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Résolution 1660 (2009)
Situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
1. L’Assemblée
parlementaire salue l’inestimable contribution que les défenseurs
des droits de l’homme apportent à la protection des droits de l’homme,
à l’Etat de droit, à la démocratie, ainsi qu’à la prévention des conflits,
parfois au risque de leur propre sécurité.
2. L’Assemblée considère comme défenseurs des droits de l’homme
toutes les personnes qui, individuellement ou en association avec
d’autres, agissent pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Ce
sont leurs activités dans ce domaine qui font d’eux des défenseurs
des droits de l’homme.
3. Les Etats ont l’obligation et la responsabilité de protéger
les défenseurs des droits de l’homme et leur travail en créant un
environnement favorable et, si nécessaire, en établissant des mécanismes
de protection afin de préserver l’intégrité physique des défenseurs
exposés à des menaces spécifiques. Les parlementaires ont une responsabilité
essentielle en la matière: façonner de manière appropriée le contexte
politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits
de l’homme, et suivre l’évolution de la situation des droits de
l’homme.
4. Dans nombre de pays, les défenseurs des droits de l’homme
sont en général bien protégés en droit et en pratique. L’Assemblée
déplore toutefois que, dans certains Etats membres du Conseil de
l’Europe, les défenseurs des droits de l’homme soient parfois confrontés
à un environnement difficile et à de nombreux obstacles et restrictions.
Il peut s’agir de violences physiques, mais aussi de mesures plus
subtiles et plus insidieuses, telles que des obstacles administratifs.
Dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les
défenseurs font l’objet de campagnes de diffamation visant à les
discréditer ou sont accusés d’être de mauvais patriotes, des traîtres,
des «espions» ou des «extrémistes». Dans les cas les plus extrêmes, les
défenseurs des droits de l’homme reçoivent des menaces de mort,
sont enlevés, sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires,
de procès inéquitables et sont maltraités, voire assassinés. Dans certains
cas, leur entourage familial et professionnel est aussi visé.
5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation
des défenseurs des droits de l’homme, qui sont les plus exposés
aux attaques et aux exactions en raison de leur identité et/ou parce
qu’ils travaillent sur des questions «impopulaires» ou sensibles.
Les défenseurs particulièrement menacés sont ceux qui luttent contre
l’impunité des crimes graves et contre la corruption, ainsi que
ceux qui travaillent sur les droits économiques, sociaux ou culturels,
sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et
sur les droits des migrants et des minorités nationales ou ethniques.
Les femmes défenseurs des droits de l’homme sont également confrontées
à des menaces et à des obstacles spécifiques. La situation des défenseurs
des droits de l’homme est particulièrement critique dans le Caucase,
où certains subissent une répression violente, qui peut prendre
la forme d’assassinats, d’enlèvements et d’arrestations ou de détentions arbitraires.
6. L’Assemblée estime que toutes les attaques contre des défenseurs
des droits de l’homme et toutes les violations de leurs droits dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe, qu’elles soient perpétrées
par des acteurs étatiques ou autres, sont inacceptables et doivent
être fermement condamnées. Elle souligne que la liberté d’expression
et la liberté de réunion et d’association, qui sont d’une importance
cruciale pour le travail des défenseurs des droits de l’homme, sont
des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5).
7. L’Assemblée rappelle la Déclaration sur les défenseurs des
droits de l’homme, adoptée en 1998 par l’Assemblée générale des
Nations Unies, et salue la mise en place récente, par le Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH)
de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),
du point focal pour les défenseurs des droits de l’homme, et les
Orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des
droits de l’homme.
8. L’Assemblée demande instamment au Conseil de l’Europe, le
principal gardien des droits de l’homme en Europe, qui dispose d’une
panoplie unique d’instruments et d’organes dans ce domaine, de renforcer encore
sa contribution à la protection des défenseurs des droits de l’homme
et de leur travail, tant dans une perspective à long terme que dans
des cas spécifiques nécessitant une action urgente.
9. Par conséquent, l’Assemblée se félicite vivement de la Déclaration
sur l’action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection
des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités,
adoptée par le Comité des Ministres le 6 février 2008, qui invite
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à renforcer
le rôle et la compétence de son bureau afin d’assurer une protection
forte et efficace des défenseurs des droits de l’homme, et à intervenir
dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence
s’imposent. La déclaration appelle aussi les autres instances du
Conseil de l’Europe à être particulièrement attentives aux questions
relatives aux défenseurs des droits de l’homme.
10. Etant donné que les parlementaires ont une responsabilité
primordiale dans la mise en place d’un environnement favorable aux
défenseurs des droits de l’homme, l’Assemblée envisage de renforcer
son soutien aux défenseurs des droits de l’homme sur l’ensemble
du continent, afin de compléter – sans faire double emploi – le
rôle du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
A cet égard, l’Assemblée rappelle qu’elle a mis en place récemment
un prix des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire pour
récompenser chaque année une contribution exceptionnelle de la société
civile à la défense des droits de l’homme en Europe.
11. Enfin, l’Assemblée souligne qu’une large gamme de mesures
de protection constitue souvent le moyen le plus efficace de garantir
une protection adéquate aux défenseurs des droits de l’homme. Ces
mesures doivent impliquer les autorités politiques et judiciaires,
les structures nationales consacrées aux droits de l’homme, les
défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes et leurs réseaux, les
mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, la
communauté diplomatique ainsi que les médias.
12. Dans ce contexte, l’Assemblée exhorte les Etats membres:
12.1. à mettre pleinement en œuvre
les dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits
de l’homme, telles qu’elles sont interprétées par la Cour européenne
des droits de l’homme, notamment le droit à la vie, la protection
contre l’arrestation et la détention arbitraires, et contre la torture et
les mauvais traitements, la liberté d’expression, la liberté de
réunion et d’association, le droit à un procès équitable et le droit
à un recours effectif;
12.2. à mettre pleinement en œuvre les déclarations des Nations
Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de
l’homme, qui appellent à créer un environnement favorable à leur
travail, et à les protéger et à promouvoir leur action, y compris
par les moyens suivants:
12.2.1. soutenir
leurs activités publiquement et fermement, et garantir en toutes
circonstances leur intégrité physique et psychologique;
12.2.2. condamner promptement et fermement, au plus haut niveau,
les menaces et les attaques dirigées contre des défenseurs des droits
de l’homme, leurs organisations et/ou leurs proches, faire cesser
ces pratiques inacceptables et veiller à ce que les forces de l’ordre
mènent des enquêtes efficaces, impartiales et transparentes, et
à ce qu’elles poursuivent les auteurs de ces pratiques;
12.2.3. garantir aux défenseurs des droits de l’homme un accès
effectif aux mécanismes de protection internationaux, en particulier
à la Cour européenne des droits de l’homme;
12.3. à abolir immédiatement les conditions à remplir pour l’enregistrement
d’organisations non gouvernementales (ONG), ou d’autres obstacles
bureaucratiques pouvant porter atteinte à l’exercice effectif du
droit de former des ONG, des associations ou des groupes de défense
des droits de l’homme, de s’y affilier et d’y participer, ou pouvant
entraver leur travail d’une autre manière.
13. L’Assemblée appelle également les Etats membres:
13.1. à mettre en place des infrastructures
et des programmes d’assistance appropriés pour les défenseurs des
droits de l’homme menacés;
13.2. à établir des programmes de visas humanitaires ou à prendre
toute autre mesure appropriée pour les défenseurs des droits de
l’homme exposés à un danger imminent ou ayant besoin d’un répit parce
qu’ils sont soumis à une persécution constante dans des pays tiers,
ou du moins à leur faciliter la délivrance de visas d’urgence dans
de telles situations;
13.3. à exploiter pleinement, s’ils sont également membres de
l’Union européenne, les Orientations de l’Union européenne concernant
les défenseurs des droits de l’homme, et à appliquer les principes contenus
dans ces orientations sur leur propre territoire.
14. Plus particulièrement, l’Assemblée appelle les parlements
nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à prendre les mesures nécessaires
pour mettre en œuvre, au niveau parlementaire, les déclarations
des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des
droits de l’homme; les parlements devraient notamment veiller à
ce que la législation relative aux défenseurs et à leur travail soit
en conformité avec les normes internationales;
14.2. à adopter et à appliquer des textes non législatifs, tels
que des stratégies ou des plans d’action nationaux sur la protection
des défenseurs des droits de l’homme, dans lesquels il serait notamment demandé
au gouvernement de renforcer la protection des défenseurs des droits
de l’homme dans le cadre de sa politique intérieure et de sa politique
étrangère, et à procéder à l’examen minutieux des politiques et
mesures gouvernementales afin de garantir que l’action des défenseurs
des droits de l’homme est à la fois protégée et promue;
14.3. à développer et à maintenir des contacts réguliers avec
les défenseurs des droits de l’homme;
14.4. à promouvoir auprès du public le travail des défenseurs
des droits de l’homme en organisant des auditions et des débats
parlementaires, et en décernant des prix aux défenseurs des droits
de l’homme;
14.5. à soutenir les mesures d’assistance et de protection destinées
aux défenseurs des droits de l’homme menacés, telles que la délivrance
de visas d’urgence, l’observation de procès et la participation à
des réseaux de parlementaires soutenant les défenseurs des droits
de l’homme;
14.6. à faire mieux connaître les mécanismes de protection existants,
les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur
les défenseurs des droits de l’homme, et en particulier le nouveau mandat
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant
la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe;
14.7. à faire en sorte que des mesures effectives soient prises
au niveau national pour donner suite aux travaux et aux recommandations
du Conseil de l’Europe;
14.8. à faire de la situation des défenseurs des droits de l’homme
l’un des principaux thèmes des réunions parlementaires internationales,
telles que la réunion annuelle des commissions des droits de l’homme
des parlements des Etats membres de l’Union européenne.
15. L’Assemblée rend hommage à l’action du Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe en faveur des défenseurs des droits
de l’homme et l’invite:
15.1. à mettre
pleinement en œuvre son mandat renforcé et à utiliser ses ressources
concernant le soutien et la protection des défenseurs des droits
de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ce qui
suppose de mener des activités de suivi et d’information, d’intervenir
dans les situations d’urgence où des défenseurs des droits de l’homme
sont en danger, de sensibiliser le public et de créer des réseaux,
ainsi que d’assurer la coopération et la coordination avec les partenaires
et acteurs clés;
15.2. à reconnaître et à exploiter pleinement la contribution
spécifique de l’Assemblée et de la diplomatie parlementaire, à la
fois dans une perspective à long terme, pour améliorer les conditions
de travail des défenseurs des droits de l’homme, et dans les situations
graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent.
16. L’Assemblée décide également:
16.1. de soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe dans les efforts qu’il déploie pour s’acquitter
de son mandat renforcé;
16.2. de rester saisie de la question, en étroite coordination
avec le Commissaire aux droits de l’homme, afin de compléter et
de renforcer l’action de ce dernier dans ce domaine;
16.3. de continuer à soutenir le développement de sociétés civiles
dynamiques et le travail des défenseurs des droits de l’homme dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment en décernant
le nouveau prix annuel des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire,
en associant les défenseurs des droits de l’homme à ses travaux
et, le cas échéant, en utilisant le mécanisme de la diplomatie parlementaire.