1. Introduction
1. Depuis 1963, la Syrie, un pays d’importance géostratégique
majeure au Moyen-Orient, est dirigée par un régime autocratique
s’appuyant sur la communauté Alaouite, le parti Baas, et, depuis
1970, la famille Assad. L’état d’urgence et la loi martiale sont
en vigueur depuis près de cinquante ans. Ironiquement, une loi a
été adoptée en avril 2011 aux fins de lever l’état d’urgence, mais
elle n’a eu aucun effet dans la pratique. La répression et la corruption
sont largement répandues dans le pays.
2. En mars 2011, le Printemps arabe a touché la Syrie, les premières
manifestations contre le régime Assad ayant éclaté dans la ville
de Deraa, dans le sud du pays. Les autorités ont violemment réprimé
ces protestations, causant les premières victimes. Depuis lors,
les manifestations se sont répandues à l’ensemble du pays et se
sont accompagnées de violences de plus en plus fréquentes: à ce
jour, plus de 11 000 personnes ont été tuées. Selon les estimations
du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
près de 55 000
personnes ont fui le pays
pour se rendre dans des pays voisins comme la Turquie, le Liban,
la Jordanie et l’Irak, faisant peser une pression croissante sur
les gouvernements et les communautés d’accueil. 230 000 autres ont
été déplacées dans leur propre pays. Le gouvernement continue d’affirmer
lutter contre des groupes terroristes.
3. La situation humanitaire est dramatique, les accusations de
violations des droits de l’homme concernant l’ensemble des protagonistes
.
Au début du mois de mars 2012, les autorités syriennes ont refusé
durant plusieurs jours la visite de Valérie Amos, chef des Affaires
humanitaires des Nations Unies, dans le pays et l’accès du Comité
international de la Croix-Rouge au quartier de Baba Amr de la ville
d’Homs, dévasté par une catastrophe humanitaire.
2. La société syrienne et la position des
minorités à la suite de la révolte
4. La Syrie abrite un éventail large et diversifié de
minorités ethniques et religieuses. La population syrienne – estimée
à près de 23 millions d’habitants – est composée de 90 % d’Arabes,
9 % de Kurdes et 1 % d’Arméniens, Assyriens et autres. Du point
de vue religieux, près de 74 % de la population est de confession sunnite;
16 % des Syriens sont musulmans autres que sunnites, dont des alaouites
(12 %) et des druzes (3 %), et près de 10 % sont chrétiens.
5. La politique du régime syrien vis-à-vis des minorités a été
marquée par les caractéristiques suivantes: d’un côté, elle a accordé
à la communauté chrétienne les garanties d’une cohabitation pacifique,
voire même une représentation au sein des structures gouvernementales;
de l’autre, elle a durement réprimé les minorités, par exemple les
Kurdes, qui, en revendiquant leur autonomie, mettaient en danger
l’équilibre du pouvoir. La majorité sunnite a été considérablement
marginalisée tandis que la minorité alaouite détenait le contrôle politique
et militaire.
6. Malgré les hésitations initiales, les Kurdes se sont assez
rapidement prononcés contre le gouvernement, bien que les positions
adoptées par les différents partis kurdes varient. Les groupes d’opposition
kurdes n’ont pas rejoint le Conseil national syrien (CNS), celui-ci
étant dominé par les musulmans sunnites, tels que les Frères musulmans.
Quinze partis kurdes ont formé, en octobre 2011, le Conseil national
kurde (CNK) syrien en tant que groupe d’opposition distinct, tandis
que d’autres partis kurdes n’ont pas fait ce choix. Plusieurs tentatives
visant à réunir au sein d’un même groupe d’opposition le CNS et
le CNK ont échoué en raison précisément des positions diverses quant
au degré d’autonomie des Kurdes dans une future Syrie post-Assad. Pourtant,
en apparence, la fusion des deux conseils pourrait changer le cours
des événements.
7. De leur côté, les chrétiens et les druzes, craignant une détérioration
de leur situation si la majorité sunnite parvenait au pouvoir (ainsi
que les Frères musulmans syriens), ont hésité à prendre parti. Les
deux communautés sont divisées. Etant sous-représentés au sein du
CNS, beaucoup de Chrétiens craignent de perdre, dans une Syrie post-Assad,
les garanties de tolérance religieuse dont ils bénéficiaient jusqu’à
présent. Il est également vrai que la communauté chrétienne a d’ores
et déjà été victime d’actes de violence religieuse commis par certains
islamistes extrémistes pour n’avoir pas adhéré à la révolte, notamment
à Homs et Kusayr. Alors que des responsables religieux druzes se
sont rangés aux côtés du régime, certains militants druzes ont rejoint
le CNS.
8. Les alaouites, considérés par les autres groupes comme partisans
du régime (ce qui est indubitablement vrai pour certains d’entre
eux), seront en situation de vulnérabilité au moment où le régime basculera.
3. L’opposition syrienne
9. L’opposition au régime du Président Bachar al-Assad
manque d’homogénéité et s’avère même plutôt divisée. Le CNS est
le principal groupe d’opposition en exil et a été reconnu par les
Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux Etats arabes en tant
que représentant légitime du peuple syrien.
10. Fondés en 1946, les Frères musulmans syriens ont jusqu’en
1961 participé aux élections. Le parti Baas a pris le pouvoir en
1963 tandis que les Frères musulmans syriens ont été interdits en
1964. Après que Bachar al-Assad succède à son père en 2000 et décide
de remettre en liberté des membres des Frères musulmans syriens,
certains de leurs dirigeants sont autorisés à rentrer en Syrie,
le groupe d’opposition se montrant après cela moins critique à l’égard
du régime. Surpris par le Printemps arabe, ils se rangent rapidement
aux côtés des protestataires auxquels ils apportent leur soutien.
En octobre 2011, les Frères musulmans syriens rejoignent le CNS.
11. L’Armée syrienne libre a été formée en août 2011 par un groupe
de déserteurs. Elle est installée en Turquie et dirigée par Riyad
al-Asaad, un ancien colonel de l’armée de l’air. En mars 2012, cinq
membres éminents du CNS ont démissionné pour former le Groupe patriotique
syrien. Ils se plaignaient du contrôle excessif exercé par les Frères
musulmans sur le CNS. Le Comité national de coordination des forces
de changement démocratique est un bloc d’opposition syrien présidé
par Hassan Abdel Azim et rassemblant 13 partis politiques pour l’essentiel
de gauche, ainsi que des militants politiques indépendants, dont
trois partis politiques kurdes, et de jeunes activistes. Il est
principalement basé en Syrie et opère à la fois dans le pays et à
l’étranger.
12. Dans le cadre d’efforts de coordination, les factions de l’opposition
et les militants ont été invités par la présidence de la Ligue arabe
à participer à une réunion à Istanbul, à la veille de la deuxième
conférence du groupe des Amis du peuple syrien. Le CNS et le Groupe
patriotique syrien ont accepté l’invitation contrairement à l’Armée
syrienne libre et au Comité national de coordination des forces
de changement démocratique en Syrie. Comme évoqué précédemment,
des tentatives similaires visant à réunir le CNS et le CNK ont également
échoué.
13. De nombreux groupes armés semblent échapper à toute structure
de commandement organisée ou manquer de coordination avec le CNS
ou l’Armée syrienne libre.
14. L’éventualité d’une intervention militaire extérieure étant
selon moi exclue, il appartient à l’opposition nationale elle-même
de se renforcer et de s’unir afin d’être considérée comme le représentant
légitime de la grande majorité de la société dans un processus politique
dirigé par les Syriens.
4. Les réactions internationales
4.1. Les Nations Unies
15. La Russie et la Chine ont, en octobre 2011 et en
mars 2012, posé leur veto aux projets de résolution du Conseil de
sécurité des Nations Unies condamnant la violence en Syrie. Le premier
menaçait le régime syrien de sanctions s’il ne mettait pas un terme
à la répression de l’armée contre des civils, alors que le second appelait
M. Assad à mettre fin aux actions militaires, afin de «faciliter
une transition politique» et à tenir des élections libres sous la
supervision de la Ligue arabe. La Russie – et d’autres – a estimé
qu’il convenait d’adresser une résolution aussi bien au régime en
place qu’aux opposants. Par ailleurs, elle a déclaré que la résolution
des Nations Unies autorisant l’usage de la force pour protéger les
civils en Libye avait été détournée par l’Organisation du Traité
de l’Atlantique Nord (OTAN) et exprimé ses préoccupations quant
à une nouvelle résolution susceptible de servir de prétexte à une
intervention armée en Syrie.
16. Le 17 février 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies
a voté (par 137 voix pour, 12 voix contre et 17 abstentions) une
résolution condamnant les violations des droits de l’homme en Syrie
et appelant à un arrêt des violences.
17. De septembre à novembre 2011, une commission d’enquête indépendante
sur la Syrie, instaurée par le Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies, a enquêté sur les allégations de violations des droits
de l’homme. Un premier rapport présenté en novembre 2011 a conclu
que «ces violations flagrantes des droits de l’homme ont été commises
par l’armée et les forces de sécurité syriennes depuis le début
des manifestations en mars 2011».
18. Sur la base de ces conclusions, Mme Navy
Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme,
a appelé à des mesures urgentes pour protéger les civils en Syrie
et déclaré que le Président al-Assad devait être déféré devant la
Cour pénale internationale.
19. M. Paulo Sergio Pinheiro, président de la Commission indépendante,
a présenté fin février 2012 un second rapport indiquant que les
forces gouvernementales syriennes «ont commis de graves et systématiques violations
des droits de l'homme, qui s'apparentent à des crimes contre l'humanité»,
notamment l’usage de la force contre des civils, des exécutions
arbitraires, des assassinats et persécutions de protestataires,
des disparitions forcées, des actes de torture et de violence sexuelle,
y compris contre des enfants
.
20. Une déclaration présidentielle adoptée par le Conseil de sécurité
le 21 mars est parvenue aux mêmes conclusions
.
21. En mars 2012, le HCR a publié le Plan d’action régional pour
les réfugiés syriens et lancé un appel de fonds d'un montant de
84 millions de dollars pour répondre aux besoins de protection et
d’assistance des réfugiés syriens ayant fui en Jordanie, au Liban,
en Turquie et en Irak. Ce plan a pour objectif d’apporter une réponse
cohérente aux besoins humanitaires nés de la crise en Syrie.
4.2. La Ligue des Etats arabes
22. En novembre 2011, la Ligue des Etats arabes a suspendu
la Syrie et imposé des sanctions économiques et politiques au pays
en raison de la poursuite des violences.
23. Une équipe d’observateurs s’est rendue dans le pays fin décembre
2011 et a annoncé un accord avec le Gouvernement syrien selon lequel
ce dernier acceptait de retirer les chars des villes, de libérer
les prisonniers politiques et d’engager le dialogue avec l’opposition.
Ces promesses, tout comme les précédentes, n’ont pas été tenues
par le régime.
24. En janvier 2012, la ligue a publié un plan imposant au Président
Assad de mettre un terme à la violence et de confier le pouvoir
à son vice-président ainsi que la formation d’un gouvernement d’union
nationale avec l’opposition dans un délai de deux mois. Ce plan
a été rejeté par les autorités syriennes.
25. Une proposition, visant à l’instauration d’une mission de
paix conjointe Ligue arabe–Nations Unies, a essuyé un refus catégorique
de la Syrie en février.
26. Dans ce contexte de refus répétés du régime syrien de répondre
aux appels lancés par la communauté internationale pour mettre un
terme à la violence et alors même que celle-ci connaissait une escalade,
les Nations Unies et la Ligue arabe ont décidé d’unir leurs efforts
et ont, le 23 février 2012, nommé l’ancien Secrétaire général des
Nations Unies, Kofi Annan, envoyé spécial conjoint pour la crise
syrienne et lui ont confié pour mandat de mettre fin à la violence
et aux violations des droits de l’homme et de promouvoir une solution
politique pacifique. Il a été demandé à M. Annan de travailler avec
les interlocuteurs concernés à la fois en Syrie et en dehors du
pays en vue de faire cesser la violence et de résoudre la crise
humanitaire, et de faciliter, «par des moyens pacifiques, un règlement
politique inclusif par les Syriens eux-mêmes, qui réponde aux aspirations
démocratiques du peuple syrien par le biais d'un dialogue politique
global entre le Gouvernement syrien et une large représentation
de l'opposition syrienne».
4.3. Le plan de paix de Kofi Annan
27. Deux semaines et demie après sa nomination, l’envoyé
spécial des Nations Unies et de la Ligue des Etats arabes a proposé
le plan de paix en six points:
- mettre
en place un processus politique, dirigé par les Syriens, de façon
à répondre aux aspirations et préoccupations légitimes de la population;
- cesser les combats et assurer, sous la supervision des
Nations Unies, un arrêt de toutes les formes de violence armée par
toutes les parties afin de protéger les civils;
- à toutes les parties, de faire en sorte que l’aide humanitaire
parvienne dans toutes les zones touchées par les combats et, à cet
effet, observer une pause humanitaire quotidienne de deux heures;
- aux autorités, d’accélérer et de multiplier les mesures
de libération des personnes arbitrairement détenues;
- aux autorités, d’assurer la liberté de circulation des
journalistes dans tout le pays;
- aux autorités, de respecter la liberté d’association et
le droit de manifester pacifiquement.
28. Ce plan a bénéficié du soutien de la communauté internationale
en général mais également de la Fédération de Russie et de la Chine,
ce qui constitue l’un de ses principaux mérites. En mars 2012, M. Annan s’est
rendu en Syrie afin de s’entretenir avec M. Assad. Rendant compte
de sa visite au Conseil de sécurité, il a annoncé, le 27 mars, l’acceptation
de ce plan par le régime syrien. Pour plus d’informations sur l’état
de mise en œuvre de ce plan, voir ci-après.
4.4. L’Union européenne
29. Le 23 mars 2012, le Conseil de l’Union européenne
a fermement condamné «les attaques brutales et les violations systématiques
des droits de l’homme par le régime syrien» et adopté des mesures
de restriction à l’encontre des personnes et des entités impliquées
dans la répression ou soutenant ou profitant du régime. Les personnes
visées sont frappées d’une interdiction d’entrée dans l’Union européenne
et d’un gel de leurs avoirs dans l’Union, ce gel frappant également
les avoirs des entités visées. Ces mesures ont été durcies en février
et à nouveau en mars et en avril, 126 personnes et 41 entités au
total faisant maintenant l'objet de sanctions. Conséquence directe:
les livraisons de pétrole à la Syrie ont été interrompues début
avril.
30. Le 17 avril 2012, le Parlement européen a tenu un débat sur
la situation en Syrie à la suite d’une déclaration de Mme Catherine
Ashton, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères.
Le 23 avril 2012, de nouvelles sanctions ont été adoptées par le
Conseil de l’Union européenne.
4.5. Le groupe des Amis du peuple syrien
31. Lorsque la Russie et la Chine ont mis leur veto à
la seconde résolution du Conseil de sécurité sur la Syrie, un groupe
des Amis du peuple syrien a été créé. Une première conférence s’est
tenue à Tunis le 24 février 2012, avec la participation de plus
de 60 ministres des Affaires étrangères et des représentants d’organisations
internationales telles que les Nations Unies, la Ligue des Etats
arabes, l’Union européenne, l’Organisation de coopération islamique,
l’Union du Maghreb arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l’Union
africaine, aux fins de discuter d’un éventuel plan d’action coordonné
pour régler la crise en Syrie. La conférence a condamné la répression
en Syrie; soutenu la proposition de la Ligue des Etats arabes pour
une résolution pacifique du conflit ; et appuyé le Conseil national
syrien en tant que «représentant légitime des Syriens qui cherchent
un changement démocratique pacifique».
32. Une deuxième conférence, à laquelle ont participé plus de
80 pays, s’est déroulée à Istanbul le 1er avril. Elle
a appelé Kofi Annan à définir un calendrier pour la mise en œuvre
de son plan de paix, y compris un retour devant le Conseil de sécurité
des Nations Unies si les massacres se poursuivaient, et prévenu
M. Assad qu’il n’avait que peu de temps pour se conformer au plan
de paix. Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, a précisé
qu’«il n'y a pas de temps pour les excuses et les retards». Les
Amis du peuple syrien ont également annoncé qu’ils souhaitaient
la création d’un groupe de travail sur les sanctions à adopter contre
le régime. Selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain
Juppé, «l’objectif est de coordonner les sanctions américaines,
les sanctions européennes, les sanctions de la Ligue arabe et de
convaincre l’ensemble des Amis du peuple syrien, ici rassemblés,
d’appliquer également ces sanctions qu’il conviendra de durcir».
La conférence a invité instamment l’opposition syrienne à s’unir
derrière le CNS.
33. Dans leurs conclusions, les Amis du peuple syrien n’ont jamais
fait référence à l’armement de l’opposition. Cependant, le président
du CNS a annoncé que le conseil paierait les salaires de l’Armée
syrienne libre. On prétend que certains pays arabes du Golfe versent
des millions de dollars pour ce programme.
34. A la suite des réunions du groupe des Amis du peuple syrien
à Tunis et à Istanbul, le Groupe de travail international sur les
sanctions a tenu sa première réunion à Paris, le 17 avril, en vue
d’exercer davantage de pression sur le régime syrien. Les 14 ministres
des Affaires étrangères présents à la réunion ont estimé que la mission
de M. Annan traverse «une phase critique du fait du refus de Damas
d'appliquer ses engagements». Ils ont insisté sur la nécessité de
maintenir la pression sur le régime en mettant en œuvre les sanctions convenues.
Celles-ci ne s’appliquent pas au peuple syrien mais aux individus
et institutions responsables de la répression. La Russie, qui n’a
pas pris part à la réunion, a critiqué cette dernière la qualifiant
d’unilatérale.
4.6. Le Conseil de l’Europe
35. Le 4 octobre 2011, l’Assemblée a adopté la
Résolution 1831 (2011) sur
la coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes
dans le monde arabe
. Selon les termes
de cette résolution:
«L’Assemblée
est particulièrement préoccupée par la situation en Syrie, où les
autorités ont lancé une répression brutale contre la population,
qui a fait des milliers de morts. Elle condamne sans équivoque le
recours à la violence contre les populations et demande instamment
d’y renoncer immédiatement. Elle invite les autorités des Etats
membres du Conseil de l’Europe à prendre des sanctions fermes et effectives
à l’encontre des personnes qui ont contribué ou contribuent aux
violences à l’encontre des populations. Il ne peut y avoir aucune
impunité pour les crimes contre l’humanité, quels qu’en soient leurs
auteurs. L’Assemblée invite donc la communauté internationale, y
compris, le cas échéant, la Cour pénale internationale, à s’assurer
que tous ces crimes sont instruits et sanctionnés.»
36. Le 24 novembre 2011, le Bureau de l’Assemblée a condamné les
violences en Syrie et exprimé son soutien au plan de la Ligue arabe.
37. Une semaine plus tard, le président de la commission des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée a déclaré
que la situation en Syrie était devenue intolérable et a appelé
à des sanctions contre le régime syrien.
38. Le 15 février 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a fait une déclaration appelant la communauté internationale à s’entendre
sur une réponse commune qui contribue concrètement à mettre un terme
à la violence et à protéger les droits de l’homme, et qui facilite
la recherche d’une solution politique pacifique à la crise. Le 23
février, les Délégués des ministres ont adopté une décision de soutien
à la déclaration.
39. Le 23 février 2012, Jean-Claude Mignon, Président de l’Assemblée
parlementaire, s’est dit bouleversé après l’annonce de la mort de
Rémi Ochlik, un photoreporter français, et de Marie Colvin, une
journaliste américaine travaillant pour le Sunday
Times, tués par des bombardements dans la ville de Homs.
40. Le 29 février 2012, le Président Mignon a plaidé en faveur
d'un «partenariat fort» entre le Conseil de l’Europe et les organes
des Nations Unies dans la gestion des crises, comme celle en Syrie,
lors d’un entretien à New York avec le Secrétaire général des Nations
Unies Ban Ki-moon. Il a également proposé un élargissement de la
coopération entre les deux organisations, notamment avec une meilleure
coordination des positions sur les crises internationales telles
que celle de la Syrie, et des consultations préalablement aux débats
de l’Assemblée consacrés à ces sujets.
41. Le 9 mars 2012, l’Assemblée, réunie à Paris au niveau de sa
Commission permanente, a adopté sur ma proposition une déclaration
sur la situation en Syrie, exprimant sa consternation devant la
détérioration de la situation en Syrie et notant qu'un gouvernement
qui bombarde et massacre systématiquement sa propre population ne
peut prétendre à aucune légitimité. L’Assemblée a appelé à la fin
immédiate des tueries et de ces atrocités et insisté sur l’urgence
de satisfaire aux besoins humanitaires de la population, de faciliter
la délivrance effective d'une assistance et de garantir la sécurité
de l'accès à des soins médicaux. L’Assemblée s’est jointe au Secrétaire
général des Nations Unies Ban Ki-moon pour dénoncer le manquement
de la communauté internationale à ses devoirs envers le peuple syrien.
Partageant avec son Président, Jean-Claude Mignon, l’espoir que
«la Russie n'oublie pas les engagements qu'elle a pris envers le
Conseil de l'Europe», l’Assemblée a invité la Russie à ne pas poser
son veto à toute résolution future du Conseil de sécurité des Nations
Unies sur cette question. L’Assemblée s’est également prononcée
en faveur d’épargner aucun effort pour assurer aux citoyens syriens
que, en combattant la dictature d’Assad, «il sera possible pour tous
de vivre ensemble, chrétiens et musulmans, Kurdes et Arabes, sunnites
et alaouites, dans une démocratie paisible et pluraliste».
42. Quelques jours plus tard, le 14 mars 2012, la commission des
questions politiques et de la démocratie, réunie à Paris, a tenu
un échange de vues avec la participation de l’ambassadeur Nassif
Hitti, directeur de la Mission de la Ligue des Etats arabes à Paris.
A l’issue de cet échange, la commission a décidé de demander la
tenue d’un débat selon la procédure d’urgence sur la situation en
Syrie, durant la partie de session d’avril 2012 de l’Assemblée,
et m’a nommé rapporteur (sous réserve d’une décision de l’Assemblée
de tenir un débat d’urgence). La commission a également décidé d’organiser
une audition sur la situation en Syrie durant la partie de session
d’avril 2012.
43. Le 9 avril 2012, le Secrétaire Général a publié la déclaration
suivante: «L’attaque perpétrée par les forces syriennes contre un
camp de réfugiés sur le territoire turc constitue une violation
flagrante du droit international. Il est extrêmement inquiétant
que le régime syrien durcisse le conflit au moment où la communauté
internationale redouble d’efforts pour négocier une solution politique
pacifique. Le Président al-Assad doit collaborer avec l’émissaire
spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en
vue de l’application immédiate, intégrale et inconditionnelle du
plan de paix.»
44. Le 10 avril 2012, à la suite des violences qui ont éclaté
la veille, faisant plus d’une centaine de victimes, et des incidents
à la frontière turque, le Président de l’Assemblée et moi-même,
en ma capacité de président de la commission des questions politiques
et de la démocratie de l’Assemblée, avons publié une déclaration conjointe
sur les derniers développements en Syrie, regrettant qu’un «régime
sans aucun avenir, dépouillé de toute légitimité et de toute crédibilité,
tant au plan national qu’international, retienne toujours le peuple
syrien en otage et fasse obstacle à tout règlement pacifique de
la situation». Nous avons appelé tant la communauté internationale
que l’opposition à l’intérieur du pays à s’unir pour offrir à tous
les Syriens, quelle que soit leur origine ethnique, culturelle et
religieuse, la perspective d’une Syrie vivant en paix, démocratique
et pluraliste.
45. Le 23 avril 2012, notre commission a tenu une audition avec
la participation de M. Mohamed Hatem Drak Sibai, membre du Croissant-rouge
arabe syrien, M. Malaz Alatassi, fondateur et membre du conseil
de direction de la Fondation «Syrian Sunrise», M. Joseph Bahout,
politologue au Centre d’études et de recherches internationales,
de Sciences Po, à Paris, et M. Alain Délétroz, vice-président Europe
de l’International Crisis Group, à Bruxelles. Les témoignages de
nos invités syriens, ainsi que l’analyse fournie par les experts
invités m’ont aidé à mieux comprendre la situation dramatique sur
le terrain et les principaux défis pour le futur.
5. La marche à suivre
5.1. Les progrès dans la mise en œuvre du plan de paix
de Kofi Annan
46. En dépit de l’acceptation du plan de paix de Kofi
Annan par le régime syrien, les assassinats de protestataires par
les forces de sécurité syriennes se sont poursuivis et l’opposition
se montre très sceptique quant aux intentions de M. Assad.
47. Le 30 mars 2012, M. Annan a rappelé que l’expiration du délai
fixé au Gouvernement syrien pour se conformer au plan de paix était
«tout de suite». Le 2 avril, il a informé le Conseil de sécurité
que le Gouvernement syrien a convenu, pour la première fois, d’un
retrait de ses troupes et de ses armes lourdes déployées dans les
villes avant le 10 avril, à charge pour les rebelles de cesser leurs
opérations dans les quarante-huit heures. Le cessez-le-feu devait
entrer en vigueur le 12 avril.
48. Un jour seulement avant l’annonce du retrait des troupes,
le 9 avril, il a été fait état de plus d’une centaines de morts,
dont 30 civils au moins, victimes d’un bombardement de l’armée syrienne
dans la province d’Hama, dans le centre du pays
.
Ce jour-là, l’un des plus sanglants depuis le début du soulèvement,
la violence s’est également propagée en Turquie qui abrite quelques
25 000 réfugiés syriens. Deux personnes au moins ont perdu la vie
et beaucoup ont été blessées – dont des journalistes et des réfugiés
– sous les tirs des forces syriennes par-delà la frontière. Il s’agissait
de la première attaque de ce type depuis l’arrivée en Turquie de
réfugiés fuyant les troubles. Des attaques ont aussi été signalées
sur le territoire libanais où des réfugiés syriens ont également
cherché refuge
.
49. Le 11 avril, le gouvernement n’avait toujours pas retiré ses
troupes et ses armes des zones peuplées et les violences perduraient.
50. Le 12 avril, un fragile cessez-le-feu est entré en vigueur,
des rapports faisant état de violations et de victimes des deux
côtés.
51. Malgré les violents incidents qui continuent d’éclater sur
le terrain, les deux parties s’accusant mutuellement, le Conseil
de sécurité des Nations Unies a pris note, le 14 avril, de l’avis
de l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue arabe,
Kofi Annan, selon lequel il semblerait que, depuis le 12 avril, les
parties syriennes observent un arrêt des violences et le gouvernement
commence à respecter ses engagements.
52. Dans ces circonstances, le Conseil de sécurité des Nations
Unies est parvenu, pour la première fois depuis le début des soulèvements,
à adopter à l’unanimité une résolution autorisant le déploiement
en Syrie d’une équipe avancée comprenant jusqu’à 30 observateurs
militaires non armés pour rendre compte de la mise en œuvre de la
cessation de la violence armée, avant le déploiement d’une véritable
mission de supervision des Nations Unies qui sera chargée de surveiller
le cessez-le-feu.
53. Dans sa
Résolution
2042, le Conseil de sécurité des Nations Unies appelait
l’ensemble des parties à garantir la sécurité de l’équipe avancée
sans préjudice de sa liberté de circulation et d’accès, soulignant
que la responsabilité à cet égard incombe au premier chef aux autorités
syriennes. Les membres du Conseil de sécurité ont condamné les violations
généralisées des droits de l’homme commises par les autorités syriennes et
les autres atteintes aux droits de l’homme commises par les groupes
armés, précisant que les responsables devront rendre des comptes.
Ils ont exprimé leur profond regret concernant la mort de milliers
de personnes.
54. Le conseil a réitéré son appel aux autorités syriennes de
donner immédiatement au personnel des organisations humanitaires
un accès libre et sans entrave à toutes les populations qui ont
besoin d’assistance, conformément au droit international et aux
principes régissant l’assistance humanitaire. Il a également engagé toutes
les parties, en particulier les autorités syriennes, à coopérer
pleinement avec les Nations Unies et les organisations humanitaires
concernées pour faciliter la fourniture de l’aide humanitaire. Le
conseil a demandé au Secrétaire général de lui faire rapport sur
l’application de la
Résolution
2042 avant le 19 avril et fait part de son intention
d’évaluer l’état d’avancement de son application et «d’envisager
de nouvelles mesures, si nécessaire».
55. Les membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur intention
de créer, immédiatement après les consultations entre le Secrétaire
général et le Gouvernement syrien, une mission de supervision des
Nations Unies en Syrie pour contrôler le respect par toutes les
parties de la cessation de la violence armée. Le conseil a appelé
les autorités syriennes à veiller à ce que la mission de supervision
reçoive le soutien requis pour déployer son personnel et les moyens
nécessaires à l’exécution de son mandat, en assurant immédiatement la
liberté de circulation et d’accès total et sans entrave; en lui
permettant de communiquer sans entrave; et en lui garantissant la
liberté de communiquer librement avec des personnes se trouvant
dans toute la Syrie, sans que ceux qui auront des contacts avec
la mission ne fassent l’objet de représailles.
56. La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a été
saluée par l’ensemble des parties au conflit, ainsi que par la communauté
internationale. Bien que plusieurs voix occidentales mettent en
doute la volonté du régime de mettre en œuvre la résolution du Conseil
de sécurité des Nations Unies, de respecter le cessez-le-feu et
de permettre un accès sans entrave aux observateurs des Nations
Unies, il convient de ne pas sous-estimer le fait que pour la première
fois depuis le début du soulèvement, la communauté internationale
s’est exprimée d’une seule voix. Cela devrait au moins avoir pour
conséquence de renforcer l’espoir d’une cessation durable des violences.
57. Cependant, en dépit de l’adoption de la
Résolution 2042 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et de l’arrivée en Syrie mi-avril des premiers
observateurs internationaux chargés de contrôler le respect du cessez-le-feu,
les combats et les bombardements se sont poursuivis. Le 16 avril,
l’Observatoire syrien des droits de l’homme indiquait que, depuis
l’entrée en vigueur du cessez-le-feu soutenu par les Nations Unies,
à l’aube du jeudi 12 avril, 55 personnes au moins, pour la plupart
des civils, avaient été tuées
. D’autres
violations généralisées du cessez-le-feu et une augmentation du
nombre de décès ont été signalées les jours suivants, en particulier
dans les villes de Hama et Khattab, alors que les bombardements
continuaient sur la ville de Homs. Le 23 avril, le nombre de morts
depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu a atteint les 200, y
compris 20 soldats syriens.
58. Le 18 avril, le Secrétaire général des Nations Unies a appelé
au déploiement en Syrie d’une mission de supervision des Nations
Unies, composée de 300 observateurs militaires non armés chargés
de surveiller le respect du cessez-le-feu. Bien que les troupes
syriennes ne se soient pas retirées des villes et en dépit de l’escalade
de la violence depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et des
«informations faisant également état de pilonnage de zones civiles
et d’atteintes perpétrées par les forces gouvernementales», le Secrétaire général
des Nations Unies a déclaré qu’«il semblerait qu’il y ait à l’heure
actuelle des perspectives de progrès, dont nous devons tirer parti».
Il semble en effet «qu’il y ait eu une diminution très nette des
violences» depuis le cessez-le-feu. Mais, pour reprendre les termes
du Secrétaire général des Nations Unies, le Gouvernement syrien
«ne s’est pas encore pleinement acquitté de ses obligations initiales
concernant les actions et le déploiement des troupes, avec leurs
armes lourdes, et le retrait des troupes dans les casernes». M.
Ban Ki-moon a déclaré par ailleurs que les mesures prises pour donner
suite à d’autres aspects du plan en six points demeurent «partielles».
Des manifestants ont essuyé des tirs de fusil, le statut et les
conditions de détention des personnes détenues partout dans le pays
demeurent peu clairs et il continue d’y avoir des informations troublantes
qui font état de mauvais traitements. M. Ban Ki-moon a confirmé
que de violents incidents avaient éclaté lorsque certains des observateurs
des Nations Unies déployés en Syrie se sont rendus à Irbine, un faubourg
de Damas, où la foule qui participait à une manifestation de l’opposition
a contraint leurs véhicules à se diriger vers un poste de contrôle.
59. Le 19 avril, les Nations Unies et le Gouvernement syrien ont
conclu un accord sur les modalités de déploiement d’une Mission
de supervision élargie des Nations Unies en Syrie (MISNUS).
60. Le 21 avril, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé
à l’unanimité le déploiement de la mission élargie composée de 300
observateurs pour une période de quatre-vingt-dix jours. Le vote
a eu lieu alors que les quelques observateurs déjà présents en Syrie
étaient autorisés pour la première fois à pénétrer dans la ville
de Homs. Lors d’un débat sur les conditions du déploiement, les
Etats européens se sont prononcés en faveur de sa mise en œuvre
après seulement que le gouvernement a honoré ses engagements, à
savoir rentrer ses troupes et tanks dans les casernes, tandis que
la Russie appelait simplement à un déploiement rapide. Finalement,
la résolution laisse le soin au Secrétaire général des Nations Unies
de décider du moment et des modalités selon lesquelles le déploiement
doit avoir lieu.
61. Dans l’intervalle, un forum humanitaire sur la Syrie s’est
réuni le 20 avril à Genève afin de mobiliser les ressources nécessaires
au financement d’opérations humanitaires en faveur du million de
personnes qui, d’après les estimations, sont touchées par la crise
en Syrie. Le forum a convenu d’un projet de plan visant à fournir
180 millions de dollars pour l’acheminement de nourriture, de médicaments
et d’autres produits. Cette aide vient s’ajouter à l’assistance
humanitaire dont bénéficient les dizaines de milliers de réfugiés
qui ont fui la Syrie pour se rendre essentiellement en Turquie,
au Liban et en Jordanie.
5.2. Les principaux défis pour l’avenir
62. De toute évidence, dans le court terme, compte tenu
du fait qu’au moins un million et demi de personnes continuent d'avoir
besoin d'une aide humanitaire immédiate en Syrie, les principales
priorités sont la cessation des violences et la fourniture d’une
aide humanitaire, en particulier dans les zones où se sont produits
des combats intenses. A cet égard, comme le soulignait la Secrétaire
générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Valerie
Amos, il est très important que les négociations pour permettre
aux organisations humanitaires en Syrie de distribuer de l'aide
restent séparées des autres efforts pour résoudre la crise. La fourniture
de moyens et services humanitaires d’urgence doit s’opérer d’une
manière qui assure la protection des civils et des travailleurs
humanitaires
.
63. Il convient d’accorder un soutien inconditionnel également
à la mise en œuvre des autres points du plan de paix de Kofi Annan.
Il est important de souligner que ce dernier ne porte pas uniquement
sur une surveillance par les Nations Unies du cessez-le-feu. Il
prévoit également le retrait total des troupes gouvernementales
des zones peuplées, le respect du droit de manifester pacifiquement
et, par-dessus tout, l’engagement d’un processus politique susceptible
de conduire le pays vers des élections libres et démocratiques.
64. Si certains doutent fortement de la probabilité d’une mise
en œuvre pleine et entière du plan de paix de Kofi Annan, la plupart
semble convenir que tant que ce plan constitue l’ultime solution
avant une véritable guerre civile, il convient de lui donner toutes
les chances de réussite. Ainsi, le déploiement sur le terrain d’une importante
mission de supervision des Nations Unies pourrait renforcer les
chances de succès.
65. A cet égard, j’espère que la Russie, ancienne alliée de la
Syrie qui abrite l’unique base militaire russe au Moyen-Orient,
usera désormais de toute son influence pour convaincre le Gouvernement
syrien au pouvoir d’assurer la liberté de circulation et d’accès
total et sans entrave à la mission d’observation dans l’ensemble du
territoire, et de prendre des mesures afin de garantir le respect
des autres points du plan visant à l’engagement d’un processus politique
pacifique et inclusif.
66. Cela étant, il semble de plus en plus évident que l’actuelle
dictature syrienne n’a pas d’avenir. La coalition sociale et politique
sur laquelle elle s’est construite et a exercé son pouvoir durant
des décennies est révolue. Comme le disait l’Assemblée, «un gouvernement
qui bombarde et massacre systématiquement sa propre population ne
peut prétendre à aucune légitimité», aussi bien au plan national
qu’international. L’on ne sait pas encore aujourd’hui le temps qu’il
faudra, mais tant le peuple syrien que la communauté internationale devraient
dès à présent se préparer à une ère post-Assad. La médiation proposée
par Kofi Annan au nom des Nations Unies et de la Ligue arabe ainsi
que les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies
reconnaissent qu’une solution pacifique suppose des négociations
impliquant l’ensemble des forces représentatives de la société syrienne,
dont celles encore aux côtés d’Assad. Mais la présence de ces forces ne
change pas le fait que, comme l’a démontré le soulèvement en Syrie,
le régime au pouvoir s’essouffle. Cet état de fait constitue d’une
part la faiblesse d’Assad, en dépit de sa supériorité militaire,
et d’autre part, la force de l’opposition, en dépit de ses divisions
internes ou d’autres problèmes en suspens.
67. Et c’est précisément cette faiblesse qui fait craindre au
régime que s’il accepte de lâcher du lest et de faire ne serait-ce
que quelques concessions mineures, tout l’édifice fondé sur la corruption
et la répression interne commence à s’écrouler au fur et à mesure
qu’émergent les différences ethniques, religieuses et régionales.
Le régime préfère ainsi jouer de la peur de la population face aux
brutalités des forces de sécurité et du chaos qu’une guerre civile
et un conflit religieux pourraient engendrer.
68. Le principal défi qui nous attend a trait de ce fait à ce
qui se passera après et à la manière de rassurer la population syrienne,
y compris les minorités ethniques et religieuses, pour leur donner
foi en un avenir pacifique dans une Syrie post-Assad. Les priorités
devraient porter sur la mise en place d’une Syrie pluraliste et
démocratique, jouissant de son intégrité territoriale, et où les
minorités culturelles, ethniques et religieuses seraient en mesure
de cohabiter pacifiquement. Les minorités, qu’elles soient ethniques
ou religieuses, ont en effet un rôle décisif à jouer pour l’avenir
de la Syrie.
69. A cet égard, la communauté internationale et l’opposition
nationale endossent une grande responsabilité. Il est indispensable
qu’elles unissent rapidement leurs forces. La communauté internationale devrait
s’unir et rechercher avec détermination des actions efficaces. Il
convient de maintenir la pression sur le régime syrien, notamment
grâce à la mise en œuvre des sanctions convenues. Celles-ci ne s’appliquent
pas au peuple syrien mais aux individus et institutions responsables
de la répression.
70. Mais l’opposition nationale doit également s’unir afin d’être
considérée comme une alternative légitime offrant à tous les citoyens
syriens, quelles que soient leurs origine ethnique, culture et religion,
la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste.
La communauté internationale doit soutenir les initiatives visant
à une unification de l’opposition autour de ces principes, mais
doit également se montrer vigilante à l’égard des forces qui, pour
des intérêts géopolitiques spécifiques ou des raisons sectaires
– en Syrie comme dans d’autres pays qui ont connu le Printemps arabe
– fournissent un appui politique et financier aux groupes extrémistes.
71. Pour notre part, nous devrions contribuer à l’unité de la
communauté internationale, offrir un soutien inconditionnel au plan
de paix de Kofi Annan et appuyer tous les efforts déployés aussi
bien au plan international que national, aux fins de bâtir une nouvelle
Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’homme
et des droits des minorités ethniques et religieuses. Voici le principal
défi auquel nous sommes confrontés, et la tâche ne s’annonce pas
aisée.
72. A cet égard, je tiens à souligner l’importance du facteur
temps. Comme le disait l’ambassadeur Nassif Hitti, directeur de
la Mission de la Ligue des Etats arabes, à la commission des questions
politiques et de la démocratie, le 14 mars à Paris, ce qui aurait
pu être fait il y a six mois encore n’est plus envisageable aujourd’hui
et ce qu’il est possible de réaliser aujourd’hui ne le sera plus
dans six mois.
73. Il convient bien entendu de ne pas occulter la nécessité de
rendre justice: les crimes contre l’humanité ne peuvent rester impunis,
quels qu’en soient leurs auteurs, comme l’indiquait déjà l’Assemblée
en octobre 2011. Les crimes doivent faire l’objet d’enquêtes et
les auteurs être traduits en justice. La Cour pénale internationale
aura certainement un rôle important à jouer dans ce contexte.