Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1837 (2011) Version finale
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie
1. L’Assemblée parlementaire se félicite
de l’amnistie générale adoptée par l’Assemblée nationale arménienne
le 26 mai 2011 sur proposition du Président arménien. Elle note
avec satisfaction que toutes les personnes encore en détention à
la suite des événements des 1er et 2 mars 2008 ont été remises en
liberté.
2. L’Assemblée prend acte du rapport de la Commission d’enquête
parlementaire ad hoc de l’Assemblée nationale; elle considère que,
malgré un certain nombre d’insuffisances, ses recommandations pourraient former
une base de travail adéquate pour rechercher les causes sous-jacentes
des événements de mars 2008 et prévenir la récurrence de pareilles
situations à l’avenir.
3. Rappelant le sentiment d’inquiétude que lui inspire l’absence
de résultats dans l’enquête menée sur les 10 décès survenus lors
des événements de mars 2008, l’Assemblée se félicite que le Président
arménien ait relancé l’enquête ces derniers mois. L’Assemblée considère
à ce sujet:
3.1. que les investigations
doivent aussi se concentrer sur la responsabilité de la chaîne de commandement
et sur le contexte dans lequel ont eu lieu ces 10 décès, pour éviter
que de semblables situations ne se reproduisent à l’avenir;
3.2. que, s’il se révèle impossible d’établir des responsabilités
individuelles dans ces 10 décès, les raisons devront en être pleinement
énoncées dans le rapport d’enquête;
3.3. que, pour être crédible, l’enquête doit absolument être
transparente; le rapport présentant ses résultats et conclusions
doit donc pouvoir être examiné en détail par le public, même s’il
est finalement impossible d’identifier des responsabilités individuelles
dans ces 10 décès;
3.4. que ce rapport doit être publié dans un délai convenable
pour clore cet épisode douloureux de l’histoire récente de l’Arménie;
il faudrait donc que les autorités le publient avant la fin de l’année
2011, ou alors qu’elles envisagent la publication d’un rapport intermédiaire.
4. L’Assemblée est très satisfaite de la réaction constructive
de l’opposition à l’amnistie, en particulier celle du Congrès national
arménien, ainsi que de la reprise de l’enquête sur les dix décès
survenus pendant les événements de mars 2008. Elle félicite la coalition
gouvernementale et le parti extraparlementaire du Congrès national
arménien de leur accord sur l’instauration d’un dialogue formel
à durée non limitée sur la normalisation de la situation politique
en Arménie. L’Assemblée espère en outre qu’un autre dialogue sera
mené en parallèle à celui-ci entre la coalition au pouvoir et l’opposition
parlementaire dans le cadre du fonctionnement de l’Assemblée nationale
elle-même.
5. Soulignant l’importance du dialogue entre la majorité gouvernementale
et l’opposition – dialogue auquel elle n’a cessé d’appeler –, l’Assemblée
exhorte toutes les parties à s’y associer de bonne foi et dans un
esprit constructif, sans limiter les discussions à un petit nombre
de sujets susceptibles d’entretenir la discorde. A ses yeux, le
dialogue doit avoir pour objectifs la poursuite de la normalisation
du climat politique, le bon déroulement des élections législatives
prochaines, et l’émergence d’un contexte politique dans lequel les élections
puissent être véritablement démocratiques et pleinement crédibles
aux yeux du peuple arménien.
6. Les prochaines élections législatives marqueront un moment
décisif dans le développement démocratique du pays. Si elles sont
démocratiques, et qu’en sort un parlement reflétant l’ensemble des
forces politiques de la société arménienne, elles cimenteront la
normalisation de la situation politique et inspireront confiance
à la population arménienne dans les institutions politiques de l’Arménie.
A cet égard, l’Assemblée:
6.1. se
félicite que le nouveau Code électoral, élaboré en étroite liaison
avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), ait été adopté le 26 mai 2011, bien avant la tenue des
élections;
6.2. considère que le nouveau Code électoral est une base solide
pour organiser des élections démocratiques, pour autant qu’il soit
mis en œuvre de bonne foi, mais appelle les autorités à prendre
en compte toutes les recommandations émises par la Commission de
Venise dans son avis sur le texte effectivement adopté, et à remédier
aux insuffisances relevées;
6.3. souligne que le nouveau Code électoral doit être pleinement
mis en œuvre, dans sa lettre comme dans son esprit, pour que les
élections soient démocratiques;
6.4. souligne que des élections authentiquement démocratiques
doivent avoir la pleine confiance de la population et de toutes
les parties prenantes dans le processus électoral et l’administration
du scrutin; l’Assemblée appelle donc toutes les forces politiques
à contribuer activement à rendre le processus électoral démocratique,
et à s’abstenir de toute action ou déclaration pouvant éroder la
confiance de la population dans le processus lui-même et dans son
résultat;
6.5. considère que, en plus des observateurs nationaux, il
serait important de faire appel à des observateurs internationaux
des élections pour renforcer la confiance de la population dans
le processus électoral; elle appelle donc la communauté internationale
à préparer une ample opération d’observation des élections et invite
son propre Bureau à y contribuer avec une délégation nombreuse de
l’Assemblée.
7. L’Assemblée s’inquiète du mode de fonctionnement et du manque
d’indépendance de la justice arménienne, qui empêchent cette dernière
de jouer son rôle d’arbitre impartial. Elle s’inquiète également
de la persistance d’informations et d’allégations faisant état d’une
corruption endémique dans l’appareil judiciaire arménien. Dans ce
contexte, elle se félicite de l’importance et de la priorité accordées
par les autorités à la réforme de la justice, notamment dans le
but de garantir son indépendance. Elle considère que cette réforme doit
aller au-delà des amendements législatifs et doit s’accompagner
d’une vaste politique de mise en œuvre visant à transformer les
mentalités et les pratiques actuelles.
8. Ayant connaissance d’allégations persistantes de corruption
dans le pays, qui entravent le développement démocratique de l’Arménie,
l’Assemblée appelle les autorités arméniennes à intensifier leurs efforts
actuels de lutte contre la corruption et à mettre en œuvre sans
retard les recommandations contenues dans le dernier rapport d’évaluation
du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO).
9. Aux yeux de l’Assemblée, les événements de mars 2008 ont clairement
révélé la nécessité d’une vaste réforme des forces de l’ordre arméniennes.
A cet égard, l’Assemblée:
9.1. se
félicite des efforts déployés par les autorités arméniennes, et
de leur volonté politique, pour réformer totalement les forces de
l’ordre et les mettre en conformité avec les normes européennes;
à la lumière des événements de mars 2008, l’Assemblée recommande
que la réforme englobe un réexamen scrupuleux des tactiques d’encadrement
des foules et des pouvoirs de la police;
9.2. demande une fois encore que la police soit réellement
placée sous surveillance et contrôle civils, et invite les autorités
arméniennes envisager de créer un ministère auquel seraient rattachées
les forces de police et de sécurité;
9.3. préoccupée par des informations faisant état de brutalités
et de bavures policières, appelle les autorités à intensifier leurs
efforts pour éliminer la pratique des mauvais traitements et autres
abus par les forces de police;
9.4. considère qu’il est essentiel de créer un mécanisme indépendant
de dépôt et d’instruction des plaintes contre la police; elle rend
hommage aux autorités pour s’être montrées disposées à le faire
et les invite à réunir sans délai toutes les conditions requises.
10. L’Assemblée estime que le développement démocratique de l’Arménie
doit absolument s’appuyer sur des médias authentiquement pluralistes.
Elle se félicite de la révision de la loi sur la télévision et la radiodiffusion,
en progrès sur le régime antérieur, mais appelle une fois encore
les autorités arméniennes à favoriser concrètement le pluralisme
des médias. A cet égard, l’Assemblée:
10.1. prend acte du résultat de l’appel d’offres auquel avait
donné lieu en 2010 l’attribution des licences de diffusion en Arménie,
ainsi que de la décision prise ultérieurement par le Comité des
Ministres de clore l’examen de l’exécution de l’arrêt de la Cour
européenne des droits de l’homme dans l’affaire Meltex et Mesrop Movsesyan c. Arménie au
motif qu’il avait été procédé à une adjudication transparente;
10.2. observe que cette adjudication n’a pas amélioré le pluralisme
des médias, et que ce résultat n’est donc pas conforme aux exigences
de l’Assemblée en la matière;
10.3. appelle une fois encore les autorités arméniennes à modifier
la loi sur la télévision et la radiodiffusion de sorte que la composition
de la Commission nationale de la télévision et de la radiodiffusion
(CNTR) et le Conseil de la télévision et de la radio publiques arméniennes
reflètent et représentent véritablement la société arménienne;
10.4. appelle également les autorités à imposer à la CNTR, dans
cette loi, d’attribuer les licences dans le but d’accroître le pluralisme
et la diversité des médias en Arménie, d’une façon adaptée à cette nécessité;
10.5. estime qu’il serait important de réduire considérablement
les obstacles à l’accès des groupes intéressés au marché des médias,
de façon à en améliorer le pluralisme; eu égard à la multiplication
du nombre de licences, rendue possible par la technologie numérique,
l’Assemblée estime que les autorités devraient lancer une nouvelle
procédure d’adjudication, lorsque cela sera possible, dans le but
explicite d’accroître le pluralisme et la diversité des médias en
Arménie.
11. L’Assemblée considère que le résultat de la dernière amnistie
générale, la reprise de l’enquête sur les 10 décès survenus à l’occasion
des événements de mars 2008 et le lancement consécutif d’un dialogue constructif
entre l’opposition et la coalition au pouvoir signifient qu’il devient
possible de tourner définitivement la page sur les événements de
mars 2008 pour l’Assemblée, même si elle poursuit sans relâche le
suivi des obligations de l’Arménie en matière de droits de l’homme
et de démocratie, y compris en ce qui concerne l’enquête sur les
10 victimes. Elle rend hommage à la volonté politique dont font
preuve les autorités, mais aussi toutes les forces politiques, pour
régler le problème conformément aux normes et aux recommandations du
Conseil de l’Europe.
12. Aux yeux de l’Assemblée, les événements de 2008 et leurs répercussions
ont clairement dégagé les priorités du développement démocratique
du pays: l’organisation d’élections législatives authentiquement démocratiques,
l’émergence d’un environnement politique solide, démocratique et
pluraliste, jouissant de la pleine confiance du peuple arménien,
la mise en place d’un paysage médiatique ouvert et pluraliste, la
réforme de la police, et la réforme de la justice pour garantir
son indépendance juridique et pratique.
13. L’Assemblée se félicite de la coopération étroite et constructive
qui s’est instaurée entre elle et les autorités arméniennes. C’est
à son avis un bon exemple de collaboration dans le cadre de sa procédure
de suivi.
14. L’Assemblée suivra attentivement les priorités évoquées dans
la présente résolution, tout en veillant à ce qu’elles ne restreignent
pas l’importance des autres obligations et engagements contractés
par l’Arménie devant le Conseil de l’Europe.