Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1613 (2008)
Exploiter l’expérience acquise dans le cadre des «commissions vérité»
1. Surmonter les épreuves du passé,
établir la vérité et promouvoir la réconciliation dans les sociétés
en transition déchirées par la guerre ou au lendemain des conflits
est une des conditions essentielles si l’on veut garantir une paix
durable et un avenir stable qui permettent l’instauration de la
démocratie, et le respect des droits de l’homme et de l’Etat de
droit. Pour accomplir cette tâche, un nombre croissant de pays sortant
d’un passé douloureux a recouru à un mécanisme connu sous le nom
de «commissions vérité».
2. De plus en plus acceptées de par le monde, les commissions
vérité n’ont pas été largement utilisées en Europe. Il existe pourtant
des pays et des régions sur le continent européen où les violences
passées – et qui, dans certains cas, perdurent – ont laissé dans
la société de profondes blessures qu’il faut absolument traiter, pour
que le futur ne soit plus l’otage du passé. L’expérience acquise
par les commissions vérité dans d’autres parties du monde pourrait
se révéler d’une extrême importance politique et une source d’inspiration
pour ces pays.
3. Les commissions vérité sont des organes non judiciaires formés
officiellement à titre provisoire pour mener des recherches et faire
rapport sur les événements violents et tragiques du passé d’un pays,
en particulier pour enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme
commises lors d’une période violente ou par l’ancien régime au pouvoir.
4. Les commissions vérité se concentrent sur des violations d’un
certain type, examinent leurs racines et leurs causes, et tirent
les leçons des abus passés, contribuant ainsi à la création de conditions
visant à éviter que de tels abus ne se reproduisent. Les travaux
et les conclusions des commissions vérité doivent permettre d’établir
la responsabilité institutionnelle et de faciliter les réformes
institutionnelles requises.
5. En répondant au besoin pour les victimes d’être entendues
et que leurs souffrances soient reconnues, les commissions vérité
peuvent redonner un sens à la réinsertion dans la vie civile de
ceux dont les droits ont été bafoués et mettre un terme à leur exclusion
sociale. Dans de nombreux cas, les commissions vérité peuvent être
une occasion unique pour les survivants d’apprendre le sort de leurs
proches disparus, répondant ainsi à leur droit de connaître la vérité.
6. L’Assemblée parlementaire estime que les commissions vérité
peuvent être un instrument efficace pour faire face aux violations
passées des droits de l’homme et permettre la réconciliation des
sociétés sortant d’un passé douloureux. Lorsqu’elles sont établies
conformément aux principes élémentaires des droits de l’homme internationaux,
ces commissions jouent aussi un rôle utile en complément de la justice
pénale, mais ne peuvent et ne sauraient être considérées comme une
alternative à cette dernière. En particulier, les commissions vérité
ne devraient pas accorder l’amnistie pour des crimes relevant du
droit international. Elles devraient fonctionner d’une manière qui
respecte, protège et promeut les droits de l’homme. Afin d’être impartiales
et indépendantes, elles devraient être établies par de vastes consultations
dans la société, avec la participation des organisations de la société
civile et des victimes.
7. Bon nombre de pays et de régions d’Europe ne sont toujours
pas parvenus à un compromis sur l’héritage de leur passé tragique.
Il faut donc les encourager à s’appuyer sur l’expérience des commissions vérité,
à tirer un enseignement des forces et des faiblesses de ces dernières,
à déterminer si ces expériences peuvent s’adapter à leurs contextes
nationaux spécifiques, afin de réconcilier les sociétés divisées
et de restaurer la justice, la confiance et l’espoir dans un avenir
commun.
8. L’Assemblée demande donc aux gouvernements, aux parlements,
aux partis politiques et aux organisations de la société civile
des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe, en particulier
de ceux dont les blessures du passé sont encore présentes dans la
société, d’étudier les expériences et les meilleures pratiques internationales
des commissions vérité, et d’examiner si le fait d’établir une telle commission
pourrait contribuer à surmonter les épreuves du passé.
9. L’Assemblée considère que l’expérience acquise dans le cadre
des commissions vérité peut être particulièrement utile pour la
République tchétchène de la Fédération de Russie. Il importe que
la société en Tchétchénie, et dans toute la Fédération de Russie,
assume l’héritage du conflit dans cette région, pour reconstituer
l’histoire des abus perpétrés, de la violence et des injustices
subies, par toutes les parties concernées. Elle doit en outre apporter
reconnaissance et réparation aux victimes, et établir les responsabilités institutionnelles
et individuelles pour s’assurer que leurs auteurs en rendent compte
et pour prévenir d’autres abus à l’avenir. Une commission vérité
pourrait être un des moyens de répondre à ces besoins.
10. L’Assemblée reconnaît qu’il appartient aux autorités de la
République tchétchène de la Fédération de Russie de décider s’il
est approprié d’établir une commission vérité. Elle note, dans le
même temps, un intérêt croissant pour cette question ainsi qu’une
demande de vérité et de réconciliation à différents niveaux de la société
tchétchène.
11. Pour répondre à cette demande, l’Assemblée demande à sa commission
des questions politiques de fournir, de la façon la plus appropriée,
aux autorités et aux organisations de la société civile de la République tchétchène
de la Fédération de Russie des informations sur les expériences
et les meilleures pratiques internationales des commissions vérité.
12. Rien dans la présente résolution ne doit être interprété comme
pouvant porter atteinte au droit des individus d’introduire une
requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.