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Recommandation 1962 (2011) Version finale
La dimension religieuse du dialogue interculturel
1. L’Assemblée parlementaire constate
l’intérêt grandissant pour les questions concernant le dialogue interculturel
dans un contexte européen et mondial où les efforts de rapprochement
et de collaboration entre communautés au sein de nos sociétés et
entre les peuples, pour construire ensemble le bien commun, sont mis
constamment en danger par des incompréhensions, de fortes tensions,
voire des actes barbares de haine et de violence.
2. L’Assemblée se réjouit de la dynamique positive qui se développe
au sein du Conseil de l’Europe et qui favorise une approche intégrée
des questions concernant le dialogue interculturel et sa dimension
religieuse. Le Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre
ensemble dans l’égale dignité et les rencontres annuelles organisées
par le Comité des Ministres sur «La dimension religieuse du dialogue
interculturel» sont en quelque sorte l’aboutissement de cette approche.
3. L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme
(«la Convention», STE no 5) garantit le droit à la liberté de pensée,
de conscience et de religion. Cette liberté représente l’une des
assises d’une «société démocratique» au sens de la Convention; elle
figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels
de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais
elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques,
les sceptiques ou les indifférents.
4. L’affirmation de ce droit inaliénable implique la liberté
pour chacun d’avoir (ou non) une religion et de manifester sa religion
individuellement et en privé, ou de manière collective, en public
et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. Les Eglises et
communautés religieuses ont, en Europe, le droit d’exister et de s’organiser
de manière autonome. Néanmoins, la liberté de religion ainsi que
la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont
indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous,
des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention.
5. Ces valeurs doivent nous rassembler, mais il est également
important de reconnaître les différences culturelles qui existent
entre personnes de convictions différentes. Les différences, dans
la mesure où elles sont compatibles avec le respect des droits de
l’homme et des principes à la base de la démocratie, ont non seulement le
droit d’exister, mais contribuent également à la détermination de
l’essence de nos sociétés plurielles.
6. Le modèle européen est par définition multiculturel et il
faudrait prendre en considération les différences résultant d’un
vécu historique diversifié. Néanmoins, les valeurs communes telles
que le respect mutuel, la protection des droits fondamentaux, la
démocratie, la tolérance, l’acceptation que les différences sont
un fait normal et la vision d’un futur commun doivent être renforcées
davantage.
7. Le problème réside souvent dans notre attitude face à la diversité.
L’Assemblée insiste sur la nécessité pour chacun d’apprendre à partager
ses différences de manière positive et à accueillir l’autre avec
les siennes, afin de construire des sociétés cohésives, ouvertes
à la diversité et respectueuses de la dignité de toute personne.
A cette fin, l’Assemblée est persuadée de l’importance de la dimension
religieuse du dialogue interculturel, ainsi que de l’importance
de la collaboration entre les communautés religieuses, pour la promotion
des valeurs qui constituent le socle commun de nos sociétés européennes
et de toute société démocratique.
8. L’Assemblée estime qu’il est non seulement souhaitable, mais
aussi nécessaire que les diverses Eglises et communautés religieuses
– et notamment les chrétiens, les juifs et les musulmans – se reconnaissent mutuellement
le droit à la liberté de religion et de conviction. Il est également
indispensable que les personnes de toutes les convictions et de
toutes les visions du monde, qu’elles soient religieuses ou non, acceptent
d’intensifier le dialogue en s’appuyant sur l’affirmation commune
de l’égale dignité de toutes les personnes et sur l’adhésion sans
réserve aux principes démocratiques et aux droits de l’homme. Ce
sont là deux conditions essentielles pour développer une nouvelle culture
du vivre ensemble. L’Assemblée appelle donc toutes les Eglises et
les communautés religieuses à poursuivre leurs efforts de dialogue,
y compris avec les mouvements humanistes, afin de travailler à l’unisson pour
atteindre l’objectif d’une garantie effective de ces valeurs partout,
en Europe et dans le monde.
9. Il incombe aux Etats de mettre en place les conditions nécessaires
au pluralisme religieux et de convictions, et d’assurer le respect
effectif de la liberté de pensée, de conscience et de religion,
tel que garanti par l’article 9 de la Convention.
10. L’Assemblée rappelle à cet égard l’obligation pour les Etats
de veiller à ce que toutes les communautés religieuses qui acceptent
les valeurs fondamentales communes puissent bénéficier de statuts
juridiques appropriés garantissant l’exercice de la liberté de religion et
d’éviter qu’un soutien privilégié accordé à certaines religions
ne devienne, dans les faits, disproportionné et discriminatoire.
Les Etats doivent également réconcilier les droits des communautés
religieuses avec la nécessité de sauvegarder les droits des personnes
sans croyance religieuse qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales.
11. L’Assemblée considère qu’il est nécessaire de développer un
partenariat dynamique et fructueux entre les institutions publiques,
les communautés religieuses et les groupements s’inspirant d’une
vision non religieuse. La reconnaissance par les diverses confessions religieuses
et par les convictions non religieuses de la dignité humaine comme
un bien essentiel et universel constitue le point de départ commun.
12. De ce fait, l’Assemblée recommande aux autorités publiques
aux niveaux local et national de faciliter les rencontres organisées
dans le cadre du dialogue interreligieux ainsi que d’encourager
et de soutenir les projets développés en commun par plusieurs communautés,
y compris avec les associations humanistes et non religieuses, qui
visent à consolider les liens sociaux à travers, par exemple, la
promotion d’une solidarité intercommunautaire, l’attention à l’égard
des personnes les plus vulnérables et la lutte contre les discriminations.
13. L’Assemblée réaffirme l’importance et le rôle du système éducatif
pour la connaissance et la compréhension des différentes cultures,
y compris les croyances et les convictions qui les caractérisent,
et pour l’apprentissage des valeurs démocratiques et du respect des
droits de l’homme. Elle recommande aux Etats et aux communautés
religieuses de reconsidérer ensemble, sur la base des orientations
données par le Conseil de l’Europe, les questions de l’enseignement
du fait religieux, de l’enseignement confessionnel et de la formation
des enseignants et des ministres du culte ou cadres religieux, en
suivant une approche holistique.
14. L’Assemblée souligne que le principe de neutralité de l’Etat
s’applique à l’enseignement religieux dans le cadre scolaire et
que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme, il incombe aux autorités nationales de veiller avec la
plus grande attention à ce que les convictions religieuses et non religieuses
des parents ne soient pas heurtées.
15. Pour l’Assemblée, le défi est aujourd’hui de trouver l’accord
et l’équilibre nécessaires afin que l’enseignement du fait religieux
devienne une opportunité de rencontre et d’écoute réciproque. Elle
recommande aux Etats et aux communautés religieuses de faire des efforts
concertés dans cette direction et invite les Etats à se donner les
moyens nécessaires pour passer des déclarations aux réalisations
sur le terrain. Il serait hautement recommandable que chaque enseignant,
tous types d’enseignement et filières confondus, suive pendant sa
formation un module le familiarisant avec les courants de pensées
majeurs.
16. L’Assemblée rappelle que l’autonomie interne des institutions
religieuses quant à la formation des cadres religieux est un principe
inhérent à la liberté de religion. Néanmoins, cette autonomie est
limitée par les droits fondamentaux, les principes démocratiques
et l’Etat de droit, que nous avons en commun. Dès lors, l’Assemblée invite
les institutions et les responsables religieux à réfléchir, si possible
ensemble et dans le cadre du dialogue interreligieux, sur la manière
appropriée de mieux former leurs cadres religieux:
16.1. à la connaissance et à la compréhension
des autres religions et convictions ainsi qu’à l’ouverture, au dialogue
et à la collaboration entre communautés religieuses;
16.2. au respect des droits fondamentaux, des principes démocratiques
et de l’Etat de droit, comme assise commune de ce dialogue et de
cette collaboration.
17. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
17.1. de promouvoir un véritable partenariat
pour la démocratie et les droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe,
les institutions religieuses et les organisations humanistes et
non religieuses, visant à favoriser l’engagement actif de toutes
les parties prenantes dans des actions de promotion des valeurs
fondamentales de l’Organisation;
17.2. de créer, pour ce faire, un espace de dialogue, une table
de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants
de religions et d’organisations non confessionnelles, afin d’asseoir
les relations existantes sur une plate-forme stable et formellement
reconnue;
17.3. de développer cette initiative en concertation avec les
parties intéressées, d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire
et, dans toute la mesure du possible, l’Union européenne, et d’inviter
l’Alliance des civilisations – ONU et éventuellement d’autres partenaires
à y contribuer;
17.4. de poursuivre, dans ce contexte, l’organisation de rencontres
thématiques sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.
18. L’Assemblée recommande, en outre, au Comité des Ministres:
18.1. de promouvoir l’adhésion des
Etats du Bassin méditerranéen à la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise), à l’Accord partiel sur la mobilité
des jeunes par la Carte Jeunes et au Centre européen pour l’interdépendance
et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud);
18.2. d’inviter tous les Etats membres à soutenir tout projet
ciblé que le Centre Nord-Sud pourrait développer pour renforcer
les dynamiques positives de la dimension religieuse du dialogue
interculturel au-delà des frontières du continent européen, sur
le plan interrégional et/ou global;
18.3. d’accroître les moyens alloués au projet sur les cités
interculturelles, dans lequel il conviendrait d’intégrer explicitement
la dimension religieuse du dialogue interculturel;
18.4. d’offrir davantage de soutien aux travaux du Centre européen
Wergeland à Oslo, notamment pour développer sa capacité de collaborer
avec les Etats membres du Conseil de l’Europe sur des projets concernant
la dimension interculturelle et interreligieuse de la formation
des enseignants et des éducateurs.
19. L’Assemblée invite l’Union européenne, en particulier le Parlement
européen et la Commission européenne, ainsi que son Agence des droits fondamentaux,
à développer des programmes communs avec le Conseil de l’Europe
dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté démocratique et
de l’éducation aux droits de l’homme, s’appuyant sur la Charte que
le Comité des Ministres a adoptée le 11 mai 2010 (Recommandation
CM/Rec(2010)7), ainsi que dans le domaine du dialogue interculturel
et interreligieux.
20. L’Assemblée invite l’Alliance des civilisations – ONU à développer
des programmes communs avec le Conseil de l’Europe visant à accroître
les synergies dans l’action des deux organisations en Europe.