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Avis 221 (2000)

Demande d'adhésion de l'Arménie au Conseil de l'Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée, le 28 juin 2000 (21e séance) (voir Doc. 8747, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Volcic, et Doc. 8756, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Spindelegger). Texte adopté par l'Assembléele 28 juin 2000 (21e séance).

1. La République d’Arménie a déposé, le 7 mars 1996, une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe. Par sa Résolution (96) 21 du 15 mai 1996, le Comité des Ministres a invité l’Assemblée parlementaire à formuler un avis sur cette demande, conformément à la Résolution statutaire 51 (30A).
2. Le Parlement arménien a obtenu le statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 26 janvier 1996. L’examen de cette demande a été lié à l’adoption de la Recommandation 1247 (1994) relative à l’élargissement du Conseil de l’Europe, dans laquelle l’Assemblée a déclaré: «En raison de leurs liens culturels avec l’Europe, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie auraient la possibilité de demander leur adhésion à condition qu’ils indiquent clairement leur volonté d’être considérés comme faisant partie de l’Europe.»
3. Des délégations de l’Assemblée ont observé les élections présidentielles de mars 1998 et les législatives de juillet 1995 et mai 1999.
4. Depuis 1996, l’Arménie participe à diverses activités du Conseil de l’Europe dans le cadre de programmes intergouvernementaux de coopération et d’assistance, ainsi qu’aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions par le biais de sa délégation d’invités spéciaux.
5. L’Arménie est Partie à la Convention culturelle européenne et à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, ainsi que membre de l’Accord partiel ouvert en matière de prévention, de protection et d’organisation des secours contre les risques naturels et technologiques majeurs, et membre associé de la Commission de Venise, avec laquelle elle a développé une étroite coopération. De même, l’Assemblée prend note du fait que l’Arménie a demandé à adhérer à la Convention européenne d’extradition et à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, et qu'elle a récemment signé six autres conventions du Conseil de l'Europe.
6. L’Assemblée considère que l’Arménie progresse vers une société démocratique, pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et de l’Etat de droit, et qu’elle est capable et a la volonté, dans le sens de l’article 4 du Statut du Conseil de l’Europe, de poursuivre les réformes démocratiques engagées pour mettre l’ensemble de sa législation et de sa pratique en conformité avec les principes et les normes du Conseil de l’Europe.
7. En demandant à l’Assemblée de formuler un avis sur la demande d’adhésion, le Comité des Ministres a rappelé «qu’un rapprochement significatif des pays du Caucase avec le Conseil de l’Europe exigerait non seulement la mise en œuvre de réformes démocratiques substantielles, mais aussi leur engagement de résoudre les situations conflictuelles par des voies pacifiques».
8. L’Assemblée parlementaire considère que l’adhésion des deux pays, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, pourrait contribuer à l’instauration du climat de confiance nécessaire à la solution du conflit dans le Haut-Karabakh.
9. L’Assemblée considère que le Groupe de Minsk de l’OSCE est le cadre optimal pour les négociations d’un règlement pacifique de ce conflit.
10. L’Assemblée prend note de la lettre du Président de l’Arménie dans laquelle il s’engage à respecter l’accord de cessez-le-feu jusqu’à ce qu’une solution définitive au conflit soit trouvée et à poursuivre les efforts pour parvenir à son règlement pacifique et négocié, sur la base de compromis acceptables pour toutes les parties concernées.
11. Les Présidents des deux pays ont intensifié la fréquence de leurs rencontres. Les présidents des Parlements d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie ont décidé de mettre en place la coopération parlementaire régionale, comprenant notamment des réunions des présidents des parlements et des séminaires parlementaires à tenir dans les trois capitales et à Strasbourg. La première rencontre dans la région, qui a eu lieu à Tbilissi, en septembre 1999, a permis d’établir un climat de confiance et de détente entre les délégations parlementaires de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan.
12. L’Assemblée appelle les responsables arméniens et azéris à poursuivre leur dialogue pour finalement aboutir à une solution pacifique du conflit dans le Haut-Karabakh et à activer la coopération régionale.
13. L’Assemblée parlementaire prend note des lettres du Président de l’Arménie, du président du parlement, du Premier ministre, ainsi que des présidents des partis politiques représentés au parlement, et note que l'Arménie s’engage à respecter les engagements énumérés ci-dessous:
13.1. en matière de convention:
a. à signer, au moment de son adhésion, la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), telle qu’amendée par ses Protocoles nos 2 et 11, et les Protocoles nos 1, 4, 6 et 7;
b. à ratifier la CEDH et ses Protocoles nos 1, 4, 6 et 7 dans l’année suivant son adhésion;
c. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et ses protocoles;
d. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires;
e. à signer et à ratifier, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la Charte européenne de l’autonomie locale;
f. à signer et à ratifier, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière, et ses protocoles additionnels, ainsi que les conventions du Conseil de l’Europe relatives à l’extradition, à l’entraide judiciaire en matière pénale, celle relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, et celle sur le transfèrement des personnes condamnées, et à appliquer entre-temps leurs principes fondamentaux;
g. à signer, dans un délai de deux ans suivant son adhésion, la Charte sociale du Conseil de l’Europe, à la ratifier dans un délai de trois ans suivant son adhésion et, dès à présent, à s’efforcer de mettre en œuvre une politique conforme aux principes qu’elle contient;
h. à signer l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe, et ses protocoles additionnels au moment de son adhésion, et à le ratifier dans un délai d’un an suivant son adhésion;
13.2. en matière de conflit dans le Haut-Karabakh:
a. poursuivre les efforts pour résoudre ce conflit exclusivement par des moyens pacifiques;
b. à utiliser l’influence considérable qu’elle a sur les Arméniens du Haut-Karabakh pour encourager la résolution du conflit;
c. à régler les différends internationaux et internes par des moyens pacifiques et selon les principes de droit international (obligation qui incombe à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe), en rejetant résolument toute menace d’employer la force contre ses voisins;
13.3. en matière de législation interne:
a. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la deuxième partie (spécifique) du Code pénal, abolissant ainsi de jure la peine de mort et en dépénalisant les relations homosexuelles entre adultes consentants;
b. à adopter, dans un délai de six mois suivant son adhésion, la loi sur l’ombudsman;
c. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, une nouvelle loi sur les médias;
d. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, une nouvelle loi sur les partis politiques;
e. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, une nouvelle loi sur les organisations non gouvernementales;
f. à adopter, dans un délai de six mois suivant son adhésion, la loi sur le transfert du système pénitentiaire, y compris les centres de détention provisoire et les colonies de travail, de l’autorité du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Sécurité nationale à celle du ministère de la Justice, en garantissant ainsi une vaste réforme du système pénitentiaire, y compris sa démilitarisation, et à assurer la mise en œuvre effective de cette loi dans un délai de six mois après son adoption, sauf en ce qui concerne le transfert effectif des centres de détention provisoire et des colonies de travail, qui doit intervenir dans un délai d’un an après l’adoption de cette loi;
g. à adopter, dans un délai d’un an suivant son adhésion, la loi sur la fonction publique;
h. à amender, avant la tenue des prochaines élections locales, la législation actuelle relative aux pouvoirs des autorités locales en vue d’accroître leurs compétences et leur autonomie, en tenant compte des recommandations formulées en la matière par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE);
i. à remédier avant la tenue de prochaines élections aux lacunes de la nouvelle loi électorale, notamment en ce qui concerne la procédure relative au travail des commissions électorales et des autorités chargées d’établir les listes électorales;
13.4. en matière de droits de l’homme:
a. à mettre pleinement en œuvre la réforme du système judiciaire, afin de garantir, inter alia:
la totale indépendance de la magistrature;
l'accès immédiat et sans restriction à un avocat de la défense dans les affaires pénales (obligatoire pour les mineurs); au besoin, les frais et dépens devraient être pris en charge par l'Etat;
b. à veiller à ce que toutes les Eglises ou communautés religieuses – notamment celles dites «non traditionnelles» – puissent pratiquer leur culte sans discrimination;
c. à coopérer pleinement avec les ONG pour que les droits des prisonniers ainsi que ceux des appelés soient respectés;
d. à adopter une loi sur un service de remplacement conforme aux normes européennes, dans les trois années suivant son adhésion, et, entre-temps, à amnistier les objecteurs de conscience purgeant actuellement des peines de prison ou servant dans des bataillons disciplinaires, en les autorisant (une fois la loi sur le service de remplacement entrée en vigueur) à faire leur service militaire dans des unités non armées ou dans un service civil de remplacement;
e. à transformer la chaîne nationale de télévision en chaîne publique, gérée par un conseil d’administration indépendant;
13.5. en matière de suivi des engagements:
a. à coopérer pleinement à la mise en œuvre de la Résolution 1115 (1997) de l’Assemblée sur la création d’une commission de l’Assemblée pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) ;
b. à coopérer pleinement au processus de contrôle établi en vertu de la déclaration du Comité des Ministres du 10 novembre 1994 (95e Session).
14. L’Assemblée parlementaire reconnaît que l’Arménie partage pleinement sa conception et son interprétation des engagements conclus tels qu'ils sont indiqués au paragraphe 13, et qu'elle a l'intention:
14.1. de s'assurer que le parlement est tenu pleinement informé de l'enquête relative aux événements du 27 octobre 1999, conformément à la législation en vigueur;
14.2. d'octroyer un accès à la Cour constitutionnelle, dans les deux ans suivant son adhésion, également au gouvernement, au procureur général, aux tribunaux à tous les niveaux et, dans des cas spécifiques, aux individus;
14.3. d'entreprendre la réforme du Conseil judiciaire en vue d'accroître son indépendance dans les trois ans suivant l'adhésion;
14.4. de mettre sur pied sans délai une procédure de suivi, conforme aux normes du Conseil de l'Europe, des plaintes concernant des allégations de mauvais traitement lors de la garde à vue, dans les centres de détention préventive, dans les prisons et dans l'armée, et de s'assurer que ceux qui se sont rendus coupables de ces actes seront punis selon le droit applicable;
14.5. de considérer, au moins partiellement, la période de service dans un bataillon disciplinaire comme un service militaire obligatoire, et de s'assurer que la durée de la peine à effectuer dans un tel bataillon puisse être raccourcie si le soldat fait preuve de bonne conduite;
14.6. de faire particulièrement attention au sort des enfants abandonnés et de ceux qui se trouvent en conflit avec la loi.
15. Sur la base de ces engagements, l’Assemblée est d’avis que l’Arménie est capable et a la volonté, conformément à l’article 4 du Statut du Conseil de l’Europe, de se conformer aux dispositions de l’article 3 de ce Statut, précisant les conditions requises pour pouvoir adhérer au Conseil de l’Europe: «Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but (du Conseil de l’Europe).»
16. En vue d’assurer le respect de ces engagements, l’Assemblée décide de suivre de près, dès son adhésion, la situation en Arménie dans le cadre de sa Résolution 1115 (1997).
17. Etant entendu que les engagements énumérés ci-dessus sont fermes et qu’ils seront honorés dans les délais impartis, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
17.1. d’inviter l’Arménie à devenir membre du Conseil de l’Europe;
17.2. d’attribuer à l’Arménie quatre sièges à l’Assemblée parlementaire,
et demande que les ressources supplémentaires nécessaires soient dégagées.
18. Par ailleurs, afin de permettre à l’Arménie de respecter ses obligations et ses engagements d’Etat membre, l’Assemblée recommande également au Comité des Ministres de soutenir les autorités arméniennes dans le cadre des activités pour le développement et la consolidation de la stabilité démocratique (Adacs). De plus, l'Assemblée recommande que la Banque de développement du Conseil de l'Europe apporte son aide, le cas échéant.