1. Introduction
1. Les migrants roms
vivent des temps difficiles:
la discrimination et le racisme auxquels ils ont toujours dû faire
face existent encore et se développent même. Le rapport du Groupe
d’éminentes personnalités
affirme à juste titre que la montée
de l’intolérance à l’égard des migrants et d'autres personnes perçues
comme des étrangers constitue l’une des principales menaces qui
pèsent sur la cohésion sociale en Europe. Les Roms sont cités à
titre d’exemple particulièrement saillant.
2. D’une part, les Roms sont notoirement victimes de discrimination,
de persécutions et de violences dans les Etats membres du Conseil
de l'Europe
.
D'autre part, les responsables politiques, les décideurs et les médias
font très souvent une mauvaise publicité aux migrants. Ces deux
phénomènes cumulés, les migrants roms sont doublement stigmatisés.
En tant que tels, ils méritent que nous leur accordions une attention particulière.
3. Les débats publics et les reportages des médias sur les Roms
se fondent régulièrement sur une idée fausse des migrations des
Roms; tous les Roms sont fréquemment décrits comme des migrants
en situation irrégulière et des délinquants mais souvent aussi comme
des nomades alors que la majorité d’entre eux est sédentaire. Des
migrants roms, qui sont souvent la cible de la méfiance du public,
ont récemment été expulsés de plusieurs Etats membres.
2. Faire voler en éclat les mythes et
les préjugés
4. Le combat pour l’amélioration
de la situation des migrants roms en Europe se heurte à un obstacle d’importance,
à savoir les préjugés largement répandus et profondément ancrés
dans la population européenne à leur égard.
2.1. Préjugé
n° 1: les Roms sont tous des nomades
5. Le premier réflexe lorsque
l’on pense aux Roms ou que l’on parle d’eux, c’est probablement
de les associer à un mode de vie non sédentaire. Cette image, il
est vrai, n’est pas forcément toujours négative mais elle peut,
certainement, s’avérer erronée.
6. Cinq à vingt pour cent seulement de l’ensemble des Roms sont
des nomades. Selon les statistiques disponibles, sur les 10 à 12 millions
de Roms vivant en Europe, on estime aujourd'hui à seulement 20 %
le nombre de ceux qui mènent une vie itinérante ou semi-itinérante
(pendant l’été,
par exemple), en partie à cause de la disparition du commerce traditionnel
et du fait des programmes de sédentarisation des Roms mis en œuvre
par le passé par les pouvoirs publics, notamment en Europe orientale.
Selon d'autres sources, seuls 5 % de l’ensemble des Roms sont nomades
.
Les communautés roms de tradition nomade existent toujours dans
certains Etats membres, notamment en France, dans les pays du Benelux
et, dans une moindre mesure, en Grèce, en Italie, en Norvège et
en Roumanie. Certaines communautés nomades, qui souvent partagent
les mêmes conditions de vie et sont soumises aux mêmes discriminations,
comme les Yéniches en Suisse et les
Travellers en
Irlande et au Royaume-Uni, sont aussi en cours de sédentarisation
(jusqu’à 80 % des
Travellers irlandais
et des Yéniches suisses sont sédentarisés). Il est également important
d’ajouter que les personnes itinérantes ne sont pas toutes roms
comme c’est le cas, par exemple, de ceux que l’on appelle en France
les «Gens du voyage», terme administratif employé depuis les années
1970, pour désigner à la fois les Roms et d'autres groupes non roms
ayant un mode de vie itinérant
.
Certaines de ces personnes ou groupes traversent les frontières
pendant leurs déplacements saisonniers mais se déplacent aussi au
sein de leurs pays respectifs.
7. Les chiffres parlent d’eux-mêmes; la vaste majorité des Roms
n’est pas nomade. Cependant, le mode de vie de ceux qui sont encore
itinérants mérite d’être protégé car c’est un droit de l’homme,
comme l’a affirmé clairement la Cour européenne des droits de l'homme
.
Pourquoi
une minorité de Roms continue-t-elle à voyager? Les Roms
qui continuent de voyager, que ce soit à l’intérieur des frontières
de leur pays ou par-delà les frontières nationales, le font pour
au moins une ou plusieurs des quatre raisons suivantes: (1) pour
trouver de nouveaux moyens de subsistance à cause de leur exclusion
directe ou indirecte du marché du travail; (2) pour échapper à la
violence ou à la menace de violences; (3) pour suivre les marchés,
les saisons agricoles ou trouver des débouchés pour leurs marchandises;
(4) pour rester en contact avec les membres de leur famille qui,
pour les raisons précitées, peuvent être dispersés dans toute l’Europe.
Certaines de ces raisons correspondent à des choix de mode de vie
mais d'autres, en particulier lorsqu’il s’agit des migrations de Roms
généralement sédentaires, correspondent à la fois à des «facteurs
d’attraction», semblables à ceux qui caractérisent tous les migrants
(possibilités d’emploi, recherche d’un niveau de vie supérieur,
etc.), et à des «facteurs d’incitation» propres aux Roms. Citons
parmi les exemples récents, mais en aucun cas inédits, l’expulsion des
habitants du site de «Dale Farm» au Royaume-Uni en 2011, l’expulsion
des Roms et des Gens du voyage en France pendant l’été 2010, l’incendie
volontaire de camps de Roms à Ponticelli, près de Naples, en Italie,
les violences contre les Roms en Europe centrale, notamment à la
fin de l’année 2011 en Bulgarie comme l’a signalé, entre autres,
le Centre européen des droits des Roms, ainsi que la déplorable
situation économique de certains Roms en Roumanie, en Bulgarie et
au Kosovo, à laquelle s’ajoutent une discrimination générale et
des menaces de violence.
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2.2. Préjugé
n° 2: tous les Roms viennent de l'étranger
8. Soyons clairs: les Roms font
partie de la société européenne depuis environ sept cents ans. Une écrasante
majorité de Roms ont la nationalité du pays dans lequel ils vivent.
Le fait que les Roms sont parfois perçus comme des étrangers montre
bien qu'ils sont l'objet de malentendus et de préjugés largement répandus.
9. Chaque année, il semble qu'un pays ou un autre, voire plusieurs,
s'illustrent par des réactions hostiles aux migrants roms, que ce
soit le fait des pouvoirs publics, de responsables politiques, de
la population dans son ensemble ou d'une combinaison de ces différents
acteurs. Les médias sont prompts à colporter les nouvelles et il
n'est pas surprenant que les Roms soient souvent perçus comme des
étrangers par des personnes qui n'ont guère affaire à eux si ce
n’est lorsque les questions de migration font les gros titres de
la presse.
10. Il est presque impossible d'obtenir des données statistiques
fiables sur les migrations des Roms bien que certains pays donnent
effectivement des estimations. En Autriche, on pense que, sur les 20 000 à 30 000 Roms
estimés, les cinq sixièmes sont des migrants, tandis qu'en Allemagne
et en Italie, ce pourcentage atteindrait jusqu'à 50 % du chiffre
présumé de 120 000 à 160 000 Roms présents sur le territoire. Or,
sous l'angle des pourcentages, ces pays sont ceux qui abritent les
plus grandes communautés de Roms nés à l'étranger ou de parents
étrangers. Toutefois, il s'agit d'exceptions. En outre, il faut
garder à l'esprit que la proportion de Roms par rapport à l'ensemble
de la population de ces pays est faible (0,3 % en Autriche, 0,12 %
en Allemagne et 0,23 % en Italie)
. Dans certains pays,
et notamment dans ceux où ils représentent un fort pourcentage de
la population, comme en Bulgarie (plus de 10 %) ou en Roumanie (plus
de 8 %), les Roms, dans leur grande majorité, ont la nationalité
de leur pays de résidence.
Migrations
récentes des Roms. Un grand nombre d'entre eux ont fui
les guerres qui ont fait rage dans l'ex‑Yougoslavie dans les années
1990, au Kosovo en 1999 et en 2004. Puis, lorsque dix pays d'Europe
centrale et orientale sont devenus membres de l'Union européenne,
en 2004, de nombreux Roms ont immigré en Europe occidentale à la
recherche d'une vie meilleure. Ils l'ont fait à l’instar d’un grand
nombre de personnes non roms d'Europe de l'Est qui ont émigré vers
l'Europe de l'Ouest en quête de perspectives d'avenir. Lors de l'adhésion,
en 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne,
de nombreux Roms ont quitté ces deux pays. Ils se sont rendus majoritairement
dans les pays de langue latine, notamment la France, l'Italie et
l'Espagne. La Russie est également un pays de destination pour les
migrants roms. Certains pays sont des pays à la fois d'émigration
et d'immigration comme la République tchèque d'où de nombreux Roms
émigrent vers le Royaume-Uni mais aussi où immigrent des Roms de
la République slovaque voisine et de la Roumanie.
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Asile.
Selon le HCR, au premier semestre de 2011, la Serbie se situait
au 3e rang des pays d'origine des demandeurs
d'asile avec 10 300 demandes déposées. La France, l'Allemagne et
la Belgique réunies ont reçu les deux tiers des demandes d'asile
présentées par des citoyens de Serbie. La plupart de ces demandeurs
d'asile sont probablement des Roms. De 2008 à 2010, de nombreux
Roms ont quitté la République slovaque, la République tchèque et
la Hongrie à la suite de violences contre la population rom. Etant
donné que les règles de l'Union européenne relatives à l'asile ne
permettent pas d'accorder aux Roms fuyant les violences perpétrées
contre eux dans un Etat membre de l'Union européenne le statut de
réfugié dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, ces personnes
ont choisi d'aller dans un pays plus lointain, plus précisément
au Canada où un grand nombre d'entre eux s’est vu accorder l'asile.
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2.3. Préjugé
n° 3: les migrants roms sont tous illégaux
11. Le discours public et les reportages
des médias ont tendance à établir un lien entre les Roms et la criminalité
tout comme le lien souvent établi entre les migrants et la criminalité.
La plupart des migrants roms se déplacent dans le cadre de leur
droit à la libre circulation inscrit dans la législation communautaire.
Certains d'entre eux n'ont pas de papiers d'identité parce qu'ils
sont apatrides (voir ci‑dessous).
12. Criminalisation des migrations: il n'y a pas de migrant légal
ou illégal. Le séjour non autorisé, même lorsque la personne concernée
refuse de se soumettre à un mandat d'expulsion, ne doit pas être
considéré en soi comme une infraction pénale
.
13. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe
a souligné la tendance en Europe à ériger en infraction pénale les
migrations irrégulières. Dans son point de vue de 2008 sur la criminalisation
des migrations, le Commissaire a affirmé que: «Une telle méthode
de maîtrise des déplacements internationaux porte atteinte aux principes
établis du droit international. Elle est aussi à l'origine de nombreuses
tragédies humaines sans pour autant atteindre sa finalité qui est
de maîtriser réellement l'immigration.» Concernant les migrants
roms, les stéréotypes liés à la criminalité s'ajoutent les uns aux
autres, premièrement parce qu'ils sont migrants et deuxièmement
parce qu'ils sont roms.
14. Dans un document thématique de 2010 sur la criminalisation
des migrations en Europe
,
le Commissaire souligne un certain nombre de conséquences négatives,
non seulement pour les individus concernés, mais aussi pour les
groupes d'immigrés dans leur ensemble. Comme l'affirme le Commissaire, «tout
immigré devient suspect» et, de la même façon, tous les Roms, qu'ils
soient migrants ou non, deviennent à leur tour suspects.
Mendicité.
Le grand public a tendance à associer les migrants roms à la mendicité.
De manière générale, cette question est très sensible et soulève
des problèmes sociaux, politiques et moraux.
Si la
mendicité est sanctionnée, l'application des règles doit être conforme
à l'Etat de droit et aux obligations internationales en matière
de droits de l'homme. Il est important d'avoir des garanties juridiques
et ces garanties doivent être adaptées aux personnes qui n'ont que
peu de moyens de défendre leurs droits. On relève l'existence de problèmes
concernant l'application de la législation anti-mendicité et la
façon dont elle serait appliquée aux Roms dans certains pays, notamment
en Suisse, au Luxembourg et en Autriche.
La Directive
2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne
sur la liberté de circulation, telle qu'elle est interprétée par
la Cour de justice de l'Union européenne, ne considère pas la mendicité
comme une raison suffisante pour expulser une personne. Toutefois,
au‑delà de la période de trois mois pendant laquelle tout citoyen
de l'Union européenne a le droit de séjourner dans un autre Etat
membre de l'Union européenne, la personne en question est tenue
de faire la preuve qu'elle dispose de ressources suffisantes afin
de ne pas devenir une charge pour l'assistance sociale de l'Etat
membre d'accueil. Or, la mendicité peut être considérée comme la preuve
d'un manque de ressources suffisantes et donc justifier l'expulsion.
(Sources: Le Matin, 6 novembre 2008 et TSRInfo,
21 mai 2008; Chachipe, www.woxx.lu/id_article/5039 et Der Standard,
18 octobre 2011).
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Traite.
«Breaking the silence», un rapport de 2011 du Centre européen des
droits des Roms et de l’ONG «People in need», affirme que s'agissant
des migrants roms, les politiques d'expulsion sont contraires au
but de prévention et de réduction de la traite et accentuent plutôt
la vulnérabilité des Roms à de telles pratiques. La traite des êtres humains
n'explique pas les migrations des Roms qui sont dues en grande partie
à la pauvreté structurelle, à la marginalisation et à la discrimination.
Le rapport révèle que la traite des Roms est réellement un sujet
de préoccupation mais qu'il y a une absence presque totale de données
et de politiques efficaces pour prévenir la traite dans les communautés
roms.
Compte tenu de leur situation vulnérable en
termes d'exclusion, de discrimination et de pauvreté, les Roms sont touchés
de manière disproportionnée par la traite des êtres humains. Une
étude menée en 2010 indique que les Roms constituent de 50 % à 80 %
des personnes victimes de la traite en Bulgarie, jusqu'à 70 % dans
certaines régions de la République tchèque, 40 % au moins en Hongrie,
près de 50 % en Roumanie et au moins 60 % en République slovaque.
68 % des Roms victimes de la traite interrogés au cours de l'étude
avaient été emmenés dans un autre pays de l'Union européenne tandis
que 32 % avaient été emmenés dans un autre lieu du territoire national. 20 %
des personnes interrogées étaient mineures au moment où elles ont
été victimes de la traite.
Les Roms sont soumis à
la traite pour diverses raisons dont l'exploitation sexuelle, l'exploitation
de leur force de travail, l'esclavage domestique, le trafic d'organes,
l'adoption illégale et la mendicité. Les femmes et les enfants roms
sont les plus représentés, quel que soit l'objet de la traite. Les
facteurs de vulnérabilité recensés dans l'étude sont étroitement
liés à ceux qui sont généralement associés aux victimes non roms
de la traite, ce qui, selon le rapport, montre qu'il n'y a pas de
«facteur de vulnérabilité» propre aux Roms et que la traite n'est
pas une «pratique culturelle» chez les Roms.
Dans
le cadre de ses évaluations par pays, le Groupe d’experts du Conseil
de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA)
examine dans quelle mesure les communautés roms sont touchées par
la traite (voir par exemple le rapport du GRETA sur la Bulgarie
(GRETA (2011)19).
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3. Responsables
politiques, médias et «discours sécuritaire»
15. A propos des préjugés, je voudrais
souligner que le rôle des responsables politiques et des médias
est
capital pour l’amélioration de l'image des Roms et des migrants
roms dans l'opinion publique. Une connaissance exacte et une bonne
compréhension des faits sont essentielles pour lutter contre les
préjugés à l'égard des Roms en général et des migrants roms en particulier.
Trop souvent dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, les
personnalités publiques dans leurs déclarations ou les médias dans
leurs reportages tiennent des propos dangereux et établissent un
lien généralisateur entre les Roms, les migrants et la criminalité,
aggravant ainsi les idées fausses, les stéréotypes et les préjugés
qui existent déjà concernant les migrants roms.
16. En 2010, l'Assemblée a adopté la
Résolution 1760 (2010) «La montée récente en Europe du discours sécuritaire
au niveau national: le cas des Roms»
. Le rapport souligne
l'importance d'établir dans le discours politique une distinction
claire entre les individus qui ont commis des infractions et des
groupes entiers de personnes tels que les Roms ou toute autre minorité,
y compris les migrants. Il donne des exemples de déclarations faites
par des personnalités politiques au Danemark, en Italie et en Suède
dans lesquelles les Roms migrants sont présentés comme une menace
pour l'ordre public. La place des Roms dans le discours sécuritaire
est aussi clairement illustrée par les déclarations de responsables
politiques français en rapport avec les expulsions de France dont
les Roms ont fait l'objet en 2010 et par plusieurs déclarations
de dirigeants italiens au cours de ces dernières années
.
17. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) est particulièrement préoccupée par la question et, dans
sa Recommandation de politique générale no 13
sur la lutte contre l'antitsiganisme et les discriminations envers
les Roms, elle a notamment recommandé aux gouvernements des Etats
membres de lutter contre l'antitsiganisme exprimé dans les médias.
Dans sa déclaration de 2012 sur la montée de l'antitsiganisme et
de la violence raciste envers les Roms en Europe, le Comité des
Ministres exprime «sa profonde inquiétude face à la montée de l'antitsiganisme,
de la rhétorique antirom et des agressions violentes contre les
Roms»
.
4. La
situation particulière des migrants roms en Europe
18. J'ai décidé de me concentrer
sur quatre problèmes particulièrement préoccupants: la discrimination ciblée
spécialement sur les migrants roms, le nombre disproportionné de
Roms apatrides, les récentes politiques d'expulsion des migrants
roms dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe et les migrations des
Roms des Balkans occidentaux vers les pays de l'Union européenne
à la suite de la libéralisation du régime des visas.
19. Dans un souci de concision du présent rapport, j'ai choisi
de ne pas décrire le cadre juridique international concernant les
migrations des Roms; il l'a déjà été amplement dans l'étude précitée
sur «Les récentes migrations des Roms en Europe», publiée par le
Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et le haut‑commissaire
de l'OSCE pour les minorités nationales.
4.1. Questions
de discrimination
20. Les Roms en général et les
migrants roms en particulier sont victimes d'une discrimination
raciale directe ou indirecte dans toutes ses dimensions sociales,
dont l'accès à l'éducation, aux soins de santé, à l'emploi et au
logement. Il y a tout d'abord des cas de discrimination déguisée
contre les Roms qui, sur le point d'émigrer, ont été empêchés de
pénétrer sur le territoire d'un pays européen
. En outre, les
Roms d'un pays donné peuvent se voir accorder une protection en
tant que membres d’une minorité nationale tandis que les Roms qui
vivent dans le même pays en tant que migrants ou personnes apatrides
risquent de ne pas bénéficier de la même protection.
21. Education – Comme de nombreuses études le soulignent, en particulier
dans le rapport récent de l'Assemblée sur la situation des Roms
en Europe, les Roms font l'objet d'une discrimination scandaleuse s'agissant
de l'accès à l'école. Dans plusieurs Etats membres du Conseil de
l'Europe, les enfants roms «soit […] sont victimes de ségrégation
et mis dans des classes réservées aux Roms, abusivement considérés comme
inadaptés aux classes normales (et casés dans des écoles pour enfants
handicapés) soit – pire – […] ne peuvent tout simplement pas être
scolarisés»
. Cette citation du
rapport de l'Assemblée montre la gravité du problème.
22. Toutefois, de nombreux Roms émigrent avec l'espoir de donner
à leurs enfants un meilleur accès à l'éducation. Malheureusement,
leurs espoirs ne se réalisent pas toujours. Même si l'instruction
est gratuite et obligatoire au moins pour les enfants jusqu'à l'âge
de 16 ans dans la plupart des pays de destination, la fréquentation
scolaire des enfants roms reste faible. Selon des informations provenant
de Médecins du Monde, de nombreux enfants roms abandonnent l'école
rapidement, à cause soit d'une expulsion, soit de l'instabilité des
conditions de logement et de la nécessité de se déplacer. Parmi
les autres obstacles à l'accès à l'éducation, il faut citer les
nombreuses formalités à remplir pour inscrire un enfant à l'école,
les frais de scolarité (la cantine, les transports, les fournitures,
par exemple) et le problème de la langue. Dans le cas de la France,
Médecins du Monde souligne que le nombre de migrants roms inscrits
à l'école primaire augmente mais que la situation reste problématique
dans l'enseignement secondaire et plus préoccupante encore, de manière
générale, pour les filles roms.
23. La situation des Roms qui ont émigré vers un autre pays et
retournent ensuite dans leur pays d'origine, après avoir été expulsés
par exemple, mérite une attention toute particulière. L'accès à
l'éducation semble être encore plus difficile qu'avant le départ
car se posent des problèmes liés à la nécessité de présenter des
papiers attestant la scolarisation de l'enfant.
24. Soins de santé – La situation varie selon le statut de l'immigré(e)
rom. Si cette personne est un migrant en situation irrégulière ou
sans papiers, elle peut généralement bénéficier des soins de santé
d'urgence. Certains pays vont au‑delà en dispensant certaines formes
de soins de santé secondaires mais, même dans ces pays, les obstacles
concrets auxquels se heurtent les migrants pour se faire soigner
sont souvent si grands que ce droit est largement illusoire. Parmi
ces obstacles, il faut citer l'ignorance du fonctionnement du système de
santé, la discrimination opérée par les médecins privés, le manque
de papiers, la crainte d'être signalé aux autorités et notamment
à la police, l’emplacement des hôpitaux et des dispensaires, etc.
25. Le taux de vaccination des migrants roms est également un
sujet d'inquiétude tant pour les Roms que pour la société dans son
ensemble. Souvent, les carnets de vaccination sont peu renseignés,
lorsqu'ils existent, et des efforts sont nécessaires pour faire
en sorte que les informations sur les vaccinations antérieures soient
disponibles. Enfin, il faut signaler que les Roms de l'Union européenne
qui émigrent dans un autre pays de l'Union européenne devraient
être couverts par la carte européenne d'assurance maladie mais que
beaucoup d'entre eux ne le sont pas parce qu'ils n'ont pas d'assurance
maladie dans leur pays d'origine.
26. Emploi – L’étude sur les migrations des Roms en Europe relève
que de nombreux Roms qui ont émigré d’un Etat membre de l’Union
européenne vers un autre où ils ont réussi à s’installer l’ont fait
grâce à un emploi indépendant ou à la prestation de services ou
bien parce qu’ils sont allés là où le degré de tolérance générale vis-à-vis
de l’emploi dans l’économie grise est plus élevé. Toutefois, dans
certains pays comme la France, des mesures transitoires restreignent
l’accès des ressortissants de la Roumanie ou de la Bulgarie au marché
du travail. Dans de nombreux pays, les migrants roms finissent par
travailler illégalement dans des domaines tels que le recyclage,
le ramassage des ordures, le bâtiment, la collecte de métaux, les
emplois saisonniers (principalement dans l’agriculture), l’entretien
et comme musiciens de rue, ou dans la mendicité.
27. Logement – Les mauvaises conditions de logement des Roms et
des migrants roms ont été largement décrites aussi bien dans les
médias que dans les rapports institutionnels. En Italie, en France,
en Grèce et ailleurs, les migrants roms vivent principalement dans
des camps, parfois autorisés, la plupart du temps tolérés ou interdits.
Ces camps n’ont pas toujours l’infrastructure nécessaire tant en
termes d’hygiène que de sécurité. Certains Roms ont la possibilité
de vivre dans des logements loués; c’est notamment le cas au Royaume-Uni.
28. Selon les informations que Médecins du Monde m’a fournies,
il n’existe pas en France de politique nationale concernant l’hébergement
des migrants roms. Ces derniers peuvent, en principe, résider dans
des zones spécialement conçues pour accueillir les Roms et les Gens
du voyage. Toutefois, il existerait une vive concurrence entre les
Roms nationaux et les migrants roms et, en général, les perdants
sont les seconds. Ils séjournent, par conséquent, dans des lieux
où, souvent, ils n’ont pas accès à l’eau, ni à l’électricité et
vivent dans des conditions d’hygiène déplorables
. Certaines
bonnes pratiques sont mises en place au niveau local (comme à Nantes
où des organisations non gouvernementales (ONG) travaillent avec
des organismes publics pour aider les familles à trouver un appartement).
Aux Pays-Bas, où la majorité des Roms vivrait dans une maison, se
pose un problème particulier concernant les Roms apatrides. Etant
donné qu’ils n’ont pas droit aux services sociaux, ils ne peuvent
pas obtenir de logement et la plupart d’entre eux vivent chez des
membres de leur famille ou des amis, ce qui engendre un surpeuplement
et des plaintes de la part des voisins. En Italie, les conditions
de logement des migrants roms ont été régulièrement dénoncées par
le Commissaire aux droits de l'homme comme étant d’un niveau inacceptable,
complètement inappropriées et représentant un sérieux risque pour
la santé
.
29. Le Comité européen des Droits sociaux a constaté notamment
des violations de l’article 19 de la Charte sociale européenne révisée
(Droits des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection
et à l’assistance) en invoquant la ségrégation et les mauvaises
conditions de vie dans les campements et les sites de halte
. Dans ce contexte, la Recommandation Rec(2005)4
du Comité des Ministres relative à l’amélioration des conditions
de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe est tout à
fait pertinente.
4.2. Apatridie
30. Le fait de n’être reconnu par
aucun Etat comme son ressortissant engendre des problèmes de discrimination
et d’accès au logement, à l’éducation, aux soins médicaux et à l’emploi.
Il aggrave les problèmes auxquels se heurtent les personnes qui
ont déjà tendance à être socialement vulnérables. Il est, à mon
sens, très préoccupant de constater que les Roms apatrides ne sont
souvent pas reconnus officiellement en tant que tels par les autorités
de leur pays de résidence (qui prétendent plutôt qu’ils sont de
«nationalité inconnue») et sont donc privés de la protection et
des droits accordés aux personnes apatrides.
31. En Europe, on estime à 680 000 le nombre de personnes apatrides
parmi lesquelles un nombre indéterminé de Roms. Pour diverses raisons,
les Roms ont parfois hérité de cette apatridie de génération en génération
du fait de l’absence d’enregistrement à la naissance. Cette situation
peut être due à la méconnaissance de l’importance du registre d’état
civil, associée à des obstacles concrets à la déclaration des naissances
et au fait que les femmes roms peuvent choisir d’accoucher chez
elles
.
32. Un certain nombre de personnes sont également devenues apatrides
suite à l’éclatement de l’Union soviétique, de l’ex-Yougoslavie
et de la Tchécoslovaquie. Des membres de la société civile signalent
qu’en Russie, où vivent entre 450 000 et plus d’un million de Roms,
ces derniers se sont vu refuser, après l’effondrement de l’Union
soviétique, la possibilité d’échanger leur passeport soviétique
contre un passeport russe
.
En République tchèque, en Slovénie et dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», les Roms sont devenus apatrides à la suite de l’introduction
de nouvelles règles concernant la naturalisation, bien que la nouvelle
législation ait amélioré la situation. En Bosnie-Herzégovine, au
Monténégro ou au Kosovo, l’apatridie des Roms est due davantage
au déplacement et à la destruction ou disparition des registres
d’Etat civil qu’aux effets de la nouvelle législation.
33. Il y a aussi beaucoup de Roms apatrides en Europe de l’Ouest.
De nombreux Roms qui ont quitté l’ex-Yougoslavie pour l’Italie vivent
toujours en Italie sans avoir la nationalité italienne, ni aucune
autre. Leurs descendants qui ont vécu en Italie toute leur vie sont
au nombre d’environ 15 000 et sont de fait apatrides
. En outre, Médecins
du Monde estime que les Pays-Bas comptent plus d’un millier de Roms
apatrides qui transmettent leur apatridie à leurs enfants nés aux
Pays-Bas
.
34. Plusieurs textes internationaux visent à réduire et à prévenir
les cas d’apatridie, dont la Convention du Conseil de l'Europe sur
la nationalité et sur la prévention des cas d’apatridie en relation
avec la succession d’Etats (STCE no 200),
la Convention de 1954 des Nations Unies relative au statut des apatrides
et celle de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.
35. La Déclaration de Zagreb du 27 octobre 2011, adoptée par la
Conférence sur l’octroi de papiers d’identité et l’enregistrement
civil dans l’Europe du Sud-Est, a mis en lumière quelques mesures
concrètes qui pourraient être prises pour régler le problème de
l’apatridie, dont des activités coordonnées entre les autorités et
la société civile, le recours à des équipes mobiles à des fins de
prise de contact et d’enregistrement, des campagnes de sensibilisation
sur la nécessité de déclarer les naissances, et l’explication des
procédures pour les personnes directement concernées. Au final,
le règlement du problème de l’apatridie dépendra largement de la
volonté politique de prendre la décision de faciliter la naturalisation
des personnes apatrides.
4.3. Examen
des politiques récentes d’expulsion dans les Etats membres
36. Les Roms ont été déplacés ou
chassés tout au long des siècles mais, ces dernières années, la
mobilité s’est accrue et la mise en œuvre des mesures de retour
forcé est devenue plus stricte. La liste des situations que je dresse
ci-après n’est pas exhaustive mais donne quelques exemples de politiques
d’expulsion appliquées aux migrants roms dans plusieurs Etats membres
du Conseil de l'Europe. Le Comité européen des Droits sociaux a
conclu, à plusieurs reprises, à une violation des dispositions de
la Charte sociale européenne révisée en invoquant des expulsions
collectives de fait de migrants appartenant aux communautés des
Roms et des Gens du voyage.
4.3.1. France
37. Pendant l'été 2010, la France
a été le théâtre d'événements qui ont attiré l'attention de la communauté internationale
sur les politiques d'expulsion concernant les migrants roms
. Les autorités françaises
avaient, cependant, déjà commencé à rapatrier des Roumains et des
Bulgares supposés appartenir à la communauté rom. En 2008, 9 178 Roumains
(90 % environ) et Bulgares ont été expulsés de France. Quelque 11 000 Roumains
et Bulgares ont été reconduits à la frontière en 2009 (alors que,
pour la même période, le nombre total de reconduites à la frontière
de tous les autres pays de l'Union européenne s'élevait à 580 citoyens).
En 2010, 13 241 Roumains ou Bulgares ont été refoulés de France.
Il n'existe pas de statistiques officielles mais il semble bien
que la grande majorité des Roumains et Bulgares expulsés de France
étaient des Roms.
38. En avril 2011, le Conseil d'Etat de la France a jugé qu'une
circulaire d'août 2010 opérait une discrimination illégale contre
les Roms car «l'objectif (…) de protection du droit de propriété
et de prévention des atteintes à la salubrité, la sécurité et la
tranquillité publiques n'autorisait pas [le ministre de l'Intérieur]
à mettre en œuvre (…) une politique d'évacuation des campements
illicites désignant spécialement certains de leurs occupants en
raison de leur origine ethnique»
.
39. En juillet 2011, Human Rights Watch a conclu que le programme
français d'expulsions s'était poursuivi sans interruption depuis
l'automne 2010, 4 700 nouvelles expulsions ayant eu lieu au cours
du premier trimestre 2011
.
En juin 2011, une nouvelle législation a été adoptée pour faciliter
les expulsions, y compris pour séjours de courte durée répétés en
France, et concernant la mendicité et l’occupation de terrain
.
40. Dans le cadre de la procédure de renvoi dans leur pays des
migrants de Roumanie et de Bulgarie, les autorités françaises ont
également appliqué une politique qualifiée de «retours humanitaires»
qui vise à accélérer les expulsions. Selon ce dispositif, une personne
accepte de quitter le pays contre une aide d'un montant de 300 €
pour un adulte et de 100 € pour un enfant. Une grande majorité des
Roms bulgares et roumains – 84 % de ceux renvoyés dans leur pays
au cours de l'année 2010 – ont opté pour cette solution qui a été
taxée de moyen de contourner les mécanismes de protection juridique.
En 2008, 10 191 ressortissants d'un pays de l'Union européenne ont
quitté la France au titre de ce dispositif; 9 178 d'entre eux étaient roumains
(environ 90 %) et bulgares (près de 10 %). Pour les autorités françaises,
l'inconvénient de ces «retours humanitaires» est que, s'appuyant
sur le droit communautaire, les personnes expulsées peuvent revenir
théoriquement le jour même de leur expulsion.
41. Selon le Commissaire aux droits de l'homme, les opérations
de retour s'accompagnent parfois d'opérations policières intimidantes,
voire abusives, d'évacuations forcées et de confiscation des papiers d'identité
jusqu'à l'arrivée des «rapatriés» dans leur pays d'origine
.
42. Les tribunaux français ont annulé plusieurs décisions d'expulsion.
Par exemple, le 27 août 2010, le tribunal administratif de Lille
a invalidé une décision relative à l'expulsion d'une ressortissante
roumaine
. La pratique
varie toutefois considérablement d'un tribunal à l'autre en France
; il faut souligner que du fait
de la vulnérabilité des personnes concernées et de l'absence de
garanties, peu d’affaires sont susceptibles d'être portées devant
les tribunaux.
4.3.2. Italie
43. Environ 150 000 Roms et Sintis
vivent en Italie, et la moitié d'entre eux sont des citoyens italiens.
On estime entre 20 % et 25 % la proportion de ceux qui viennent
d'autres Etats de l'Union européenne (principalement de Roumanie),
les autres étant originaires de pays non européens ou apatrides (principalement
de l'ex‑Yougoslavie).
44. Fin décembre 2007, on a signalé le renvoi d'Italie de plus
de 1 000 personnes ainsi que la destruction d'au moins 1 000 foyers
de Roms et l'expulsion des habitants dans la seule ville de Rome.
Depuis lors, plusieurs lois ont été adoptées pour faciliter les
expulsions, y compris de ressortissants de l'Union européenne; apparemment,
elles visent plus particulièrement les Roms de Roumanie.
45. Le Comité européen des Droits sociaux s'est dit particulièrement
préoccupé par ces expulsions jugeant que les «mesures de sécurité
contestées montrent qu'en réalité le dispositif “emergenza rom”
permet de procéder, en des termes identiques dans l'absolu, à ces
expulsions collectives»
. Le Comité a estimé
que l'expulsion des Roms était contraire à la Charte sociale européenne
révisée. Le 16 novembre 2011, le Conseil d'Etat a annulé le décret
de 2008 «emergenza rom» ainsi que tous les actes et décisions pris
en vertu de ce décret.
4.3.3. Allemagne
46. Dans son rapport sur les demandeurs
d'asile roms en Europe, l'Assemblée a signalé la situation difficile des
demandeurs d'asile roms du Kosovo dont un grand nombre vit en Allemagne
depuis 1999 ou 2004 avec des enfants nés et élevés en Allemagne.
Le rapatriement forcé au Kosovo pose trois problèmes principaux:
le déracinement des enfants, le manque de perspectives pour les
Roms retournant au Kosovo et le risque d'être en butte à la discrimination
et à la violence de la population majoritaire.
47. A la fin du premier semestre de 2009, près de 14 400 personnes
originaires du Kosovo figuraient dans la catégorie des personnes
à renvoyer dans leur pays. Parmi elles, on comptait environ 9 800 Roms, 1 700 Ashkhalis
et 173 Egyptiens. A la fin de 2009, le Commissaire aux droits de
l'homme a appelé la chancelière allemande à suspendre tous les renvois
de Roms vers le Kosovo du fait de l'incapacité du Kosovo à assurer
leur réintégration et des difficultés qu'ils rencontreraient dans
le pays. Toutefois, les retours, y compris les retours forcés, se
sont poursuivis depuis lors. Au début de l’année 2011, quelque 10 200 personnes
qui devaient être renvoyées au Kosovo, dont 7 000 Roms, vivaient
toujours en Allemagne.
48. Les experts soutiennent que nombre de rapatriés sont des personnes
vulnérables; elles ont vécu en Allemagne pendant une bonne dizaine
d’années, et leurs chances de réintégration au Kosovo sont faibles, voire
nulles. Parmi ces personnes, on compte de nombreux enfants qui,
nés en Allemagne, ne parlent, ni ne comprennent, les langues parlées
au Kosovo. Des projets de soutien («Projets URA») ont été mis en
place pour accompagner la réintégration des Roms au Kosovo; toutefois,
ils seraient insuffisants, limités dans le temps, inappropriés et
incapables de fournir des solutions durables.
49. En Allemagne, les Roms du Kosovo ont la possibilité de légaliser
leur séjour sous certaines conditions dans le cadre de ladite réglementation
relative aux séjours de longue durée. Cependant, il est souvent
difficile pour bon nombre de Roms du Kosovo de satisfaire à ces
conditions. Les experts des questions relatives aux migrations et
aux réfugiés ont salué la réglementation mais continuent de recommander
la recherche d'une solution plus globale pour traiter le problème.
4.4. L'Union
européenne et les Roms des Balkans occidentaux
50. En décembre 2009, les conditions
d'obtention d'un visa de l'Union européenne pour l'entrée de ressortissants
de pays tiers ont été assouplies concernant les Balkans occidentaux.
Il en a résulté une augmentation du nombre de demandes d'asile des
personnes de cette région. En 2010, par exemple, la Suède a reçu
7 900 demandes de personnes venant de Serbie, tandis que l'Allemagne
et la France en ont reçu respectivement 6 500 et 5 800. En 2011,
ces chiffres étaient moins élevés mais presque toutes les décisions ont
été négatives
.
51. L'Union européenne a ensuite introduit une «clause de sauvegarde»
dans le régime de libéralisation des visas pour permettre le rétablissement
des visas en cas de situation d'urgence. La Commission européenne et
les Etats membres ont également exercé des pressions sur les pays
des Balkans occidentaux pour empêcher les demandeurs d'asile de
recourir à la dispense de visa. Cela touche principalement les personnes d'origine
rom car ce sont les plus susceptibles de demander l'asile (sans
succès) dans l'Union européenne. A ce propos, il convient de noter
que l'Union européenne et ses Etats membres soutiennent que la plupart
des demandeurs d'asile – 80 % – sont des Roms
.
52. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe
et des ONG ont relevé que cette situation engendrait aussi d'autres
conséquences. Premièrement, les contrôles de sortie des pays des
Balkans occidentaux sont effectués sur la base du profilage ethnique,
principalement ciblé sur les personnes d'origine rom. Deuxièmement,
les pays des Balkans occidentaux infligent des sanctions aux demandeurs
d'asile déboutés de retour au pays, dont la confiscation temporaire
de leur passeport et, troisièmement, la Commission européenne a
demandé aux pays des Balkans occidentaux de renforcer les contrôles
à la sortie du territoire, et notamment de vérifier si la personne
qui quitte le territoire satisfait aux conditions d'entrée aux termes
du Code frontières Schengen.
53. Ces différentes restrictions suscitent toutes des inquiétudes
concernant les droits de l'homme, compte tenu, en particulier, du
droit de quitter un pays et du fait que les restrictions engendrent
le profilage et le ciblage effectif des Roms.
5. Conclusions
54. Il est simpliste de présenter
la «question rom» comme un problème d'immigration et de sécurité publique.
Les migrants roms se trouvent assis entre deux chaises: ils sont
en butte à la discrimination dans leur pays d'origine et les pays
de destination font tout ce qu'ils peuvent pour les empêcher d'entrer
sur leur territoire. En outre, les dirigeants politiques des pays
d'origine affirment que l'émigration des Roms est préjudiciable
pour le pays mais lorsque les Roms s'en vont, leur pays n'est pas
nécessairement très désireux de les voir revenir.
55. Le défi à relever consiste à susciter un changement de mentalité
afin que les migrants roms soit perçus tels qu'ils sont, c'est‑à‑dire
des personnes ordinaires qui s'efforcent de mener leur vie, souvent
dans des conditions difficiles, et à se débarrasser des préjugés
profondément ancrés dans l'opinion publique selon laquelle les Roms
sont des nomades, viennent de l'étranger et sont en situation irrégulière.
56. Globalement, les Etats ont légitimement intérêt à gérer les
migrations et à s'assurer que le système d'asile n'est pas utilisé
à mauvais escient. Toutefois, la «gestion des migrations» doit satisfaire
aux règles en vigueur, ce qui, actuellement, n'est pas toujours
le cas.
57. Les Roms se heurtent à la discrimination dans toute l'Europe.
Parfois, cette discrimination est telle qu'elle les oblige à se
déplacer pour trouver de meilleures conditions de vie. Parfois,
la discrimination et les persécutions atteignent un tel degré qu'ils
n'ont pas d'autre choix que de demander l'asile. Lorsque nous traitons
les cas de ces migrants et demandeurs d'asile roms, il nous faut
garder à l'esprit leur vulnérabilité et ne pas cristalliser notre
attention sur les préjugés et les stéréotypes beaucoup trop répandus.