extrémisme ont été soumises par l'Assemblée au Comité des Ministres dans la Recommandation 1933 (2010). Le Comité des Ministres n'ayant pas encore adopté sa réponse à la recommandation, je ne répéterai pas lesdites propositions mais je saisis l'occasion pour inviter le Comité des Ministres à les examiner à la lumière des recommandations des éminentes personnalités.
53. De son côté, l’Assemblée, motivée par les deux recommandations du groupe sur le point «extrémisme politique, racisme, discours xénophobes et anti-immigrés», pourrait organiser, conjointement avec la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance le cas échéant, et en collaboration avec tous les secteurs pertinents de l'Organisation, et, éventuellement, avec le Parlement européen, une conférence chargée de dresser le bilan des bonnes pratiques et des lacunes dans la mise en œuvre par les Etats membres de la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, adoptée en 2003, de la Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, adoptée en 2005, et de la Recommandation nettement plus ancienne no R (97) 20 du Comité des Ministres sur le «discours de haine».
54. Je constate que le rapport du Groupe d'éminentes personnalités identifie neuf groupes «d'acteurs du changement», les éducateurs, les médias, les employeurs et syndicats, la société civile, les cultes et groupes religieux, les personnalités et «modèles», les villes et cités, les Etats membres, et enfin les institutions européennes et internationales, mais ne mentionne pas spécifiquement le rôle des politiciens. Il est certes permis de supposer que le rapport s'adresse effectivement aux politiciens et que, en tant que groupe, ceux-ci peuvent être automatiquement considérés comme des «acteurs du changement», mais il aurait malgré tout été bon de mentionner explicitement ce groupe.
55. Les représentants élus assument en effet une grande responsabilité et peuvent contribuer à changer la situation à la fois à titre individuel et en qualité de membres des organes pour lesquels ils ont été élus, que ce soit au niveau local, régional, national ou international.
56. Comme l'a souligné l’Assemblée dans sa Résolution 1760 (2010) «La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national: le cas des Roms», «une responsabilité particulière incombe aux hommes politiques, qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de toute minorité et tout groupe de migrants. Il leur appartient de promouvoir un message de non-discrimination, de tolérance et de respect vis-à-vis des personnes d’origines différentes».
57. De son côté, l'Assemblée parlementaire est plus que prête et désireuse de contribuer aux changements nécessaires pour donner une plus grande cohésion aux sociétés européennes afin que chacun puisse pleinement bénéficier du «vivre ensemble».