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Résolution 1818 (2011)

La demande de statut de Partenaire pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 21 juin 2011 (21e séance) (voir Doc. 12625, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Volontè; Doc. 12646, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Díaz Tejera; et Doc. 12647, avis de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteur: Mme Memecan). Texte adopté par l’Assemblée le 21 juin 2011 (21e séance).

1. En adoptant sa Résolution 1680 (2009) sur la création d’un statut de «partenaire pour la démocratie» auprès de l’Assemblée parlementaire, l’Assemblée a décidé de créer un nouveau statut pour la coopération institutionnelle avec les parlements des Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier de l’expérience de l’Assemblée en matière de renforcement de la démocratie et participer au débat politique sur les enjeux communs dépassant les frontières européennes. Un nouvel article 60 du Règlement de l’Assemblée, énonçant les conditions et les modalités d’octroi de ce statut, dont les engagements politiques que le parlement concerné doit officiellement contracter, a pris effet à partir de janvier 2010.
2. Moins de deux mois plus tard, le 22 février 2010, les présidents des deux Chambres du Parlement du Maroc ont adressé au Président de l’Assemblée une demande officielle d’obtention du statut de Partenaire pour la démocratie. Le Parlement du Maroc devint ainsi le premier parlement à faire une telle demande.
3. L’Assemblée prend note que, dans leur lettre, conformément aux exigences stipulées par l’article 60.2 du Règlement, les présidents des deux Chambres du Parlement du Maroc ont réaffirmé que le parlement qu’ils représentent partage les mêmes valeurs que le Conseil de l’Europe, à savoir la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et se sont engagés:
3.1. à poursuivre leurs efforts «pour sensibiliser les pouvoirs publics ainsi que les acteurs de la vie politique et la société civile afin de faire avancer la réflexion en cours sur les problématiques de la peine capitale» et à continuer d’«encourager les autorités compétentes à poursuivre le moratoire de fait sur les exécutions de la peine de mort existant depuis 1993». Ils ont l’intention de s’«appuyer sur l’expérience de l’Assemblée, ainsi que sur l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans [leurs] travaux institutionnels et législatifs, en ayant à l’esprit que le Maroc est membre de la Commission de Venise depuis 2007»;
3.2. à «poursuivre [leurs] efforts pour sensibiliser les pouvoirs publics et les acteurs de la vie politique pour créer les conditions favorables à la tenue d’élections libres, justes et transparentes»;
3.3. à «encourager la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique»;
3.4. à «encourager les autorités compétentes à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe pouvant être signés et ratifiés par des Etats non membres, en particulier ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie, en ayant à l’esprit que le Maroc est – outre sa participation à la Commission de Venise – déjà membre du Centre Nord-Sud, Etat membre de l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA), et qu’il est également partie contractante à la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe»;
3.5. à «informer régulièrement [l’]Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe dans [leur] pays».
4. L’Assemblée estime, par conséquent, que la demande du Parlement du Maroc satisfait aux critères formels énoncés dans son Règlement.
5. En outre, l’Assemblée reconnaît que le Parlement, les forces politiques, les agents d’Etat et publics et la société civile du Maroc partagent largement les objectifs du partenariat pour la démocratie, qui vise à renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le pays.
6. Au moment où les peuples d’un certain nombre de pays arabes et méditerranéens expriment clairement le souhait d’acquérir des droits politiques et sociaux fondamentaux, l’Assemblée estime important que le Maroc, qui a des institutions politiques et des traditions de pluralisme politique bien établies, reste sur la voie d’une évolution démocratique.
7. L’Assemblée se félicite de l’engagement du Maroc à mener des réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques approfondies et encourage les autorités nationales du Maroc à tirer pleinement parti de l’expertise du Conseil de l’Europe et à s’inspirer de ses normes pour mener à bien ces réformes. Elle se félicite également du nouveau projet de Constitution, qui constitue une importante étape vers la consolidation des principes de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Elle note avec satisfaction, dans ce contexte, que la coopération entre le Maroc et le Conseil de l’Europe s’est considérablement renforcée dans la période récente, à la suite de l’adhésion du Maroc au Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) en juillet 2009. Elle estime que le statut de Partenaire pour la démocratie constitue un cadre propice à un engagement plus marqué du Parlement du Maroc en faveur du processus de réformes.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée considère que les mesures concrètes ci-après sont essentielles pour renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc:
8.1. organiser des élections libres et équitables conformément aux normes internationales pertinentes;
8.2. mieux sensibiliser et intéresser le public au processus démocratique et assurer un plus fort taux de participation aux élections;
8.3. renforcer le contrôle public des élections par des observateurs indépendants et, notamment, améliorer les capacités des réseaux nationaux d’observateurs;
8.4. mener la réforme constitutionnelle, en particulier en consolidant la séparation des pouvoirs et en renforçant le rôle du parlement;
8.5. consulter les organisations de la société civile et les associer aux processus législatif et décisionnel;
8.6. garantir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et publique;
8.7. consolider la démocratie locale et régionale;
8.8. abolir la peine de mort inscrite dans le Code pénal, en allant au-delà du moratoire de fait sur les exécutions instauré depuis 1993;
8.9. lutter contre la corruption;
8.10. mettre en œuvre la réforme de la justice afin de garantir l’indépendance et l’impartialité des juges;
8.11. adhérer aux instruments internationaux pertinents en matière de droits de l’homme et garantir leur application effective; notamment coopérer pleinement avec les mécanismes spéciaux des Nations Unies et mettre en œuvre les recommandations découlant de l’Examen périodique universel des Nations Unies;
8.12. améliorer la formation des juges, du personnel pénitentiaire et des forces de l’ordre concernant le respect des standards internationaux en matière de droits de l’homme;
8.13. prévenir la torture et les traitements inhumains ou dégradants à l’encontre des personnes privées de liberté; lutter contre l’impunité des auteurs d’actes de torture et de sévices;
8.14. améliorer les conditions de détention, conformément aux normes et standards des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires;
8.15. appliquer pleinement les recommandations de l’Instance équité et réconciliation;
8.16. combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination;
8.17. garantir le plein respect de la liberté de conscience, de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion;
8.18. garantir et promouvoir la liberté d’expression ainsi que l’indépendance et la pluralité des médias; supprimer la censure; établir un nouveau Code de la presse garantissant effectivement la liberté de la presse;
8.19. garantir et promouvoir la liberté d’association et de réunion pacifique; garantir la stricte application de la loi sur les associations;
8.20. lutter contre toutes les formes de discrimination (en droit et en fait) fondée sur le genre; assurer l’égalité effective entre les femmes et les hommes, y compris en matière de mariages interreligieux et de droit successoral, si nécessaire en lançant un processus de révision de la législation; combattre toutes les formes de violence fondée sur le genre; promouvoir activement l’égalité des chances pour les femmes et les hommes;
8.21. s’assurer que le Code de la famille est pleinement appliqué tout en lançant un débat public et politique en vue de réviser ses dispositions qui ne sont pas conformes avec les normes internationales en matière de droits de l’homme, y compris sur la question de la polygamie.
9. L’Assemblée attend du Maroc qu’il adhère le moment venu aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe, en particulier ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie, conformément à l’engagement prévu dans la lettre conjointe des présidents des deux Chambres du parlement datée du 22 février 2010.
10. L’Assemblée encourage le Conseil de l’Europe et le Maroc à intégrer ces priorités dans leurs discussions en cours sur un programme bilatéral de coopération. Le fait que le Maroc est membre de plusieurs accords partiels du Conseil de l’Europe, tels que la Commission de Venise, le Centre Nord-Sud et le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou), constitue à cet égard une plus-value incontestable.
11. En outre, l’Assemblée attend du Maroc qu’il continue à rechercher des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, elle appelle tout particulièrement le Parlement du Maroc à contribuer davantage au règlement de la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies.
12. Observant que le Parlement du Maroc a réaffirmé sa détermination à assurer le plein respect des engagements politiques énoncés à l’article 60.2 du Règlement, et contractés par les présidents de ses deux Chambres, comme l’atteste leur lettre conjointe du 22 février 2010, l’Assemblée décide:
12.1. d’accorder le statut de Partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc à compter de l’adoption de la présente résolution;
12.2. d’inviter le Parlement du Maroc à désigner une délégation Partenaire pour la démocratie constituée de six membres titulaires et de six membres suppléants, selon les modalités définies à l’article 60.4 du Règlement de l’Assemblée.
13. L’Assemblée estime que l’avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer le critère d’évaluation de son efficacité.
14. Elle décide, en conséquence, de faire, au plus tard deux ans après l’adoption de la présente résolution, le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques contractés par le Parlement du Maroc et des réformes dans les domaines mentionnés au paragraphe 8 ci‑dessus.
15. L’Assemblée souligne l’importance d’élections libres et équitables en tant que pierre angulaire d’une démocratie véritable. Elle espère, par conséquent, être invitée à observer les élections législatives au Maroc à partir des élections anticipées prévues en 2011.
16. L’Assemblée est convaincue que l’octroi du statut de Partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc contribuera à renforcer la coopération entre ce pays et le Conseil de l’Europe et à promouvoir l’adhésion du Maroc aux conventions du Conseil de l’Europe. Elle encourage, par conséquent, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, en coordination, le cas échéant, avec l’Union européenne, à mobiliser l’expertise de l’Organisation, dont celle de la Commission de Venise, en vue de contribuer à la pleine application des réformes démocratiques au Maroc, notamment dans le cadre de la réforme imminente de sa Constitution.